Mills avait une certaine chance, aujourd’hui. Premièrement, elle était parvenue à me toucher. Sans que cela relève non plus de l’exploit, il fallait souligner que son sang de bourbe tendait à la gratifier de bien peu de talent. Deuxièmement, à chaque fois que je me décidais à lui régler son compte et à lui faire passer l’envie de se croire à ma hauteur, je voyais, du coin de l'œil, Caldwell gagner du terrain sur notre attrapeuse et menacer de nous rafler la victoire. Encore fallait qu’il soit adroit en plus d’être rapide, et si j’étais de nature plus impulsive que réellement précautionneuse, il était tout de même de mon devoir, sur ce terrain, de veiller à ce que cela n’arrive pas. Alors, à la dernière seconde, je déviai ma frappe. L’autre impure attendrait, il me fallait anéantir son capitaine avant toute chose. Mon rictus se fit terrible quand l’impact se produisit, à l’autre bout du terrain. J’aimais réellement ces quelques secondes de flottement, le moment où ma victime était percutée par ces balles noires furieuses et où elle serrait les dents, ravalant la douleur pour ne pas abandonner le match. Certaines fois, néanmoins, continuer était impossible. Et tomber s’avérait être le seul choix restant. Je ne boudais pas mon plaisir de voir la chose se reproduire. Et de un. C’était jouissif et j’espérais que Junior en sera au moins aussi ravi que moi. À voir son jeu depuis le début du match, je n’en doutais pas vraiment. Maintenant que celui-ci était hors d’état de nuire, il en restait quatre, et Shepherd avait le champ libre pour nous offrir cette victoire.

1-2-6 - Skyler est touchée
5 - Le prochain adversaire à poster est touché
3 - le prochain coéquipier est touché
4 - le cognard ne touche personne

( Pando )

Shepherd n’avait pas besoin de me faire signe pour que je focalise mes attentions sur Mills. Dès lors que Caldwell était tombé, chutant de son balai comme une poupée de son désarticulée et sans vie, j’étais retournée à des considérations qui l’incluaient. Elle venait de toucher notre attrapeuse par deux fois et cette dernière était peut-être résistante, elle n’en était pas moins invincible. Je lui avais offert le champ libre dans sa course après le vif d’or, c’était à elle, désormais, de se charger du reste. Pour ma part, je m’en retournais à ces échanges de cognards qui zébraient le terrain, rythmé par les coups de battes et les impacts avec les joueurs présents. D’un mouvement souple mais brutal, j’expédiai le premier que je rencontrai en direction de l’autre sang-de-bourbe et pris grand plaisir à observer la rencontre entre la collision. Sur ma gauche, les spectateurs firent entendre quelques cris de joie alors que les Verts et Argents marquaient un nouveau but. Je n’avais plus le score en tête, trop occupée à faire ma part, mais je pouvais voir que mes coéquipiers ne lâchaient rien. Au niveau des gradins, la silhouette jaune et dorée de notre capitaine venait d’accélerer brusquement. Si elle venait de trouver le Vif d’Or, ce n’était pas le moment de laisser Mills l’atteindre. Penchée sur mon balai, je me lançai en quête d’un cognard mais n’eut pas le temps d’en trouver un, encore moins de faire sonner la tête de cette impure. Des clameurs surexcitées s’élevèrent et couvrirent bientôt tous les autres sons, exceptés les hurlements de celle qui levait son poing dans les airs, fermement serré autour de cette petite balle qui nous rapportait la victoire et qui apposait le point final à cette année de Quidditch. La coupe était pour nous, le dernier match de la saison n’y changerait rien.

Le reste de l’équipe regagna le sol dans un amas de noir et de jaune et d’exclamations surexcitées et je les rejoignis, les joues rougies par l’effort autant que par l’exaltation de notre victoire. Cette dernière avait un goût absolument savoureux. Le rire entrecoupé de larmes de joie de Shepherd m’arracha un sourire qui vint faire danser jusque la flamme dans mes yeux. Tout autour de nous, les clameurs se poursuivaient, apportant avec elles un flot d’émotions indescriptibles et enivrantes. J’aimais gagner : le succès avait bien plus d’attraits que l’échec. Et pouvoir faire chuter quelques adversaires en avait bien plus que de se contenter de jouer une défense ennuyeuse au possible. Jade poursuivit ses félicitations pleines d’entrain avant d’annoncer que la soirée serait dédiée à fêter notre victoire et de sauter sur le dos de Carter qui s’éloigna en braillant quelques insanités. Les victoires devaient être fêtées, surtout quand il s’agissait des nôtres. Mais il était hors de question de la célébrer sans une présence en particulier. En attendant d’en savoir plus sur la soirée promise à laquelle nous étions sommés de venir — sans que cela ne soit un frein, ni à ma venue, ni à mon absence — je voulais surtout retrouver Junior. J’allais vérifier que le reste de son équipe n’était pas entrain de le clouer au pilori, avant d’aller me changer et l’attendre dans les vestiaires, quand une brève caresse sur ma main me fit tourner la tête. « Tu as bien aimé sa chute ? » lui fis-je avec un sourire dont l’ironie était grandement adoucie par ses compliments. « Shepherrrd va orrrganiser une soirrrée pourrr fêter notrrre victoirrre. » Mes doigts se glissèrent autour des siens alors que nous délaissions le terrain et l’ambiance de fin de match qui y régnait. « Je n’y vais pas sans toi. » Et j’étais loin d’avoir envie d’y aller jusqu’à ce que le petit jour se lève. Tout dépendrait, en partie, des autres invités — des jeux dénués de toute finesse avec pour seule compagnie celle de mes coéquipiers… hors de question — mais ils étaient de toute façon très peu nombreux à éveiller mon intérêt et aucun ne pouvait supplanter la présence — ou l’absence — de Junior.

( Pando )