ft. Cameron Brown, @Hilary Fitzpatrick-Priest et les autres

Un peigne dans une main, l’autre occupée à essayer désespérément d’aplatir un épi récalcitrant, Cameron observait son reflet dans le miroir de la salle de bain avec une attention qui ne lui ressemblait pas. Il s’en fichait, normalement. Il avait toujours porté qu’un intérêt très limité à ce à quoi il pouvait bien ressembler, conscient que ça ne serait de toute façon jamais à la hauteur des attentes adolescentes de Poudlard. Il y avait les beaux gosses qui faisaient se retourner toutes les filles sur leur passage, tous ses co-préfets par exemple… et puis il y avait lui… hors catégorie mais dans le plus mauvais des sens du terme. Pourtant, ce soir, c’était un peu différent. Il voulait faire un effort. Être présentable. Il avait même entraîné le pauvre Noah jusqu’à Pré-au-Lard dans ce but là. C’est qu’il refusait de faire honte à sa cavalière… Un sourire débile étira ses lèvres à cette pensée et il détourna les yeux de son reflet, gêné de se voir si heureux. Ça non plus, ça ne lui ressemblait pas vraiment. Rien ne lui ressemblait vraiment, ces derniers temps… Les heures s’étaient faites interminables et courtes à la fois. C’était une sensation troublante, quelque part entre l’angoisse et l’excitation, pressé que le bal arrive enfin et priant en même temps pour qu’il soit encore loin… Il avait mis du temps à réaliser vraiment qu’Hilary avait accepté de l’y accompagner… Son mot était resté dans sa trousse, taché par les plumes encore humides d’encre et froissé par ses doigts qui l’avaient relu tant de fois… comme pour s’assurer qu’il n’avait pas rêvé. Pourtant, s’il avait été en mesure de raisonner correctement, il aurait sûrement compris que ça n’avait rien d’étonnant qu’elle dise oui… après tout, ils sortaient ensemble, maintenant. Juste cette réflexion paraissait venir d’un autre monde et son sourire se fit plus grand encore, qu’importe s’il tentait de le retenir. Il avait une petite copine… Si on lui avait dit ça un jour, il ne l’aurait jamais cru ! Non, même mieux : Hilary Fitzpatrick-Priest était sa petite copine. Et c’était finalement plus difficile à croire encore. Son cerveau tout entier n’avait plus été capable d’intégrer grand chose depuis ces quelques minutes devant la porte de sa salle commune. Ça faisait plusieurs semaines maintenant et il se les repassait encore en boucle… Rien d’autre n’existait vraiment. Il se sentait stupide, plus bête qu’il ne l’avait jamais été, mais pour rien au monde il n’aurait voulu que ça s’arrête !

Il repassa dans son dortoir, attrapa la veste qui attendait presque correctement sur le bord de son lit et l’enfila d’un geste incertain. Il fallait bien reconnaître qu’il commençait à angoisser un peu. Il jeta un oeil mal à l’aise au résultat et décida que ça ferait l’affaire. Ça aurait sûrement été mieux au début, il avait trouvé un costume noir tout simple, une jolie chemise blanche et même des chaussures potables pour l’occasion, un truc classe quoi, mais il avait eu l’impression d’être déguisé… Ça n’était pas la première fois, bien sûr, il se souvenait des fringues que Victor lui avait envoyées en urgence pour Noël dernier, ni vraiment à sa taille ni vraiment à son goût, juste pour éviter de faire honte à Sherwin et qu’il avait remis à la Saint-Valentin faute de mieux… Mais c’était pas Sherwin, ce soir. Il n’avait pas peur qu’Hilary le juge d’une quelconque manière et il n’avait pas très envie de jouer un rôle ridicule avec elle… ce serait comme lui mentir, non ? Il ne voulait pas… Et il se sentait assez en confiance pour se faire des espoirs inatteignables qu’il nourrissait en général. Non, il ne serait jamais de la trempe d’un Carter ou d’un Avery mais ça ne faisait rien. Ce soir, il s’en foutait. Même s’il restait le loser d’habitude, il n’en aurait pas moins la fille la plus cool de l’école en cavalière… et même plus. Alors petit à petit, un tee-shirt avait remplacé sa chemise, un jean sombre le pantalon de son costume et, juste avant de se mettre en tête d’être à peu près coiffé, il avait troqué ses chaussures habillées pour ses baskets… Il fallait bien reconnaître que c’était moins parfait, moins « tenue correcte exigée » mais il se sentait plus à l’aise. Tant pis si ça n’était pas vraiment ce qu’on pouvait attendre pour une telle soirée.

Le stress monta d’un cran alors qu’il passait la porte de sa salle commune. La Gryffondor devait le rejoindre là. Mais aucune trace d’elle dans le couloir. Bon, sûrement parce qu’il était un peu en avance…? Oui. Sûrement. Elle viendrait. Mais si elle avait finalement changé d’avis…? Il comprendrait dans le fond, il aurait sûrement changé d’avis aussi à sa place… Elle méritait quand même d’être mieux accompagnée. Si elles avaient eu le malheur d’en parler avec ses copines, elle s’en serait sûrement rendu compte aussi. Peut-être qu’elle lui avait envoyé un petit mot pour s’excuser et lui dire qu’elle laissait tomber ? Son coeur loupa un battement. Est-ce qu’il devait remonter dans son dortoir pour vérifier s’il n’avait rien reçu ? Mais si jamais elle arrivait pendant ce temps, elle risquait de penser qu’il lui avait posé un lapin, lui, alors que pas du tout…? L’air semblait commencer à manquer et lui avait bien du mal à rester tranquille. Ses doigts maltraitaient l’ourlet de sa manche, le bout de son pied tapotait nerveusement contre la pierre froide du sol… À partir de combien de temps il fallait laisser tomber ? Il avait l’impression que ça faisait une éternité qu’il était planté là et pourtant, le cadran fissuré de sa montre indiquait que ça faisait à peine quatre minutes… Il devait forcément mentir ! Peut-être que la pile était morte ? Pourtant, à la cinquième minutes, la silhouette fine de sa cavalière se dessina un peu plus loin et l’appréhension grimpa en flèche alors même que le soulagement lui tombait lourdement dessus. Elle était venue. Il ne put s’empêcher de sourire de plus belle à cette constatation. Plus elle s’approchait, plus c’était difficile de ne pas laisser son regard clair la détailler. Elle était vraiment jolie, ce soir. D’habitude aussi, bien sûr, mais ce soir en particulier. Il finit par river les yeux sur ses chaussures pour ne pas passer pour un gros lourd et attendit impatiemment qu’elle arrive jusque là. Durant une seconde, il se sentit très gauche, incapable de savoir quoi faire… Tout ça, c’était décidément très loin de sa zone de confort ! Et puis il finit par se bouger enfin et posa timidement ses lèvres sur sa joue. Ça faisait genre « on est un peu intime » sans trop risquer de la brusquer, ça, non ? Enfin, il espérait… Il n’avait pas trop envie de la mettre mal à l’aise ou qu’elle regrette d’être venue mais pas non plus qu’elle pense qu’il avait pas envie que l’humanité toute entière sache que c’était sa copine.

— Désolée, t’as pas trop attendu ?
— Non, t’inquiète, même pas cinq minutes, souffla-t-il en secouant doucement la tête sans prendre la peine de préciser que c’était les cinq minutes les plus longues de sa vie. E’t’va super bien ta robe. ‘Fin, t’es grave belle dedans.

C’était plus un bredouillage pathétique qu’un réel compliment, quand bien même il était des plus sincères, mais il n’était pas vraiment en mesure de faire mieux, les mots sortant tout seuls avant même qu’il n’ait eu le temps de les réfléchir avant. Puis, réalisant soudainement qu’il avait zappé un truc, il sortit de sa poche une petite pochette contenant un bracelet décoré quelques fleurs blanches en tissus, sûrement kitch à mort dans le fond, et la lui tendit, un peu gêné.

— T’pas obligée d’le mettre, hein, mais y’a toujours des trucs comme ça dans les films alors… voilà…

Sur le chemin, l’adolescent espéra presque qu’on les recale à l’entrée, comme ils l’avaient envisagé en plaisantant. Devoir trouver un autre endroit pour la soirée, éviter le monde, tout ça… Mais en même temps, ce serait dommage, c’était la première fois qu’ils pourraient vraiment profiter d’une soirée ensemble depuis la Saint-Valentin… et même si ça avait été le début de quelque chose de bien, il était difficile de prétendre que ce moment en particulier était exceptionnel. Ça ne faisait pas partie de ses mauvais souvenirs, bien sûr, mais ça n’était pas un des meilleurs non plus. Chaque pas qu’ils faisaient remuait l’air, ramenant jusqu’à lui le parfum d’Hilary… Elle sentait bon. Cette fille avait sûrement tout pour elle. Il osait à peine la regarder à la dérobée, hallucinant pourtant un peu plus à chaque fois de la chance incroyable qu’il avait de l’avoir à ses côtés. En moins de temps qu’il n’en aurait sûrement fallu pour le dire, ils se glissèrent à l’intérieur de la salle… Il lâcha un « wow » surpris alors qu’il ne savait plus trop où donner de la tête. C’était magnifique ! C’était à peine si on reconnaissait la Grande Salle. Mais son attention revint bien vite à la Gryffondor dont l’épaule frôlait involontairement la sienne. Un frisson remonta le long de son bras alors que ses joues se coloraient bêtement. Ils se trouvèrent une place dans la foule alors que la Directrice commençait son discours… Il ne put s’empêcher de penser que c’était la même chose tous les ans… du moins jusqu’à ce que les doigts d’Hilary effleurent les siens. Il crut tout d’abord qu’elle ne l’avait pas fait exprès mais face au semblant d’insistance de son geste, il ne put que virer écarlate et prendre timidement sa main dans la sienne. Pour la première vraie fois depuis qu’ils s’étaient retrouvés, il posa les yeux sur elle et ne put retenir un sourire immense et intimidé. Sûrement qu’il l’aurait embrassée, là, s’il n’y avait pas eu l’école toute entière autour d’eux alors, à la place, il resserra doucement son étreinte sur ses doigts fins.

— T’y as participé, toi ?

Un haussement d’épaules lui échappa alors qu’il reportait vaguement son attention sur la scène. Il remarqua seulement maintenant qu’il n’y avait pas qu’Appleton devant eux et mit plusieurs secondes à remémorer où il avait vu l’homme qui l’accompagnait… Dans la Gazette. C’était le Ministre, Appleton II.

— Euh... Ouais...? 'Fin vaguement.

Aisling l’avait planté en moins de deux et, seul, le résultat avait été à la hauteur de son envie de participer à ce truc : parfaitement nul. Pas la peine d’espérer quoi que ce soit de ce côté-là et ça ne le dérangeait pas le moins du monde. Pour ce qu’il aimait les potions, de toute façon ! À la place, Appleton II leur souhaita une bonne soirée et s’éclipsa en un rien de temps. Autour d’eux, ça recommença à bouger, chacun commençant à se trouver une occupation. Et ils n’y couperaient certainement pas !

— Alors, qu’est-ce que tu veux faire ?

Son regard glissa une seconde jusqu’à leurs mains toujours liées, comme pour s’assurer qu’il n’était pas en train d’halluciner, puis il remonta jusqu’aux jolis yeux de la blonde. Il n’en avait aucune idée. Il n’avait jamais trop participé à tout ça, en réalité. L’an dernier, il était trop occupé à baver sur Sherwin pour faire autre chose que de la suivre avec des yeux de poisson mort d’amour — une belle erreur ! — et le reste du temps, il évitait un peu ça comme la peste… Ç’aurait été plus simple de lui laisser les rênes de leur soirée, là, il avait juste envie de rester là à profiter de sa présence… mais c’était un peu nul comme programme… enfin, pour elle en tout cas. Et puis elle risquait d’être déçue ou elle aurait envie de rejoindre ses copines en moins de deux. Il n’avait rien contre l’idée qu’elle le fasse, hein, encore que !, mais s’il pouvait éviter de la convaincre de le faire dans l’immédiat, ce serait un bon début…

— Bah… J’sais pas trop…? T’veux qu’on aille chercher un verre avant qu’y’ait trop d’monde, déjà ?

Faire plante verte avec un truc dans les mains, c’était toujours moins ridicule que de le faire les mains vides… Et puis, après, si elle voulait, ils pourraient toujours se risquer sur la piste si ça lui faisait plaisir…? Il ne savait pas si c’était particulièrement un truc de fille mais en général, Mallory aimait bien danser alors peut-être qu’Hilary aussi…?

ft. C. Junior d’Archambault, @Erin B. Sørensen et les autres

Rares étaient les fois où l’arrivée des vacances me soulageaient au point de celles-ci. J’avais envie de rentrer… J’avais envie de retrouver mes parents, qu’importe leurs travers, profiter du cocon dans lequel m’avait toujours placé ma mère, oublier les histoires, la déception, feindre l’indifférence et me laisser porter par une existence dorée et sans vague. Assis sur mon lit, son regard clair et empli de jugement posé sur moi et sur la chemise que je boutonnais d’un geste machinal, Orpheus me paraissait presque aussi pressé que moi de rejoindre Londres, la France, l'Italie ou là où nous mèneraient nos pas. Il miaula et sauta du matelas pour venir se frotter à mes jambes. Durant une seconde, j’hésitai à le repousser pour éviter que ses poils blancs ne viennent se prendre dans le tissus sombre de mon pantalon mais je n’eus finalement pas le coeur à le faire, laissant à la place courir mes doigts sur sa fourrure soignée. Il se mit doucement à ronronner ce qui suffit à m’arracher un sourire attendri.

— Demain nous serons loin. Prends ton mal en patience, mon chat…

Sa tête heurta ma main pour réclamer d’autres caresses. J’aurais aimé prétendre qu’il m’avait compris mais je pense plus honnêtement qu’il profitait seulement de l’attention que je lui accordais. Il eut évidemment gain de cause puisque je m’exécutai presque aussitôt. J’avais un moment à lui accorder avant la soirée, j’étais prêt avant l’heure de partir, ce qui tenait finalement du miracle. Il fallait bien dire que, dans ma hâte de mettre les voiles, j’avais tout fait dans les temps. Mes bagages étaient prêts, mes devoirs étaient faits pour ne pas avoir à m’en soucier durant les fêtes et toutes les affaires qui resteraient ici étaient rangées pour éviter qu’on vienne y fouiller durant mon absence. De mémoire, je n’avais jamais été si organisé. Pas même pour les premières vacances après la chute de Blackman… Pas même l’an dernier alors qu’on venait de nous imposer l’impureté la plus totale en guise de direction… Mon chat sembla s’en satisfaire puisqu’il lui fallut bien dix minutes pour se lasser d’être ainsi le centre de mon attention. Et il m’en fallut presque tout autant pour me débarrasser du souvenir poilu qu’il laissa derrière lui en s’éloignant. J’abandonnai une dernière caresse entre ses oreilles et, non sans un regard pour Thaddeus, quittai mon dortoir.

D’ordinaire, Erin me rejoignait directement là-bas, aussi en prenant le chemin de Poufsouffle je n’étais même pas sûr de réussir à l’y cueillir. Qu’est-ce qui me disait qu’elle n’était pas partie de préparer avec je ne savais quelle amie ? L’image de Reyes me traversa l’esprit alors que je mettais le pied sur la première marche. Oh, j’en doutais, bien sûr ! Mais je crois qu’il était plus sage de ne s’attendre à rien. Là où j’avais tenu les Sørensen en très haute estime malgré les désaccords que je ressentais souvent face à leur manière de faire, je ne voyais plus désormais qu’un mépris brouillon. Je crois que c’était le pire, dans le fond… Il y avait toujours eu à mes yeux eux d’un côté et le reste de notre société de l’autre, peu importe ce qu’on pouvait reprocher au monde, j’avais toujours eu la certitude qu’on ne pouvait pas le leur appliquer… Grossière erreur… Finalement, tout Sørensen qu’ils étaient, ils ne valaient guère mieux que les autres… J’aimais à croire qu’il en était autrement concernant Erin, comme une exception pour confirmer le désespoir de cette règle. Mais rien ne me disait qu’elle ne finirait pas par se ranger à l’avis général ou quelque chose comme ça… Après tout « il n’y avait rien de plus important que la famille », comme ils le disaient si bien… Et Reyes en serait bientôt. Lorsque j’arrivai devant sa salle commune, il n’y avait aucune trace de ma cavalière… Un soupir m’échappa alors que deux gamines filèrent en direction du Hall. Peut-être aurais-je été en mesure de remarquer que leurs visages ne m’étaient pas inconnus, tout comme leurs gloussements idiots, si j’y avais accordé plus d’un demi-regard. La porte s’ouvrit plusieurs fois sans qu’elle n’apparaisse jamais. Négligemment adossé au mur, observant avec un désintérêt total une vieille femme tournant un chaudron dans un tableau voisin, je mis plusieurs secondes à remarquer qu’elle venait de s’ouvrir à nouveau et réprimai un sursaut ravi en voyant qu’Erin se découpait dans l’embrasure. C’était exactement pour ça que je n’arrivais jamais en avance nulle part : attendre était d’un ennui mortel. Je me redressai instinctivement et lui offris un sourire à mi-chemin entre l’attendrissement et la satisfaction.

— J’avais tellement hâte de te retrouver que j’en suis arrivé à l’heure, déclarai-je d’un ton taquin. Si ça n’était pas complètement faux, je devais bien reconnaître que ça n’était pas tout-à-fait vrai pour autant. J’avais envie de passer cette soirée avec elle, comme j’avais toujours envie de toutes les passer en sa compagnie, évidemment, mais ça n’avait été en rien le moteur de ma motivation. Mon sourire s’agrandit alors que je lui tendais galamment le bras. Tu es éblouissante, Erin. Je dois sûrement le dire à chaque fois mais c’est un peu plus vrai encore à chacune d’entre elles.

Et j’étais convaincu d’être parfaitement objectif sur ce point. Erin était magnifique, dans une robe de soirée, dans son uniforme ou dans n’importe quoi d’autres. Je ne connaissais pas la moindre demoiselle capable de lui arriver à la cheville, ni à Poudlard ni ailleurs. Sans plus tarder, je l’entrainai doucement sur le chemin de la Grande Salle, emboîtant le pas à un groupe de deuxième année qui, de toute évidence, y allait aussi. Aller à une soirée organisée par l’école revenait forcément à la partager avec la plèbe mais j’avais bon espoir de passer un bon moment malgré tout… Si nous avions réussi à tirer du positif d’une expédition dans le Grand Nord, nous pourrions sûrement en faire autant d’un bal, non ? En tout cas, je l’espérais. Et puis, dans le pire des cas, si c’était vraiment trop désespérant, nous pourrions toujours terminer cette soirée ailleurs, non ? Il me semblait que ça faisait une éternité, au moins, que nous ne nous étions pas éclipsés pour la nuit. Qu’elles étaient loin, les vacances et leurs heures entières passées à partager un lit, défiant avec délice le désaccord parental !

Une fois à l’intérieur, je ne pris pas la peine de m’émouvoir de la décoration. C’était potable, magique — un autre miracle de Noël, sûrement ! — mais pas exceptionnel pour autant… Il y avait des soirées privées bien plus enthousiasmantes que celle-ci. Du coin de l’oeil, je cherchai quelque visage connu… Il y aurait sûrement Finnbjörn et je ne doutais pas une seule seconde qu’elle voudrait aller le retrouver… Probablement que Carla nous ferait l’honneur de sa présence, avec un quelconque impur, histoire de ne pas changer… Peut-être que Caleb se risquerait à participer, lui aussi, mais je supposais, sûrement à juste titre, qu’il valait mieux pour moi éviter d’aller le rejoindre même pour une seconde. À la place, la seule personne que je parvins à remarquer fut Artemis, accompagné d’une blonde dont le nom ne me revint pas. J’allais pour proposer à Erin de mettre les voiles en un temps record si personne de plus intéressant que ça ne se joignait à la soirée mais notre chère directrice ne m’en laissa pas le temps, prenant la parole pour son sempiternel discours… et pour introduire son sang-de-bourbe de mari. Je ne pus m’empêcher de lancer un regard à ma meilleure amie, retenant de justesse une question sur ses connaissances de cette visite… Il était évident que ça n’était pas le moment et que, quand bien même elle aurait su quoi que ce soit, elle se serait bien gardée de me le dire. Cette constatation fit naître un poids dans mon estomac. Si je ne le regrettais pas, pas vraiment — je ne pouvais pas cautionner qu’on salisse les Avery pour encenser Reyes — ça ne m’empêchait pas de culpabiliser. Aussi bien fondé qu’était mon geste, je savais pertinemment qu’aucune cause, même la meilleure du monde, ne méritait de risquer la confiance d’Erin… Encore que ça n’était pas tant elle que j’avais trahi, bien loin de là, je n’aurais pas été assez stupide pour l’informer de mes intentions si tel était le cas, mais il serait bien difficile de lui faire entendre raison sur ce point… Après tout, toucher à l’un du clan revenait à toucher à tout le clan, elle comprise… Pourtant, jamais je ne ferais quoi que ce soit qui puisse directement lui nuire. Au monde entier, sans l’ombre d’un doute, mais pas à elle.

— Quel cadeau de Noël ! Deux Appleton pour le prix d’un, il ne fallait pas, soufflai-je, sarcastique, à son oreille.

L’annonce des résultats du concours tomba, m’arrachant d’un coup d’un seul tout espoir de fuite avant l’heure. Les vacances me parurent soudainement infiniment loin. Presque inatteignables. Parce que, bien sûr, il faudrait les attendre, les résultats. Même si je voyais une soirée plus intime disparaître, une soirée en tête-à-tête à refaire le monde ou à rêvasser aux quelques jours bienvenus qui nous attendraient loin d’ici, j’avais quand même envie d’en savoir l’issue. Il me semblait évident que, s’il y avait une justice, les jumeaux devraient l’emporter haut la main. Tout autre résultat résulterait d’une triche innommable ! On pouvait reprocher bien des choses à Finnbjörn mais certainement pas son sérieux ni, je pense, son talent. D’autant plus qu’ils avaient sûrement du monde derrière eux pour les soutenir, leur grand-mère ou Judith en tête de liste.

— Ai-je le droit d’espérer fêter ta victoire dans un endroit plus tranquille ?

Si j’étais obligé de tirer un trait sur quelques heures, je pouvais bien croire encore qu’il y aurait une fin plus positive. Le château était grand, l’humanité toute entière serait occupée et c’était sûrement les derniers instants à voler avant d’être bientôt séparés. Comme s’il avait lu dans mes pensées, ce qui serait une horrible nouvelle en soi, le Ministre prit temporairement congé et nous laissa à notre soirée. Mon regard le suivit un moment avant qu’il ne disparaisse totalement, accompagnée de son impure épouse et de quelques caniches pitoyables, prêts à renier notre société pour frôler le pouvoir du bout des doigts. Je ne pus retenir un claquement de langue réprobateur avant de reporter mon attention sur Erin, mon regard s’adoucissant presque aussitôt.

— Madame veut-elle danser avant que la piste ne soit prise d’assaut par n’importe quoi ? À moins que tu préfères que l’on retrouve je ne sais qui ?

Tant que ça n’était ni Hannibal ni sa gueuse, j’étais prêt à faire un effort. Après tout, il n’y avait rien de plus naturel que de faire plaisir à une Reine…

ft. Michaela O'Delee, @Killian Knight, @Rosalie Dawley-Guggenheim & les participants

C’était sûrement difficile à croire pour quiconque avait passé quelques années à Poudlard mais jamais Michaela n’avait eu le chance de participer à un bal de Noël, chose pourtant courante à l’école. Durant sa première année, le bal n’avait pas eu lieu à cause des attaques répétées et des menaces en tout genre… et l’an dernier, ses parents n’avaient pas voulu signer l’autorisation de sortie pour qu’elle puisse se rendre à Inverness avec tout le monde pour la soirée… Si elle l’avait tout d’abord très mal vécu, elle avait fini par reconnaître qu’ils n’avaient pas eu tort et qu’ils lui avaient évité sans le savoir un nouveau traumatisme… Mais ce soir, c’était différent ! Le bal avait lieu au sein même de l’école et personne ne pourrait l’empêcher d’y mettre les pieds. Et autant dire qu’elle avait sacrément hâte d’y aller ! L’heure tournait et elle allait être presque en retard. Serena était déjà partie, elles se rejoindraient sûrement dans la salle après. Elle avait dû remonter dans son dortoir en réalisant qu’elle ne pourrait pas garder Manny avec elle ce soir et qu’il fallait qu’elle l’installe correctement. Elle fit à la hâte un petit nid de tissu au pied de son lit pour que le rat soit à son aise et prit même la peine de lui expliquer qu’elle n’avait ni poche ni sac ni capuche et que ce serait pas pratique… mais qu’elle lui raconterait tout quand même. Il parut n’en avoir que faire et entreprit de creuser pour s’enfoncer dans son terrier de fortune. La rouquine lâcha un gloussement amusé et se tourna une dernière fois vers son miroir. Elle repoussa une boucle approximative qui lui glissait sur le front, lissa un pli bizarre qui se formait sur sa robe et vérifia que son maquillage n’était pas parti… Enfin « maquillage », il fallait le dire vite, elle s’était contentée d’un peu de gloss irisé sur ses lèvres — une potion de beauté, à la base, qu’elle avait voulu revisiter sans aile de fée ni crin de licorne, un échec lamentable mais ça faisait joli malgré tout alors elle l’avait gardé. Le résultat n’était pas merveilleux, c’était un fait… Elle n’aimait pas les robes de toute façon, et il fallait croire que les robes lui rendaient bien vu l’allure hasardeuse qu’elle avait dans celle-ci, mais un bal sans robe, ça n’était pas vraiment un bal… Un bal sans cavalier non plus si elle en croyait les blablas des filles de sa classe ou même des plus âgées, toutes en train de faire une liste de garçons potentiels à qui faire les yeux doux pour être invitée. Elle avait bien hésité à demander à Hayden de l’accompagner, c’était à peu près le seul garçon avec lequel elle s’entendait bien dans sa classe mais elle ne le connaissait pas vraiment, ça aurait été bizarre… Ou à Florent mais elle avait supposé qu’il irait avec Maya alors elle avait pas voulu lui piquer la place. Alors tant pis, elle n’aurait que la robe, mais elle passerait une super soirée quand même ! Elle abandonna le rongeur à sa tranquillité et fila hors de son dortoir. La salle commune était déserte… ou presque… Il n’y avait bien que son préfet, installé dans un fauteuil près de la cheminée. Elle était déjà en retard alors, foutu pour foutu, Mika s’approcha de lui et s’appuya de tout son poids sur le dossier, le menton dans les mains et le sourire aux lèvres.

— Qu’est-ce que tu fais ? Tu vas pas à la soirée ? l’interrogea-t-elle d’une voix aux accents encore un peu enfantins. Elle ne lui laissa pas vraiment le temps de répondre qu’elle reprenait déjà : C’est presque Noël, c’est nul de rester tout seul… Tu veux que je reste avec toi ? Je devais aller au bal mais y’a personne qui m’attend alors ça me dérange pas. Ou alors on y va tous les deux…? Tu veux ? Y’aura plein de monde, ça va être cool. De la musique et des trucs à manger et tout… Ce sera mieux que de rester tout seul ici, je te promets ! Alors ? On fait ça ?

Elle se redressa, contourna le fauteuil et attrapa la main de l’adolescent — du moins celle qui ne tenait pas un flacon plat — pour le tirer hors de son siège, ou du moins l’inciter à en bouger parce qu’elle n’avait clairement pas assez de force pour lutter s’il ne voulait vraiment pas. Et, comme c’était Noël et que les miracles se faisaient souvent à cette période, Killian consentit à se lever.

— Ça va être trop chouette ! On va bien s’amuser, tu verras !

Sur quoi elle l’entraina hors de l’antre des lions, pressée de rejoindre la soirée qui avait sûrement déjà commencé. C’était pas très grave, au pire ils louperaient le discours de la directrice un peu comme on loupe les pubs au ciné, c’était pas le meilleur moment, ils s’en remettraient !

— Ça me fait plaisir que tu sois mon presque-cavalier, tu sais ? continua-t-elle durant le trajet. Y’a pas beaucoup de garçons sympa j’ai l’impression… Ou alors je les connais pas. Enfin, sauf toi quoi. Comment ça se fait que t’es tout seul, d’ailleurs ? Je suis sûre qu’il devait y avoir plein de filles qui auraient fait n’importe quoi pour y aller avec toi, non ? Après moi ça m’arrange hein mais je m’attendais quand même à ce que t’y ailles avec une grande !

Fort heureusement pour son camarade, l’arrivée dans la Grande Salle la fit taire un instant. Elle était là, le nez en l’air et des étoiles plein les yeux, ses doigts accrochés au bras du jeune homme pour éviter qu’il ne la perde en route. Elle ne savait plus où donner de la tête tant c’était beau ! C’était ça, les bals de Noël à Poudlard ? Qu’est-ce qu’elle aurait été déçue de pas y aller ! Un homme prit la parole, un peu plus loin, coupant court sa litanie de « oh » et de « ah » émerveillés. Ils n’avaient pas louper tout le discours, alors ? Par contre, quelque chose lui échappait un peu, aussi elle se pencha discrètement vers Killian :

— C’est qui…?

Elle ne connaissait pas tout le monde dans le monde magique, il fallait bien le reconnaître, en dehors de ses professeurs, de la directrice et de quelques commerçants à Pré-au-Lard ou au Chemin de Traverse, c’était même plutôt zéro. Elle ne prêtait qu’une attention limitée à la Gazette, trouvant qu’ils accordaient trop d’importance à des choses dont on se fichait bien — le Quidditch, les joueurs de Quidditch, le résultat des matchs de Quidditch — et trop peu à des sujets importants — le droit de tenir des pauvres créatures en esclavage ou le mal qui était fait aux dragons à Gringott’s. Heureusement, il ne resta pas longtemps à monologuer, il se contenta juste d’applaudir van Aken et de leur souhaiter un bon début de soirée avant de quitter la scène avec la directrice et de disparaître de son champ de vision. Michaela repartit dans l’exploration de la salle comme si elle n’avait jamais été arrêtée.

— C’est vraiment trop trop trop beau n’empêche ! Ça aurait été tellement dommage de louper ça !

Et puis son regard se posa sur un visage loin de lui être inconnu : celui de sa camarade de dortoir, Rosalie ; puis rapidement sur celui d’Artemis qui était à côté d’elle… Il y avait d’autres gens avec eux mais deux filles et un garçon si elle en croyait les robes, mais elle ne voyait pas assez bien de là pour savoir de qui il était question. Sans se démonter, elle adressa un grand coucou enthousiaste à la blonde. Elle irait peut-être la voir, après. Mais pour l’instant, hors de question de laisser Killian tout seul, déjà qu’il avait pas eu l’air super dans son assiette dans la salle commune, il fallait essayer de lui faire passer une bonne soirée !

— Tu vois le garçon qui est avec Rosalie ? C’est un gars de ma classe, Artemis. Le pire crétin qui puisse exister. En vrai, je suis sûre qu’il est gentil mais il veut jouer au gros dur et ça lui va pas. Franchement insupportable, expliqua-t-elle sans imaginer une seule seconde que ça pourrait ne pas l’intéresser. Ils avaient plusieurs heures à tuer, c’était pas pour se regarder dans le blanc des yeux. Tu veux faire quoi ? C’est toi qui décides, c’est ta soirée ! Ça te va ?

Dans le pire des cas, il voudrait aller voir ses amis et ça lui permettrait de faire connaissance avec les sixième ou septième années. Elle ne les connaissait pas du tout pour la plupart, ça pourrait être une bonne occasion. Et puis, il y avait peu de chance qu’ils soient aussi nuls que les quatrième… C’était des grands quoi.

ft. C. Junior d’Archambault, @Erin B. Sørensen et les autres

Il était de ces habitudes délicieuses qu’on se refusait de délaisser et, parmi elles, la plus délicieuse d’entre toutes : ces bals idiots en compagnie d’Erin. D’aussi loin que je me souvienne, je n’avais jamais envisagé d’y aller auprès de qui que ce soit d’autres. Si elle ne pouvait ou ne voulait pas, je m’y rendais seul ou je ne m’y rendais pas, comme si cette place ne pouvait être occupée que par elle, comme un trône par une reine. J’aurais voulu croire qu’il en était de même pour elle mais je savais de source sûre que je n’étais pas aussi irremplaçable que je l’aurais souhaité. Elle prétendrait sans nul doute qu’il n’était question que de distraction mais je la revoyais sans mal au côté de Bradford, se souillant éhontément en restant si près de cet impur pathétique. C’était étrange de voir à quel point les mauvais souvenirs restaient intacts, même des mois après, revenant comme un cauchemar éveillé aux instants où l’on s’y attendait le moins.

— Serrrais-tu souffrrrant ?

J’eus à peine le temps de hocher la tête que, profitant de l’intimité relative que nous offrait le couloir désert, les lèvres d’Erin effleurèrent brièvement les miennes et chassèrent sans le savoir les restes des soirées passées. Il n’y aurait que nous, ce soir… ou du moins je l’espérais. Je devais bien reconnaître que l’envie de la partager se faisait de plus en plus rare. Pourtant, je n’étais pas d’un naturel particulièrement jaloux. Sauf avec elle… Je me découvrais plus possessif que je ne l’avais imaginé, m’habituant peu à peu à cette colère farouche qui faisait bouillonner tout mon être à chaque fois que je l’apercevais avec un autre ou qu’elle avait le malheur d’en faire mention… La lumière des torches éclairant le couloir se reflétait joliment sur le tissu de sa robe. Elle était magnifique. J’avais toujours l’impression qu’elle ne pourrait jamais être plus belle tant elle l’était déjà mais elle trouvait le moyen de me faire mentir à chaque fois. C’était comme si je n’étais plus bon qu’à remarquer cette évidence. À chaque instant ou presque je m’étonnais de son visage parfait, de ses gestes emplis d’une noblesse naturelle, de ses tenues ravissantes… C’était d’un ridicule affligeant mais j’étais bien incapable de faire autrement. Plus les jours passaient, plus il m’était difficile de faire abstraction de la douce chaleur qui m’engourdissait parfois lorsque j’étais près d’elle. Je faisais pourtant mon possible pour me voiler la face et me garder dans l’ignorance la plus totale mais force était de constater qu’elle ne me laissait pas aussi indifférent qu’il l’aurait sûrement fallu.

— Je fais juste ce qu’il faut pourrr êtrrre à la hauteurrr de mon cavalier.
— Je crains que tu l’aies largement dépassé, admis-je dans un sourire amusé.

Il ne nous fallut qu’un instant pour rejoindre le monde qui attendait à l’intérieur de la Grande Salle redécorer pour l’occasion, un instant durant lequel chaque pas m’enjoignait de dévier légèrement notre chemin, fuyant vers une soirée plus agréable encore que celle qui nous était promise, plus agréable parce que défaite de la fourmilière pitoyable qui grouillait sans cesse autour de nous. Avions-nous réellement besoin de rejoindre les basses classes de la population Poudlardienne ? J’en doutais très sincèrement. Je ne désirais que sa seule compagnie, toute autre n’était que superflue. Pourtant, malgré l’envie sourde et violente, je n’en fis rien, pénétrant dans le Saint des Saints avec un enthousiasme vaguement absent. Oh, bien sûr, c’était toujours un plaisir que de parader avec une jeune femme aussi merveilleuse à mon bras, encore que son caractère un peu trop volcanique parfois semblait en faire fuir plus d’un et m’enlevait l’espoir d’attiser bien des jalousies. C’était dommage, bien sûr, mais je m’en accommodais finalement très bien, conscient que ça éliminait la concurrence. Malheureusement, à la plèbe se mêla la pire des vermines : le Ministre en personne, venu répandre sur notre école toute la saleté qui était sienne. Non seulement il ravissait la place d’un sorcier digne de ce nom mais en plus il venait chanter son humiliante victoire devant l’avenir de la société qu’il déshonorait. Près de moi, Erin ricana. Combien d’imbéciles se laisseraient avoir ? Combien seraient flattés de le voir là, s’intéressant aux petits riens que nous étions ? Je les voyais d’ici fiers et bien heureux, s’extasier auprès de leurs parents de l’honneur qui leur avait été fait ! Pour un peu qu’il accepte de leur adresser quelques mots plus personnels, ils ne se sentiraient plus et vanteraient ses mérites inexistants pendant des décennies… C’était bien joué de sa part, je devais bien le reconnaître… Pathétique, certes, mais bien joué.

— Je n’ai même plus envie de gagner le concourrrs si c’est pourrr rrrecevoirrr le prrrix de ses mains souillées.
— J’imagine… Mais laisser la victoire entre d’autres guère plus nobles serait presque criminel.

Ma main pressa tendrement la sienne, un encouragement silencieux. Sa position n’était pas très enviable dans le fond… Des semaines de travail pour que le résultat soit ainsi gâché par l’impureté de notre gouvernement, c’était inadmissible ! Pourtant, ça n’était pas comme si le choix lui appartenait. J’essayai de rendre une potentielle victoire plus attrayante en envisageant une suite moins ignoble. Elle et moi, loin du reste du monde, comme nous en avions l’habitude. Recréer la bulle rassurante dans laquelle nous évoluions le plus clair du temps. Je n’en attendais pas grand chose, n’oubliant pas qu’elle avait participé avec son frère et qu’elle pourrait vouloir, le plus normalement du monde, la fêter en sa compagnie.

— Le drrroit ? C’est un devoirrr. Si ça tenait qu’à moi, nous serrrions déjà dans un endrrroit plus trrranquille.

J’étouffai un gloussement enthousiaste à cette réponse. Si ça ne tenait qu’à moi, nous y serions aussi ! Durant une seconde, j’imaginai l’entraîner en sens inverse, retrouvant une intimité attendue. Après tout, nous avions « quelques heures », non ? C’était largement assez pour fuir un moment sans craindre de louper quoi que ce soit. Mais je m’en abstins. Nous pouvions bien tenir ici jusque là. Quelques heures, rien de plus… Dès l’annonce des résultats, nous partirions. J’avais hâte, mais hâte !

— Et bien il me tarde d’accomplir mon devoir, très chère.

Notre invité mit un terme à son discours inintéressant et nous fit enfin le plaisir de disparaître, nous laissant tout le loisir d’oublier son existence. La soirée reprit comme si rien ne s’était passé, le monde se remettant tranquillement en mouvement pour en profiter. Il nous fallait en faire de même et j’étais prêt à suivre docilement les envies d’Erin. Peu importe ce que nous faisions tant qu’elle restait à mes côtés. Enfin… Pour un peu qu’elle m’évite la compagnie de quelques uns de nos semblables, bien évidemment. J’étais prêt à tous les efforts mais pas à me laisser assimiler si facilement à n’importe qui.

— Dansons. Il n’y a aucune autrrre compagnie qui me fasse envie.

J’aimais nous savoir ainsi sur la même longueur d’ondes et voir toutes les possibles interactions s’effacer d’elles-mêmes. Ses doigts se saisirent des miens et je la suivis non sans plaisir jusqu’à la piste. La proximité qui devint nôtre, plus grande encore par cette activité, fit flotter un sourire ravi sur mes lèvres. Ma main se posa délicatement sur sa taille alors que mon regard se perdait dans le sien.

— Si tu vois Bluebell Sherrrwin, fais-moi signe. Elle a rrrefusé l’invitation de Finn et je suis currrieuse de savoirrr au prrrofit de qui.
— De son frère, sûrement…? Elle a l’air si imbu de sa personne que je doute que quelqu’un d’autre que son double puisse trouver grâce à ses yeux.

Elle avait eu beau venir me trouver soi-disant pétrie de bonnes intentions et d’une envie soudaine de se donner pour les intérêts de notre société, je n’en avais pas cru un mot. Je ne voyais Bluebell Sherwin que comme elle l’avait toujours été : hautaine et tournée sur elle-même, incapable de défendre quoi que ce soit qui ne l’arrangerait pas directement. Il n’y avait eu qu’à voir le petit jeu pitoyable qu’elle avait mené avec le Gryffondor l’an dernier, ces comédies lassantes et ces jalousies piquées au vif. Si je n’en avais pas compris l’intérêt, je le comprenais moins encore maintenant qu’on m’apprenait qu’elle avait repoussé celui pour lequel elle avait choisi de s’humilier.

— Ton frère se joindra à nous malgré tout ?

J’imaginais très mal Finnbjörn Sørensen désespéré seul dans son dortoir parce qu’une femelle avait repoussé son intérêt. Ça lui ressemblait affreusement peu. Néanmoins, le spectacle devait être amusant… Mais je ne voulais pas risquer notre soirée pour aller vérifier… Finalement, je n’eus pas besoin d’attendre très longtemps pour avoir ma réponse puisque la foule se dissipant dévoila la silhouette familière du Gryffondor… accompagné d’Asquith… très en beauté, ce soir, ce qui changeait de d’habitude. La surprise dut sûrement se lire sur mon visage. Il s’affichait au bras d’une impure…? C’était surprenant… mais probablement pas dans un très bon sens…

— Je ne sais pas qui de Mary ou de Carla le déshonore le plus, soufflai-je alors que je reportai mon attention sur ma partenaire. Penses-tu qu’il viendra un jour avec quelqu’un de respectable ou faut-il tirer un trait sur l’idée ?

Certes, la Serdaigle savait se tenir et elle ne risquait pas de l’humilier de la pire des manières en partant avec le premier imbécile de passage mais, tout de même, son sang laissait tant à désirer qu’il était tout aussi risqué de l’avoir à son côté… Il y avait vraiment quelque chose que nous tournait pas rond dans cette famille. Il ne manquait plus que la pauvre Judith nous ramène un sang-de-bourbe et il n’y aurait décidément plus rien à en tirer… Heureusement qu’il restait Erin pour sauver les meubles !