Il n’y avait pas de mot pour décrire la colère que ressentait Kryštof alors que venait de lui annoncer qu’il quitterait Durmstrang en cours d’année pour rejoindre Poudlard. Son poing s’était fermé, ses ongles proches de perforer la peau de sa paume. Son cœur s’était soulevé, battant à tout rompre des tambours d’une rage sourde. Oui, il savait que son grand-oncle Alexander était décédé depuis quelques temps mais la nouvelle ne lui avait fait ni chaud ni froid. Il n’avait aucune attache particulière avec le vieux potionniste qui nourrissait désormais les pissenlits par la racine. Quelque part, Kryštof était même satisfait de la mort du vieux van Aken. Il en tirait une joie cruelle, malsaine d’imaginer son petit frère être affecté plus que de raison par la perte de son mentor. Dmitri était un sujet sensible. Cela faisait des années que les deux garçons s’évitaient royalement mais ils n’avaient pu empêcher leurs retrouvailles lors des funérailles de van Aken. Le plus âgé n’avait pu s’empêcher de retenir un sourire narquois face à la détresse de son benjamin. Peut-être l’avait-il remarqué, peut-être pas. Dans tous les cas, il ne s’en était pas caché, bien déterminé à ne jamais lui laisser un seul instant de répit et désirant lui faire payer pour avoir ruiné sa vie.

Aller à Poudlard ne l’enchantait absolument pas. Tandis qu’il pliait à contre-cœur l’uniforme écarlate de Durmstrang pour le mettre dans l’armoire familiale, la haine inextinguible envers Dmitri n’allait certainement pas tarir de sitôt, bien au contraire. Exponentielle et obsessionnelle, elle prenait des allures de motto tandis qu’il rangeait la robe symboliquement noire de Poudlard dans sa valise. Non seulement il avait une école dont il respectait les valeurs et qu’il appréciait pour rejoindre une souillée par les impurs, mais en plus, il allait devoir supporter Dmitri quotidiennement. Car oui, ses parents n’avaient rien trouvé de meilleur tuteur en Écosse que lui, visiblement. Quelle ironie. Quelle stupidité, surtout. S’ils s’étaient imaginés que cela allait renforcer leur entente inexistante, il valait mieux qu’ils se montrent extrêmement patients. Kryštof avait plus de chance de se marier à une moldue que de faire un câlin mièvre à son benjamin. Encore soumis à l’autorité parentale, il s’était plié à cette décision. Il savait que son avenir était perdu de toute façon. Ce qu’il voulait réellement faire de sa vie, Dmitri le lui avait arraché, le poussant loin des ambitions et des traditions familiales. Se sentant évincé malgré lui par ce dommage irréparable que son benjamin lui avait fait, il se moquait bien de réussir ou non dans cette école maudite où on venait de l’exiler.

Il n’y avait pas jour qui se passait sans que Kryštof ne ressasse ce qu’il avait perdu. À l’instar de Dmitri, il aimait représenter les choses, mettre les couleurs sur une toile afin de retranscrire ses yeux voyaient. Mais depuis le drame, la seule chose dont il était capable de coucher sur la toile tendue se rapprochait beaucoup de Jackson Pollock que de Gustave Courbet. Et cela le désespérait. Quand sa famille avait fait sa réputation dans les portraits de sorciers, comme un « diminué » comme lui pouvait participer à la renommée familiale ? Même si récemment, les activités des van Aken s’étaient tournées vers la fabrication de baguettes, le problème restait le même : les mains de Kryštof étaient devenues incapables de s’atteler à des tâches qui requéraient de la minutie. Souvent tremblantes, parfois victimes de spasmes involontaires, même son écriture était devenu erratique, alors pour ce qu’il s’agissait de retranscrire précisément et littéralement le vivant sur une toile avec de simples couleurs… Néanmoins, cela ne l’empêchait nullement de fermer les poings et ainsi punir dès qu’il le pouvait l’auteur de celui qu’il blâmait pour la totalité de ses maux.

Durmstrang avait été la parfaite école pour s’entraîner à donner des coups. Rude et austère, l’éducation qu’il avait reçu là-bas lui avait parfaitement convenu. L’affrontement était perpétuel, la compétition également. La condition de Kryštof n’avait jamais posé problème, étrangement. Malgré sa carrure filiforme, il ne s’était jamais laissé impressionné par plus grand ou plus fort que lui. Bien au contraire, il avait estimé que c’était ainsi qu’on se faisait respecter. Il se doutait de toute façon que Poudlard n’était peuplée que de tendres chérubins dont il entendait déjà les insupportables gloussements immatures. Tant pis pour eux. Il apporterait un petit côté exotique à cette peuplade de gallinacées impies. Quant à son frère, il avait beau savoir un peu mieux maîtriser ses pouvoirs désormais, Kryštof ne lui laisserait plus l’opportunité de le soustraire à ses objectifs. Plus de manifestation magique incontrôlée, plus de risible accident pour justifier pourquoi les mains du pénultième enfant de la fratrie van Aken refusaient de retrouver leur motricité d’avant, plus de jalousie frustrée à vivre dans l’exécrable ombre du benjamin si atrocement doué pour la peinture. Depuis ce jour fatidique, quelques années auparavant, où, après une énième dispute durant laquelle Dmitri avait magiquement blessé Kryštof, ce dernier s’était mis en tête que son frère l’avait volé. À l’instar des Sang-de-Bourbes qui volaient la magie aux sorciers, Dmitri lui avait dérobé son talent, ses mains, son avenir. Oui, ce moins que rien ne valait pas mieux que les impurs qui se prétendaient sorciers.

Il ferma sa valise d’un geste sec et déterminé avant de se saisir de la poignée et de faire glisser la malle de son lit impeccablement fait. Après un dernier regard, il remarqua qu’il avait oublié son livre traitant des aptitudes divinatoires chez certains individus. Il entrouvrit rapidement sa valise pour glisser rapidement l’ouvrage, s’inquiétant subitement de ce don qui était apparu inexplicablement peu après l’incident de ses mains. Quelques visions, quelques flashs imperceptibles et fugaces d’événements potentiellement futurs, suffisamment crédibles pour que Kryštof ne les ait pas considérés comme de simples rêves ou divagations de son imaginaire. C’était peut-être le seul point qui l’intéresserait dans la fange de Poudlard. Durmstrang n’était pas vraiment portée sur la divination ni l’interprétation des signes. Pas assez ésotérique, plus cartésienne et portée sur l’affrontement, l’école d’Europe du Nord et de l’Est n’avait pas apporté suffisamment de réponses au curieux van Aken qui voyait là peut-être une perspective d’avenir loin de cette famille qui le forçait à jouer les baby-sitters. Peut-être que l’ouverture d’esprit écœurante de Poudlard allait finalement être un minium profitable et exploitable.

Tandis qu’il se dirigeait vers le Portoloin qui allait le propulser en Écosse, il ne s’attarda même pas d’un regard en arrière. Ni à ses parents, ni à sa chambre qu’il venait en grande partie de vider, rien. Dmitri lui avait volé son avenir, il lui volait maintenant son présent. Une chose était claire dans la tête de Kryštof : jamais il ne laisserait une minute de répit à son benjamin. Si Poudlard était assez décadente et souillée pour accueillir des Sangs-de-Bourbe en son sein, l’autorité qui y régnait devait être tout aussi laxiste. Et puis, Dmitri, aussi niais était-il à ses yeux, était trop fier pour passer pour un faible et un lâche n’est-ce pas ? Il n’allait pas aller à l’encontre de l’autorité fraternelle. Et même si l’idée venait à lui traverser l’esprit, Kryštof se ferait une joie sadique de lui rappeler que sa place était en bas de l’échelle.

Dmitri D. van Aken : Il n’y a certainement pas assez de mots pour décrire la haine viscérale et obsessionnelle que Kryštof vouait à son benjamin. L’avant-dernier des enfants de Maximilian van Aken a toujours eu une relation conflictuelle avec Dmitri. Les choses se sont graduellement empirées lors que le plus jeune des deux voit ses pouvoirs commencer à apparaître. Un jour, la manifestation magique a été plus violente que d’habitude, réaction toutefois logique au vu de la dispute brutale entre les deux frères. Kryštof n’a jamais voulu donner les détails mais le résultat est là : les blessures qu’il a subies ont meurtri les nerfs de ses mains irrémédiablement. Depuis, jamais la colère et le sentiment d’injustice n’ont été aussi fort, continuant de croître jour après jour. Jaloux et vengeur, il s’est promis de faire payer à Dmitri et de ne s’arrêter que lorsque l’un d’eux cesserait de respirer.

Maximilian et Helena van Aken : Kryštof n’avait pas de relation particulière avec ses parents. Étant le pénultième d’une nombreuse de fratrie, il était plutôt fantomatique dans l’intérêt que lui portait ses parents. Le fait qu’il ne puisse même plus perpétrer les affaires familiales de par sa condition accrût cette sensation d’être quelque peu insignifiant. Mais cela ne dérangeait nullement Kryštof, estimant qu’il n’avait guère besoin de son nom pour faire son propre héritage loin des van Aken. Néanmoins, il ne détestait pas non plus ses parents. L’éducation stricte qu’il reçut le disciplina et il n’eut jamais trop de problèmes comportementaux. Du moins, lorsqu’il n’était pas en présence de son benjamin.

Fratrie van Aken : Kryštof n’avait jamais trop cherché de noises à ses aînés. Pour les plus âgés, Krystina, Miroslav et Igor, il les voyait plutôt comme des exemples à suivre, sérieux en toutes circonstances. Quant aux faux-jumeaux Sofia et Isidor, Kryštof en était plus proche, partageant même une certaine complicité avec eux, la scolarité partagée à Durmstrang y aidant. Enfin, il restait bien Dmitri, mais il s’agissait d’un cas à part.

Alexander A. van Aken : Le pénultième enfant de la fratrie van Aken n’avait jamais été proche de son oncle. S’il avait longtemps curieux à son sujet, se passionnant très tôt pour la peinture, il ne s’était jamais attiré les bonnes grâces du maître comme avait pu le faire Dmitri. Puis, avec son accident, il y avait définitivement tiré un trait. Le fait qu’Alexander eut l’indignité d’aller enseigner à Poudlard détériora même sérieusement l’image qu’il avait de lui. Depuis, il n’avait eu du dédain pour son grand-oncle et l’annonce de son décès l’avait laissé de marbre.

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