L’un des garçons, celui qui ne portait pas d’insigne, fit les présentations pour tout le monde : Blaze, Cameron et Mallory. Le premier avait l’air bavard, du genre qui monopolise la parole facilement et est capable d’animer une table intégralement composée de sourds-muets. Il eut au moins le chic de ne pas l’ignorer, répondant à sa salutation de manière très avenante. Pourtant, sa manière de présenter Cameron comme étant son préfet fit tiquer le plus jeune ; en toute logique, il était également le préfet de Blaze, non ? Il ne fit pourtant pas de remarque : inutile de se mettre à dos des élèves plus vieux, a fortiori s’ils étaient potes avec un préfet. Et Dmitri ne voulait pas passer pour un idiot ou un petit morveux désagréable devant eux.

Le nouveau serdaigle s’attaqua à sa tourte, alors que Blaze repartit à l’attaque : « C'est toi le petit van Aken, non ? Je savais pas que le vieux dingue avait des gamins... Ils t'ont pondu avant ou après que sa femme soit devenu un portrait ? » Il dut se faire force pour ne pas avaler de travers la bouchée qu’il venait d’enfourner. Il s’était attendu à ce qu’on fasse rapidement le lien entre son grand-oncle et lui, mais il n’avait pas imaginé qu’on lui pose la question si brutalement et de manière si cavalière. En fait, il avait même espéré qu’on n’ose pas lui en parler, de peur qu’il raconte tout au professeur dont il était question. Mais visiblement, la gêne ou la crainte n’étaient pas des attributs très présent chez ce garçon. « Ce n’est pas mon père » protesta-t-il en rougissant à l’évocation de sa prétendue conception. « Ce n’est que mon grand-oncle » se sentit-il obligé de rajouter, afin d’être sûr que Blaze ne commence pas à élaborer d’improbables théories sur la conception de son paternel, surtout si ses théories devaient impliquer d’entrer dans l’intimité du lit conjugal. Il était encore bien prude et n’était pas prêt pour entamer ce genre de discussion. « Chérieux, t’peux faire comme chi il exichtait pas. Perchonne t'en voudra. » Cameron, le préfet, lui adressa un regard qui semblait presque compatissant. Dmitri feignit l’indifférence. « Bah, je m’y attendais... » Il regarda quelques instants en direction de la table des professeurs d’un air pensif. « En tout cas, il a pas l’air d’être le prof le plus apprécié de l’école. » Ça ne le surprenait pas particulièrement cela dit.

Le dernier première année réparti venait de rejoindre leur table. Mallory suivit le mouvement et applaudit son arrivée. Blaze semblait s’ennuyer comme un rat mort et Cameron semblait perdu dans ses pensées. Pour sa part, même si ses doigts pianotaient sur le bord de la table comme s’ils étaient en train de courir sur les cordes de son violoncelle, elle écoutait le discours de la directrice. Et à part l’annonce du cours d’Étude des Moldus devenu obligatoire, quelque chose d’autre avait retenu son attention.

"C'est quoi ces récentes élections dont elle parle ? Quel rapport avec Poudlard ?" demanda-t-elle en se tournant vers Blaze, pensant qu’il en saurait plus qu’elle étant donné son statut de sang mêlé.

Quant au cours d’Étude des Moldus, Mallory trouvait l’idée stupide. Les nés-moldus n’apprendraient rien et les plus réfractaires des sang-purs crieraient au scandale. Quant aux autres qui étaient intéressés par la matière, ils se retrouveraient avec des heures supplémentaires. Mallory haussa mentalement les épaules. Encore un cours où elle s’ennuierait... et qui lui permettrait de travailler sur ses partitions. Cependant, elle ne manqua pas de pouffer de rire devant les réflexions de Cameron et Blaze. Ils avaient raison et pour sa part, il lui tardait de voir la tronche que tirerait Bluebell devant un téléphone.

Le festin étant apparu sur la grande table, Mallory se servit une tranche de rôti et de la purée. De son côté, Cameron servit à boire et un petit nouveau se présenta. Blaze se chargea du reste des présentations et Mallory se contenta de faire un signe de la main amical vers Dmitri.

"Salut." dit-elle simplement avant de faire remarquer à Blaze : "Cameron est aussi ton préfet, Blaze. Et le mien." ajouta-t-elle en regardant son frère avec un pointe de fierté avant de planter sa fourchette dans un morceau de rôti.

Blaze rebondit sur le nom de famille du petit nouveau et Mallory ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. "Blaze et sa délicatesse..." soupira-t-elle plus pour elle-même qu’autre chose. Heureusement, Dmitri ne semblait pas se laisser déstabiliser facilement.

"Dites ?" les interrompit-elle après qu’ils aient énoncé quel prof était pire que les autres. "Vous ne trouvez pas ça bizarre que la directrice n’ait pas nommé Veronica comme préfète plutôt que la Shepherd bleue ? Franchement, elle avait largement plus le profil." dit-elle en lançant un regard vers sa camarade assise un peu plus loin avec Cassiopeia. La connaissant, elle devait être très déçue.

Spoiler:

une rentrée qui ne va pas plaire à tout le monde

Siwan & les adultes

La professeur de divination se délectait déjà de revenir à Poudlard. Elle avait bien profité de ses vacances, avait eu le temps de préparer de nouveaux cours et même de passer un peu de temps avec Junior qu’elle avait invité à la maison, mais même si elle adorait la solitude du comté d’Anglesey, rien n’égalait la vie qui grouillait à Poudlard. Siwan avait déjà envie de passer plus de temps avec Thorstein et d’apprendre à encore mieux la connaître - voire se racheter pour la dernière fois -, de discuter avec Wayde, de se rapprocher d’Amelia, d’enquiquiner Harold, d’embêter gentiment Aidan, de jouer les commères avec Jane et, bien sûr, de se faire connaître auprès de tous les autres car elle n’imaginait pas que quelqu’un dans l’équipe pédagogique ne puisse la connaître. Cela voulait dire passer à côté de petits secrets ou d’informations intéressantes, et c’était hors de question. Chaque personne était un univers que Siwan avait envie de découvrir. Chacun avait son histoire à raconter et elle voulait tout connaître d’eux. Siwan voulait s’amuser. Et comme il fallait garder la face devant les élèves, c’était ses collègues qui allaient trinquer pour toute l’école, évidemment. Thorstein était déjà habituée à toutes ses frasques et toutes ses idées acadabrantesques qui étaient là pour donner un peu de dynamisme dans la vie monotone des professeurs de cette école, mais les autres allaient devoir apprendre à composer avec Siwan Kendrick dans leur vie, désormais. La directrice des Serpentard attendait avec grande impatience sa rencontre avec les nouveaux professeurs de cette école, mais pour l’heure, elle allait devoir attendre le début des festivités pour discuter de façon animée avec toutes les personnes présentes à cette table. Autant que faire ce peut, en tout cas.

Le concierge alla s’asseoir au bout de la table des professeurs, près de la porte qu’il avait franchi pour ranger le Choixpeau une fois les répartitions terminées. Siwan en avait profité pour lorgner la table des Serpentard chaque fois qu’un élève était réparti là-bas car la plupart de ses élèves y étaient également. Et puis… ça lui rappelait sa propre répartition, évidemment, avec Alys, et puis son frère Caïn, un an plus tard, qui avait été réparti à Serdaigle au lieu de… Enfin ! Il était encore trop tôt pour se perdre dans ses souvenirs. Siwan continua de garder la face le temps que la directrice finisse son discours. La mention de cours obligatoire d’étude des moldus et la mention des récentes élections lui fit faire la grimace. Nott n’avait pas gagné, évidemment, et ses cartes ne mentaient pas : l’élection d’Appleton entraînait un changement de perspective dans le monde sorcier. Tout allait changer si cela continuait ainsi, et Siwan n’arrivait pas à savoir si le changement serait bon ou mauvais. Mais en aucun cas il n’en serait invisible. Il allait laisser sa marque. Et elle avait grande peur que cette marque se transforme en cicatrice informe et sans espoir de guérison.

— Mais en attendant, j’entends d’ici vos estomacs gargouiller alors je ne vais pas vous retenir plus longtemps par des blablas inutiles. Je vous souhaite une excellente rentrée et un bon appétit. Que le banquet commence !

Les discussions reprirent de vive voix, autant chez les élèves que chez les professeurs. Siwan, bien que très impatiente de parler, laissez d’abord traîner ses oreilles pour intercepter des bribes de discussion un peu partout afin de mieux s’insérer dans celle qui l’intéressait. De l’autre côté de la table, visiblement, on se présentait, et à son grand désarroi, c’était là-bas que se trouvait la plupart des nouveaux professeurs qu’elle ne pourrait donc pas embêter ce soir. De leur côté, malheureusement, le sujet de la politique avait été lancé et la galloise n’avait nulle envie d’y participer. De l’autre côté aussi, on avait fini par parler politique. Un grand soupir lui échappa. Tout le monde avait l’air de penser que l’idée était absolument géniale quand elle regrettait juste que la société commence à changer à ce point. Ils avaient fonctionné de la même façon depuis des siècles… Changer l’avis des gens sur la divination, c’était un petit changement de rien du tout. Changer l’avis des gens sur les moldus… ça entraînait deux sociétés différentes à danser sur un rythme qu’ils ne connaissaient pas. Tout ceci allait mal finir. Il fallait qu’elle trouve un autre sujet de discussion avec quelqu’un d’autre. Préférant laisser Thor et Wayde discuter ensemble - parce qu’elles sentaient bien que quelque chose se tramait avec les deux -, Siwan reporta son attention vers son voisin, un vieux professeur à qui elle n’avait jamais encore parlé, aussi étrange que cela puisse paraître.

— Vous êtes bien le professeur de potions ? Je crois que nous n’avons jamais eu l’occasion de parler - sans blague. Professeur Kendrick, divination, fit-elle avec un sourire aimable et un index pointé vers le haut, voulant bien dire qu’elle était généralement coincée dans sa tour et qui expliquait pourquoi leur rencontre avait mis tant de temps à se faire.

Que pouvait-elle bien… Oh, et puis merde, hein. Myrddin sera témoin de sa franchise en toute circonstance. D’une voix qui ne se voulait pas portante, elle enchaîna :

— Je vous en supplie, dites-moi que vous avez autre chose à raconter que de la politique.

Si elle entendait encore quelqu’un se réjouir de cette « fameuse bonne idée » de cours en plus, en cette rentrée qui se voulait festive, elle allait faire un arrêt cérébral jusqu’à la fin du dîner.

(c) DΛNDELION

Plan de table prétentieux:

Assis à la gauche d'Appleton, van Aken ne semblait pas décidé à prononcer un mot de la soirée. Les annonces de la directrice n'étaient pas une surprise, il avait eut l'occasion d'apprendre la nouvelle de la part de cette-dernière pendant la pré-rentrée et en avait même touché quelques mots à Rufus dans un couloir. Désormais, il fallait mieux se taire. Qu'aurait-il dit, de toute façon ? Signifier son désaccord en démissionnant ? C'était gâcher tout ce pourquoi il travaillait depuis un an à Poudlard et la raison même de sa présence dans l'école. Alors il fallait attendre, au moins jusqu'à la fin de la soirée, et commencer à réfléchir.

Loin d'être prostré ou abattu, toutefois, le maître des potions laissait trainer son regard sur les tables, sur les visages, lentement, un à un. Il remarquait ici et là les expressions dubitatives, de joie ou de colère, notait dans son esprit ceux qui se réjouissaient et ceux dont le langage corporel exprimait leur désaccord, voire leur dégoût. De ce fait, il n'avait presque pas touché à son assiette et - fait encore plus rare - ne s'était resservi qu'une seule fois du vin lorsqu'une voix féminine à sa gauche le surprit en pleine réflexion.

C'était Kendrick, une jeune femme de sang pur arrivée en cours d'année dernière pour reprendre le cours de divination, comme elle eut la politesse de le lui rappeler au cas où il ne la restitue pas. Il fallait dire qu'ils n'avaient jamais vraiment eu l'occasion de discuter tous les deux, leurs salles de classe étant à des lieux radicalement opposés du château et van Aken préférant éviter au maximum d'enchaîner trop d'escaliers qui avaient tendance à lui faire des douleurs aux genoux.

- Professeur van Aken, maître des potions, enchanté.

Répondit-il sobrement, sans avoir l'air enchanté le moins du monde. Il avait encore un pied dans ses pensées moroses et guère l'humeur aux conversations de badinage. Pourtant, lorsque la professeure se pencha un peu en baissant la voix, suppliant pour autre chose que des discussions politiques, van Aken laissa poindre une ombre de sourire. Lui non plus commençait à ne plus pouvoir supporter les discours réjouis de tous ces sots qui l'entouraient, enthousiastes à l'idée d'appliquer dès demain des réformes idéologiquement idiotes et politiquement dangereuses.

Néanmoins, Appleton à sa droite, il ne pouvait simplement interroger Kendrick sur l'origine de son désamour. Mais se promit d'y revenir à l'occasion. S'il existait dans cette école au moins un enseignant qui partageait ses idées, ne serait-ce qu'un peu, ce n'était pas négligeable.

- Bien entendu, je commençais également à en être lassé. Bientôt on les entendra refaire les élections entre le fromage et le dessert.

Et disant cela, comme si son appétit était revenu, il planta sa fourchette dans un morceau de tourte chaude et le porta à sa bouche non sans une certaine satisfaction. Malgré les camouflets politiques, il restait en ce bas monde quelques menus plaisirs qu'on ne pouvait encore lui retirer.

- Vous êtes la directrice de Serpentard si je ne m'abuse. Alors nous avons une maison en commun. Pensez vous que nos petits serpents ont une chance de remporter la coupe cette année ?

Plan de table: