Force était de le reconnaître, Poudlard savait se montrer spectaculaire, émergeant comme une ruche du lac noir sur lequel il avait été convié à traverser en compagnie de la nouvelle promotion de premières années britanniques. Une compagnie qui aurait eu quelque chose d’humiliante si la vision du château se détachant dans la nuit n’avait à elle seule suffit à faire oublier tout le reste. Pour trois-quarts englouti, jamais le palais de Koldvstoretz n’était parvenu à lui faire un tel effet et vu de la berge, Poudlard semblait au moins deux fois plus grand, sans parler des domaines attenants.

Dans un mélange d’appréhension et de fascination, il franchit l’immense enceinte du château. C’était une chose que de vanter les ors de la vieilles Russie et la décadence du monde occidentale, mais c’en était une autre que de pénétrer dans la gueule du loup et d’en mesurer la taille des crocs. Quatre à cinq fois plus peuplé que Koldovstoretz, la grande salle faisait l’effet de dégorger de sorciers et s’il avait eut loisir de mesurer – un peu – leur nombre sur les quais de la voie 9 ¾ au départ du train, les voir ainsi par centaines rassemblés autour des bancs de leurs maisons faisait un drôle d’effet. Lors de sa première année en Russie, ils n’avaient été qu’une vingtaine à faire leur rentrée en même temps.

Ce ne fut qu’alors qu’il sentait les regards curieux se poser sur lui – dépassant facilement d’une tête le reste des élèves trois ans plus jeunes que lui – que Nikita réalisa qu’il n’avait pas une seule seconde songé à la maison dans laquelle on l’enverrait. A Koldovstoretz – décidément la comparaison lui venait facilement – le système différait et l’on se spécialisait plus tard, selon les compétences que l’on souhaitait approfondir. Le choix n’avait rien d’une répartition, c’était d’avantage comme de choisir des options.
Ici, la cérémonie d’attribution des maisons revêtait un poids beaucoup plus important. Les quelques anglais avec qui il avait eu l’occasion de discuter avant la rentrée étaient intarissables sur le sujet et le directeur en avait remis une couche façon « votre nouvelle maison sera comme une seconde famille ». Mouais. Ils pouvaient toujours se gratter, franchement : une famille, Nikita en possédait déjà une et clairement elle ne jouait pas dans le même camp. Mais il dissimula ses pensées derrière un voile d’occlumancie et conserva un visage impassible alors qu’on les invitait, à tour de rôle, à prendre place sous le choixpeau magique.

Parce qu’il portait le nom de Yaga, le jeune homme avait l’habitude d’arriver en dernière dès lors qu’on dressait des listes alphabétiques. En cyrillique, c’était littéralement la dernière lettre. Le latin n’arrangeait pas grand-chose et le plaçait en avant-dernier mais puisque personne n’avait eu la bonne idée de porter un nom commençant par un Z, il en fut quitte pour attendre sagement que tout le monde soit réparti avant lui pour obtenir enfin le droit de se présenter face au choixpeau. A ce stade, la moitié de l’école devait déjà en avoir mal aux mains d’applaudir à chaque annonce de maison et se demander quand le dîner commencerait.
Serpentard, Gryffondor, Serdaigle, Poufsouffle. Des noms qui ne lui évoquaient pas grand-chose, sinon les souvenirs vagues de ses cours d’histoire de la magie où on lui avait enseigné par le menu les vies des plus grands magiciens de leurs temps. Ces quatre-là en faisaient partie, pour ce qui était de la Grande-Bretagne, mais lui-même n’avait pas à rougir. Son ancêtre n’était-elle pas l’illustre Baba Yaga, celle qu’on considérait parfois comme la mère de toutes les sorcières ? Et que dire de Grigori Raspoutine, ce mage autodidacte dont le talent avait à lui seul failli renverser l’équilibre de la société sorcière russe, et provoqué une révolution… ?

Porter les couleurs des fondateurs de Poudlard en aurait presque eu quelque chose d’insultant, aucune ne rivalisant à ses yeux avec l’emblème stylisé du Baioun, le sceau des Yaga, ou celui, plus inquiétant, du corbeau à deux têtes des Raspoutine.

Ceci dit, il prit place sur le tabouret malgré tout.

Si le choixpeau avait à chaque fois annoncé les maisons des élèves à haute et intelligible voix, Nikita ne s’était pas attendu à ce qu’il s’adresse à lui dans sa tête et il eut la désagréable impression de revivre ses premiers cours d’occlumancie où, implacables, ses enseignants semblaient capables de lui mettre à nue la cervelle sans qu’il n’ait de moyen de se défendre. Le couvre-chef se révéla cependant moins intrusif, ou du moins s’il le fut, eut l’intelligence de n’en rien montrer. Par réflexe, le jeune homme chercha malgré tout à verrouiller ses pensées…

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1 = parfaitement, le choixpeau n'a accès à rien
2 = pas très bien, mais le choixpeau n'ira pas plus loin que des pensées superficielles
➤ 3 ; 4 ; 5 ; 6 = c'est un artefact trop puissant et ancien pour qu'un adolescent puisse espérer lui résister
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Il fut toutefois presque immédiatement évident que la puissance du choixpeau dépassait ses dons. Ce-dernier sembla même s’en amuser.

- Méfiant… et prêt à me résister, il faut du courage sans aucun doute pour m’affronter à la vue de tous les professeurs… mais tu as tort de te défier de moi, je ne veux que t’aider et ton esprit demeure ton sanctuaire.

Tâchant toujours de faire le vide dans son esprit, Nikita ne répondit rien. Il avait le regard dans le vague, et travaillait au maximum à se vider de toute émotion et de toute pensée pour n’offrir au choixpeau qu’une coquille vide à sonder.

- Ce n’est pas ta tête que j’explore, c’est ton cœur. J’y vois de la bravoure et un certain sens du devoir. J’y vois le désir de plaire et beaucoup, beaucoup d’inconscience.

Bizarrement, cette dernière remarque lui rappela les paroles du Kot Baioun, prononcées sous l'arbre lorsqu'il avait onze ans. Ces deux-là, quoi qu’ils fussent, paraissaient partager un peu de cette franchise énigmatique qui caractérisait semble-t-il les êtres très anciens.

- Gryffondor !! s’écria le choixpeau, manquant de le faire sursauter.

Aussitôt et comme pour tous les autres, la table en question se fendit en applaudissements et acclamations et il sembla même à Nikita avoir vu un bonnet voler. Sans commentaire, le jeune homme se laissa glisser du tabouret et rejoignit la table de ce qui allait vraisemblablement être sa nouvelle maison.
De Gryffondor, il ne pensait pas grand-chose, sinon que dans ses souvenirs, Kenneth – le fils du ministre de la Magie britannique – n’y était pas. Ce-dernier devait se trouver du côté des Poufsouffle, et l’avait probablement déjà oublié, occupé qu’il devait être à retrouver ses amis.

Alors qu’il avait mentalement commencé à sonder les bancs pour se dégotter une place – si possible pas avec les demi-portions de premières années – il saisit au vol le geste d’une jeune fille qui, à voir l’insigne qu’elle arborait à sa robe, se révéla être préfète. Ce n’était pas une mauvaise manière de débuter l’année, s’attacher aux figures d’autorité, et il hocha silencieusement la tête avant de s’installer à la place qu’on venait de lui créer.

- Merci.

Tandis qu’il s’installait, les autres s’étaient mis à commenter le discours du directeur, sur les olympiades scolaires organisées cette année alors que, devant lui, la table se couvrait magiquement de mets appétissants. A Koldovstoretz – oui encore elle – il n’y avait pas d’elfes pour le service, les élèves apprenaient tôt à cuisiner, cela faisait partie de leurs enseignements, mais force fut de constater que jamais les préparations de ses camarades de classe, ou les siennes, n’étaient parvenues à égaler ce qu’il avait là sous les yeux et le nez. Sans aucun doute, cela donnait l’eau à la bouche.

Il avisa rapidement les plats et porta son attention sur des petites tourtes fourrées qui avaient l’avantage de ne pas nécessiter de se contorsionner pour s’arroger une part par-dessus la table. Son couteau en perça la croûte, libérant une fumée aux odeurs d’épices et de fromage.

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@Saige Billington  @Agatha Kline  @Azure Zinnia  @Sarah C. Davenport

Sitôt la première année derrière soi, tout le monde n’était pas la rentrée à Poudlard. Elle était synonyme de reprise de cours et peut-être de drames à venir – c’est au moins ce que l’on pouvait se dire si l’on s’attardait quelques minutes sur une brochure de la Gazette du sorcier – ce qui n’amenait que rarement de bons souvenirs, mais Saige était cette indécrottable rêveuse qui adorait le banquet de début d’année et la répartition. C’était magique et festif (à l’exception de l’année dernière, mais c’était de l’histoire ancienne maintenant) et par-dessus tout, ça lui rappelait à quel point elle avait attendu toute sa vie de quitter l’appartement miteux où elle vivait autrefois avec sa mère pour l’incroyable château. Le seul souci était qu’elle ne pouvait pas emporter avec elle sa console et ses jeux... mais elle avait passé une bonne partie de son été dessus, un peu de changement ne faisait pas mal.

Depuis qu’elle était descendue du train, les jambes un peu engourdies par le trajet assez long et l’estomac calé de bonbons, elle affichait un grand sourire, saluant quelques-uns des camarades qu’elle n’avait pas vu depuis le début de l’été. Elle n’était pas une habituée des voyages scolaires, préférant le confort d’une chambre et l’absence totale de travaux obligatoires – c’étaient des vacances, bon sang, pas un camp de travail pour mineurs délinquants – et y aller signifiait également de louper les meilleures soirées de l’été, comme celles de Kenneth dans les appartements de son ministre de père. Elle avait laissé Zola partir de son côté, vers la table de serdaigle et ses camarades trop sérieux pour elle, pour rejoindre la grande table sous les tentures toutes de rouge et d’or. Azure y était déjà, encore plus enjouée qu’elle, ce qui n’était pas si simple, un insigne brillant sur sa poitrine. Une discrète pointe de jalousie envahit aussitôt l’Écossaise ; ça n’était pas surprenant, Saige était bien la dernière à qui toute personne censée penserait pour le rôle de préfet, mais tout de même, elle aurait bien aimé l’avoir ! Ça ou celui du capitaine de l’équipe de quidditch, mais elle avait loupé les sélections l’année dernière à cause d’une transformation intempestive. « Félicitations pour ton insigne, Azure ! » lâcha-t-elle malgré tout heureuse pour l’adolescente. Avoir une camarade de dortoir comme préfète, ça n’était peut-être pas si mal après tout.

Elle n’eut pas vraiment le temps d’en dire plus ou de lui demander des nouvelles que la cérémonie commençait et qu’une horde d’enfants pénétraient dans la grande salle dans un silence presque religieux. Ça faisait toujours son petit effet que de voir tout ce monde beau monde se terre le temps de la répartition, ne se permettant des acclamations qu’au moment d’accueillir un nouveau compagnon dans l’une des maisons. Avec les années, Saige n’était plus si impressionnée ni passionnée par l’évènement, mais elle trouvait toujours aussi amusant de détailler le regard des élèves de première année effrayés. Parmi eux se tenait d’ailleurs une silhouette plus grande, dépassant de plusieurs têtes la foule des petits nouveaux de l’école. « Psst t’as vu, y’a encore un nouveau d’une autre école. » souffla-t-elle à l’adresse d’Azure. Ou quelqu’un qui avait découvert ses pouvoirs très tard, mais ça n’était pas si courant. Pas autant en tout cas que l’arrivée en cours de scolarité d’étrangers dans leurs rangs. Elle ne fut manifestement pas la seule à noter sa présence plus atypique puisqu’une bonne partie des élèves avaient les yeux rivés vers lui, dans l’attente de connaître sa maison. Le choixpeau, finalement, hurla un « gryffondor ! » rapidement suivi des acclamations de leur table. L’Écossaise le suivit un peu des yeux, ne se faisant pas prier deux fois pour se décaler sur le côté lorsqu’Azure l’incita à laisser un peu de place à l’étranger. Il semblait avoir à peu près leur âge, peut-être vaguement plus jeune. « Avec plaisir. » répondit-elle en souriant alors qu’il s’asseyait à côté d’elle et de la préfète.

Un dernier élève rejoignit une autre maison, et Armitage entama un bref discours, Dumbledore soit loué, avant d’annoncer le début du repas pour le plus grand plaisir de toute l’assemblée. « Je veux bien. » Elle tendit son assiette pour que sa camarade laisse tomber une pizza dedans, puis se tourna vers le garçon. « Tu en veux aussi... ? » Elle hésita. « Pardon, je n’ai pas retenu ton nom. » Il était plutôt mignon, le nouveau. Elle attrapa du jus de citrouille et s’en servit, proposant d’un geste d’en servir aux plus proches par la même occasion. « La préfète, c’est Azure. Et moi, c’est Saige. » entreprit-elle de  se présenter en désignant la brune d’un signe de tête. D’ordinaire, elle ne jouait pas les maîtresses de cérémonie avec les derniers arrivants mais celui-ci était plus intéressants que des gamins de onze ans trop timides. Encore que lui ne semblait pas le plus social du groupe... peut-être qu’il n’était pas très à l’aise avec l’anglais ?

De tous les mystères dont Poudlard regorgeait, il y en avait un que Dmitri peinait encore à comprendre, après quatre années à l’affronter à chaque rentrée : le Poudlard Express – qui n’avait d’express que le nom – était une énigme à lui tout seul, une question pour laquelle il ne semblait être possible de trouver une réponse satisfaisante. Pourquoi ? Pourquoi aller jusqu’au collège de sorcellerie dans un train au confort somme toute très discutable alors que le monde sorcier ne manquait pas de moyens de locomotions plus efficaces ? La première fois qu’il était monté dedans, l’aiglon avait été tout excité : à Prague, les sorciers n’utilisaient pas ce genre d’outils à l’aspect si moldu. Il savait qu’à Londres, le Magicobus était fait du même acabit, une invention mélangeant la magie aux savoirs de ceux qui en étaient dénués – et il était le premier à trouver ça passionnant – là où les sorciers Tchèques ne s’encombraient pas de temps d’outils de ce type. Réseau de cheminettes, transplanage, portoloins et autres systèmes étaient largement suffisants. Alors pourquoi aller à Poudlard en train ? Un train qui n’avait pas grand-chose de magique d’ailleurs, si ce n’était l’accès au quai. L’absurdité était d’autant plus grande que pour Dmitri, il lui fallait transplaner d’Écosse jusqu’à Londres pour monter dans un transport qui le ramenait... en Écosse. Il avait bien demandé, une fois, à Alexander, s’il ne lui était pas possible de simplement se rendre directement dans le collège de sorcellerie avec lui mais il n’y avait vraisemblablement pas de passe-droit possible – pas pour ça en tout cas – et il avait dû se résoudre à passer plusieurs heures dans un wagon tandis que le vieux maître des potions profitait encore très certainement de ses derniers moments loin du chaos de l’établissement scolaire. Il le suspectait même d’être bien content de laisser son petit neveu perdre du temps sur les rails pour être seul quelques heures au manoir.

L’aiglon, lui, n’était pas fâché de pouvoir enfin quitter cette machinerie chaotique ; du fonctionnement du train lui-même aux éclats de rire gras et bruyants des élèves les moins élégants, le bruit dominait de partout, ce qu’il avait toujours trouvé assez agressif. C’était tout le paradoxe de l’adolescent qu’il était : il pouvait se révéler turbulent et violent, animé d’une force qu’il fallait extérioriser de temps à autres, mais il aimait plus que tout le silence et calme tranquille des lieux désertés. Après avoir passé deux mois entiers sur une île où seuls deux humains, un elfe et des tableaux vivaient, le retour à Poudlard était rude. Ça ne le dérangeait pas vraiment, mais il avait l’impression de perdre du temps, temps qui leur était précieux d’autant que la fatigue d’Alexander se faisait de plus en plus visible.

Comme toujours, il lui fallait jouer un peu des coudes pour quitter le quai de Pré-au-Lard sans se laisser emporter par la foule d’élèves. Les petits nouveaux allaient en sens inverse du sien, cherchant à rejoindre le garde-chasse qui les hélait de bien vouloir s’approcher, tandis que tous les autres prenaient la direction des calèches. Cette fois-ci, il se sentit pourtant moins chahuté qu’avant ; malgré sa croissance un peu plus lente que ses camarades du même âge, il avait suffisamment grandi pour lutter sans trop de mal et quelques coups de coudes plus tard, il put se hisser dans une calèche avec @Zeynep J. Özdemir. Les deux ne se quittèrent qu’en arrivant dans la grande salle, chacun rejoignant la table de leur maison respective, non sans avoir parié sur l’identité de leurs nouveaux préfets : il devait le reconnaître, il était un peu déçu – mais pas nécessairement surpris compte tenu de ses faits d’arme – qu’elle n’ait pas héritée d’un insigne. Pour faire suite à Judith et Blaze, les candidats adéquats ne se bousculaient pas au portillon : c’était le problème, chez les serdaigles, la plupart étaient des gens qui passaient le plus clair de leur temps le nez plongé dans des bouquins, dénué du moindre charisme et d’un peu de la verve nécessaire pour être un bon tyran. Parce que c’était bien de ça qu’il s’agissait, non ? Donner un semblant de pouvoir à deux élèves en mal d’autorité qui tentaient, plus ou moins bien, de se donner de grands airs. Assez curieux de voir sur quelles personnes le choix du directeur avait pu se porter, Dmitri laissa machinalement son regard planer sur le poitrail de quelques élèves plus âgés, cherchant un insigne brillant. Il n’aurait guère été capable de dire s’il était déçu ou amusé par celle qui l’arborait : c’était la fille avec laquelle il s’était vaguement disputé, lors du précédent banquet, alors qu’Armitage annonçait le décès de trois personnes qui lui étaient proches. Il se glissa à une place pas très loin d’elle, plus parce qu’il n’y avait pas grand monde que par réel intérêt de sa personne.

Comme toujours, la répartition fut longue et ennuyeuse. Il se moquait éperdument de savoir combien de camarades allaient rejoindre leurs rangs cette année, tout comme il n’avait nul intérêt pour la coupe des quatre maisons, aussi passa-t-il le plus clair de son temps à rêvasser, la tête posée dans la paume de sa main, sans daigner la relever pour saluer les nouveaux arrivants ou les applaudir avec les autres. Seul le discours d’Armitage parvint à le tirer un peu de son monde, comme s’il usait de ces fameuses olympiades comme d’une carotte pour attirer l’attention de l’assemblée. Tiens, pour une fois qu’il n’y avait aucune mauvaise nouvelle à déplorer et un évènement supposément festif !

Aussitôt eut-il fini, les victuailles apparurent, apportant avec elles le brouhaha habituel de la grande salle. Machinalement, l’adolescent reporta son regard vers la nouvelle préfète qui demeurait silencieuse malgré ses nouvelles fonctions ; elle ne fit pas même l’effort d’adresser la parole à quelques élèves de première année.

- Quand il n’y a pas de cadavres sur lesquels danser, tu es beaucoup plus silencieuse, McGregor, persifla-t-il à son attention. Il avait un sourire mauvais sur les lèvres, comme séduit par l’idée de pouvoir prendre sa revanche sans que Blaze ne vienne jouer les trouble-fêtes. Ou le professeur Kendrick.

Dmitri n’était pas d’un naturel très rancunier mais il pouvait se montrer sacrément buté lorsqu’on le privait de la perspective d’une vengeance... sans doute n’aurait-il jamais prêté à nouveau attention à Violet si celle-ci n’avait pas un insigne épinglé sur le torse. Il trouvait insultant qu’elle ait été nommée à la suite de Judith alors même qu’un an plus tôt, jour pour jour, elle manquait de respect à la mémoire – entre autres – de son frère.

- Armitage devait être bien désespéré pour te nommer préfète.

Cette fois-ci, il était moins à fleur de peau : il lui crachait simplement son sel au visage sans sortir sa baguette ou se montrer menaçant, déversant un peu de sa colère d’antan contre une fille qui n’avait sans doute jamais compris combien elle avait pu être blessante par le passé.

- Qui est le malheureux qui va devoir être ton co-préfet ?

Pas Bellingham, a priori, Merlin soit loué.

On n’avait pas menti à Nikita, ses nouveaux camarades de maison se révélèrent immédiatement de bon accueil et même de bonne compagnie. Lui qui avait appréhendé le moment où, immanquablement, deviendrait nécessaire de sociabiliser, il n’avait au moins pas eu à prendre la moindre initiative en ce sens qu’on lui offrait sur un plateau une place, et même une conversation.

Tout en crevant la petite tourte qu’il s’était servi avec le bord de sa cuillère, il laissa promener un regard en coin sur le reste de la tablée de Gryffondor. Il avait échappé aux plus jeunes qui s’étaient stratégiquement mis ensemble en bout de table et, considérant un peu plus attentivement les filles qui l’avaient invité à les rejoindre, la plupart semblaient à vue de nez peu ou proue de son âge – peut-être un peu plus âgée mais comme lui-même n’était pas si petit, cela ne se voyait pas trop.
Alors qu’il avait principalement fréquenté des garçons à Koldovstoretz, cette soudaine plongée dans la sociabilité féminine avait quelque chose d’un peu troublant et tout en portant une première bouchée à ses lèvres, il en vint à se demander si les dortoirs n’étaient pas mixtes ici, une idée tellement incongrue qu’elle ne lui avait jamais effleuré l’esprit, mais qui l’inquiéta soudain. Il détestait être pris par surprise.

S’il avait opté pour de la tourte – english taste – ses camarades semblaient d’avantage portées sur la pizza et quand bien même Nikita se serait volontiers contenté de rester mutique jusqu’à la fin du repas, la fille qui s’était décalée pour le laisser s’asseoir lui proposa une part, engageant la conversation d’un air gentil. Ou de pitié, c’était difficile à savoir.

- Merci, répéta-t-il en hochant la tête avant de tendre son assiette un peu précipitamment à son goût. Fallait pas commencer à se laisser perturber comme ça, mais la situation avait pas mal tendance à le stresser, surtout qu’avec le vacarme ambiant il lui fallait se concentrer pour bien comprendre ce que disaient ses camarades avec leurs accents tranchés et leurs bouches à moitié pleines de nourriture.

- Nikita.

Il laissa promener son regard sur la préfète – Azure, donc – puis sur son interlocutrice, Saige, et hocha de nouveau la tête, comme si ce simple geste pouvait suffire à graver les prénoms dans son esprit. Il avait intérêt à s’en souvenir, ça pouvait être utile.

- Enchanté Saige, ravis de te rencontrer, et toi aussi Azure.

Le ton procédurier était moins dû à une éducation guindée qu’aux formules de politesses idiomatiques qu’il avait appris et répétait dès lors qu’il s’agissait de se présenter à l’ambassade. Il n’avait pas songé qu’elles puissent s’avérer un peu décalées sorties de ce contexte.

A la façon d’un souaffle, la parole fut reprise par une autre fille qui détonnait par son allure. Là où Azure et Saige faisaient adolescente, Agatha avait bien plus des airs de femme. Elle semblait plus âgée – à moins que sa prestance ne la grandisse naturellement – et lorsqu’elle le salua, il sembla au jeune homme déceler une pointe d’accent différent, vaguement plus familier. Sensation concrétisée par les dires de la jeune fille et qu’il fallait donc attribuer à des origines étrangères.

- Oh, répondit-il d’abord, avant de se rappeler que ce n’était pas suffisant pour relancer la discussion. Tu n’es pas d’ici alors ? Je viens de Russie.

Autour d'eux, les autres ne les avaient pas attendus pour embrayer sur le sujet des olympiades qui semblait pas mal faire parler, des bribes de conversations que le jeune homme saisissait au vol. Nikita ne les découvraient pas, son père lui en avait touché un mot avant la rentrée – allez savoir d’où il tenait l’information – l’enjoignant à s’inscrire, un excellent moyen selon lui pour s’intégrer et nouer des amitiés fortes. Sans parler du fait que si Poudlard comptait faire une démonstration de sa puissance magique, une paire d’yeux dans la place ne serait pas du luxe.

- Oui, répondit-il lorsqu’Agatha leur demanda s’ils comptaient participer, avant de se demander si un tel empressement n’était pas suspect venant d’un nouvel élève. Il toussa un peu pour donner le change. Il a parlé des hippogriffes, qu’est-ce que c’est ? Une sorte de balais ? »

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@Saige Billington  @Azure Zinnia  @Agatha Kline

Cette rentrée se faisait sous des hospices quelques peu étranges pour Wenceslas qui se voyait animé d’une sensation assez désagréable. Était-ce le fait de savoir que quelques mètres plus loin se trouvait, assis à la table de son ancienne maison, un garçon qui n’était autre que sa propre chair et son propre sang ? Ou l’existence de ces Olympiades dont Fergal leur avait conté la mise en place pour l’avenir à venir quelques temps plus tôt, lors de cette traditionnelle réunion de pré-rentrée... ou alors le fait que celle-ci ait été un peu différentes de celle qu’il avait connu un an auparavant, sans Thorstein et Siwan, mais avec de nouveaux visages plus ou moins amicaux ? Sans doute que le petit amas de nerf qui siégeait en son corps était la conséquence de tout ceci.

Il n’en avait pourtant rien dit, pas même à Fergal qui, au-delà d’être le directeur de Poudlard – et son supérieur hiérarchique – était un ami fidèle, le plus susceptible sûrement à entendre les réserves du professeur de sortilèges. Il ne lui avait même pas encore parlé de l’existence de Jin Kyung Seo, ou plutôt de l’existence du lien qui les unissait, quand bien même l’idée lui eut traversé l’esprit. Depuis la table du personnel encadrant de l’école, le né-moldu laissa un instant son regard parcourir celle des serpentards. Il y avait trop d’élèves pour qu’il aperçoive du premier coup d’œil son fils biologique mais l’intention était là, comme une volonté de surveiller le garçon.

L’ancien langue-de-plomb resta silencieux quelques minutes après la fin du discours de Fergal, n’écoutant que d’une oreille sa conversation avec la owlmaster. Elle semblait être une femme enjouée et volontaire, une personnalité qui tranchait très certainement avec l’ambiance que cette tablée avec longtemps connue lorsqu’il s’agissait de Kaspaer Sørensen qui en occupait le fauteuil central. Ça n’était pas plus mal, quand bien même certaines vieilles têtes continuaient d’afficher des airs patibulaires, comme le maître des potions et lui-même. La tentation fut trop forte, pourtant, de reposer au bout de deux secondes le verre qu’il avait porté à ses lèvres pour rebondir peu après la dernière remarque d’Openwings – décidément, elle portait bien son nom.

- Je dois avouer être plus dubitatif que vous... mademoiselle Openwings, déclara-t-il d’un ton calme, son visage ne laissant rien transparaître sinon un léger sourire poli de façade.

Devant eux, l’agitation avait commencé à prendre les adolescents qui bavardaient joyeusement, sûrement aussi excités, sinon plus, que sa collègue.

- Je dois confesser un pessimisme maladif à la simple évocation de compétitions comme celles-ci.

Il percevait déjà les premiers ennuis, les accidents... il revoyait le tournoi des trois sorciers, les risques inconsidérés, le corps de Cédric Diggory. Il n’avait guère connu ce garçon, sinon au travers de sa funeste participation, mais tout de même, il y avait de quoi marquer un adolescent.

- Mais le ministère a dû retenir les leçons du passé, je n’en doute pas, reprit-il en se forçant à sourire un peu plus, avant de reprendre son verre pour le lever en direction du directeur. « Je gage que cette compétition apportera beaucoup à nos élèves. »

Comme professeur de sortilèges, ne devait-il pas s’en réjouir ? À nouveau, son regard bifurqua vers la table des serpentards... mais non, ce n’était ni l’heure ni le moment de penser à ça.

Dmitri n’était à vrai dire pas une personne très rancunière mais il était un fervent adorateur du concept de vengeance et il savait se montrer patient lorsqu’il se sentait mu par de tels desseins. La réalité était qu’il se moquait bien de Violet McGregor et de ce qu’elle pouvait dire ou faire le reste du temps, mais la revoir assise à la table des serdaigles avec un insigne de préfète avait attisé ce vieux souvenir qui ne demandait qu’à ressurgir. En outre, la fin de l’été avait insinué en lui quelques tensions dont il ne savait guère se libérer sinon en trouvant un défouloir ; il en avait toujours été ainsi pour lui, un garçon pour qui la violence se révélait être un mode de communication comme un autre et qui, en fin de compte, ne savait pas toujours comment faire sans ses poings.

Tout dans l’expression de la nouvelle préfète lui donnait désormais envie de s’en prendre à elle, quand bien même jusqu’alors il n’avait guère plus de ressentiment à son égard. Elle avait des airs dédaigneux et par son silence, elle se présentait sous un jour hautain qui valait bien, au moins, que quelqu’un la remette à sa place.

Alors qu’elle lui répondait, d’abord très sérieusement puis par une moquerie, le Tchèque laissa son sourire s’étendre un peu sur son visage. Il s’agissait bien plus d’un rictus animé d’un petit quelque chose de mauvais.

- Mon transit va très bien, merci de t’en préoccuper. Il plongea sa main dans la poche de sa robe de sorcier, rajoutant : « Puisque tu y tiens tant. »

Sa main extirpa une fine baguette en bois de prunellier taillée par son grand-père. Il la déposa délicatement sur la table, la main droite toujours posée dessus, comme prêt à le relever droit vers Violet.

- Mais oui, je t’en prie, donne moi une bonne raison d’inaugurer ton nouveau badge comme il se doit.

Quiconque le connaissait savait qu’il était capable de lever sa baguette d’un instant à l’autre pour lancer un sort. Tout Poudlard, en réalité, en avait déjà été témoin : McGregor elle-même n’avait pu ignorer qu’il était de ceux qui avaient intrigués pour intervenir durant la conférence sur le secret magique et qu’il avait blessé leur ancienne directrice de maison à cette occasion. Alors si un professeur ne l’effrayait pas, ça n’était pas elle qui allait y parvenir.

- Permets-moi de te dire une chose : ce n’est pas grâce à Blaze que tu as échappé à un sort, l’année dernière, mais grâce à Judith. Il marqua une pause, quelques secondes, alors que la plus âgée avait reposé la carafe de jus de citrouille. « Ce n’est que par égard pour elle, et la mémoire de son frère que tu as insulté, que je n’ai rien fait. »

Ses doigts bougèrent légèrement au-dessus de sa baguette, comme s’il luttait contre l’envie de s’en saisir pour la pointer sur la préfète. Judith n’était plus là et Blaze... eh bien, malgré tout, peut-être que Mansfield avait joué un petit rôle là-dedans, il fallait le reconnaître. Quoiqu’il en soit, ni l’un ni l’autre n’étaient encore là pour le retenir et lui n’attendait plus qu’une excuse pour user de sa baguette.
Il avait besoin de se défouler.