1ère partie : l’aube d’une vie.
Il n’est de bonne histoire sans un prologue. En préambule de la biographie du jeune Dmitri se trouve celle de ses aïeux. D’un homme exilé, et son épouse au sang aussi immaculé que le sien, naquit sept enfants. Le dernier, Maxmilian, avait une charge importante qui pesait sur ses épaules : celle de se montrer digne d’attention dans cette populeuse maison. Voir la fierté sur le visage d’un père si difficile à satisfaire n’était pas une mince affaire, d’autant plus que le cadet des van Aken se montrait tout bonnement incapable de faire honneur à l’héritage artistique de ses ancêtres. Il se devait donc de trouver un autre moyen de parvenir à satisfaire le chef de famille ; la fidélité sans faille qu’il avait pour lui fut sans doute, en la matière, la plus grande de ses qualités. Jamais il ne fit volontairement quoi que ce soit qui puisse être source de honte pour son paternel. Ainsi, lorsque à l’aube de ses 16 ans, Arthus van Aken lui annonça ses fiançailles à venir, il ne vint pas à l’esprit de Maxmilian de protester. Il ne connaissait que peu la jeune Helena Marek, de deux ans sa cadette, bien qu’il l’ait déjà croisé à plusieurs reprises, à Durmstrang et dans les diverses réceptions que les grandes et nobles familles de sang-pur organisaient régulièrement dans le Prague sorcier. Le mariage de Maxmilian et Helena fut célébré peu de temps après la fin de la scolarité de celle-ci, alors que lui entamait tout juste une carrière au ministère de la magie.

D’aucuns diraient que le couple que Maxmilian et Helena forment n’est rien de plus qu’une alliance arrangée par Arthus van Aken pour renforcer la position familiale au sein de la société sorcière tchèque, et ils n’auraient guère tort, mais ce serait pourtant ignorer le fait que leur union s’est très rapidement révélé être une heureuse réussite. La fécondité de leur couple n’a d’égale que leur complicité dans le mariage ; sans doute n’ont-ils jamais ressenti de coup de foudre entre eux, mais ils n’en restent pas moins d’une grande complicité et se partagent le travail avec une redoutable efficacité.

Située en plein cœur de Prague, la maison de Maxmilian est une bâtisse d’une taille convenable pour une demeure citadine. Pourtant, elle semble bien étroite pour une famille nombreuse. Sans doute aurait-il été plus simple de la vendre pour emménager plus loin, dans la campagne tchèque, et ainsi offrir aux innombrables enfants l’espace dont ils manquaient cruellement. Mais si l’idée d’un déménagement fut avancée par Helena après la venue au monde des jumeaux, son mari en décida autrement, trouvant une grande satisfaction à avoir un domicile proche du centre névralgique de la société sorcière tchèque. Ainsi, lorsque les sorciers les plus respectables du pays viennent au ministère de la magie, ils ne peuvent pas ne pas venir saluer le couple van Aken. Il est en effet indispensable pour la famille d’entretenir d’étroites relations avec les autres sang-pur du pays ; installés depuis seulement une génération à Prague, s’ils ne peuvent se targuer d’une incommensurable richesse au moins peuvent-ils être fiers d’avoir des contacts avec les sorciers les plus influents.

L’éducation des enfants est une affaire de famille ; il est tout bonnement inadmissible d’imaginer confier à d’autres le soin de leur apprendre les choses les plus élémentaires. Ainsi, dès la naissance de l’aînée, Kristýna, Helena porta toute son attention sur sa fille. Les années passant, et la fratrie s’agrandissant, le chef de famille estima qu’Helena et Maxmilian ne pouvaient plus s’occuper seuls de leurs enfants, et puisque l’aînée arrivait à un âge où les enfants entraient normalement à l’école élémentaire, l’implication de nouvelles personnes dans l’éducation des petits van Aken était inévitable. L’implacable Arthus van Aken instaura donc son propre système éducatif ; une école pour les van Aken, par les van Aken. Une véritable cousinade éducative ! Avec sept enfants, qui eurent eux-mêmes plusieurs descendants, il y avait un nombre certain d’écoliers potentiels. Les principaux éducateurs furent les mères des différents garnements, dont Helena, dirigées d’une main de fer par Alenka, tous se rendant ainsi régulièrement chez le patriarche.

2ème partie : où est l'enfance est l'âge d'or.
Les premières lueurs du jour traversèrent les vitres de l’élégante demeure, caressant la peau nacrée de ses occupants. Six adultes se tenaient dans une pièce trop petite pour qu’ils s’y sentent tous parfaitement à l’aise, mais aucun ne prêtait attention à l’inconfort ainsi occasionné. Un homme, manifestement le plus âgé du petit groupe, dictait une lettre à une femme aux cheveux grisonnant : « ... le bonheur de vous informer de la naissance de mon petit-fils, Dmitri Drahomir Daniel van Aken... ». Des pleures s’élevèrent depuis un berceau situé non loin de là, comme en réponse à l’énumération des prénoms du nouveau-né. La mère de l’enfant murmura quelques mots en tchèque, tandis que l’homme continuait sa tirade en anglais. « ... et moi-même, serions heureux de vous le présenter à votre prochaine venue à Prague... ». Lorsque la lettre fut terminée, l’épouse d’Arthus en fit une copie d’un coup de baguette et donna l’un des parchemins à un hibou, la seconde étant destinée aux archives qu’elle s’évertuait à tenir depuis de nombreuses années. Pour chaque naissance, l’on pouvait y trouver la copie d’un faire-part ; Alenka en avait déjà rédigé plusieurs, annonçant non seulement la naissance des six frères et sœurs de Dmitri, mais également celle de ses cousins.

Le bébé s’étant finalement endormi, les adultes quittèrent la pièce, laissant la mère et son fils seuls. En sortant, Maxmilian et son propre frère, venu célébrer la naissance de son énième neveu, furent sauvagement agressé par une jeune fille d’une dizaine d’année. « Alors père ?! Alors ! » Il ferma vivement la porte pour que ce nouveau raffut ne réveille pas Dmitri, puis répondit sèchement : « C’est un garçon, Kristýna. Et ne faites pas tant de bruit, vous allez le réveiller ! Allez plutôt aider votre grand-mère à préparer le repas des jumeaux et de Kryštof. » Une moue boudeuse naquit sur le visage de la jeune fille, avant qu’elle ne se décide finalement à obtempérer ; depuis la naissance des jumeaux, qui avait eue lieu deux ans plus tôt, l’aide de Kristýna était souvent requise. Avec l’arrivée de Kryštof à peine un an plus tard, et maintenant celle de Dmitri, son aide devenait indispensable ! « Je t’avoue que je ne suis pas pressée de la voir partir pour Durmstrang... ses frères sont encore trop jeunes pour aider leur mère, et je suis moi-même trop souvent occupé au ministère pour être un soutien digne de ce nom » soupira Maxmilian après le départ de sa fille. « Voilà pourquoi je n’ai eu que deux enfants... après avoir vu nos parents consacrer autant de temps à l’éducation de sept garçons, je ne risquai pas de réitérer l’exploit, persifla Adrián, mais ne t’inquiètes pas trop pour ça : mon épouse a demandé à passer à mi-temps pour le service de pathologie des sortilèges... je crois qu’être guérisseur l’ennuie de plus en plus... quoiqu’il en soit, elle prévoit d’aider mère pour l’instruction des enfants. Comme les nôtres sont déjà à Durmstrang, il ne reste plus que mes seize, pardon dix-sept maintenant, neveux ! »


« Lâche ça, Igor ! » Dmitri sauta de sa chaise et se rua sur son frère aîné : celui-ci se tenait debout sur son lit, tenant à bout de bras un petit livre qu’il avait subtilisé à son cadet. Le garçon de sept ans eut beau sautiller en tentant d’attraper l’objet, ses efforts étaient vains : de quatre ans son aîné, Igor était bien trop grand. « C’quoi ça ? » nargua-t-il en feuilletant le livre, dont les illustrations restaient étrangement fixes. « J’parie que c’est ce moldu qui te l’a donné... » Nul doute que l’expression, qui passa sur le visage de l’aîné lorsqu’il évoqua le moldu, fut celle d’un profond dégout. « Père va être fou de rage quand il apprendra que t’as joué avec un moldu. » Sur ces mots, Igor se précipita vers les escaliers. Les deux garçons partageaient la plus grande des chambres avec Kryštof ; seule pièce du dernier étage, elle aurait pu être très spacieuse si elle n’était pas mansardée. À l’étage inférieur se trouvait la chambre des filles, Kristýna et Sofia, et celle des deux autres garçons, Miroslav et Izidor. C’était également à cet étage que se trouvait une salle servant à la fois de bibliothèque et de salle de cours pour les enfants, ainsi que le bureau de leur père. Cette dernière pièce semblait être, aux yeux des enfants, un sanctuaire impénétrable ; nul n’avait le droit d’y entrer sans y être invité par Maxmilian et en général, lorsque celui-ci enjoignait ses enfants à l’y rejoindre, c’était le signe qu’ils allaient passer un mauvais moment. Du haut de ses sept ans, il semblait à Dmitri y avoir passé plus de temps que tous ses frères réunis, le benjamin de la famille ayant souvent le droit à des remontrances, non sans raison aux yeux des autres alors que totalement injustes aux siens. Igor s’arrêta devant le bureau, frappant sagement au battant de la porte. Dmitri arriva au niveau de son frère, prêt à se saisir du livre, lorsque la voix de son père retentit, tel un fouet, les autorisant à entrer. L’aîné ne se fit pas prier et enclencha la poignée d’un air conquérant. « Père ? Dmitri a joué avec un moldu ce matin ! Et regardez ce que j’ai trouvé dans ses affaires. » Droit au but. L’incriminé se paralysa, sentant le danger venir, mais aucun cri ne déferla sur lui. Ce fut sur un ton très calme que Maxmilian van Aken répondit : « Igor, il me semblait vous avoir déjà indiqué que je n’aime pas les fouineurs... en conséquence, puisque vous semblez incapable de ne pas fouiller dans les affaires de vos frères, vous pouvez d’ores et déjà faire une croix sur le balai que vous vouliez tant avoir pour votre anniversaire. Et estimez-vous heureux de ne pas être puni plus sévèrement pour votre désobéissance. » Le paternel n’avait toujours pas levé les yeux de son parchemin, étudiant le document comme s’il n’avait pas eu la visite de ses fils. Au bout d’un temps qui sembla interminable, Maxmilian détourna son attention du parchemin. Ses yeux se posèrent sur l’objet du litige, avant de se tourner vers Dmitri, celui-ci admirant le pied d’une chaise. L’homme se leva finalement, contournant son bureau pour se saisir du livre. « Igor, vous pouvez retourner dans votre chambre. » Un long silence ponctua le départ du plus âgé des garçons. « Dmitri, regardez-moi. » L’intéressé obtempéra malgré lui, plongeant ses iris d’un bleu cristallin dans ceux de son père. S’il fallait une preuve de leur lien de parenté, leurs yeux en était la plus indiscutable : au jeu des sept différences, la seule que l’on pouvait trouver n’était autre que l’éclat sévère brillant dans le regard du père, celui du fils démontrant plutôt l’inquiétude qui l’habitait. « Ainsi donc, les allégations de votre frère sont véridiques... Dmitri ne saurait dire si cette affirmation venait du fait que son père était un legilimen ou de sa culpabilité si manifeste que même un aveugle l’aurait vue. Vous me décevez. » Ces derniers mots furent prononcés si sèchement que l’enfant tressaillit, comme s’il avait reçu un coup de canne. Si son grand-père avait été présent, sans doute en aurait-il déjà reçu. À nouveau, le silence s’installa entre eux, pendant que Maxmilian étudiait minutieusement le livre. Dmitri savait que dans ces moments-là, le plus prudent était encore de ne rien dire ; la moindre remarque que son père jugerait déplacée pouvant aggraver les choses. Il se tut donc, laissant le paternel découvrir avec horreur le contenu des pages : un livre pour enfant moldu dont la quatrième de couverture promettait à son possesseur de découvrir un grand nombre de vaisseaux spatiaux, navettes, fusées, satellites ainsi que la Station spatiale internationale. C’était un autre enfant du quartier qui l’avait prêté à Dmitri. Les deux garçons s’étaient rencontrés quelques jours plus tôt, dans le parc situé juste en face de la maison des van Aken. Le jeune moldu lui avait laissé son livre en voyant l’émerveillement qu’avait Dmitri pour ces fameux vaisseaux spatiaux : ces objets étaient tellement plus impressionnants que leurs balais ! Depuis, le benjamin des van Aken n’avait eu de cesse que de feuilleter l’ouvrage, redessinant ces véhicules destinés à visiter l’espace. Il s’imaginait un jour en inventer lui-même, alliant la magie des moldus, qu’ils appelaient dans le livre « technologie », et celle des sorciers, afin d’aller encore plus loin, de découvrir des endroits où nul n’était encore allé. « Puisque vous profitez de vos excursions au parc pour vous acoquiner avec des moldus, vous êtes privés de sortie jusqu’à nouvel ordre. » Là, aucun doute, il s’agissait bel et bien de legilimancie. Dmitri repartit de plus belle dans l’admiration du pied de chaise, de peur de dévoiler trop de choses au paternel. Il attendit avec appréhension l’énoncé de ses autres sanctions, mais il n’entendit rien d’autre qu’un profond soupir. Relevant la tête, il eut une vision pour le moins inédite : son père s’était accoudé contre son bureau, l’air subitement las. Fatigué même. Le garçon se sentit soudainement très mal à l’aise ; jamais encore son père n’avait faire montre d’une telle fatigue devant ses enfants, jamais il n’avait faibli devant eux. L’homme habituellement stricte et intransigeant avait laissé place à quelqu’un d’autre, son visage semblait plus ridé que d’ordinaire, sa peau plus pâle, ses yeux ternes. « Vous ne reverrez plus jamais ce moldu. » Comme engaillardi par la vision de son père affaibli, Dmitri se sentit d’une humeur révoltée. Une lueur de défi dans l’iris, il rétorqua avec plus de fougue qui ne l’avait prévu : « C’est injuste ! Je suis assez grand pour choisir mes amis tout seul ! » Si la situation n’était pas si tendue, ses protestations auraient sans doute eu un caractère comique : du haut de ses sept ans, il était difficile de le prendre au sérieux. Se contentant de lever un sourcil, son père reprit : « La place d’un sorcier n’est pas aux côtés de celle d’un moldu. On n’entretient pas de relations amicales avec des serviteurs. » Cette même rengaine des moldus serviteurs des sorciers... Dmitri aurait pu y croire s’il n’avait pas un désir de révolte profondément ancré en lui. Son aversion pour l’autorité le poussait à contester chaque parole de son père et à se prouver qu’il avait tort. « Les moldus ne sont pas nos inférieurs ! Ils n’ont pas besoin de nous pour... » Il ne put jamais terminer sa phrase : la fatigue du paternel avait subitement laissé place à une colère manifeste et Dmitri vit à peine la main se lever avant que celle-ci ne s’abatte sur sa joue. Le coup, donné du dos de la main, le fit vaciller tant et si bien qu’il dut se rattraper à la chaise qui faisait quelques minutes plus tôt l’objet de ses admirations feintes. Un filet de sang zébra le haut de sa pommette, juste en dessous de l’œil, laissé là par la chevalière de son père. Les deux hommes se regardèrent en silence, tous deux abasourdi ; le garçon avait déjà eu le droit à des châtiments corporels, ce n’était pas nouveau. Ce qui était une première, en revanche, en était la nature : jamais son père ne l’avait frappé sous l’effet de la colère. Chez les van Aken, les punitions corporelles étaient toujours réfléchis et mesurées : on ne levait pas la main lorsque l’on était en proie à de fortes émotions car ce serait obéir à de primitifs instincts qui n’apportent rien de bon. « Dehors » souffla son paternel, la main encore tremblante. Dmitri ne se fit pas prier et sortit de la pièce promptement.

Il était difficile de dire lequel des deux avait été le plus chamboulé par la tournure des évènements. Toujours est-il qu’ils ne reparlèrent jamais de ce qu’il s’était passé. Cette gifle avait pourtant tout changé aux yeux de Dmitri ; jamais plus il ne prêtera attention aux belles paroles de son père et de son grand-père sur la noblesse et la grandeur, et lorsqu’ils usaient de châtiments corporels, ils ne parvenaient qu’à affermir chez lui la conviction qu’il ne voulait pas leur ressembler.


« Grouille-toi Dmitri, j’ai pas envie d’être encore puni parce qu’on arrive en retard à cause de toi ! » Cette agréable tirade fut accompagnée d’une bousculade ; si Krystof n’était pas connu pour sa patience, il ne l’était pas plus pour sa sympathie à l’égard de son benjamin. Si la faible différence d’âge entre eux, à peine plus d’un an, aurait pu les rapprocher et les inciter à faire les quatre cents coups ensemble, ce ne fut pas le cas. Bien au contraire, les deux cadets de la famille se détestaient cordialement et les choses n’avaient fait qu’empirer après la première manifestation des pouvoirs de Krystof. Dmitri demeurait donc le dernier à ne pas encore fait montre d’un tant soit peu de magie ; et si à son âge il n’y avait pas de quoi s’inquiéter, ses frères voyaient néanmoins dans sa lubie pour les moldus une preuve irréfutable de sa condition de cracmol. « Rien que pour te faire chier, ça vaut l’coup d’arriver en retard. » Après des vacances chez leurs grands-parents maternels, la fratrie était sur le départ ; adieu l’agréable campagne Tchèque et ses espaces sans fin. « T’a pas intérêt ! » beugla l’ainé des deux frères. « Sinon quoi ? » défia Dmitri. « Sinon je te jette un sors ! » Le benjamin éclata de rire. « Quoi ? Tu m’en crois pas capable ? Au cas où tu l’aurais oublié, je suis pas un cracmol, moi ! » Krystof, en bon provocateur, insista lourdement sur le mot « cracmol », ce qui eut pour effet de mettre Dmitri hors de lui ; la patience n’étant décidemment pas un attribut très présent dans la fratrie. « Je. Ne. Suis. Pas. Un. Cracmol ! » gronda-t-il en détachant les mots avec lenteur, sa colère grandissant à chacun d’eux. Soudain, ce fut comme si une petite tornade était passée dans la pièce ; la vitre s’ouvrit avec fracas, cognant contre le battant avec tant de force que le verre se brisa. Durant tout l’été, Dmitri avait supporté les piques et provocations de ses frères et était resté relativement sage afin de ne pas trop accabler sa grand-mère, déjà bien malade. Il s’agissait presque d’un sans-faute ; aucune bagarre et des disputes toujours discrètes... jusqu’à maintenant. La chambre était désormais sens dessus dessous : le verre brisé gisant au sol, du linge de maison éparpillé dans la pièce. Les deux garçons en étaient venus aux mains lorsque Matyáš Marek, leur grand-père, arriva pour les séparer.

Dmitri avait toujours pensé que sa première manifestation de magie serait pour lui l’occasion de voir au moins une fois dans sa vie le sourire de son père ; quelle naïveté. Au lieu de ça, il eut droit à une ferme correction ; était-ce vraiment utile de rajouter aux ecchymoses dues à la bagarre celles dues à la punition paternelle ? Pour Maxmilian van Aken, la réponse était positive.


« Pourquoi tu as fait ça ? Mère était morte d’inquiétude ! maugréa Kristýna. Et moi aussi d’ailleurs. » Dmitri haussa les épaules d’un air dédaigneux. « Y’avait pas de quoi être inquiètes... vous en faites toute une montagne ! » L’aînée de la famille le foudroya du regard : « Toute une montagne ? Tu sais ce que ça fait de voir que ton petit frère a disparu et qu’il a emporté avec lui une bonne partie de ses affaires ?! On croyait que tu avais fugué ! C’était égoïste de partir comme ça, sans rien dire. Mais monsieur s’ennuie, donc monsieur a décidé de passer quelques jours chez son copain. » Le benjamin prit un air offusqué : « Tu sais très bien pourquoi je n’ai rien dit ! Père m’aurait empêché d’y aller... et sans doute m’aurait-il frappé pour avoir osé demander à passer quelques jours chez Joseph. Et je t’avoue que je commence à être lassé de prendre des coups pour rien. » Kristýna éclata d’un rire qui sonnait affreusement faux. « Pour rien ? Oh arrête de jouer les innocents. » La jeune femme donna un coup de baguette en direction d’une pile d’assiettes qui allèrent se ranger d’elles-mêmes dans les tiroirs du buffet. « Je sais très bien que tu fais exprès de provoquer père... ta soudaine amitié avec ce Joseph est tout sauf innocente. C’est quand même étrange que parmi tous les enfants de ton âge qui étaient présent à la réception du ministère, tu as décidé de t’acoquiner avec le seul dont le géniteur est un sang-de-bourbe ! » Dmitri ne put retenir un léger sourire coupable. Sans laisser à son frère le temps de répondre l’aînée quitta la pièce et, quelques instants plus tard, il entendit la porte d’entrée se refermer.

Désormais seul dans la cuisine, il s’apprêta à remonter dans sa chambre lorsqu’il réalisa que ses parents, qui se trouvaient dans le salon, parlaient assez fort pour qu’il puisse les entendre. Et manifestement, ils semblaient parler de lui, ce qui n’avait rien de surprenant. Dmitri avait, sur invitation de son nouvel ami, passé quelques jours chez le père de ce dernier qui était un diplomate du ministère de la magie français auprès du département de la coopération magique internationale. Maxmilian van Aken ne l’avait appris que plusieurs heures après que l’invitation avait été honorée et, mis au pied du mur, il n’aurait guère pu rapatrier son fils sans se montrer irrespectueux envers le Français. Dmitri avait donc pu y rester cinq jours, comme prévu. En rentrant, il s’attendait à recevoir une sanction des plus sévères pour s’être ainsi joué du paternel, mais ce ne fut pas le cas. Au lieu de cela, il avait été accueilli par sa sœur aînée.

« Je ne sais pas Maxmilian... fit la mère de Dmitri, l’envoyer à Poudlard ne me plait pas. » Le jeune garnement, surpris, colla son oreille sur le battant de la porte. Poudlard ? De quoi parlaient-ils ? « Tu as une autre solution ? Je suis prêt à te parier tous les galions du monde qu’il ne tiendra pas longtemps à Durmstrang avant de se faire expulser ! rétorqua son père, son excursion chez ce sang-de-bourbe nous l’a bien montré : il est réfractaire à toute forme de discipline. Et je ne te parle pas de sa lubie pour ces... choses de moldus. Hier, ce sang-de-bourbe m’a même dit que Dmitri l’avait questionné sur le fonctionnement des... comment il appelle ça déjà ? Ah oui, des avions. » Le petit espion eut du mal à réprimer un fou rire en imaginant la tête que devait faire son père lorsque le diplomate lui avait annoncé ça. « La discipline est plus souple à Poudlard qu’à Durmstrang... là-bas, il ne risquera pas de se faire expulser à la première incartade. » Sa mère mit quelques secondes avant de répondre, comme si elle pesait le pour et le contre. « Justement... envoyer notre fils dans une école où la discipline est trop laxiste ne va pas l’aider à se calmer. J’ai peur qu’il ne devienne encore pire sans une surveillance digne de ce nom ! » La femme ne cachait pas son dédain pour l’école britannique : toute la famille d’Helena avait été scolarisée à Durmstrang, elle n’imaginait donc pas envoyer ses enfants ailleurs, et encore moins dans une école jugée décadente depuis qu’elle accueillait des rejetons de moldus. « Il ne sera pas totalement sans surveillance : mon oncle y enseigne depuis le début de l’année et il est disposé à garder un œil sur Dmitri. Et ce n’est pas toi qui disais qu’être éloigné de ses frères lui ferait du bien ? » Le père de famille fit une pause avant de revenir à l’assaut : « Écoute Helena, jusque-là nous pouvions contenir Dmitri et espérer qu’en grandissant, il finirait par rentrer dans le rang et arrêter ses sottises... il n’en est rien et je ne veux pas prendre le risque de l’envoyer à Durmstrang. Si je peux passer sur le risque d’expulsion, il est hors de question qu’il jette l’opprobre sur la famille ! Il ne s’agit pas seulement de l’école, mais des personnes qu’il va y rencontrer ; je ne veux pas entendre dire qu’un de mes fils est un traître à son sang. Je ne veux pas qu’on assimile le nom des van Aken à celui d’un traître à son sang ! » Cette fois-ci, Helena ne protesta pas : les arguments de son époux semblaient peu à peu faire mouche. « Dès qu’il aura mis les pieds à Durmstrang, tout le monde verra l’intérêt que notre fils a pour les moldus... sais-tu combien de mes collègues, combien de mes supérieurs au ministère, ont d’enfants dans la même tranche d’âge que lui ? Beaucoup trop pour qu’on puisse espérer qu’aucun d’eux n’entendent dire de leurs enfants à quel point le benjamin des van Aken aime parler du monde moldu. Sans compter que si l’on se met à parler du plus jeune, les ragots risquent d’éclabousser ses aînés. Kryštof vient tout juste d’entrer à Durmstrang, il n’aura pas le temps de faire ses preuves avant que son frère ne vienne lui saper ses efforts ! » Le cœur serré et les mains moites, Dmitri dut faire un immense effort pour ne pas s’énerver ; tant d’objets n’attendaient que d’être fracassés au sol... mais il parvint à se contenir. Toujours la même rengaine : il était la honte de la famille et risquait de causer du tort à ses frères.

Tandis qu’il luttait contre la colère, de l’autre côté de la porte la discussion semblait avoir quelque peu évoluée : « Mon père, et je suis d’accord avec lui, pense que c’est la meilleure option... d’autant plus qu’Alexander est le dernier peintre aguerri de la famille. J’ai peut-être honte des extravagances de Dmitri, mais je serai très fier de savoir qu’un de mes enfants est capable de perpétuer l’héritage artistique de mes aïeux. Et il est le plus apte à apprendre l’art de la peinture vivante. » Pour sûr, ce n’était pas ce lourdaud d'Igor qui pourrait espérer devenir un peintre reconnu. Comme beaucoup de ses cousins d’ailleurs : la plupart étaient restés au stade des personnages en bâton. « Si tu estimes que ton oncle arrivera à quelque chose avec Dmitri... très bien, je suis d’accord. J’espère juste que tu ne te fourvoies pas en disant qu’il est capable de remettre notre fils sur le bon chemin ! »

3ème partie : le grand départ.
Krystof s’était allègrement moqué de lui lorsque leur père avait décrété que Dmitri n’irait pas à Durmstrang. « Cherchez l’intrus ! qu’il disait. C’est simple, c’est celui qui va aller dans une école de sang-de-bourbe ! » Si le côté tchèque de la famille y voyait une honte, ce n’était pas tout à fait le cas du côté britannique... après tout, son grand-père avait passé sa scolarité à Poudlard ! Mais c’était un autre temps. Et ce serait mentir que de dire qu’il n’y était pas envoyé pour éviter le déshonneur que causerait son renvoi (très probable) de Durmstrang. Pourtant, malgré les railleries de son frère, Dmitri était ravi d’aller à Poudlard. Tout, dans cette décision, le mettait aux anges : il n’aurait plus ses frères sur le dos et aurait enfin une chambre pour lui tout seul dans le manoir de son grand-oncle. De plus, à Poudlard, des nés-moldus étaient admis, ce qui signifiait qu’il allait pouvoir ne serait-ce que parler de sa passion pour la technologie moldu ! Il pourrait même en apprendre plus !

D’un autre côté, plus le jour de prendre son portoloin pour rejoindre une île perdue en Écosse approchait, plus son appréhension grandissait. Il connaissait à peine l’homme qui devait l’accueillir, n’ayant croisé son grand-oncle que lors de brèves entrevues. Le peu qu’il savait de lui tenait des informations glanées aux cours des discussions de son père et de son grand-père, et de ses extrapolations. Dmitri l’imaginait tantôt plus avenant qu’Arthus van Aken, sans doute à cause de sa réputation d’artiste, tantôt plus sévère, si cela fût possible. Par ailleurs, il quittait le pays qui l’avait vu grandir pour une contrée étrangère et ce serait mentir que d’affirmer que Dmitri avait eu une éducation empreinte d’une culture anglo-saxonne. La part tchèque de sa famille fut dominante et si son grand-père s’évertuait à parler en anglais à ses petits-enfants, il demeurait l’une des seules choses qui rattachait les enfants van Aken à leurs origines écossaises.

Ses affaires prêtes et les adieux faits, non sans une pointe de joie, à sa fratrie, il fût temps de partir ; le portoloin n’attendait pas et Dmitri avait l’intuition que son grand-oncle non plus. Pressé par son père afin de ne pas louper l’heure du départ, il n’eut pas le loisir de préparer un plan pour commencer ses vacances aux Hébrides avec un peu de piquant ; tant pis, il sera à l’heure comme l’enfant modèle qu’il n’était pas.

Il n’y a guère de civilisation sorcière qui ne compte au moins un van Aken dans ses rangs ; c’est fort de cette affirmation que Dmitri a grandi. Les van Aken sont partout, et la fertilité des dernières générations n’en est qu’une preuve de plus.

Puisant ses origines en Flandres, puis installée en Écosse, sur une île des Hébrides, la famille van Aken s’est exportée jusqu’en République Tchèque. « Exilée » serait sans doute un terme plus approprié. Suspecté d’être un partisan du seigneur des ténèbres, Arthus van Aken a fui sa terre natale pour Prague. C’est ainsi que cette famille réputée pour ses connaissances en peinture magique vit son expertise élargie à un nouveau domaine, la branche tchèque des van Aken s’intéressant alors aux baguettes magiques.

Arthus van Aken (grand-père paternel, patriarche de la branche tchèque des van Aken) ; second fils de Ludmilla et Abraham van Aken, il a vécu les deux premières décennies de sa vie en Grande Bretagne avant de s’exiler, à l’aube de ses trente ans, en République Tchèque afin de fuir la disgrâce. En effet, suspecté d’être un soutien du Seigneur des Ténèbres, envoyé à Azkaban dans l’attente de son jugement, puis finalement relâché faute de preuve, le soupçon demeurait bel et bien présent et il ne pouvait se résoudre à l’affronter. À Prague, il mit ses talents de mage et d’artiste au service de la filiale tchèque de l’entreprise Gregorovitch, comme sculpteur de bois et de baguettes. Il épousa Alenka Potemkin et eut avec elle sept enfants, tous des garçons.

L’intégralité de la branche tchèque de la famille van Aken gravite autour de lui ; il en est le chef, le guide. Avec ses fils, comme avec ses petits-enfants, il parle en anglais. Bien que l’éducation des plus jeunes soit grandement impacté par la culture tchèque, il veille à ce qu’ils héritent d’un minimum de culture anglo-saxonne et insiste pour que l’héritage artistique des van Aken leur soit transmis.

Alenka Potemkin (grand-mère paternelle) ; issue d’une vielle famille de sang-pur Tchécoslovaques, elle vécut presque toute sa vie à Prague, ne quittant la ville aux cent tours que pour de rares occasions. L’une de ces occasions fut évidemment afin d’effectuer sa scolarité à Durmstrang. Elle exerça pendant quelques temps le métier de guérisseur dans l’hôpital sorcier de Prague, mais démissionna rapidement afin de s’occuper de ses enfants, ce qui n’était pas une mince affaire. Par la suite, elle aida à l’éducation de ses innombrables petits enfants.

Alexander van Aken (grand-oncle) ; Dmitri ne connait que peu le frère aîné d’Arthus van Aken. Jusqu’à très récemment, leurs relations se limitaient aux rares venues du professeur à Prague, et ces venues n’ont jamais vraiment été l’occasion de faire plus ample connaissance puisque l’on ne conviait pas le plus jeune des petits-enfants à la table des aînés. L’homme n’était donc guère plus qu’une silhouette entraperçue au détour d’un couloir jusqu’au jour où il fut décidé que Dmitri irait vivre chez lui.

Matyáš et Catherine Marek (grands-parents maternels) ; les Marek font partie de ces familles de sorciers qui parviennent tout juste à faire subsister leur nom, luttant génération après génération pour ne pas le voir s’éteindre. Le désastre des unions avec des impurs a, bien que Matyáš le niera formellement, affreusement touché sa famille ; il est un des derniers à avoir préservé son sang-pur, épousant une autre sang-pur venue de France. Le couple a eu trois enfants ; l’aîné a été rayé des registres familiaux, banni à jamais, celui-ci ayant eu l’outrecuidance d’être un cracmol. Tous les espoirs de la famille ont donc été portés sur l’unique fils sorciers, et avec lui une grande partie de la fortune familiale. Ne restait donc plus qu’Helena, dont la main fut promise par son père aux van Aken, leurs familles respectives étant déjà liés grâce à Alenka Potemkin, cousine éloignée de Matyáš.

Jusqu’à la mort de Catherine, début 2025, Dmitri passait une partie des vacances d’été chez eux avec ses cousins, leur maison de campagne étant assez grande pour accueillir une majorité d’entre eux. Il fallut néanmoins installer les plus âgés sous une tente ensorcelée afin d’accueillir tout ce beau monde !

Maxmilian van Aken (père) ; septième et dernier fils d’Alenka et Arthus van Aken, il fit ses études à Durmstrang puis entama une carrière administrative au bureau des aurors du ministère de la magie en Europe de l’Est. Dernier enfant d’une fratrie déjà bien imposante, il dut faire preuve d’ingéniosité pour attirer l’attention d’un paternel exigeant ; il a donc mis un point d’honneur à correspondre en tout point aux attentes d’Arthus. Bien qu’il ne soit pas particulièrement versé dans l’art, comme l’exige pourtant l’héritage familial, il compense avec un travail acharné et une grande fidélité aux valeurs familiales. Fiancé à Helena Marek avant même d’avoir quitté les bancs de l’école, il l’épouse l’été des 18 ans de celle-ci et ne tarde pas à voir son union comblée par l’arrivée d’une première fille.

D’une nature autoritaire, il est aussi intransigeant dans sa vie professionnelle qu’avec ses enfants ; il se montre rarement attendrissant avec eux, estimant que la fermeté est la meilleure des pédagogies. Nul doute cependant qu’il a une préférence pour ses filles, qu’il gratifie d’une certaine forme de tendresse qu’il n’a pas pour ses fils. S’agissant de Dmitri, la relation est particulièrement conflictuelle, ce dernier occupant dans la fratrie la place que Maxmilian occupait lui-même sans pour autant se montrer aussi prompt à satisfaire le paternel.

Helena Marek (mère) ; pour quelqu’un observant la famille de loin, l’épouse de Maxmilian semblerait sans doute être constamment en retrait derrière son mari. La vérité est tout autre : jamais une décision importante concernant la famille n’a été prise sans qu’Helena ait son mot à dire. À l’instar de son époux, Helena sait se montrer ferme avec ses enfants : quand on en a sept à élever, la tendresse n’est pas toujours la manière la plus simple et la plus efficace pour les éduquer comme il se doit. Si elle n’est pas aussi encline que son époux, ou son beau-père, à faire usage de châtiments corporels, elle possède un don particulier pour insinuer un fort sentiment de honte chez ses enfants lorsque ceux-ci désobéissent et il est rare que les garnements soient fiers de leurs incartades lorsqu’ils se retrouvent face à elle.

Mais le regard plein de reproches de sa mère n’est pas parvenu à dissuader Dmitri de s’opposer à ses parents ; il n’en fut pourtant pas préservé. Être le dernier né de la fratrie n’a pas été, comme on peut parfois l’imaginer dans les grandes fratries, source d’une plus grande clémence. Au contraire, Helena a toujours veillé à se montrer égale face à ses enfants et aucun d’eux ne peut se vanter d’avoir eu un traitement de faveur.

Fratrie « van Aken » ; Dmitri est le plus jeune des enfants de Maxmilian et Helena. Il est précédé de six enfants : deux filles et quatre garçons. De l’aînée au plus jeune : Kristyna, Miroslav, Igor, Sofia et Izidor, qui sont de faux-jumeaux, et Krystof. Sofia, Izidor et Krystof sont les derniers à être encore scolarisés à Durmstrang. Dmitri dénote beaucoup dans cette fratrie et a, par conséquent, toujours eu des relations conflictuelles avec les autres garçons, tout particulièrement avec Igor et Krystof avec qui il s’est beaucoup battu. En revanche, et malgré leur différence d’âge, il est très proche de Kristýna.

La cousinade « van Aken » ; Maxmilian ayant six frères, il est difficile de trouver une promotion de Durmstrang n’ayant pas au moins un van Aken dans ses rangs. Dmitri a un nombre certain de cousins et cousines de tous âges qu’il a, pour la plupart, fréquentés très régulièrement ; en effet, le chef de famille ayant décrété qu’il n’était pas admissible qu’un van Aken soit éduqué par un étranger (et encore moins un instituteur moldu !), tous ses petits-enfants furent scolarisés à domicile et se réunissait donc souvent chez le patriarche pour y recevoir une instruction commune. Très rapidement, ils ont même passés de nombreuses vacances chez les grands-parents maternels de Dmitri qui, bien qu’ils ne soient pas liés par le sang avec la plus grande partie de la cousinade, ont toujours appréciés avoir des enfants chez eux. Des enfants au sang-pur à qui ils peuvent inculquer les valeurs traditionnelles qui fait défaut à tant de jeunes d’aujourd’hui.

Les dernières lueurs du soleil n’étaient désormais plus qu’un souvenir ; le timide astre brûlant avait laissé place à sa comparse, la nuit. Griffonnant au fusain un portrait de son compagnon de voyage, un autre élève de première année, Dmitri ne put retenir un sursaut lorsque la porte du wagon s’ouvrit sans crier gare. Un élève bien plus âgé que lui, portant un insigne épinglé sur sa robe de sorcier les apostropha : « Vous êtes de première année ? Vous devriez mettre votre uniforme, le train ne va pas tarder à arriver. » Et sans attendre une quelconque réponse, le préfet referma la porte, allant sans doute déranger la quiétude d’un autre wagon. Ignorant son conseil superflu – Dmitri n’ayant plus que sa robe de sorcier à revêtir – il continua son croquis, râlant quelque peu alors que la tête de son modèle disparaissait dans son sweat à capuche au moment même où l’artiste en herbe s’apprêtait à parfaire la complexe reproduction de la chevelure mal peignée du garçon.
Lorsque le train fut enfin arrêté, le jeune tchèque rejoignit ses comparses de première année sur le quai, frissonnant quelque peu ; les douces températures de son pays était sans doute ce qui lui manquait le plus. À Durmstrang, ça aurait été bien pire, se força-t-il à penser. Mais cette litanie rassurante le quitta lorsqu’il comprit qu’ils allaient devoir traverser le lac dans de biens frêles embarcations afin d’atteindre le château. Par ce temps, ils comptent utiliser des barques ? Ils sont fous ces anglais... Dmitri s’imaginait monter dans une barque pour traverser une étendue d’eau aussi agitée que celle qui bordait les côtes écossaises de l’île des van Aken, mais ce ne fut qu’une paisible traversée sur un lac tranquille. Il ne put nier que le spectacle de ce château aux milles lumières se découpant dans l’obscurité et se reflétant dans l’eau était magnifique.

Machinalement, il était monté dans le même esquif que le première année qu’il s’était évertué à dessiner ; c’était un enfant plus réservé et d’une nature sans doute plus anxieuse que Dmitri de telle sorte que, durant le voyage, il avait dû mener lui-même la conversation, parvenant finalement à arracher quelques réponses à son jeune congénère. Ils avaient discuté de la répartition à venir ; le tchèque s’était renseigné sur le système de Poudlard, bien différent de celui de Durmstrang, et en savait donc assez pour ne pas être perdu avec le nom des différentes maisons. Spéculant sur la maison qui pourrait les accueillir tous deux, ils étaient au moins d’accord sur le fait qu’ils ne seraient sans doute pas répartis dans la même maison, ce qui semblait attrister l’autre enfant qui était heureux d’avoir déjà fait connaissance avec quelqu’un. En revanche, la perspective de ne pas être dans la même maison laissait Dmitri de marbre... avoir grandi entourer d’une quinzaine de cousins, de quatre frères et de deux sœurs avait forgé en lui un désir d’indépendance et il ressentait donc non pas de l’anxiété à l’idée d’affronter ce nouvel environnement, mais une grande excitation.

Arrivé dans le château, un professeur se chargea de leur expliquer le déroulement de la répartition. Ce rappel, qui lui parut de prime abord bien superflu, fit pourtant renaître en lui une réalité qui l’avait charmé lorsqu’on lui avait dit qu’il irait à Poudlard : des nés-moldus étaient sans doute présent autour de lui, découvrant un monde totalement inconnu quelques mois auparavant. Dmitri ne put s’empêcher de zieuter autour de lui, cherchant un né-moldu, comme si ceux-ci allaient avoir un signe distinctif, une différence telle qu’il serait impossible de ne pas la remarquer. Il n’eut pas le temps d’être déçu : il était temps d’entrer dans la salle où les attendaient les élèves plus âgés.

Le groupe de premières années avança dans la pièce, entre deux tables occupées par des élèves plus âgés, arborant les couleurs de leur maison. La plupart suivaient l’avancée des nouveaux arrivant des yeux, jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent devant une table disposée à la perpendiculaire des autres ; seule table occupée par des adultes, dont son grand-oncle. Entre eux, un tabouret garni d’un chapeau miteux.

Ainsi commença la répartition ; à mesure que les élèves étaient appelés pour connaître leur maison, un mélange d’appréhension et d’excitation naquit en Dmitri. « Poufsouffle ! » Une élève fut envoyée chez les blaireaux. « Serpentard ! » Un autre chez les serpents... la maison qui avait accueillie, pour ce qu’il en savait, une grande partie de ses aïeux. « Poufsouffle ! » Et un autre chez les jaunes... nul doute que cette maison n’était pas celle qui ravirait le plus sa famille. Pas plus que les gryffondors d’ailleurs. Si Dmitri était de ce genre d’enfant à vouloir satisfaire à tout prix les ambitions des parents, il serait bien anxieux à l’idée d’être envoyé chez les lions ou les blaireaux. « van Aken, Dmitri ! » Mais lui n’en avait cure : il s’avança donc vers le tabouret sans attentes précises, si ce n’est de pouvoir enfin aller se prélasser à une des tables.

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