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La voix qui le tira de ses rêveries ne lui était pas inconnue, sans pour autant lui paraître familière. C’était Hilary, une des filles de sa classe. Ils n’étaient pas spécialement proches, ne se connaissant que de vue et n’ayant pas l’habitude de fréquenter les mêmes cercles. Pour autant, il fut bien loin de rechigner à l’idée de voir une camarade le rejoindre… Il s’empara alors rapidement de son sac qu’il ramena à lui, s’assurant qu’elle ait bien la place de s’installer. « Bien sûr, vas-y, assieds-toi. » répondit-il d’une voix un peu nerveuse, s’efforçant de paraître toutefois sympathique. Il chercha un instant un sujet de conversation, ne sachant comment amorcer la discussion avec elle ; elle aimait la religion apparemment, mais pour ce qu'il y connaissait... Le cours commençait et Hatwell prenait la parole sur l’estrade, ce qui le força à baisser d’un ton… « Non, je sais pas où elle est… Mais vous êtes dans le même dortoir avec elle et Michaela, non ? Vous êtes pas venues ensemble ? » demanda-t-il en haussant un sourcil. Après tout, Michaela avait dit dans leurs échanges qu’elles n’étaient pas spécialement proches… mais tout de même, les choses étaient censées s’arranger progressivement entre elles, l’occasion aurait été bonne. Il tenta de se reconcentrer sur l’introduction faite par l’enseignante, tout en jetant quelques coups d’oeil à la vieille Van Aken dans son portrait. Si elle était aussi acariâtre que son descendant, ça promettait… Interrompu dans son flot de pensées, l’attention de Hayden se reporta sur quelques élèves à l’identité masquée qui passaient le pas de la porte en scandant un slogan.

Tout d’abord pris d’amusement pour cet événement insolite, en voyant pousser des fleurs, puis voler des oiseaux… son sourire se figea en apercevant les premières étincelles, et en réalisant que ça n’avait rien d’une blague ; c’était tout à fait sérieux. Un sortilège de protection mis en place fit office de barrière, mais sembla céder au bout d’un certain temps… Le coeur battant la chamade, Hayden eut tout à coup l’impression de se trouver au coeur de la tournante, piégé au milieu d’une catastrophe incontrôlable. La voix de Hilary l’incitant à le rejoindre en contrebas lui parut bien lointaine… « J’arrive. » lança-t-il en baissant la tête et en se faufilant sous la table, jetant quelques coups d’oeil inquiets autour de lui, préoccupé par la situation qui commençait à devenir instable. Les élèves masqués semblaient de plus en plus nombreux, et le grabuge créé prenait la place sur l’atmosphère calme mise en place par les enseignants. Les premiers bruits d’explosion détonnèrent bruyamment au-dessus d’eux, lui arrachant un hoquet de stupeur. Qu’est-ce que c’était… ? Une nuée d’oiseaux vola un peu plus loin, et il les observa à travers les barreaux de la table. Des gens courraient, le ton montait, la confrontation semblait inévitable… Il plaqua sa main devant sa buche pour contenir un gémissement étouffé en apercevant une élève masquée tomber, un peu plus loin. Il songea au Professeur Hatwell, qui avait proposé cette initiative dans le seul but de mieux les informer. Aidée par d’autres enseignants, elle avait mis en place cette conférence, toute seule, pour leur permettre d’établir le dialogue, pour leur expliquer toute la subtilité du secret magique. Et la voilà qui se trouvait un peu plus loin, manifestement mise à mal par des agitateurs… Hayden ressentit une vague de peine. C’était dégueulasse, de lui faire ça. Elle avait sûrement préparé ce cours depuis des jours, elle avait eu le courage de tout organiser, de donner lieu à ce rassemblement pour les aider à mieux comprendre cette situation chaotique qui était née entre les murs de Poudlard, depuis que Zeynep avait envoyé ce fameux courrier… Et maintenant, plus rien n’avait de sens.

Les bizarreries se multipliaient, tout le monde courrait, se bousculait, il y avait même des blessés… Hayden contempla béatement la scène surréaliste qui se déroulait devant ses yeux ébahis : on se serait cru dans un film. Sauf que c’était la réalité, qu’un banc chantait, que des élèves en balai et masqués lançaient des feux d’artifice, qu’une sorte de lézard barbu se faufilait entre les tables… Et un nuage de fumée noire opaque s’infiltra dans chaque recoin de la pièce, les laissant dans l’obscurité. Pris de panique, il se tourna vers Hilary, échangeant avec elle un regard effaré avant qu’ils ne soient plus capable de distinguer clairement leurs visages. Ni l’un ni l’autre ne semblait comprendre ce qu’ils faisaient là… Le vacarme constitué de bruyants éclats de voix, d’explosions intempestives et de sortilèges fusant dans tous les sens avait pris le pas sur tout le reste. Puis d’un coup, un sifflement se fit entendre, et une voix qu’il identifia comme celle du Professeur Kendrick s’imposa, recouvrant le capharnaüm ambiant qui régnait en maître jusqu’alors. Hayden avait perdu l’espoir que toute cette histoire puisse connaître une bonne fin, mais une inquiétude subsistait encore… Il profita alors du calme brièvement retrouvé pour murmurer à l’oreille de la Gryffondor, d’une voix hésitante : « Hilary… est-ce qu’elles sont là-dedans ? ». Il était possible qu’elle ne le sache pas, mais en repensant aux lettres rédigées par Michaela, les éléments s’assemblaient clairement. Oui, elle avait bien l’intention de participer à la révolution, dès lors qu’elle avait été évoquée. Oui, elle avait parlé du grabuge dont elle se savait responsable. Alors il scruta ces pseudo-révolutionnaires masqués, aux prises avec les enseignants, en se disant que l’une d’eux était peut-être son amie. Abasourdi devant ce chaos environnant, Hayden hésita un instant à sortir précipitamment de sa cachette avec Hilary, et à partir à leur recherche, au moins pour éviter les dégâts tant que cela était encore possible… mais il fut incapable de bouger. Il demeura alors adossé au banc, sous la table, laissant échapper un soupir mélancolique. Bientôt, la tempête se calmerait.

Dmitri sentait l’adrénaline monter en lui à mesure que les minutes de chaos s’égrainaient. Derrière son apparence policée, il n’avait jamais été un garçon au tempérament calme, loin de là, mais l’explosion soudaine des feux d’artifices et des sorts de ses camarades avaient allumé en lui une étincelle suffisamment vive pour alimenter le brasier de la discorde. Baguette en main, son instinct avait pris le dessus sur sa raison. Son sortilège fusa en direction d’une enseignante, la première adulte qu’il avait aperçue. Pourquoi elle ? Elle était simplement là au mauvais moment, au mauvais endroit. Un malheureux coup du sort, ou plus simplement l’évidence même : elle était à découvert, à la vue de tous pour le discours d’ouverture du témoignage. Elle faisait une cible parfaite, innocente, peut-être injuste, mais parfaite.

Il avait à peine eu le temps de prononcer la formule, la première à laquelle il avait pensé, qu’un rayon lumineux quitta sa baguette en direction de sa cible. Everte statum, un sort que l’on apprenait d’ordinaire pas en première année, mais qu’il avait découvert au gré de ses lectures. Comme beaucoup de ses camarades, il se plaisait à travailler sur ces sorts offensifs ; c’était plus stimulant que de transformer un porte-plume en volée d’oiseau. Les défenses contre les forces du mal attiraient aisément les garçons de son âge, tout comme il trouvait les potions plus intéressantes que d’autres disciplines, car à la fois très concrètes et en même temps tellement plus romanesques.

Le maléfice avait fusé, mais il en détournait déjà le regard. Il aurait aimé pouvoir suivre des yeux le sort, voir son effet et s’il avait fait son œuvre. Mais l’obscurité s’était abattue sur la grande salle ; il était aveugle, incapable de voir jusqu’à ses propres mains. S’il n’avait pas peur du noir, la situation rendait tout de même les choses plus effrayantes : des oiseaux voletaient sauvagement non loin de lui, il pouvait entendre leurs battements d’ailes et les exclamations de surprises des personnes qu’ils attaquaient, des objets d’ordinaires inanimés se mouvaient désormais dans la pièce et des feux d’artifices explosaient dans l’air sans parvenir à produire la moindre lumière. Il entendit un bruit plus fort non loin de lui, comme si l’un des acrobates aériens venait de passer à côté de lui, volant bien trop bas... et un fracas semblant indiquer que le malheureux avait connu un atterrissage plus brutal qu’escompté.

Il tâtonna, avança sans distinguer où il allait, prenant vaguement la direction de l’endroit où il avait laissé Kathleen. Elle était alors à proximité d’une table, un endroit propice où s’abriter des obstacles environnants que l’obscurité rendait plus dangereux. Il doutait fortement que la jeune poufsouffle l’ait en sympathie à l’instant présent. En la quittant, il lui avait semblé l’entendre rouspéter contre lui. Stupide, lui ? Non. Un peu trop casse-cou pour son propre bien sans doute, trop téméraire et provocateur, il s’attirait des problèmes qu’elle ne connaîtrait sûrement jamais... mais il n’était pas elle. Elle était bien gentille, très attentionnée et toujours mue par de bonnes intentions, mais il s’ennuierait dans une vie comme la sienne.

Il ne trouva jamais d’abri. La lumière revenait peu à peu. Au début, il distinguait seulement quelques formes, puis finalement, ses yeux virent aussi clairement que d’ordinaire. Un bref soupire de soulagement traversa ses lèvres, heureux de pouvoir de nouveau se mouvoir normalement. Mais l’euphorie fut de courte durée. Très vite, il regretta la légère anxiété des instants précédant ; une main venait de se refermer sans douceur autour de son bras droit, celui au bout duquel il tenait sa baguette. Tournant les yeux vers la personne qui osait l’empoigner aussi brusquement, il eut un hoquet de surprise. Le professeur Thorstein l’observait avec une fureur qu’il ne lui connaissait pas, et c’était peu dire. Le garçon entama un mouvement de recul pour se libérer de son emprise alors que la main libre de l’enseignante fondait vers son visage. Mais sans surprise, il ne parvint pas à se défaire de sa poigne de fer ; nul velours n’adoucissait leur contact. Lorsqu’elle lui retira son masque, l’élastique qui le maintenait sur son visage craqua derrière son oreille, irritant sa peau d’albâtre. Il aurait pu tenter de s’écarter d’elle, mais ni son regard ni sa poigne ne lui laissaient d’espoir ; il s’amusait autrefois de la frayeur que certains de ses camarades avaient à son évocation, mais à l’instant présent, il la comprenait. Plus que la comprendre, il la vivait avec presque autant d’intensité que celle qu’il avait eu lorsque son grand-oncle s’était énervé contre lui. Et comme ce fameux jour dans le manoir, il était paralysé. Incapable d’envisager l’idée même de lutter. Elle lui arracha sa baguette sans que ça ne soulève de réaction de sa part. « Dites au rrrevoirrr à Poudlarrrd. » Sa voix d’une froideur, aussi intense que devait l’être son pays d’origine, le tira de sa torpeur alors qu’elle l’entraînait sur le côté de la grande salle. Après quelque pas, il tira à son tour, mais dans l’autre sens ; pauvre garçon de onze ans, trop petit qu’il était, il avait beau lutter, une femme dans la fleur de l’âge comme elle n’avait pas grand-chose à craindre des tentatives désespérées d’un enfant comme lui. Il n’était déjà pas bien grand pour son âge, alors face à une adulte, il ne faisait clairement pas le poids. « Lâchez-moi káca pitomá* ! » Sa lutte désespérée gagna en intensité lorsqu’il comprit où elle l’emmenait, mais bien vite, malgré tout ses efforts, il se retrouva balancé sans ménagement dans une pièce relativement exiguë. La porte se referma derrière lui, le plongeant dans une obscurité bien moins intense que celle de la grande salle quelques minutes plus tôt.

Ce n’était pas tant la pénombre que l’idée d’être enfermé qui le mit dans tous ses états : à peine refermée qu’il tambourinait frénétiquement à la porte, jurant en tchèque avec tant d’ardeur qu’il en ferait pâlir le plus rustre des tchèques. Sans baguette et sans moyen de sortir, il se sentait plus vulnérable que jamais. Et parmi les choses que l’aiglon détestait tout particulièrement, la perspective d’être coincé dans une pièce si petite l’effrayait plus que tout. Il ne savait pas vraiment d’où venait cette peur, mais une chose était certaine : avoir passé une nuit entière pétrifié par Alexander ne l’avait pas atténuée, bien au contraire.

Tambourinant avec l’énergie du désespoir, il ne perçut pas tout de suite la puissante voix de l’enseignante derrière la porte. Il s’arrêta quelques instants de taper contre le battant pour tenter de capter ce qui pouvait bien se passer dans la pièce voisine, mais ce fut une petite voix qui atteignit ses oreilles, à moitié couverte par les paroles du professeur Kendrick. « Faudra que tu cours en sortant de là. » La voix était étouffée, mais il reconnut celle de la jeune gryffondor au masque de nounours. La poignée de porte s’agita quelques instants sous ses yeux. Puis tout s’arrêta. Il entendit du grabuge derrière lui, puis la porte s’ouvrit. Miracle ! Il s’apprêtait à sortir et courir, comme l’avait conseillée Mika, mais son champ de vue fut vite obstrué par... Mika elle-même. Derrière, la silhouette inquiétante du professeur Thorstein refermait la pièce une seconde fois d’un regard mauvais, non sans avoir poussée la gryffondor brusquement sur l’aiglon qui ne s’y attendait pas le moins du monde. Déséquilibré, il tituba en arrière et s’affala au sol, laissant échapper un cri de douleur quand il sentit une douleur partir de sa cheville gauche et remonter tout le long de sa jambe.

Des larmes lui montèrent aux yeux, qu’il refoula difficilement en se mordant l’intérieur de la joue. Il ne regardait pas sa nouvelle codétenue, de peur qu’elle le voit pleurer. Entre la panique d’entre enfermé et la douleur dans sa cheville, il était au bord du craquage émotionnel.


HRP : *en bref, il l’insulte... bon, ça n’est pas l’insulte tchèque la plus appropriée dans le contexte, mais sa traduction me fait rire. Littéralement, ça veut dire "jument stupide"

Là où elle s’était attendue à de vieux discours ennuyeux et poussiéreux, force était de constater que certains des élèves avaient eu le mérite de choisir de pimenter cette intervention. Pour être tout à fait honnête, Carla était non seulement d’accord avec eux mais ressentait presque une forme d’admiration à leur égard. Oh c’était suicidaire de se trimballer avec un masque d’ourson sur la figure en pensant qu’aucun professeur ne tenterait de les démasquer mais c’était courageux. Et elle appréciait le courage. Face à cette constatation, il ne lui en avait pas fallu plus pour décider de lancer des sorts avec les autres. Ca et parce qu’elle avait jugé que ses professeurs étaient à l’inverse particulièrement couards.

Elle en était à peu près à ce stade de raisonnement quand de nouveaux élèves surgir sur balais, captant son attention. Ah, ça c’était un peu plus malin. Il y avait plus de chance de s’enfuir juché sur un balai qu’au sol au milieu de la foule. Mais cette première pensée positive disparut bien vite quand ils commencèrent à faire pleuvoir des pétards sur leurs têtes. A chaque étincelle, les cris apeurés des élèves en dessous se faisaient entendre et elle devait admettre qu’elle-même n’était pas une grande fan de l’idée d’en prendre un dans les cheveux. Oh elle n’était pas stupide, elle savait très bien qu’elle n’allait pas en mourir, mais elle n’avait aucune envie de finir à moitié scalpée. Elle tenait à ses boucles blondes voyez-vous. Au même moment, un banc se mit à hurler le slogan des élèves, des oiseaux se joignirent au désastre et elle commença à envisager sérieusement de battre en retraite avant que la foule ne soit suffisamment perdue pour piétiner quelqu’un. Evidemment, elle avait à peine esquissé un geste que la situation continua de se dégrader avec une sorte d’obscurité tellement épaisse qu’elle en devenait quasiment tangible. Carla faillit se prendre les pieds dans le banc, vacilla en battant des bras comme dans des mauvais films moldus et finit par marmonner plusieurs jurons avant de sortir sa baguette et sans même plus chercher à sa cacher, lancer fermement

- Protego totalum

Un dôme apparut au dessus d’elle et de certains de ses camarades les plus proches, faisant rebondir les pétards dessus. Quant à l’obscurité, elle commença à prendre fin l’entement tandis que Carla essayait vainement de repérer ce qu’il se passait. Son regard balayait nerveusement ce qui était devenue une zone de guerre quand ses prunelles attrapèrent celles d’un professeur, alors qu’elle avait encore sa baguette en main et qu’elle se tenait sous son bouclier. L’espace d’un instant, elle se demanda si elle allait se faire hurler dessus, puis elle haussa les épaules d’un geste désintéressé. Ils n’avaient pas été capables de gérer la situation, elle s’était protégée, il n’y avait rien d’autre à dire. Si quelqu’un venait l’embêter, elle se ferait un plaisir de lui signaler que le concept de légitime défense n’était pas fait pour les chiens. Dès que Kendrick se mit à parler, elle murmura un Finite et son sort disparut. Elle n’avait aucun intérêt à contrarier sa directrice de maison alors qu’elle avait besoin d’elle. Autant la jouer profil bas si c’était elle qui réclamait le calme. Puis la retenue collective, ça la tentait moyen, elle devait l’admettre. Elle baissa donc prudemment sa baguette dans un geste conciliant, sans pour autant se rasseoir. Si elle devait se barrer d’ici à toute vitesse, elle préférait encore être debout. En tout cas, le spectacle qui s’étendait sous ses yeux au fur et à mesure que la lumière reprenait ses droits avait quelque chose de pathétique. Cadavres de pétards, enfants à terre, d’autres sous les tables ….

Résultats des dés :