La batte en bois de Dmitri s’abattit sur le premier cognard venu, projetant le projectile ensorcelé vers une silhouette jaune qui voletait au loin. Kathleen se trouvait dans les environs mais un rayon de soleil l’aveuglait trop pour qu’il puisse être sûr qu’il s’agissait bien d’elle qu’il visait... au pire, une poufsouffle ou une autre, le résultat n’était pas bien différent. Le Tchèque eut à peine le temps de voir la balle à tête chercheuse frapper un adversaire qu’il se penchait sur son balai et accélérait pour prendre en chasse le second cognard qui avait percuté Jun ; trop occupé à vouloir mettre au tapis tous les blaireaux, il dénigrait sans doute un peu trop la protection de ses propres coéquipiers. Tant pis pour les doléances et autres larmoiements : il avait d’autres tâches plus pressantes qui l’attendaient.

Comme faire tomber Appleton ou Kirte de leurs balais. Du coin de l’œil, il avait cru apercevoir Silas foncer à la poursuite de son vif d’or : c’était le moment parfait pour agir. L’autre batteuse devait être aux abois aussi mais Dmitri l’a pris de vitesse sans mal et frappa à nouveau dans un projectile, visant la silhouette jaune et noir qui fonçait au loin.

Dmitri ne s’était plus occupé de Kathleen à l’instant même où son cognard l’avait frappé dans le thorax, lui coupant très certainement le souffle ; il ne doutait pas qu’une brindille comme elle, une fille à l’allure si faible et au caractère peu combattif, puisse un seul instant réussir d’autres tirs après une telle blessure. La capitaine de poufsouffle était hors-jeu, quand bien même elle tenait encore à peu près sur son balai. Sans demander son reste, le batteur s’en détourna donc, accélérant sur son balai pour prendre de la distance et mieux voir le terrain : poufsouffle n’avait pas marqué de but, et grâce au cognard qu’il avait envoyé dans le bras du gardien des blaireaux, ses coéquipiers étaient parvenus à marquer des points. Le match se déroulait finalement plutôt bien pour serdaigle : ils dominaient la confrontation. Ne restait plus qu’à trouver Appleton, le mettre hors d’état de nuire et Silas pourrait faire son œuvre en toute tranquillité.

Le Tchèque mit quelques secondes à repérer les deux attrapeurs, un peu plus loin. Ils étaient au coude à coude, poursuivant le vif d’or si proche l’un de l’autre qu’il était dangereux, voire criminel d’en viser un : le risque de toucher son coéquipier était trop grand. Les deux adversaires fusaient à vive allure vers le sol, menaçant dangereusement de s’y écraser jusqu’à ce que la silhouette bleue ne se décide à stabiliser son balai pour remonter. Malgré lui, il venait de créer une ouverture pour Dmitri car Kenneth, lui, continuait à descendre. Accélérant à son tour, il partit à la poursuite du cognard le plus proche – dont il était plus ou moins certain qu’il était encore recouvert du sang de Kathleen – s’apprêtant à frapper dedans de toutes ses forces. Le coup de sifflet final figea son geste l’espace de quelques secondes suffisantes pour que la dangereuse balle ne s’éloigne de lui et qu’il n’aperçoive l’attrapeur de poufsouffle, l’air victorieux.

Après le silence du suspens et les premières acclamations des jaunes, la voix de Bevans entonna des chants supportant les serdaigles ; il serra les dents, plus énervés par ces paroles que ragaillardi. Il voyait rouge... du coin de l’œil, il aperçut Silas qui partait sur son balai, survolant les gradins pour disparaître à l’horizon. Jun Woo et Aisling étaient toujours là, eux. Le van Aken avança vers sa capitaine.

- Désolé, pour le cognard du début. Je ne pensais pas que vous resteriez si proches.

Il n’attendait pas vraiment de réponses de sa part : mis à part le vif d’or, ils avaient fait un meilleur match que l’adversaire et la seule fille de l’équipe avait au moins gagné le respect de Dmitri en supportant les deux cognards sans broncher. Mais ça, il était bien trop orgueilleux pour lui dire. Il s’apprêtait à partir à son tour, quitter le terrain pour ne plus entendre les acclamations – qu’une intervention du professeur de botanique avait retournées en faveur de Kenneth – mais l’un des cognards, qui n’avaient pas encore eu le temps d’être récupérés, fusa vers eux. Il leur aurait été facile de les éviter... pourtant le Tchèque se fendit d’un sourire sans joie, encore frustré par la défaite, et décala légèrement son balai pour faire front à la dangereuse balle.

1-2. Il frappe dans le cognard et envoie une frappe chirurgicale droit sur @Kenneth D. Appleton.
3-4. Il frappe dans le cognard mais celui-ci dévie de sa trajectoire, fusant droit sur @Professeur C. Bevans et @Professeur J. Griffith.
5-6. Il frappe le cognard qui file s’acharner contre la pelouse, entre un groupe de poufsouffle et de gryffondors qui descendent des gradins.

Le coup dans le cognard fut si fort qu’il grimaça de douleur, son épaule endolori par tous ces frappes successives durant le match. La balle, elle, broncha tout juste, dévia de sa cible sous l’impulsion de la batte pour fuser vers les deux professeurs qui semblaient en pleine dispute.

Dmitri n’avait pas cherché à viser les deux professeurs ; frustré par la fin du match aussi scandaleuse qu’elle était arrivée comme un cheveu sur la soupe, il avait encore besoin de se défouler, d’évacuer cette adrénaline qui peinait encore à retomber. Il détestait le quidditch pour cette même raison : ces règles absurdes qui faisaient que poufsouffle pouvait gagner le match alors qu’ils n’étaient parvenus à marquer aucun point, qui rendaient le travail d’Aisling et Jun Woo inutile. De la colère, il en avait donc à revendre et son coup dans le cognard envoya ce dernier valdinguer au loin. Ce serait mentir de dire qu’il n’avait pas visé volontairement l’endroit où se réunissaient les fêtards qui acclamaient Kenneth... mais il n’avait pas espéré toucher son directeur de maison. Pas plus qu’il n’aurait aimé toucher celle de poufsouffle ou Appleton – quoique pour ce dernier point, sans doute qu’il aurait pu y trouver une certaine satisfaction. Un pur accident, parfaitement innocent. Et un accident qui allait encore lui attirer des ennuis, à n’en point douter. Le Tchèque soupira, accorda un ultime regard à sa capitaine avant de diriger son balai vers la zone où le professeur Bevans s’était étalé au sol sous la force de la balle. Griffith et lui se tournèrent vers lui, l’un plus abattu qu’autre chose, l’autre les pupilles brillant d’une lueur mauvaise ; il n’en fallut pas plus pour qu’elle se mette à lui hurler dessus, à grand renfort de tutoiement et d’insultes qui manquaient clairement d’éducation. Rien de bien étonnant : Dmitri lui avait toujours trouvé un aspect plutôt vulgaire qui s’accentuait visiblement avec la colère. Son visage était tordu d’une grimace répugnante et menaçante qui accentuait les rides autour de ses yeux.

L’aiglon fit mine de ne pas l’avoir entendu, descendit de son balai avant de gagner leur niveau en quelques enjambés, en arborant un air des plus innocents. Il avait déjà bien assez de retenues comme ça, il serait idiot qu’il en écope d’une nouvelle pour un malheureux accident.

- Désolé, professeur, j’ai voulu dévier le cognard qui revenait sur Aisling et moi, je n’avais pas fait attention que des gens étaient déjà descendus.

Même après le coup de sifflet et à la sortie du stade, les cognards pouvaient facilement se perdre et dévier de leur trajectoire pour attaquer tout ce qui bougeait. Le professeur de vol était d’ailleurs parti en quête de l’autre balle enchantée.

- Vous voulez que j’aille chercher l’infirmière ? demanda-t-il finalement pour faire bonne figure, soulevant légèrement son balai comme pour souligner que l’enseignant serait ainsi plus vite soigné.

Dmitri n’avait toujours pas accordé d’attention au professeur Griffith – ou à sa menace qu’il ne prenait d’ailleurs pas bien au sérieux. Il était suffisamment énervé par la défaite pour vouloir s’éviter un conflit avec la botaniste qui le ne portait manifestement pas dans son cœur. Mis à part Grant – et le concierge, mais il ne comptait pas vraiment – il n’y avait pas beaucoup d’adultes pour l’apprécier de toute façon.

La sanction de Griffith était tombée comme un couperet sur la nuque de Dmitri, sauvage et cruelle, pour une part à tout le moins. Injuste également : l’on pouvait lui reprocher bien des choses, lui accorder beaucoup de maux et autant de blessures, il était le premier à le reconnaître d’ordinaire, mais aujourd’hui n’était pas de ceux-là. Victime de sa réputation et de l’esprit étriqué des professeurs, il se voyait ravir la seule chose qui avait su le canaliser jusqu’à présent ; s’attendait-elle seulement à une bonne réaction de sa part ? Elle le poussait dans ses pires retranchements, le poussait à la faute, l’entraînait dans un cercle vicieux de haine. En comparaison, le retrait faramineux de points lui était glissé dessus sans qu’il n’y prête attention, ne s’attardant pas un seul instant sur lui. Elle aurait pu tout autant déclarer qu’elle lui ôtait l’intégralité du sablier de serdaigle, il s’en moquait. Il n’en avait jamais eu cure et après le match, son désintérêt pour la chose était encore plus grand. Seul le directeur des aiglons semblait y accorder une réelle valeur, sa tête surgissant de sa main valide pour s’en scandaliser... mais sans grand succès, la botaniste attrapant le balai du Tchèque tout en ignorant les réclamations de Bevans. La scène aurait de quoi être comique si seulement Dmitri ne mourait pas d’envie d’envoyer un cognard sur l’adulte qui s’envolait déjà au loin, un signe du pouce pour seule réponse au maître des potions.

S’il croyait en avoir terminé, la riposte du van Aken ne se fit pas attendre ; il était trop fier pour laisser Griffith lui retirer sa peinture sans réagir et il se moquait bien de voir la réaction du barbu. Qu’il s’offusque, s’énerve en le voyant prendre de vitesse sa collègue qui fonçait chercher l’infirmière : il n’était pas celui qui avait lancé les hostilités, pas vraiment. Le cognard ne comptait pas, il n’était destiné à aucun d’eux mais en cet instant présent, il regrettait de ne pas mieux avoir visé pour venir frapper la directrice des poufsouffles. Une fois n’était pas coutume, il n’en avait pas après Bevans, quand bien même s’était-il peu moqué de ses chansons juste avant que le match ne commence, et il ne pouvait pas comprendre que celui-ci ne le perçoive pas. Il préférait se vexer de le voir appeler un elfe, qu’il ose contrer l’injuste sanction en mettant ses affaires à l’abri de la voleuse, s’énerver contre lui. Dmitri laissa la bourrasque souffler sur lui, la voix du blessé, d’abord forte et énervée, finit par s’éteindre à la faveur de la douleur. Tout du long, quelques regards s’étaient tournés vers eux, surpris par cet échange d’amabilités, mais nul n’osa s’approcher ou trop s’attarder, de peur sûrement de voir le courroux d’une partie se détourner sur l’intru. Le Tchèque, lui, luttait contre cette envie de fermer le poing sous la colère, conscient que le geste ne ferait qu’aggraver la situation et qu’il lui serait difficile, alors, de clamer son innocence.

- Je ne vous tiens pas responsable de la défaite, se défendit-il finalement, profitant d’un silence las de l’enseignant pour reprendre le pouvoir de la confrontation. « Et je ne provoque personne, j’empêche juste quelqu’un de me voler des affaires. Elle n’a aucun droit de venir me retirer mes peintures et mon chevalet. »

Surtout pas le chevalet, ultime cadeau d’un cousin décédé seulement quelques jours après avoir envoyé le présent. La simple idée que Griffith mette la main dessus faisait battre son cœur d’une colère vive capable de rendre le choc avec un cognard doux en comparaison. Mais à quoi bon lui expliquer ? Il n’imaginait pas une seule seconde que Bevans puisse le comprendre, de toute façon. Tout ce qui semblait l’intéresser était de savoir si les ordres du corps enseignants étaient respectés à la lettre, comme parole d’Évangile. Se bousculaient dans son esprit bien d’autres répliques, comme autant de défenses à ce qu’il lui avait asséné pendant quelques minutes, mais l’ultime requête du maître des potions le pris de court. Il resta un instant interdit, son regard passant de l’épaule meurtrie au visage du professeur, se demandant presque s’il se moquait de lui. À moins qu’il n’ait mal entendu. Ou que le blessé ait pris un coup sur la tête.

- Pourquoi vous voulez éviter l’infirmerie ? laissa-t-il finalement échapper, si surpris par les désirs étranges de l’adulte. Cela ressemblait tout de même beaucoup à un caprice d’enfant.

Évidemment, il fallait que ça tombe sur lui et il ne pouvait décemment pas partir sans rien faire, pas après lui avoir envoyé le cognard litigieux, même involontairement.

- Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, je n’ai plus mon balai... et je n’ai pas non plus ma baguette.

Le risque était bien trop grand de la casser pendant un match ; évidemment, après réflexion, il aurait pu la garder sur lui, Kathleen ayant des capacités de tir relativement limités, mais même avec il n’était pas tout à fait certain de pouvoir le soigner. Son regard s’attarda quelques secondes sur les graviers déplacés par l’apparition des elfes de maison, quelques minutes plus tôt.

- Dans l’hypothèse parfaitement hypothétique où je vous proposais une solution pas tout à fait réglementaire, je me ferais encore engueuler ?

Inlassable était la rhétorique professorale qui consistait à lui reprocher ses écarts de conduite mais persistante était sa propension à ignorer les méfaits d’un air vaguement las. Combien de fois devait-il répéter qu’il n’avait pas fait exprès de lui envoyer ce cognard ? Les adultes l’écoutaient-ils ou se contentaient-ils de le sermonner en faisant fi de ce qu’il avait à répondre pour sa défense ? Et lui, alors même que les enseignants n’étaient pas capables de prêter l’oreille à ses réponses, se devait d’écouter et obéir ? Où était l’exemple dans leur démarche ? Dmitri voulait bien fournir des efforts, mais à quoi bon ? De toute façon, l’on ne s’intéressait plus à ce qu’il pouvait faire, ne voyant que le mal ou les erreurs. Des efforts, il en avait fourni sous Sørensen, ne s’attirant plus les foudres du directeur, mais cela n’avait pas empêché celui-ci – pourtant ami avec son aïeul – de le renvoyer presque aussi sec dans le rang des parias. Depuis, il avait compris combien cet appel à être sage n’étaient que de belles paroles pour enrober une réalité plus déplaisante : dès lors qu’un ou deux professeurs l’avaient pris en grippe, il ne pouvait aspirer qu’aux ennuis. Il n’était pas dupe : il voyait bien que Griffith ne l’aimait pas. Et si pour Bevans, il pouvait en comprendre les raisons, la professeure de botanique n’avait jamais eu maille à partir avec lui jusqu’à présent, sinon de savoir qu’il était le petit-neveu du feu maître des potions, peut-être.

- Parce que quand je fais profil bas, je suis écouté peut-être ? rétorqua-t-il en peinant à garder un ton calme. « Ah non, c’est vrai ! On continue de m’enfoncer. »

Aveugle aux manifestations de douleurs de l’adulte, il crachait ce qu’il avait sur le cœur et tant pis s’il s’agissait du seul professeur qui n’avait encore jamais été concerné par ces choses-là.

- Au fait, avant que vous ne commenciez à croire ce que vous dites : Griffith n’aurait jamais cru ce que j’ai à dire. Elle n’a pas attendu de me connaître pour me détester... Il prit de faux airs innocents. « Si j’étais suspicieux, je dirais que c’est mon nom de famille qu’elle n’aime pas. »

Étrangement, il était parvenu à parler d’un ton égal, sans hausser la voix ou laisser trop de sa colère venir se glisser dans ses mots. Seul son accent slave, plus marqué lorsqu’il commençait à s’irriter, trahissait un peu ce sentiment d’injustice qui accélérait son rythme cardiaque. Quoiqu’il arrivât de toute façon, il savait pertinemment que Griffith ne pourrait pas lui ôter ses effets de peinture : soit son elfe les récupérait à temps, soit son père s’en chargeait même s’il préférait éviter cette ultime mesure. Il préférait éviter d’avoir à informer son géniteur des évènements, sachant que Maxmilian van Aken n’apprécierait sûrement guère de savoir dans quels troubles s’étaient encore mis son fils.

La requête du maître des potions l’arracha à ces pensées énervées pour le prendre de surprise, éveillant en lui une certaine curiosité amusée qui se mêlait à sa colère dans un étrange cocktail d’émotions contraires. La plus récente sembla gagner du terrain, chassée par la réflexion de comment ils pouvaient éviter à son professeur l’infirmerie. Démarche surprenante, s’il en était, mais c’était sans doute pour cela que Dmitri aspirait à l’y aider. Ça et le fait que tout ce qui pouvait lui éviter d’avoir à faire appel à son père l’arrangeait fortement. Il n’insista pas pour en savoir plus, conscient que de toute façon, il n’allait rien obtenir. Sa proposition prudente laissa un silence s’installer entre eux, comme si l’adulte cherchait à jauger l’aiglon... à moins qu’il ne réfléchisse à sa prochaine retenue. La réponse, quand elle vint, fut moins tranchée qu’il ne s’y attendait. À son tour, le Tchèque haussa des épaules ; des deux, contrairement à Bevans qui était bien incapable de faire bouger la seconde sans être attaqué par la douleur et le regret.

- Rien de toute cela. Il marqua une pause, l’air d’hésiter, avant de reprendre la voix légèrement irritée : « Contrairement à ce que vous semblez penser, je n’ai pas une passion pour blesser les gens. »

Disons que s’ils ne portaient pas le nom de l’un de ses frères, le plaisir était moins grand.

- Non, je pensais à quelque chose de plus simple. Du genre rappeler l’elfe de maison pour qu’il nous transporte à Sainte-Mangouste. Sauf si là-bas, non plus, vous ne voulez pas y aller ?

Il hésita un instant, bien conscient du risque qu’il prenait en distillant cette alternative à son directeur de maison.

- Et avant que vous ne me posiez la question : non, je ne le fais pas souvent. Mon oncle m’aurait sans doute pendu par les pieds dans un cachot pendant deux décennies si je m’étais amusé à quitter Poudlard de la sorte.

En vérité, il l’avait fait. Une fois. Sur incitation du portrait du grand-oncle de son grand-oncle. Et il aurait sûrement préféré être enfermé dans un cachot en punition. Depuis, il ne s’y était plus jamais risqué, de peur que la menace de le pendre par les pieds ne soit pas qu’une menace. En outre, Frimord avait eu l’ordre de ne plus obéir à ses requêtes. Puis il était décédé.

Dmitri ne s’était pas vraiment attendu à rencontrer une réponse très réceptive de la part de l’adulte qui semblait hésiter entre colère, douleur et exaspération. Mais qu’importe, il s’en moquait, trop occupé à déverser ce qu’il avait sur le cœur à qui voulait bien l’entendre. Las de se voir reprocher ce qu’il n’avait pas voulu faire, de toujours se voir rappeler quelques écarts de conduite pour justifier des punitions injustes, et fatigué de jouer dans une équipe qui enchaînait les coups du sort, il crachait tout son fiel sur son directeur de maison qui ne fit pas mine de l’arrêter dans sa diatribe mais secoua le chef d’un air désapprobateur avant de le corriger sur la façon dont il avait parlé de Griffith. Les enseignants étaient si prévisibles, toujours le reprendre de la sorte, comme le faisait autrefois Alexander. Il ne lui répondit pas, se contentant d’hausser des épaules d’une façon dédaigneuse. Il se moquait bien de ce que pouvait penser Bevans de ses accusations, lui savait quelles étaient véridiques. Ils semblaient en avoir terminé, de toute façon : il n’y avait plus rien à dire.

Le maître des potions avait beau lui promettre de parler à sa collègue s’il l’aidait, Dmitri n’y croyait au fond qu’assez peu : il n’imaginait pas qu’elle puisse revenir sur sa décision et cela importait peu. L’elfe de la famille était très certainement en train de récupérer toutes ses affaires avant que celui de l’école ne les confisque. Malgré tout, il se surprit à chercher une solution pour ce professeur qui, pour une raison qui lui échappait encore, ne voulait pas rejoindre l’infirmerie, non sans rajouter une ultime couche de rancunes qui éveilla une nouvelle protestation – plus vive cette fois-ci – de l’adulte. L’alternative proposée fit son petit bonhomme de chemin dans le regard exaspéré de l’homme qui se massait le haut des yeux en un geste que Dmitri commençait à reconnaître plutôt bien. Lorsqu’il reprit la parole, ce fut finalement pour rejeter la proposition ; cela aurait à vrai dire étonné l’adolescent qu’il accepte. Il fallait sûrement bien des conflits avec l’infirmière pour fuir de la sorte. Malgré tout, la promesse de tenter de négocier fut confirmée dans un manque manifeste d’optimisme. Qui croyait une seule seconde que Griffith puisse écouter quelqu’un, de toute façon ? Même Aylmer semblait plus ouvert à la discussion. Quoique, il ne parierait peut-être pas dessus, à la réflexion. Tenté l’espace d’un instant de lâcher une ultime réplique acerbe rappelant que négociation et « Jack » allaient aussi bien ensemble que chaleur et détraqueur, il s’avisa à la dernière seconde, pile au moment d’ailleurs où Bevans s’avançait vers lui, tendant une main vers lui. Son instinct le trahissant sans qu’il ne puisse le museler, le Tchèque amorça un mouvement de recul, les muscles tendus par l’expectative, puis le regard surpris quand il sentit la poigne de l’adulte se refermer sans violence sur son épaule. Les iris de l’enseignant n’étaient pas chargées de colère, ou même d’exaspération. En réalité, il n’y retrouvait rien qui puisse lui rappeler, ne serait-ce qu’un peu, l’allure de son père lorsqu’il s’apprêtait à le sanctionner. Sans doute avait-il un peu de mal à croire aux propos du maître des potions, dans sa façon d’inclure tous les professeurs à tout le moins, mais il réfréna son envie de le dire, gardant un silence mesuré alors qu’il sentait le poids sur son épaule se renforcer encore un peu. Il ne doutait plus, à cet instant, qu’il était en partie devenu la béquille du barbu.

Dmitri resta un instant interdit, ne sachant trop comment réagir à ça. Il n’était pas habitué à ces effusions presque affectives ; chez lui, les marques d’affections ressemblaient étrangement plus à des hématomes et elles avaient le goût du sang.

- Ça va, j’ai compris... protesta-t-il mollement, se retenant de dégager son épaule de peur de faire perdre l’équilibre à Bevans. Il manquerait plus qu’il se blesse une nouvelle fois et que Griffith arrive sur ces entrefaites pour l’accuser de tous les maux de Poudlard.

Après quelques secondes d’hésitation, il s’éclaircit la voix d’un air un peu gêné.

- Euh professeur ? Il détourna le regard. « Vous pourriez me lâcher ? »