Spoiler:

Contrairement à la plupart de ses camarades, Nikita avait l’habitude de ce genre d’événements caritatifs pour y avoir plusieurs fois participé. La société sorcière russe encourageait les actes civiques et patriotiques et son père, en tant que membre important de cette dernière, avait à plusieurs occasions été convié à y participer avec sa famille. D’ailleurs, un envoyé de la diplomatie russe se trouvait présent, que Nikita s’en alla rapidement saluer avant de rejoindre le reste des élèves qui attendaient que l’activité ne commence. Toute l’école était réunie là et si on leur avait par ailleurs expliqué déjà les tenants et aboutissants de l’après-midi, un petit rappel était nécessaire pour les plus tête en l’air.

Tout en écoutant, le jeune homme parcouru du regard le panel de fleurs laissées à sa disposition. S’il devait donner son avis, aucune ne convenait pour un bouquet, mais qu’est-ce qu’il en savait après tout ? Les fleurs, ça n’avait jamais trop été son truc, elles mourraient vite sur la table du salon, et lui évoquaient simplement ces cadeaux hypocrites qu’on offrait aux dignitaires étrangers ou plus généralement lorsqu’on était invité à dîner chez quelqu’un. Un passage obligé, sans réelle valeur.

Puisqu'il fallait choisir, Nikita se dirigea vers les arbres anti-pesanteur. Certes la composition d'un bouquet se révélerait complexe, mais au moins la plante ne puait pas et ne tentait pas de tuer son propriétaire. Par ailleurs, les arbres avaient une meilleure longévité que les fleurs coupées. Dans un autre contexte Nikita aurait sans doute un peu bâclé le travail, faute de motivation et d'intérêt pour ce genre de travaux artistiques, mais il participait à un événement public et il aurait été inconvenant que le fils de l'ambassadeur ne présente pas quelque chose de qualité. Il retroussa donc ses manches et prit le chemin des serres.

Une fois à l'intérieur, l'affaire s'avéra plus complexe qu'il ne l'avait imaginé. Déjà ses camarades avaient commencé à s'affairer autour de lui, certains plus ou moins hésitants, d'autres à l'air inspiré. Le concernant, il n'était certain de rien. Les plantes débordaient de partout, magiques et non magiques, sans qu'aucune n'attire véritablement son attention ou ne suscite chez lui un début d'illumination artistique. Il soupira, la solution à l'hésitation était toujours l'action, inutile de tergiverser des heures. Il s'empara du premier pot à sa disposition et en observa le contenu. Des pâquerettes. Les plus communes et banales des fleurs, mais elles avaient pour elles d'être endurantes. Nikita en cueillit une, dubitatif. S'il se souvenait correctement de ses cours d'astronomie, l’antigravité ne supprimait pas les frictions de l'air mais rendait celui-ci comparable à de l'eau dans lequel on pouvait se mouvoir sans être attiré par un point en particulier.

Amusé, il passa sa main au dessus de l'arbre, sentant celle-ci flotter soudain, sans avoir besoin de faire le moindre effort. Celui lui inspira une idée. Il récupéra son pot de pâquerette et, une par une, entreprit de les cueillir puis, les ayant déposé sur son plan de travail, s'en alla jusqu'aux robinets recueillir dans le creux de sa main un peu d'eau.
De retour à l'arbre, il les en approcha et sentit immédiatement l'eau à l'intérieur se soulever, libérée de l’apesanteur. Il entreprit de modeler le liquider pour en faire une goutte et, celle-ci suspendue dans l'air, vint y déposer la tige de la pâquerette. Maintenant, grâce aux effets de friction, cette dernière resterait dans l'eau et l'air ambiant maintiendrait tout cela en place.

Il réitéra l'opération une quinzaine de fois jusqu'à avoir en suspension autant de fleur, chacune plantée dans sa petite bulle d'eau, qui gravitaient autour de l'arbre. C'était modeste, mais honnête et satisfait de lui même, il s'en alla déposer son œuvre avec celles de ses camarades qui avaient déjà terminé.

Projet:

Les occasions de poser son fessier au même pupitre que Teddy, dans un cours de botanique, étaient relativement rares mais chaque fois qu’elles apprenaient qu’elles devaient se rendre dans les serres en même temps, Saige s’égayait, oubliant jusqu’à son incompétence même dans la discipline. Se ridiculiser en étant en compagnie de la poufsouffle était tout de même beaucoup plus intéressant qu’en son absence. Aussi lorsqu’elle aperçut la chevelure rousse de son amie, son visage s’illumina d’une lueur joyeuse que même la supposition de la blairelle ne sut rabougrir.

- Euuuh franchement, j’suis quasi sûre d’avoir rien noté. Et je fais des efforts, en ce moment.

Beaucoup d’efforts, à son échelle, depuis qu’elle avait décidé de montrer sa bonne volonté en s’évitant trop de retenues pour cause de devoirs non rendus à temps. Elle tenait relativement bien son agenda et n’avait presque pas pris de retard !

La gryffondor n’eut toutefois pas le temps de paniquer ou de se lamenter sur son échec organisationnel que l’enseignante vint leur expliquer la présence d’autant de personnes sous le chapiteau : elle n’avait rien oublié de noter, oh non ! C’était encore pire que ça : un évènement caritatif, certes, mais Saige voyait plus loin : il s’agissait surtout d’une note imprévue et d’un énième drame sur son bulletin scolaire. La poisse.

- Les élèves les plus attentifs les auront reconnues, mais je vais faire la traduction pour les idiots du village
- Gnia gnia gnia, les idiots du village auraient pu réviser si on les avait prévenus... râla-t-elle discrètement sans plus prêter attention aux explications de l’adulte.

Continuant sur sa lancée boudeuse, la malédictus emboîta le pas de sa camarade pour tirer au sort le nom de sa plante.

- Moi, je veux bien nettoyer les vitres d’une serre, si elle veut, rétorqua-t-elle à la proposition de Teddy.

Une œuvre caritative avec les deux filles qui préparaient des bouquets, c’était mine de rien assez audacieux, comme pari. Mais bon, elles n’avaient pas le choix et aussi Saige était plutôt de bonne composition, à défaut d’être douée en botanique. Elle voulait bien s’essayer à l’expérimentation, pourvu qu’on ne juge pas trop ses échecs lamentables à venir... parce qu’elle ne doutait pas un seul instant sur ses chances de succès. Ça commençait d’ailleurs très mal : à ne pas écouter les instructions du professeur Griffith, elle était bien incapable de dire à quoi ressemblait une jonquille klaxonnante. Ce ne fut qu’en arrivant là où se trouvaient les plantes – en trainant déjà les pieds à l’idée de tout foirer – que l’évidence la saisit à bras le corps. Ou aux oreilles, en l’espèce. La plante aux grandes pétoles jaunes klaxonna allègrement à son approche, comme pour mieux attirer son attention.

L’adolescente se saisit d’un pot de jonquilles, le tenant les bras tendus le plus loin possible de sa tête – et de ses oreilles – tout en rejoignant sa camarade sur un pupitre au fond de la classe.

- J’ai une jonquille klaxonnante, répondit-il en posant le récipient à proximité de celui de sa camarade. « Et toi, c’est quoi ? Ça a l’air mieux, au moins tu vas pas rend... »

Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que le pot de fleur s’éleva tranquillement dans les airs, sous le regard médusé de Saige.

- Hey, reviens là, toi !

Le temps de réagir, la plante flottait déjà bien au-dessus de sa tête, la forçant à monter sur le plan de travail pour rattraper la fugitive. Au moins, maintenant, elle savait pourquoi l’arbuste de sa camarade était dit anti-pesanteur. Reposant la jonquille sur la table, quoiqu’un peu plus loin de la plante de Teddy, elle l’observa quelques instants, priant presque pour que la fleur se mette à lui crier la solution à son problème : le son.

- T’as pas une idée pour la rendre muette, dis ?

Quel était ce monde où on lui demandait d’être efficace en cours de botanique en prenant en compte ses connaissances inexistantes dans la discipline tout en mobilisant des connaissances d’autres matières ? Elle n’arrivait déjà pas à maîtriser une leçon seule, si elle devait en mélanger plusieurs... au secours !

- Tu crois que je me fais défoncer par la prof, si je demande à Silas de lancer un sort à ma place ? demanda-t-elle finalement, en cherchant le garçon des yeux.

En plus d’être plus doué en théorie, il maîtrisait également infiniment plus la pratique des sortilèges qu’elle. Il était un peu son antisèche. Ou son cheatcode, comme dans les jeux-vidéos.

Progression:

avancée du projet: