Un peu à l’écart, Brooklyn et Casey contemplent la salle remplie d’élèves moldus et sorciers. Les premiers ne se doutent absolument pas que les collégiens de Poudlard ont quelque chose de bien plus spécial qu’un intellectuel un peu plus développé que la moyenne - c’était d’ailleurs loin d’être le cas pour certains de leurs camarades. Imaginaient-ils que la magie existaient ? Faisaient-ils ce rêve fou qu’un jour ils pourraient s’échapper de cet orphelinat pour vivre quelque chose d’exceptionnel ? Ils avaient, un jour, été bien plus proches de ces orphelins que des sorciers qu’ils étaient aujourd’hui : enlevés à des familles violentes, ils avaient espéré un renouveau avant d'atterrir dans de nouvelles structures, pires encore. Jusqu’à une certaine forme de stabilité, plus ou moins heureuse selon le Serpentard et la Serdaigle. Cette ambiance laissait cette dernière songeuse, la ramenant à un passé pas si lointain où elle cachait encore des origines dont elle avait honte : pas de ne pas être née sorcière, la naissance n’avait rien de valable à ses yeux, mais des souffrances dont elle avait été la victime et qu’elle refusait de montrer aux autres. Une faiblesse qu’elle jugeait pitoyable alors. Des faiblesse avec lesquelles elle avait toujours du mal à composer. Un regard sur Brooklyn lui redonna un léger sourire. S’il y avait bien quelqu’un qui l’aidait à surmonter ces faiblesses, dans le fond, c’était lui. En redevenant amis, il devenait plus simple d’accepter le passé tel qu’il était et de prendre du recul sur celui-ci. Un feu de cheminée qui se remet à brûler et qui éloigne le froid glaçant. Gênée de repenser à cela, Casey détourna la tête et fit mine de poser un regard pensif sur la foule alors que Brooklyn l’interrogeait. Pourtant la réponse était nette, pas besoin de réfléchir : non. La négative était catégorique mais elle prit néanmoins quelques secondes pour formuler le fond de sa pensée. Pour sa part, il était évident que rester dans sa famille d’accueil n’aurait pas arrangé qui elle était enfant. Elle aimait la magie et tout ce qu’elle lui permettait, elle aimait avoir accès à ces connaissances. Et aussi, ils ne se seraient probablement jamais revus s’ils ne s’étaient pas retrouvés à Poudlard. Je ne pense pas. Pas dans mon cas. Je n’arrive pas à imaginer quelle personne je serais aujourd’hui si j’étais restée dans cette famille d’accueil et que j’avais suivi les cours au collège public du coin de la rue. J’aime bien trop la magie pour regretter de ne pas posséder leur ignorance. J’imagine que pour toi c’est différent poursuivit-elle, en tournant la tête dans sa direction, sa voix inchangée et sans la moindre trace de reproche. Tu as ta famille et tu t’inquiètes pour elle après tout ce qu’elle a déjà subi. C’était une constatation évidente, mais elle ne voulait pas lui donner aucun accent d’injustice : elle avait accepté depuis quelques temps déjà que leurs chemins n’étaient plus les mêmes à ce niveau là. Ils n’étaient plus deux enfants battus mais deux adolescents aux familles bien différentes. Cela ne changeait pas le dernier point : Tu sais, on ne se serait probablement jamais revus si nous ne nous étions pas retrouvés à Poudlard. Elle garda pour elle la suite de sa phrase, quelque chose dans la même veine “et rien que pour ça, je ne pense pas pouvoir être plus heureuse” et reporta son regard sur la foule. C’était une question lourde de sens et si difficile à répondre sans doute. Car on ne pouvait pas savoir de quoi le futur aurait été si tout avait été différent.

Suivant le regard de Brooklyn, Casey posa à son tour ses yeux sur un petit groupe composé notamment de Finnbjörn et de sa jumelle. Elle ne pouvait nier que les rumeurs sur cette famille n’étaient pas des plus flatteuses et elle savait que Erin n’avait jamais caché sa détestation à l’égard des nés-moldu. Mais alors, et son frère ? Il travaillait avec elle et Felicia sans broncher, était-ce dû à son amnésie ou à une mentalité différente ? Impossible à dire, mais dans l’ensemble elle rejoignait Brooklyn. La directrice voulait à tout prix imposer sa vision tolérante d’une vie entre sorciers et moldus. Mais ce bal, ici, n’était peut-être pas la meilleure idée du siècle. Si l’on voulait que les extrêmes se montrent dociles, les provoquer en les amenant ici était assurément une mauvaise idée. Je ne pense pas qu’ils aient bien le choix supposa-t-elle Si leurs parents sont à la hauteur du mien, ils sont tout à fait capable de les sommer de s’y rendre afin de donner une bonne image de leur nom. Ce n’était qu’une supposition qu’elle savait cohérente : elle même était bien forcée de se rendre à ce bal d’hiver afin que son géniteur étale sa progéniture. Amener une sang-mêlée dans un bal de sang-purs n’était pas très sage, de son point de vue, mais elle était encore légalement obligée de lui obéir. Se désintéressant d’eux, décidée à profiter un peu de ce moment incongru avec Brooklyn, Casey s’empare de deux verres et propose à son ami de choisir en premier. La réticence du jeune homme est palpable mais il prend néanmoins le coca, laissant le jus indéfini à Casey. Elle pressentait qu’il n’allait pas en boire beaucoup, si ce n’était pas du tout, probablement certain que quelqu’un y avait versé quelque chose, et elle ne pouvait pas lui en vouloir. En fait, elle commençait même à se sentir coupable de l’avoir traîné ici.

Ne sachant pas trop quoi dire ni sur quoi lancer la conversation et se sentant empotée comme rarement, elle revint sur la tenue très élégante et adulte de Brooklyn. Elle ne pouvait nier qu’elle le trouvait très beau. Son compliment fit naître un sourire sur les lèvres du jeune homme et Casey en fut satisfaite : au moins se déridait-il un petit peu. C’est vrai que ça change de tous les jours appuya-t-elle en baissant les yeux sur sa propre robe. Elle était bien loin des jupes et petites robes ou pantalons qu’elle portait au quotidien, c’était sûr. Tu ne détestes pas, dans quelques jours tu vas adorer et après les fêtes tu ne t’habilleras plus que comme ça plaisanta-t-elle avec un petit sourire, tout en rougissant légèrement d’imaginer que ça ne serait pas pour lui déplaire. Il était déjà très beau vêtu d’un simple jean et d’un t-shirt, alors tout compte, elle n’était pas sûre que ce soit une bonne idée qu’il s’habille ainsi tout le temps : elle n’arriverait peut-être pas à cesser de le détailler du regard. Et d’où lui venaient toutes ces pensées ? Gênée, le compliment de Brooklyn ne fit qu’accentuer cela, provoquant un rosissement de ses joues qu’elle n’était plus capable de contenir. Il ne complimentait pas seulement sa tenue mais la trouvait très belle. Soudainement, son jus lui parut très attirant, et elle en avala une gorgée histoire de faire cesser cette douce chaleur qui gagnait sa poitrine et son visage. Je ne déteste pas non plus lui répondit-elle finalement, avec un petit sourire amusé. Non, elle ne détestait pas, loin de là, surtout si cela plaisait à Brooklyn. Qui devait avoir chaud, dans son manteau, ce qu’il confirma quand la jeune femme lui posa la question. J’aime beaucoup... commença-t-elle, à la vue de sa chemise étoilée qui lui seyait très bien, en plus d’avoir de jolis motifs. Malheureusement - ou peut-être heureusement car si elle continuait de contempler son meilleur ami avec ce regard, elle risquait de disparaître à cause de son embarras grandissant et des sentiments perturbants - elle ne termina pas sa phrase : Felicia venait d’arriver avec le Serpentard qui l’avait abordée près des cachots il y a quelques jours de cela. Ses sourcils froncés au-dessus de son regard polaire, Casey étudia cet étrange duo avant de saluer Felicia et son cavalier. Felicia ! C’est vrai que nous nous croisons rarement en-dehors de nos études répondis-je, englobant volontairement nos travaux et les cours dans un tout puisque je ne comptais pas dévoiler ce soir les recherches que nous menions avec ma camarade. Surtout pas entourées d’oreilles indiscrètes. Son cavalier les salua à son tour et Casey lui retourna un bonsoir poli, ne sachant guère comment agir vis-à-vis de celui qu’elle connaissait apparemment par le passé mais dont elle avait tout oublié. Vous passez une bonne soirée ? Elle refusa d’un geste un petit four qu’il lui proposait et tourna un regard perçant vers Brooklyn, se demandant comment il allait prendre cette double arrivée. Regard qui se teinta d’interrogation quand un froid polaire s’abattit sur le nom de famille de Félicia alors prononcé par Brooklyn. Portant le bout de ses doigts à hauteur de Brooklyn, Casey toucha à peine son bras qui portait son manteau pour l’interroger d’un regard. Ils ne se comprenaient déjà pas avec des mots, il y avait peu de chances qu’ils se comprennent sans parler, mais elle essaya, voulant comprendre ce qui clochait.

Je commence à regretter d’avoir demandé à Grand-Mère une robe si élégante et qui me sied si bien pour une soirée aussi peu recommandable. Les cafards pullulent, saucissonnés dans du tulle et des tissus bon marché. Il me faudra assurément brûler ma tenue après ces heures - que je jugeais punitives - dans cet orphelinat. Je pourrais trouver de multiples manières de m’amuser mais, malheureusement, Finnbjörn veille et je ne peux me permettre de faire n’importe quoi. De toute façon, à part brûler la bâtisse toute entière, rien ne saurait pleinement me satisfaire. Pas même l’idée d’une exploration à travers les étages de l’orphelinat au cours de laquelle je pourrais laisser libre court à mes envies. L’idée de mettre un pied dans les chambres miteuses de ces nécessiteux sans une once de magie en eux me répugnait. Ma baguette - dont le bois reposait contre ma peau, réconfortante sensation - semblait réagir à mon humeur et partager mon envie de faire quelque démonstration de sortilèges. Cette réserve qu’il me fallait honorer me rendait hargneuse : que n’aurais-je pas donné pour être simplement en compagnie de mon jumeau, dans une salle vide de Poudlard, à nous défier en duel comme nous l’avions fait tant de fois. Cette possibilité nous était refusée : à la fois car Grand-Père ne nous avait pas laissés le choix de nous rendre à cette soirée, mais aussi car les capacités de Finn étaient toujours incomplètes et qu’il refusait de s’entraîner avec moi. C’était parfaitement regrettable. Je le lui fit d’ailleurs bien comprendre. Sa tranquille nonchalance embellie d’un sourire me met immédiatement sur mes gardes. Depuis son amnésie, c’était un sujet de discorde entre nous et il avait plutôt tendance à se montrer catégorique que serein. Mais sa confidence me fait quitter ma méfiance pour un sourire qui n’a rien d’angélique. Vrrraiment ? Tu me flattes, est-ce parrrtie intégrrrante de tes dispositions que de me complimenter pourrr me rrrendrrre plus patiente ? plaisanté-je. J’éprouve une réelle satisfaction à me dire que mon jumeau se donne les moyens de retrouver son niveau d’antan pour que nous puissions nous mesurer à nouveau. Sa reconnaissance de mes capacités est également toujours agréable à entendre. Finn a beau avoir perdu la mémoire et adopter par moments un comportement qui me questionne, il n’en reste pas moins fidèle à lui-même. Je n’allais pas lui faire l’affront de le sous-estimer et je le savais fin stratège. Mon commentaire précédent n’était donc peut-être pas si éloigné de la vérité : il ne tarda pas lâcher quelques mots brumeux qui en laissaient autant percevoir qu’ils en dissimulaient. Puis-je en connaîtrrre plus sur cette solution ? La douceur de mon ton ne masque pas les soupçons qui m’agitent, mais ils ne sont pas là le seul sentiment que les paroles de mon frère provoquent. Au fond, je suis ravie de le savoir sur la voie pour retrouver ses capacités. Pour pouvoir de nouveau me battre contre lui et ainsi profiter du seul adversaire que je jugeais réellement à ma hauteur ; mais également car un Sørensen n’était jamais autant lui-même que lorsqu’il était en pleine possession de ses moyens. J’avais beau le haïr par moment, Finnbjörn restait mon frère et, plus que cela, mon jumeau. Nous n’étions peut-être pas fusionnels aux yeux du monde, mais nous nous complétions autant que nous nous déchirions. J’avais besoin de lui dans son entièreté pour me sentir pleinement entière à mon tour. Que ce soit dans les bons moments comme dans les mauvais - aussi fréquents que violents.

Moi qui me targuait de ne pas le sous-estimer, je venais cependant de douter de sa vigilance et de son bon sens. Sa main effleura le haut de son costume, l’air de rien, mais il accompagna ce geste d’une précision non négligeable. Finnbjörn étant Finnbjörn, il tint tout de même à formuler une recommandation. C’était étrange qu’il ne se souvienne plus de toutes les notions qu’il avait apprises au fil des années mais qu’il parvienne encore à deviner ce que je pouvais ressentir avec une acuité surprenante. Au fond, peut-être ne devrais-je pas m’en étonner : n’était-ce pas cela, le lien de gémellité dans sa forme la plus primaire ? Quoiqu’il en soit, cela m’arracha un claquement de langue agacé, seule manifestation de mon exaspération. Je ne suis pas une imbécile. Mon tempérament fougueux peut parfois me jouer des tours - aux yeux de ma famille du moins, pour ma part je considère m’en sortir à la perfection - mais je sais encore me montrer sensée par moments. Je n’ai pas pour projet de finir à Azkaban : brûler un orphelinat tout entier par simple ennui, bien que tentant, ne serait pas du meilleur effet sur mon curriculum vitae. Cependant, si une occasion se présentait… Un fin sourire acéré se dessine sur mon visage alors que je propose de défenestrer tous les incapables de cet endroit pour profiter d’une soirée où ne resterait que l’excellence. L’appui de mon frère me fait sourire car il ne manquerait pas de s’étouffer s’il me voyait subitement enrouler une guirlande au cou de ces guignols pour m’en débarrasser. Puis peut-être qu’il chercherait à m’étouffer ensuite, pour limiter les dégâts. Ce serrrait en effet charrrmant soupiré-je, maussade devant ces visages dégoûtament jovials.

Un visage en particulier retenait l’attention de mon frère et quand je pose à mon tour les yeux sur la silhouette de Sherwin, je ne cache pas mon mépris envers elle. Cette fille a toujours été imbue d’elle-même et profondément stupide. Il y avait bien un temps où nous jouions ensemble mais il était révolu depuis bien longtemps. Dès lors que ses mots avaient touché l’intégrité de ma famille, plus rien n’était resté de cette amitié d’enfant, si ce n’est un dédain abyssal. Et sûrement un peu de haine. Que Finn se préoccupe de sa personne ne faisait qu’exacerber ces sentiments. T’attendais-tu à êtrrre sélectionné pourrr montrrrer un tel mécontentement ? Je me montre à la fois ouvertement moqueuse et méprisante quant à cette simple idée. Tu mérrrites bien plus que le bas du panier craché-je en lui accordant un dernier regard. Qu’elle roucoule au bras de ce sang-de-bourbe, c’était bien là la seule place qu’elle pouvait prétendre honorer avec grandeur. Nous n’eûmes pas le temps d’approfondir la question qu’une gamine se plantait face à nous, un air simplet sur le visage. Et d’un ton qui l’était tout autant commença à nous adresser la parole comme si nous étions du même monde et qu’elle pouvait s’accorder le droit de nous parler ainsi. Tel un prédateur fondant sur sa proie je m’empresse de lui répondre avec un sourire dont la douceur n’est qu’apparente. Venais-je enfin de trouver de quoi m’occuper ce soir ? Comme pour m’annoncer que les festivités débutaient enfin, nous sommes rejoints par Junior, dont la présence me fait sourire un peu plus et allume une lueur pétillante dans mon regard. Contrairement à Finnbjörn, bien plus factuel et qui se fendit simplement de quelques mots à son image, notre ami ne se priva pas à adhérer à ma volonté de voir cette pièce toute entière brûler. Mais la gamine ne se démontait pas, et c’est avec cet air éternellement niais qu’elle continua sur sa lancée. Je ne savais plus si c’était de l’insolence ou de la stupidité. Je pliais alors les jambes afin de placer mon visage à la hauteur du sien, ma patience arrivant à son terme. Tu devrrrais écouter attentivement, petite sotte. Tu es différrrente de nous. Ta tenue n’est que guenilles, ton airrr simplet trrrahi l’insuffisance de ton intelligence, tu ne devrrrais pas avoirrr le drrroit de posséder une baguette et, enfin, tu es parrrfaitement à ta place ici, au milieu de ces sorrrdides misérrreux. Peut-être était-elle suicidaire, en réalité, pour nous adresser un tel discours. Je ne peux fairrre usage de ma magie pourrr le moment, mais je connais de nombrrreux autrrres moyens de te fairrre rrregrrretter d’êtrrre ici. Alorrrs dégage, verrrmine terminé-je en me redressant. J’espère en réalité qu’elle n’en fera rien et restera plantée devant nous, à continuer de proférer des immondices pareilles. Finnbjörn ne pourrait pas ainsi me reprocher de l’avoir prévenue et de m’en être ensuite pris à elle. En même temps, Junior nous ayant rejoint, la soirée s’annonçait déjà quelque peu plus agréable : nous n’étions plus que deux perdus dans cet océan de cafard, mais trois, à pouvoir contempler de haut cette foule grouillante.

Cependant, me voilà demandée ailleurs. Parmi les orphelins et sorciers réunis et mélangés, mon regard croise celui de Misha, dont les pas semblent le mener dans la direction du trio que je forme avec mon frère et Junior. Un geste de sa part confirme qu’il souhaite me parler et son air sombre me laisse penser qu’il pourrait y avoir de quoi s’amuser de ce côté-là aussi. Juniorrr, Finn, veuillez m’excuser fais-je avec un sourire grandissant. Je rrreviens précisé-je néanmoins. Je comptais bien apprendre de la bouche de Junior ce qui l’avait tenu si longtemps loin de nous et passer le reste de ma soirée en leur compagnie. Mais je devais d’abord savoir ce que Bradford me voulait. Bousculant au passage la gamine, sans ménagement aucun, je le rejoins rapidement auprès du buffet. Brrradforrrd, tu n’es pas accompagné ce soirrr ? lui lancé-je, sournoise : il connaissait mon point de vue la cavalière qu’il avait eue à son bras lors de la dernière soirée organisée par l’école. Voilà que ce soir elle s’affichait en compagnie du dernier des paysans. Cela devait être un coup dur.