Contexte :

Si longtemps que les communautés magiques restèrent en dehors des affaires moldus, le XXème siècle et ses horreurs semblait avoir changé la donne. Concomitantes, l’histoire sorcière et non sorcière s’entrelacent et se font écho, pour le meilleur et pour le pire, à la façon d’un pantomime. Quoi qu’en pensent les vieilles lignées de magiciens, dans leurs tours d’argent, les idées d’ici infusaient là et l’on ne peut éternellement rester ignorant de ses voisins : fécondes sur le plan politique, les premières décennies du XXème siècle accouchèrent de monstres autant que d’espoirs. Comment ne pas voir dans la Confédération magique internationale et la Société des nations des sœurs jumelles ? Et que dire du Seigneur des Ténèbres, qui émergea dans le sillage d’autres figures meurtrières moldus, reprenant leur rhétorique et leurs méthodes ?
L’acceptation grandissante des nés-moldus dans le monde sorcier alla de paire avec la porosité des mondes et malgré quelques soubresauts réactionnaires, il semblait bien que le XXIème siècle s’ouvrait comme une nouvelle ère.

Mais.

Le 24 février 2022, les forces militaires russes entraient en Ukraine à la stupéfaction de la vieille Europe. La guerre, à nouveau. Dissimulée derrière ses barricades ensorcelée, la communauté magique internationale s’apprêtait à suivre passivement aux événements de leurs voisins moldus. Pourtant, en Europe, les coups de boutoir portés respectivement par Gellert Grindelwald, puis par des décennies de timides tentatives d’ouverture entre monde sorcier et moldu, eurent des effets inattendus. Russie, Ukraine, chaque pays invoquant la menace existentielle représentée par le camp adverse, l’idée que peut-être la défense du secret magique n’était pas aussi vitale qu’on le prétendait fit son chemin. Qui pu dire qui commença, on sait simplement que dans les premiers mois de l’offensive, des petits groupes de sorciers patriotes se livrèrent duels en marge du front, chacun tentant de porter assistance aux armées moldues. Les ministères de la magie ukrainiens et russes se renvoyèrent la responsabilité de ne pas tenir suffisamment leurs communautés et pour la première fois, la cause nationale semblait avoir pris le pas sur les intérêts des sorciers du monde entier.

Bien qu’unanimement critique vis-à-vis de ces initiatives, la communauté magique internationale ne tarda pas à se déchirer sur la façon de réagir aux événements. Fallait-il laisser les moldus risquer une fois de plus de conduire le monde vers un conflit généralisé sans intervenir ? Au risque de voir l’Ukraine être annexée ? Ou fallait-il prendre position par le biais des ministres de la magie pour empêcher les choses d’escalader, quitte à faire pression sur les gouvernements moldus eux-mêmes ?

Pendant que la Grande Bretagne et l’Europe de l’Ouest tergiversent, les choses se précipitent en Russie : jusqu’alors marginales, les interventions sorcières directes dans la guerre s’accélèrent, au nez et à la barbe des moldus. Bouleversé par la propagande du Kremlin et constatant les réussites de la contre-offensive ukrainienne sur le front, un petit groupe de magiciens décide de révéler leur existence aux officiers supérieurs de la force mercenaire Wagner à qui ils offrent leur soutien pour écraser ceux qu’ils considèrent comme étant les héritiers de l’envahisseur nazi.

La situation fait scandale. Véritablement scandale. Le secret magique vient délibérément d’être rompu et la communauté magique réclame l’intervention immédiate d’oubliators afin de contenir la fuite d’information. Mais le ministère russe de la magie traîne des pieds. N’est-ce pas là une ingérence dans la guerre ? N’y a-t-il pas un risque de déstabiliser les forces militaires de la Russie en dépêchant sur place des sorciers hostiles ? Pire : conformément aux lois en vigueur, le Kremlin est informé des intentions de la communauté magique internationale par le biais de son ministre, et donne des instructions très claires pour empêcher toute intervention.

Alors que la crise politique est à son comble, plusieurs ministères magiques d’Europe de l’Est, légitimement inquiets par la tournure des événements, annoncent que si aucune mesure n’est prise par le ministère russe, ils interviendront eux aussi dans la guerre, en faveur de l’Ukraine cette fois. Les sorciers de Pologne, de Finlande et de la baltique, pays héritiers de la chute de l’URSS, craignent par-dessus tout une poussée des forces russes en Europe et leurs populations réclament des actes forts. La grande histoire est réactivée dans les mémoires pour augmenter la défiance de part et d’autre de chaque camp.

Au sommet de la crise, mise sous pression par les gouvernements magiques de la Scandinavie, de l’Allemagne et de plusieurs nations d’Europe de l’Est, Durmstrang coupe symboliquement ses échanges avec Koldovstoretz, l’école de sorcellerie russe. Celle-ci réagit en s’insurgeant et choisit de retourner à son isolement historique en refusant d’accueillir des élèves étrangers. Les différentes communautés magiques présentes en Russie se divisent sur la question. De nombreuses familles hostiles à l’invasion de l’Ukraine et dénonçant la fracturation de la communauté magique internationale choisiront de se tourner vers l’Europe de l’Ouest et d’envoyer leurs enfants à Durmstrang. Koldovstoretz, instrumentalisée par le ministère de la magie russe qui refuse toujours d’agir, n’accueille désormais plus que les partisans de la guerre.

Quelques accords sont signés malgré tout. Le congrès de Kaliningrad accueille les ministères des Etats Baltes, de la Finlande, de la Pologne, de la République Tchèque, de la Biélorussie, de l’Ukraine et de la Russie qui conviennent de revenir à un état de non-ingérance magique dans la guerre. Des oubliators russes sont dépêchés au sein du groupe Wagner mais faute d’observateurs internationaux, plusieurs nations continuent de craindre que le travail n’ait pas été terminé. Par ailleurs, chacun des deux camps refuse d’engager des procès contre les sorciers s’étant engagé sur le front, ce qui maintient les tensions particulièrement hautes.

Profitant du conflit et de la rupture entre Koldovstoretz et les autres écoles européennes, les familles russes de sangs-purs reprennent le narratif national et fustigent la décadence occidentale, qui tolère dans ses cursus la présence de né-moldus, d’hybrides et de vampires. Sur fond de concurrence nationale et déjà fortement animés par un sentiment antirusse, les pays d’Europe de l’Est comme la Roumanie, les Balkans, la Pologne et la République Tchèques se tournent désormais vers Durmstrang et pourquoi pas Beauxbâtons plutôt que Koldovstoretz. En l’espace d’une rentrée scolaire, celle-ci voit ses effectifs divisés par trois et la communauté magique russe, hier encore l’une des plus nombreuses du monde, fond comme neige au soleil.

La guerre s’enlise. Les gouvernements magiques du Japon, des Etats-Unis et de l’Amérique Latine prennent position contre la Russie.  La communauté magique russe est mise en porte-à-faux et s’isole progressivement. Les conséquences de l’intervention sorcière sur le groupe Wagner restent à ce jour difficiles à estimer, certains craignent que les sortilèges d’oubli n’aient rendu fou Evgueni Prigojine, d’autres que fort de la présence confidentielle de sorciers à ses côtés, celui-ci se soit senti poussé des ailes. [à suivre.]


2029.

La troisième guerre mondiale n’a pas eu lieu, mais les tensions restent vives dans le monde moldu entre la Russie, ses alliés et le monde occidental.

Du côté de la communauté magique, qui n’est finalement pas intervenue en Ukraine, que ce soit du côté russe ou occidental, la défiance retombe progressivement à l’initiative des ministères non-européens qui poussent pour un apaisement général et une reprise du dialogue. Considérant son isolement et les défections massives qu’a subi la communauté magique russe, son ministère de la magie va pendant plus d’un an multiplier les visites en Grande-Bretagne et en France. Les relations avec Durmstrang sont toujours à couteaux tirés en raison du passif entre la Russie et les pays d’Europe de l’Est, mais si l’Ouest et les Etats-Unis réouvrent la discussion, le reste du monde suivra.

Eté 2029. Des accords sont trouvés pour normaliser les relations entre les ministères magiques d’Europe et celui de Russie. Cette-dernière réouvre ses ambassades dans les pays occidentaux. En Grande-Bretagne, Feodor Filimon Feofan Yaga, patriarche d’une des plus anciennes lignées de sang-purs moscovites prend ses fonctions d’ambassadeur. Sa famille l’accompagne et s’installe à Londres.

Afin de donner démonstration de la bonne volonté de l’ambassadeur vis-à-vis de la société sorcière britannique, celui-ci décide que son fils aîné, Nikita Nikolaï Neelov Yaga, fera sa rentrée à Poudlard, pour sa 4ème année.

---

Selon une vieille légende familiale, les Yaga auraient été à l’origine de la figure légendaire de la Baba Yaga, qui hante le folklore slave depuis des siècles maintenant. Une façon bien commode de justifier la pureté multiséculaire du sang de cette lignée d’aristocrates, qui prétendent puiser leurs racines dans les plus anciennes sources de la vieilles Rus’.

Forte d’un palais à Saint-Pétersbourg et d’une douzaine de datchas à travers le pays, les Yaga sont sans aucun doute l’une des plus riches familles de Russie à cette heure. Ils sont aussi de loyaux partisans du ministre de la Magie avec qui ils dînent tous les jeudi. L’occasion de deviser entre gens de bonne compagnie sur la politique internationale, les affaires du pays, et l’état de l’économie.

A cette heure où la Russie traverse des jours sombres, les Yaga furent un soutien inconditionnel et sans failles pour le pays. Ce-dernier a pu compter sur leurs dons généreux et il était tout à fait normal qu’ils soient pour cela récompensés à la mesure de leurs investissements. En 2029, ayant besoin d’ambassadeurs de confiance à envoyer en Europe, Feodor Yaga, le patriarche, se vit confier la prestigieuse mission de représenter les intérêts du gouvernement en Grande-Bretagne.

Nikita, son fils, avait alors 13 ans. Il en aurait 14 en septembre. Pur rejeton de cette vieille noblesse sorcière ayant survécu aux Vasa, puis aux Romanov et aux Blocheviks après eux, il grandit sein de cette haute d’idée qu’ont d’eux-mêmes les aristocrates fins de race, avec cette distinction que sa famille était loin d’être désargentée.

Le gamin naît dans la datcha, en 2015, dans la région d’Omsk, à l’est de l’Oural. Sa mère, Victoria Vika Vasilisa Yaga (née Raspoutina) l’enfante dans la douleur et le sang. L’accouchement est compliqué et dissuade le couple d’avoir des enfants supplémentaires. Nikita restera donc fils unique, portant sur ses épaules la fierté de sa mère et les ambitions de son père.

Petit garçon bruyant et toujours en pleurs, il passe les premiers mois de sa vie principalement entre les bras de sa nourrice yakoute et aux bons soins du domovoï de la maison, l’esprit du foyer chargé d’en protéger les habitants. Dans la tradition aristocratique moscovite, il n’est pas vraiment convenable que madame consacre trop de temps à l’enfant. Celui-ci ne manquera toutefois de rien, étant unique héritier de la branche principale de la famille.

Pour son premier anniversaire, on planta dans le jardin du parc un tilleul du Caucase. Grâce aux bons soins des poliéviks (les esprits de la nature), il devrait avoir suffisamment poussé le jour de ses onze ans pour qu’on y sculpte une baguette de son bois. On plaça le chat Baioun dans les branches et pour chacun de ses anniversaire désormais l’enfant viendrait s’asseoir sous la frêle ramure, où l’animal pourrait le bénir et s’assurer que Nikita grandisse sainement.

Son enfance, Nikita la passa d’abord dans un landau gravé de runes censées lui donner force, courage et talent magique. Puis lorsqu’il fut en âge, il découvrit au plus près les tapis du palais, où il courait à quatre patte, pour essayer de tirer la queue du domovoï. Il apprit à faire ses premiers pas à dix mois, et ses parents y virent un signe de précocité et se réjouirent de ce que leur fils deviendrait sans aucun doute un homme vif et intelligent.

Dès qu’il eut atteint l’âge de parler, Nikita fut pris en charge par divers sortes de précepteurs. Des gens fort bien payés pour tenter d’inculquer au petit garçon des savoirs ambitieux. La plupart des leçons entraient par une oreille et sortaient par l’autre, force fut de le constater, et l’on redoubla d’heures de cours. D’avantage que des connaissances factuelles, il apprit toutefois à bien se tenir, avec le dos droit, à ne pas couper la parole aux adultes, à manger proprement sans mettre les coudes sur la table et à toujours se présenter bien peigné à ses parents.

De ses six à dix ans, Nikita eut cours à la maison. On lui apprit à lire, à écrire et compter, à s’exprimer correctement, sans bafouiller, à donner l’impression de savoir ce qu’il disait. On lui enseigna des savoirs aristocratiques, l’héraldiques de la noblesse russe, l’histoire de la Rus’, dans la datcha il se familiarisa d’avantages avec les démons du foyer, puis ceux des jardins, puis ceux des forêts. Il prit conseil auprès du Kot Baioundans, ce grand chat mangeur d’homme, qui raconte des histoires et soigne les blessures.

Soucieux de lui faire également fréquenter des gens de son âge, Nikita fit également la connaissance de sa famille éloignée, des sous-branches des Yaga, ou ses cousins du côté de sa mère. On le poussa à jouer avec eux et il se révéla un enfant timide, ce qui déçu son père. Il fut introduit à la pratique de l’équitation, de la chasse à la chouette, à la pêche ainsi que quelques rudiments de navigation à voile. On lui apprit à se battre à l’épée, au fleuret et au sabre, à chanter convenablement et à jouer de plusieurs instruments dont le piano, la svistoulka et les lojki.

En parallèle de cet apprentissage de la socialisation nobiliaire, Nikita reçu ses premiers cours véritablement scolaires. Outre les mathématiques, la littérature ancienne et moderne, la syntaxe et l’éloquence ainsi que quelques rudiments de physique moldus, principalement dédiée à l’étude des corps célestes, l’enfant bénéficia d’une éducation complète sur tout ce que la magie permet sans pouvoirs. Principalement théoriques, ses cours se concentrèrent sur les rudiments du potionisme, l’histoire du monde magique, la politique, les affaires économiques, juridiques, les langues – il apprendra ainsi l’anglais, le français et l’italien, ainsi que le latin et le grec – l’astronomie et la divination dans les fumées du samovar.

Le programme fut donc… chargé. Comme il sied cependant à un fils de la haute aristocratie. Nikita grandit avec une haute idée de ses capacités, de ses devoirs et de ses ambitions. Cela créa chez lui un caractère dur, exigeant et peu conciliant vis-à-vis de l’échec, quelles qu’en soient les raisons. La performance étant l’unique mesure de la valeur, les excuses en devinrent inacceptables. Rapidement, Nikita cessa de se plaindre, il apprit à serrer les dents et à porter sur le monde un jugement dépourvu de compromis.

Outre ses professeurs, Nikita fut également éduqué par les portraits et gravures vivantes, ces images creusées dans la pierre qui circulaient librement le long des murs du palais, dans un intimidant bruit de brisures. C’était comme si la pierre se craquelait pour découper leur forme mouvante, et peut-être était-ce le cas, après tout.

A huit ans vient la guerre. Déjà que la plupart des adultes n’y comprenaient pas grand-chose, alors un enfant… La question d’intégrer Durmstrang, réputée pour la qualité et l’élitisme de son enseignement, ou Koldovstoretz, plus traditionnelle et secrète, ne se posa plus. Des quelques cousins et cousines dont on avait fait le choix de les envoyer en Scandinavie, la plupart furent rapatriés. Il y avait comme une tension et un jour, on prit le temps de lui expliquer calmement les choses. Après tout, il était déjà un petit adulte.

Depuis des siècles l’Europe occidentale avançait un agendas impérialiste et hégémonique. La Communauté magique internationale se révélait un leurre, un instrument pour contenir et corrompre la grande Russie. L’Ukraine, simple pion de ce vaste plan, était le dernier rempart avant la mère patrie et, sournoisement, les ministères et agents étrangers entendaient imposer à leur pays une autre façon de vivre, de croire et de pratiquer la magie que la leur. Une façon moderne, oublieuse de toutes les traditions, dégénérée et surtout dangereuse, car elle ouvrait une porte sur le monde moldu, en favorisant l’intégration de ceux qui étaient nés de parents non sorciers.

Nikita accepta tout. Comment en aurait-il pu être autrement. Dans sa famille élargie, partout le même son de cloche, et plus l’escalade escaladait, plus la communauté magique de Russie se renfermait sur elle-même. En quelques mois, les rues pavées du Moscou sorcier s’étaient vidés, nombre d’enseignes fermées, « des traîtres » disait-on, mais cela ne rouvrait pas les commerces. D’anciens amis partirent vers l’ouest, vers Durmstrang, mais il s’avéra que ce n’étaient pas des amis, finalement et sur les Unes des journaux vivants qui s’accumulaient sur le guéridon du salon, toujours les mêmes visages, doigt levé, sentencieux « la Russie est éternelle, elle ne disparaîtra pas, nous ne nous laisserons pas envahir ». Il semblait bien pourtant que l’invasion, ce n’était pas eux qui la subissaient mais enfin, un peu quand même, avec tous ces changements.

Un jour que le Domovoï traînait son pas lourd dans la pièce, la tante le désigna soudainement. « Si les occidentaux gagnent la guerre, ils le tueront, ou le relâcheront dans la nature où il mourra de faim et de désespoir. » Le Domovoï lui avait jeté un regard horrifié et accéléré le ménage. Nikita ne voulait pas qu’on tue la créature, même si elle était inquiétante, elle n’était pas mauvaise. A l’ouest c’est vrai, on relâchait les elfes contre leur gré, certains se retrouvaient à devoir mendier un maître, et dormaient dans la rue. Cela faisait froid dans le dos.

Au paroxysme du conflit, père et mère n’étaient plus beaucoup à la maison. On disait que le ministère envisageait en secret de constituer une force militaire sorcière, que les Yaga pouvaient contribuer à défendre le pays, grâce à leur or et leurs pouvoirs. Plusieurs fois Nikita assista à des cérémonies et des mondanités. Pendant que les adultes causaient, les enfants tirés à quatre épingles devisaient d’un air sérieux sur des sujets auxquels ils ne comprenaient rien.

« Mon père dit que si nous n’avons pas encore remporté la victoire, c’est parce que les Etats-Unis ont envoyé des sorciers pour aider l’Ukraine, c’est de la triche. »
« Non ce sont les Polonais qui envoient des sorciers. »
« Mais non ce sont les Allemands qui utilisent des accromantules ! Comme pendant la dernière guerre ! »

On pouvait se disputer deux ou trois heures, le temps d’être appelé à table, et continuer à chahuter malgré tout entre deux plats. « Les occidentaux utilisent des sortilèges interdits pour se battre. » disait l’un. « Ma mère dit qu’ils n’en ont pas besoin : ils ont inventé de nouvelles sortes de magies avec la technologie moldu, bien plus dangereuse ! » Cela effraya une fillette qui fondit en sanglot. « Ils vont brûler toutes les forêts et vont assassiner les poliéviks comme ils ont tué les géants… ! » on ne su quoi répondre, une domestique l’emporta dans une chambre à part pour l’aider à se calmer.

« De toute façon, Nikita serait allé à Koldovstoretz » déclare sa mère d’un ton ferme. Tout le monde hoche la tête d’un air grave, même l’intéressé. Durmstrang, se sont des traîtres, aucune envie d’aller à bas et puis, il n’a que huit ans, bon, d’accord presque neuf, mais d’ici à voir ses pouvoirs émerger la guerre sera terminée.

La guerre ne se termine pas. Elle s’inscrit dans le temps long. Trois mois. Six. Un an. Un an et demi. Entre temps des choses incompréhensibles se passent. On dit qu’il va y avoir de nouvelles élections au ministère de la magie, que celui-ci n’est pas assez énergique. Finalement, il est réélu. Bonne nouvelle ? Ses parents semblent satisfaits. Nikita aura l’occasion de se rendre plusieurs fois sur place, il sert la main du ministre et dînera même à l’occasion quelque fois en sa compagnie. Ce-dernier lui flatte la tête, d'un air bienveillant « Nous aurons besoin d’hommes forts comme Nikita, les temps sont troublés » là aussi, tout le monde opine sentencieusement.

Un peu tardivement arriveront ses pouvoirs « éviter la précipitation est un signe de sagesse » dit la nounou. Lui est soulagé, il a réussi à faire s’allumer des chandelles sans y toucher. Le soir même, au clair de lune, on se rend dans le jardin, sous le tilleul. Dans les branches se trouve le Kot Baioun, Nikita s’installe au creux du tronc et laisse l’animal s’approcher. Le Kot Baioun n’a que du mépris pour la faiblesse et la lâcheté, c’est un animal de légende, qui accompagne les grands hommes depuis des siècles dit-on. Sans commentaires, il le flaire. Tu sens la peur. A plusieurs mètres de là, près du kiosque, son père suit la scène avec raideur pendant que sa mère se tord les doigts. Tu n’as pas l’étoffe d’un héros.

« Et bien ? Qu’a dit le Baioun ? » sa mère n’y tient plus. Lui n’a pas desserré les dents du repas. La honte, il était pourtant heureux de voir éclore ses premiers pouvoirs… « Rien. » « Rien ce n’est pas possible, il ne t’a pas dit ton avenir ? » La tradition veut que les chats magiciens soient des conteurs d’histoire, celui des Yaga connaît l’épopée de la famille et observe d’un œil critique ceux qui ne se montrent pas digne de porter ce nom prestigieux.
L’humiliation ne l’empêchera pas de recevoir la visite du directeur de Koldovstoretz un matin. « Les pins de la forêt ont désigné votre maison monsieur Yaga, nous avons appris l’heureux événement. » De quoi faire oublier, un peu, les paroles du chat sorcier. Le directeur reste à dîner, on lui présente Nikita, il faut être poli. « Je pressens en lui un grand pouvoir ! » déclare l’homme du ton enthousiaste de la confidence et de la flagornerie. Ses parents sont ravis. Nikita, lui, repense aux paroles du Baioun pas l’étoffe d’un héros.

Finis les précepteurs à la maison, il faut leur dire adieu, quoique certains resteront pour des cours privés. Nikita n’est pas mécontent de les voir partir, le souvenir amer de ces trop longues heures passées dans des bureaux assombris, des reproches et des mauvaises notes rendent la perspective de Koldovstoretz éblouissante. On ira faire les courses à Saint-Petersbourg, ce sera l’occasion de quitter Moscou, étouffante en été, et puis les meilleurs artisans sont au nord. Uniforme orné de fleurs et de feuilles grises, aux couleurs de la Cour grise, par où passent tous les nouveaux arrivants. Il faut aussi une baguette, alors on brise une grande branche du tilleul du jardin qu’on amène à un ébéniste. Beaucoup ont quitté le pays depuis que la guerre a commencé « Peu importe, dit son père, nous n’avons que faire du travail d’un traître. »

L’été passe comme un songe, Nikita n’osera pas s’approcher de nouveau du grand tilleul où réside le Kot Baioun de peur de l’entendre persifler de nouveau. La dernière nuit du dernier jour, cependant, il n’y tient plus. Il faut attendre que le soleil se couche, alors il pénètre le jardin tout noir d’ombres et d’un pas hésitant, se dirige vers le Tilleul. Aurais-tu trouvé une once de courage ? demande les yeux jaunes du Baioun. « Je n’ai pas peur de toi ! » Tu mens. Et pourtant tu devrais avoir peur de tout, sauf de moi. « Je pars demain, nous ne nous reverrons plus. » Le chat sembla hausser les épaules. Qui sait ?

---

Koldovstoretz est un mot valise en russe qui signifie « palais » et « créateur ». Les mots ont une certaine polysémie mais le sens général reste intelligible. Ici se font des choses. Nikita voulait bien le croire, mais le Palais avait quelque chose de décevant. Une heure de balais depuis Saint Petersbourg pour rejoindre le lac Ladoga et trois tours qui en émergent. « C’est moins grand que chez nous… ! » ne peut-il s’empêcher de constater, estomaqué. Son père fait claquer sa langue. « Ne te montre pas si sot, l’école est immergée. »
Un coup d’œil plus attentif révélait en effet que les trois pauvres tours hors de l’eau n’étaient que le sommet d’un édifice autrement plus vaste, dont les contours chatoyantes ondulaient dès lors qu’un peu de vent soufflait sur l’eau.

Sur les rives, d’autres élèves attendaient, piétinant ou bavardant avec leurs parents. L’été russe est un été chaud, qui donnait envie de se baigner. Nikita ne pu s’empêcher de se demander si l’intérieur du bâtiment était lui aussi inondé, mais n’osa poser la question, de peur de paraître sot encore.

Empressée, sa mère s’affairait derrière lui, vérifiant qu’il ne manquait rien dans son sac et redressant le col de la chemise de son fils. « Tu sais que c’est inutile ? » demanda Feodor d’un ton agacée. Il ne reçu qu’un regard noir. « J’entends que mon fils soit bien habillé pour recevoir le directeur. » Il semblait y avoir conflit sur ce point précisément, ce qui Nikita ne comprenait pas. Sa mère vint finalement s’agenouiller à côté de lui, attrapant son visage entre ses mains. « Tu te souviens de la formule ? » « Oui oui » répondait-il mal à l’aise. Le sortilège de têtembulle, il s’y était entraîné deux mois durant, un prérequis nécessaire pour rejoindre l’école, même si on ne lui en avait pas dit plus. « Surtout, fais attention, d’accord ? N'ai pas peur et concentre toi, tout va bien se passer. » « Arrête, c’est toi qui va le faire paniquer. » Feodor Yaga semblait s’impatienter. Ses parents se disputaient beaucoup ces derniers temps et le jeune homme fut presque soulagé de voir sortir de l’eau, sec comme le désert, Valerian Lisov, le directeur de Koldovstoretz.

On s’épargnera le discours de bienvenue. Du reste, Nikita n’en garda pas grand souvenir. Tout juste s’il revoyait sa mère l’embrasser sur le front, son père le serrer dans ses bras et lui remettre baguette et sac à dos. « Le sortilège, lance le maintenant. » il faudrait donc rejoindre l’école à la nage… ? Mais Nikita pensait être capable de garder la tête à la surface et…
Large comme un autobus, long comme… incroyablement long, le dos bariolé d’un serpent de mer venait de crever la surface du lac Ladoga. Quelques parents ricanèrent, les enfants dans l’ensemble, semblaient n’en mener pas large.

« Je vous demanderai de vous installer sur le dos et de vous accrocher aux écailles, fermement, car il n’y a pas de retour en arrière ! »

La vitesse du monstre marin troubla tout et, par réflexe, malgré la bulle d’air qui lui entourait le visage, Nikita retint sa respiration, et se surprit à fermer les yeux. Cela ne dura qu’un instant mais le serpent crevait l’eau à nouveau et émergeait sur lui une vingtaine de gamins tous trempés, le souffle coupé et les oreilles sifflantes à cause de la pression. Toujours, Nikita se demanda ce qui serait vraiment arrivé, s’il avait lâché le dos du serpent.

---

Nikita passa trois années à Koldovstoretz. La première dans la Cour grise, dite « de la jeunesse », où il ne manqua de prendre la mesure des dégâts qu’avait causé la guerre à la communauté sorcière de Russie. Tout dans ce palais avait un air d’abandon et de démesure. Des dortoirs prévus pour accueillir trois fois leur nombre d’étudiants, une salle à manger où l’on entendait des échos et la plupart du temps les couloirs donnaient une sensation de vide qui vous poussait à les traverser en courant, par peur de s’attarder. Plongé sous le lac, l’école était sombre car la lumière du soleil n’y entrait pas aisément et plus on s’enfonçait vers le fond de l’eau, plus il y faisait lugubre. Les nuits étaient noires, sans lune et sans étoiles et l’intérieur sentait l’humidité, faute d’aération.
L’école n’en était pas moins subjuguante, mystérieuse à sa manière et ce y compris une fois passés les premiers frissons de la découverte. Tout y était coloré et il n’était un mur qui ne soit embelli d’une fresque peinte, de mosaïques ou de gravures. S’il était impossible d’ouvrir les fenêtres, ces-dernières proposaient toutes des vitraux vivants où des personnages en verre fumé rejouaient éternellement les mêmes épisodes de l’histoire de la magie. Pas de Domovoï ici cependant, ni d’elfes de maison d’ailleurs. Les élèves apprenaient tôt à se servir des sortilèges de nettoyage et de cuisine, qui faisait partie de l’éducation classique et de la responsabilisation de la jeunesse. Aussi, les cours de soins aux créatures magiques consistaient moins tant de la théorie que concrètement prendre soin du serpent, et des autres créatures qui vivaient dans le lac.

La plupart du temps d’ailleurs, il n’y avait pas de professeur. Les plus âgés montraient aux plus jeunes comment s’y prendre. Nikita appris cependant qu’il n’en avait pas toujours été ainsi. « Beaucoup de grands sorciers ont quitté le pays au moment de la guerre, des professeurs aussi, il y a un manque de personnel. » De fait, surveillants comme enseignants étaient rares et les élèves sommés de faire preuve de maturité et de responsabilité en ces heures troublées. Cela offrait malgré tout des tentations, l’école n’abritait ni démons ni fantômes et les fresques animées n’avaient pas la conscience des portraits vivants. Le château était vide et pour peu qu’on s’y prenne intelligemment, on pouvait aisément passer la journée sans croiser personne.
Les risques se trouvaient cependant confinés à l’enceinte de l’école. Étant sous le lac, on ne pouvait rejoindre l’extérieur qu’à dos de serpent et – heureusement – aussi par une sorte de portoloin qu’activaient deux gardiens de pierre, à certaines heures précises de la journée. Il valait d’ailleurs mieux ne pas manquer les horaires si l’on ne voulait pas passer la nuit dehors. Pour ce qui était de faire le voyage à la nage, Nikita s’y essaya quelques fois avec des amis. Rien de techniquement impossible mais il fallait malgré tout remonter à la surface sur plus de trois cents mètres et la pression vous vrillait les oreilles, sans parler de la fatigue.

Nikita l’ignorait alors, mais la magie enseignée à Koldovstoretz s’éloignait en fait des standards du reste de la communauté magique. Le ministère russe avait tenté de minimiser les dégâts de sa politique mais la défection de certains enseignants illustres de l’école, et le tournant pédagogique conservateur mis en place par la direction avaient participé à recentrer le programme sur des matières archaïques, de magie dite « brute » ou « naturelle ». En d’autres termes, cela consistait à agir sur les éléments, roche, eau, feu, arbres et plantes, pour les transformer et les sculpter à l’envie. On terra-formait le sol en groupe de travail, érigeait des petits bois et dansait avec les flammes, mais des sorts d’une plus grande finesse, ceux-là restaient marginal. Pas de métamorphose au programme, pas non plus d’étude des forces du mal. Le travail manuel était mis en avant : gravure de runes, herboristerie et botanique, soins aux créatures magiques. Les cours de sortilèges se limitaient à canaliser l’énergie brute des jeunes sorciers, et de les faire, inlassablement, briser des objets de plus en plus gros et de plus en plus durs. Nikita pouvait bien faire exploser un mur de pierre, mais il peinait à faire voler une plume.

L’histoire de la magie fut également retravaillée, l’accent mis sur la grandeur de la communauté nationale et les conflits historiques ayant opposé les divers visions du monde des magiciens au cours des siècles. On apprenait à respecter les esprits de la nature et animaux fantastiques, alors que l’Occident n’avait eu de cesse de les réduire en esclavage ou de les contraindre par divers décrets, voire de les exterminer. Génocide des géant, asservissement des elfes et des gobelins, création des détraqueurs autant d’exemple de la barbarie de l’ouest, empêtrée dans sa délirante aventure moderniste, coupée de toute tradition et de toute spiritualité.

Nikita apprit également à voler à dos d’arbres et l’art des potions, ainsi que des matières étranges aux yeux des occidentaux : une certaine forme de médecine curative, fonctionnant par apposition des mains et qui consistait à accélérer localement le métabolisme pour favoriser la reconstruction des tissus et des os en cas de plaie ou de fracture. Aussi il reçu quelques cours de magie musicale, un domaine où il peina fort, incapable d’aligner des notes justes, mais qui, si exécutées correctement, avaient le pouvoir de charmer hommes et bêtes et de les faire abaisser leur garde ou bien dormir.

Mais l’enseignement le plus important de Koldovstoretz était une nouvelle matière, qu’on avait jugé d’utilité nationale d’enseigner aux jeunes générations : l’occlumancie et son pendant, la légilimancie. « Si l’ennemi s’empare de vous, il vous faudra résister à la torture mais aussi savoir lui fermer vos pensées » avait déclaré, en début de deuxième année, leur professeur des arts de l’esprit. Pas besoin de le nommer pour savoir qui était l'Ennemi, on leur en rabâchait les oreilles depuis leur arrivée à l'école : un jour, il faudrait peut-être défendre leur pays. On dû dès lors s’entraîner à pénétrer la caboche de ses camarades, généralement pour y trouver des idées brouillonnes ou insipides. En l’occurrence, Nikita s’y démarquait. Sans vraiment savoir pourquoi, il parvenait assez bien à clore son esprit et, le cas échéant, faire de sa conscience la pointe d’une flèche capable de percer les défenses des autres élèves. Sans doute y trouvait-il une forme d’amusement potache, et aussi de voir enrager ceux qui, moins habiles, ne parvenaient pas assez bien à le repousser.

Lors de la seconde année à Koldovstoretz, il avait quitté la Cour grise pour rejoindre la Cour de la force, la cour noire, dédiée à la défense et à la puissance. Bien qu’assez médiocre en duel, ce choix fut motivé par sa capacité à se protéger et on voulu l’encourager, au contact de ses camarades, à explorer d’avantage ses capacités de destruction brute et ses dons de légiliman. Il changea donc d’uniforme pour revêtir les fleures noires de sa nouvelle maison.

---

Semaine après semaine, mois après moi, Koldovstoretz était devenu, comme le veut l’adage, une nouvelle maison. Il s’y était fait de bons amis, les faibles effectifs des dernières promotions aidaient à nouer des liens solides, y compris d’ailleurs avec leurs enseignants. Contrairement à ce qui se faisait à Durmstrang, l’éducation n’y était pas froide, ni brutale. Le patriotisme apprenait à aimer la mère Patrie et tous les Russes de toutes les Russies. On y était aisément valorisé, traité avec exigence mais aussi avec respect. La force valait reconnaissance, l’échec un nouveau pas vers la réussite. Il y avait quelque chose de martial mais aussi de fraternel dans la pédagogie dispensée à Koldovstoretz. Les ressources étant maigres, on ne pouvait se permettre de gâcher un sorcier en le brisant et, avec le temps, chacun finissait par trouver sa place au meilleur de ses capacités.

Tout à l’émulsion de l’école, Nikita en vint presque à oublier qu’à l’extérieur, le monde tournait encore. Et comme on ne parlait guère de politique à table, quand il rentrait à la maison, il découvrit un peu brutalement que, loin des discours patriotiques de ses enseignants, la ministère russe de la magie avait engagé depuis presque un an une politique de réchauffement des relations avec ses homologues européens. Politique qui par ailleurs semblait avoir remporté quelques succès puisqu’au mois de mars 2029, on annonça dans les journaux la réouverture de trois ambassades en Europe de l’Ouest : une en Allemagne, une en France et une au Royaume-Uni.
Ses parents accueillirent la nouvelle avec d’étranges sourires en coin. « Sait-on qui… ? » « C’est en cours de négociation. » avait répondu son père et, chose rare, il avait embrassé sa femme sur la joue. Nikita, lui, ignorait ce qui était en cours de négociation. La nouvelle ne lui semblait d’ailleurs pas si réjouissante que cela. N’assistait-on pas à un combat existentiel pour le pays ? Que signifiait donc de rouvrir les canaux diplomatiques avec des nations que, par ailleurs, on n’avait cessé de lui désigner comme sanguinaires et belliqueuses ? N’y fallait-il pas craindre une sorte de piège ?

Songeur, il en avisa le Kot Baioun. En trois ans, Nikita avait pas mal grandi et s’il continuait de se méfier du grand chat sorcier, il revenait malgré tout souvent sous le tilleul discuter avec lui. La façon qu’avait l’animal de s’exprimer, comme si tout était une énigme dont lui seul détenait la sagesse, fascinait le jeune homme.
Garde tes amis proche de toi, et tes ennemis plus proche encore chuchota le chat dans les branches. C’est stupide, pensa Nikita, mais il n’osa l’exprimer à voix haute. « La guerre, l’avons-nous perdue ou gagnée ? » Nous le saurons quand cette nouvelle bataille sera achevée. C’était donc bien ce qu’il pressentait, rien n’était encore joué, mais il avait assez de jugeote pour comprendre que le front avait pris une autre forme. Il retourna troublé à Koldovstoretz.

Deux semaines plus tard, on lui remettait une lettre – pas de hiboux sous le lac, il fallait utiliser la poste du village voisin – son père : « J’ai été nommé ambassadeur en Grande Bretagne, c’est un immense honneur. Nous y déménageons cet été, tu feras ta rentrée à Poudlard, l’école de magie anglaise l’année prochaine. Nous devrons discuter de tout cela aux prochaines vacances. » Sauf que c’était maintenant qu’il voulait en discuter, lui, pas aux prochaines vacances ! La lettre qu’il fit parvenir à ses parents en réponse resta longtemps lettre morte et alors que la fin de l’année se profilait, le jeune homme sentit monter une tension colérique.
Un soir, n’y tenant plus, il avait quitté son dortoir pour marcher un peu. Couloirs vides, couleurs étouffées par l’obscurité, la lumière froide de sa baguette ne ressuscitait que des fresques mortes à cette heure de la nuit.
Tout à ses pensées, n’imaginant pas croiser quiconque dans cette partie du château, il failli manquer de trébucher sur le Kot Baioun qui se tenait allongé sur le sol de pierre fraîche. Étant animal sibérien, il avait tendance à souffrir de la chaleur en été.

« Toi ? »
L’animal feula. Du respect !
Un instant, Nikita cru que c’en était un autre, de Baioun, quoi qu’il n’ait jamais rencontré que le sien, ce-dernier restait toujours dans son arbre, dans le jardin. Jamais il ne l’avait vu ailleurs, et certainement pas dans l’école.
Je suis venu te parler.

Fasciné, Nikita s’installa à ses côtés. Que se passait-il pour que l’animal daigne venir jusqu’à lui ?

La venue d’un ambassadeur en Grande-Bretagne est une chose importante, cruciale pour notre pays. Et tu as ton rôle à jouer.

Sans doute aurait-il voulu rétorquer qu’il ne voyait rien de très crucial à quitter son école pour s’en aller dans une autre, dont on lui avait dit tant de mal, mais le Baioun ne souffrait pas qu’on l’interrompe.

La guerre n’est pas finie, ne t’y trompe pas, Nikita Nikolaï Neelov Yaga. Elle est de toute éternité et tu vas y contribuer. Nos ennemis s’organisent, ils sont plus nombreux et plus déterminés que jamais. A leur tête, Richard Appleton, un né-moldu.

Nikita fit la grimace. Il avait déjà entendu ce nom, et jamais en termes positifs. Qu’un homme de si basse extraction puisse avoir remporté le siège de ministre en Grande-Bretagne en disait long sur l’état de corruption de la société anglaise et nombreux étaient ceux qui craignaient qu’il ne mette à l’ordre du jour de la Communauté magique internationale des initiatives de rapprochement avec les non-sorciers.

« Quel rapport avec moi ? » demanda-t-il brutalement. « Sa femme n’est plus directrice de l’école. » cela aussi il l’avait appris, deux ans plus tôt Evelyne Appleton prenait la direction de l’école, et ses mesures avaient pour ainsi dire scandalisé père, mère, et enseignants. Nikita se souvenait même d’avoir consacré deux heures de cours d’histoire de la magie pour discuter du sujet, où les élèves avaient été invités à s’exprimer et leur professeur répondait à leurs questions et inquiétudes. Plus tard, il avait dû composer une dissertation afin d’expliquer les avantages et désavantages d’ouvrir le monde magique aux nés-moldus, et devait donner son avis en conclusion. Il n’y était pas allé de main morte.

Sa femme, non, mais son fils…

---

Les premiers pas à Londres furent teintés d’un vague sentiment de déception. La société ici ne semblait ni plus ni moins différente que celle des grands centres urbains moscovites et saint-pétersbourgeois, sinon que le chemin de Traverse était d’avantage populeux. Le choc des cultures ne dura pas plus d’une semaine et passé l’étrange fascination qu’il éprouvait à découvrir avec ses propres yeux des architectures et images maintes fois vues par ailleurs dans ses livres, il fallait bien reconnaître que l’Angleterre ne semblait pas un repaire de brigands sur le pieds de guerre. Raison de plus de se méfier, pensa-t-il, rien de plus traître que l’eau qui dort.

Ses parents et lui-même logeaient à l’ambassade de Russie, un manoir situé au cœur du Londres sorcier mais éloigné de ses axes commerçants. Le voisinage était bourgeois et à quelques numéro de là se trouvaient les ambassades gabonaises et uruguayennes, reconnaissables au drapeau flottant sur leur façade. En voyant s’agiter celui de la Russie, alors qu’on leur ouvrait la grille et l’accès au jardin intérieur, Nikita sentit son cœur se pincer un peu. De la mère Patrie, ne lui restait plus qu’une grande maison et un jardin clôt. Même le domovoï était resté à la datcha pour entretenir les lieux, ici le personnel de l’ambassade s’occupait également du ménage et de la cuisine.

Il fallu attendre le lendemain de leur arrivée pour qu’il soit autorisé à s’éclipser hors de l’ambassade, seul. Du moins le croyait-il. Il était en train de manger une glace dans un petit square où la statue de la fontaine se lavait les pieds sous le jet d'eau qu’elle crachait quand la présence du grand chat noir, allanguis sur un muret lui fit froncer les sourcils. Non sans avoir jeté un œil à droite et à gauche pour s’assurer que personne ne regardait, le jeune homme s’approcha du Baioun.

« Tu me suis ? » demanda-t-il ? mais le chat ne lui offrit que ses grands yeux jaunes innocents. « Et quoi ? Tu as perdu ta langue ? »

Dans ma tête, imbécile. siffla l’animal. Nikita regarda une fois de plus aux alentours, puis se concentra pour forcer la caboche du chat. Il y pénétra comme dans de l’eau, mais compris également qu’on ne lui donnait accès qu’au petit bain. Le Baioun n’était vraisemblablement pas du genre à s’ouvrir ainsi aisément face à un sorcier de quatorze ans.

Il faudra toujours me parler en russe, désormais, et prendre l’intonation idiote des gens avec leurs animaux.

L’idée mettait mal à l’aise, le Baioun était loin d’être un chat ordinaire et vivait depuis plusieurs millénaires, se comporter avec lui comme on le ferait avec un familier avait quelque chose d’assez peu naturel. Faute de pouvoir lui répondre, il se contenta néanmoins de continuer à écouter le démon.

J'ai décidé de t’accompagner à Poudlard.
« Quoi ? »
L’animal lui mit un coup de griffe qui le fit reculer. Sur le dos de sa main zébrait une plaie sanglante. Ses yeux jaunes de chat le fixaient toujours, avec prudence le garçon pénétra de nouveau cet esprit.

Ton père ne veut pas qu’on sache qu’il a laissé s'introduire un Baioun dans l’école, cela pourrait nous poser problème, tu es prié d’être discret à l’avenir.

Nikita hocha la tête.

Poudlard est une vieille école. Puissante. Plus encore que Koldovstoretz, et loin d'avoir livré tous ses secrets. Ses enseignants demeurent malgré tout de puissants sorciers. Il te faudra m'assister dans mes recherches, un chat attire moins l'attention que le fils d'un ambassadeur. As-tu compris ? Souris bêtement si tu as compris.

Docile, Nikita s'exécuta.

Bien, maintenant gratte moi derrière les oreilles et je vais m’en aller.

D’une main hésitante, le jeune homme glissa ses doigts à l’arrière de la tête de l’animal qui se mit à ronronner. D’aussi loin qu’il s’en souvenait, Nikita ne l’avait jamais entendu faire. Il s’étira ensuite et, comme un félin paresseux, se laissa tomber de son muret et disparu derrière un buisson. Le jeune homme déglutit. La présence du Baioun le mettait mal à l’aise, l’idée de faire sa rentrée avec l’animal dans son sac n’était pas exactement une perspective rassurante. Le dos de sa main l’élançait, il vint s’asseoir sur le bord de la fontaine et la glissa dans l’eau qui, légèrement au contact de la plaie, vint se teinter de rouge.

Feodor Filimon Feofan Yaga est le père de Nikita. C’est un patriote convaincu, avec une haute idée de son pays, de sa famille et de la pureté de son sang. Politicien dans l’âme, il n’a cessé de manœuvrer depuis qu’il est à la tête du clan, et voit ses efforts récompensés par un prestigieux poste d’ambassadeur en Grande-Bretagne. Un tremplin évident pour ses ambitions carriéristes et qui le placera en bonne position, d’ici quelques années, pour briguer le poste de ministre de la Magie.

A la tête d’une grande fortune personnelle, amassée au cours des douze derniers siècles, il hérite des domaines attenants et des serviteurs historiques de sa famille : le domovoï, démon du foyer et âme damnée des Yaga, et le Kot Baioun, un grand chat sorcier encore sauvage. Fort de plusieurs frères et sœurs qui sont autant d’oncles et de tantes pour Nikita, il possède également pléthore de nièces et neveux dans le pays. Les jeux d’alliances matrimoniaux dans la vieille Russie étant semblables à ceux des familles de sang-purs britanniques, son nom possède une grande influence dans la société magique moscovite.


Victoria Vika Vasilisa Yaga est la mère de Nikita. Née Raspoutina, elle descend d’une branche cadette du célèbre sorcier Grigori Raspoutine, un magicien autodidacte et né-moldu, s’étant illustré à l’époque du Tsar Nicolas II par ses talents subjuguant. C’est à ce titre qu’il s’est imposé dans la société sorcière de Russie, bien que son sang ne remonte techniquement pas plus loin que le XIXème siècle. Quoique sa fortune soit moindre que celle de son mari, Victoria aura su jouer du prestige de sa lignée pour épouser Feodor, son sang étant associé à de grands pouvoirs.

Moins attaché que son mari à la grandeur de la Russie, elle s’intéresse néanmoins aux projets politiques de celui-ci, conditionnant à leur succès son soutien affectif. Victoria et Feodor forment un groupe dysfonctionnel, peu présent pour leur fils unique et, de manière générale, unis uniquement par les ambitions qu’ils partagent.  

---

Le Domovoï (Слуга) ce qui signifie « serviteur » est un démon du foyer, équivalent des elfes de maisons dans le folklore slave. Petite créature ébouriffée, de forme humanoïde à mi-chemin entre le gnome et le singe, cela possède une longue queue touffue et des dents qui lui sortent de la bouche. Слуга dort le jour et s’éveille la nuit, durant laquelle il travaille pour protéger la demeure, passe la balais et range le désordre. Amical et bienveillant, il ne s’exprime pas avec des paroles humaines et préférera la symbolique. Il est possible d’attirer sa sympathie en lui faisant des offrandes de nourriture.
Naturellement fidèle à la famille qui l’héberge depuis maintenant plusieurs siècles, il n’en est pas moins, au contraire des elfes, un serviteur farouche. Le Domovoï agit selon ce qu’il estime bon, et non pas en fonction de ce qu’on lui demande de faire. Le démon obéit d’ailleurs à un code qui lui est propre, devenu anachronique au XXIème siècle, et pouvant donner des résultats... quelques peu inappropriés, selon ses initiatives.

Au même titre que les elfes, le Domovoï possède des pouvoirs qui semblent à première vue bien supérieurs à ceux des sorciers. Il est donc parfaitement possible pour lui de se trouver à la fois à la maison de Londres, aux palais de Russie, dans la datcha ou, le cas échéant, d’apparaître dans la chambre de Nikita, à Poudlard, dissimulé dans l’ombre des chandelles. C'est toutefois Feodor Yaga qui reste le seul autorisé à lui donner des ordres.

---

Kot Baioun est un chat sorcier de Russie. D’apparence, il ressemble à un gros chat sauvage au pelage noir et aux yeux verts, assez semblable à n’importe quel autre matou. La ressemblance s’arrête là cependant car le Kot Baioun tient plus du démon que de l’animal. Capable de s’exprimer avec une voix humaine, il est d’une intelligence redoutable et ses histoires ont le pouvoir d’apporter le sommeil. Des légendes lui prêtent également une capacité à guérir les maladies et les blessures en parlant mais jusqu’à présent ses contes ne semblent que réussir à apaiser la nuit des dormeurs. On dit également que les Fléreurs d’Europe seraient des cousins abâtardis du Kot Baioun, ayant perdu le don de parole.

A une autre époque, plus sauvage et reculée, le Kot Baioun a mangé des hommes. Aujourd’hui, il se contente de plus petits animaux. Apprivoisé par les Yaga il y a de cela des siècles, la bête détient la mémoire des ancêtres et s’attache au dernier-né. Elle a décidé de suivre Nikita jusqu’à Poudlard, curieuse de découvrir cette école de magie si éloignée de sa terre natale. Le cas échéant, le Kot Baioun fait un bon espion, on le confond avec un chat du château et il peut rapporter aux Yaga les conversations entendues. Il est néanmoins corruptible et sa fidélité est bien moindre que celle du Domovoï. Il se fera souvent prier pour délivrer son savoir et aime à répondre par énigmes.

Le Kot Baioun n’a pas de nom, on l’appelle juste le Kot Baioun, ou le chat Baioun. Nikita semble avoir peur de lui.

Maintenant que tu es réparti(e), il ne faut pas te reposer sur tes lauriers. Ta vie NYLienne commence à peine et pour la faire démarrer sur de bonnes bases, il te reste encore pas mal de petites choses à faire. Ne t'inquiète pas, je vais tout te montrer...

Commence par créer ta fiche de liens, ta fiche de RPs, ainsi que boîte aux lettres qui te permettra aussi de gagner des points RPs en écrivant des lettres de plus de 300 mots et ta boite à hiboux express pour les messages plus courts. Peut-être que tu n'en trouveras pas tout de suite l'utilité, mais ça ne saurait tarder... Alors dans le doute, mieux vaut le faire ! Et puis, si jamais tu cherches quelqu'un d'important pour le développement de ton personnage, n'hésite pas à créer un scénario.

Aussi, je te conseille d'aller lire comment marche le système de points, si ce n'est pas déjà fait. Ça peut paraître un petit peu étrange au début mais je suis certaine que tu t'en sortiras très vite ! Ce serait quand même bête de ne pas savoir comment récolter des points ou comment en faire gagner à ta maison !

D'ailleurs, en parlant de maison, l'un des moyens de récupérer quelques précieux points est de participer en cours ! Après tout, nous sommes dans une école et tes professeurs sont là pour t'apprendre tout ce qu'ils savent ! Quand tu te seras bien installé(e) dans ton dortoir, attrape tes bouquins et rends toi vite en classe ! Nos professeurs t'attendent, et pour savoir à qui tu as à faire, tu trouveras la liste ici. La liste des sortilèges par année est disponible là.D'ailleurs, tu peux jeter un coup d'oeil aux sabliers pour voir où en est la course à la Coupe.

Il n'y a pas que les points maison qui sont importants ici. Il y a aussi les points défis puisque, comme tu le comprendras très vite, c'est la monnaie NYLienne. Tu pourras acheter tout un tas de particularité pour ton perso, un futur DC ou un scénario. Tu trouveras toutes les informations nécessaires dans ce sujet. Bien sûr, tu peux également savoir combien tu as de points pour le mois en cours en allant voir la fiche ou regarder le total dans ta feuille de personnage ! Le nombre de point s'initialise automatiquement à 0/0 mais dès que tu as un point, tu peux voir l'évolution de ceux-ci à 1/2000... Ils sont bloqués à 2000, si tu veux en gagner d'autres, il faudra envisager de les dépenser !

Enfin, pour être sûr(e) de ne rien louper des activités qui te seront proposées, garde un oeil sur le panneau d'affichage, et sur la Gazette du Sorcier pour être informé(e) de tout ce qui peut bien se passer dans le monde magique.

Le HRP (hors-RP) te donnera également de quoi t'occuper grâce à une partie Flood bien remplie. N'hésite pas à lancer tes propres sujets ! Tu pourras également faire plaisir aux autres membres en leur offrant des cadeaux ou même présente  tes propres créations. N'oublie pas, à l'occasion, de passer sur la ChatBox, il y a souvent du monde et avec un peu de chance, tu tomberas en plein jeu... S'il y a quelque chose que tu ne comprends pas, nous répondrons à toutes tes questions.

Sur ce, je te souhaite beaucoup de plaisir dans cette nouvelle vie qui commence, et plein de merveilleux RPs !