Je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup à raconter sur ma vie... Franchement, en quinze ans, il s'est pas passé grand chose... Mais c'est bon, j'ai compris, c'est obligatoire blablabla... Vous énervez pas, je vais le faire...

Alors, il paraît que j'étais le plus merveilleux bébé de l'histoire des bébés. Canonissime, surdoué, sage comme une image... Pas un pleur, pas un réveil en pleine nuit, pas une bouillie gerbée sur le chemisier propre de Maman, rien de tout ça ! La perfection, je vous dis ! Le genre de bébé qu'on s'arracherait au magasin des bébés, vous voyez le truc ? Mais honnêtement, moi, je m'en souviens pas. J'ai aucun mal à croire mes parents sur parole, évidemment, mais j'ai pas vraiment de preuve non plus sinon ce que je suis devenu depuis, quoi. Allez pas leur demander, ça sert à rien, je suis sûr qu'ils nieront avoir dit ça, histoire de pas passer pour des gens trop prétentieux. Ce sont des gens simples, mes parents, ils veulent pas se faire passer pour ce qu'ils sont pas, tout ça... Mais vous savez, vous pouvez me faire confiance, je raconte pas n'importe quoi, moi. D'ailleurs, on devrait faire ça. Je parle et vous remettez pas en cause ce que je dis. C'est ok ? On fait ça ? Parfait !

Le tout premier vrai souvenir que j'ai, c'est un porcelet dans un pyjama rose, un bonnet blanc visé sur la tête, le groin en l'air, là, en train de dormir tranquillement dans un petit lit en plastique et mes parents complètement gagas qui voulaient à tout prix que je m'en approche. Ok, il paraît que c'était pas vraiment un porcelet mais que c'était ma sœur... Des années plus tard, j'ai toujours des doutes. Et je vous jure que j'ai vu des tas de porcelets, dans mon existence, pourtant ! En vrai, je crois que j'étais un peu impressionné... et jaloux, aussi, parce qu'elle avait plein de peluches et que moi j'en avais pas, et que c'était clairement pas juste parce que j'étais là avant. Mais c'est vite passé. On a fait en sorte que je me sente impliqué, que j'apprécie mon rôle de grand frère... et sérieux, ça a pas loupé ! Je crois que toute ma classe en a eu marre d'entendre parler de Murphy (je l'ai jamais appelée Elizabeth, déjà c'est moche et puis ça fait trop vieux, c'est juste bon pour une reine centenaire, ça, pas pour un bébé ! À tous les coups, ils ont fait comme pour moi, ils ont pris le prénom d'un ancêtre de l'an 40, là, en mode « c'est un hommage » alors qu'en vrai, c'est juste une torture psychologique infligée à des enfants qui le méritent grave pas). Je racontais clairement tout, des areuh débiles aux progrès évidents, genre « elle a essayé de mettre le rond dans le carré que trois fois d'affilé ce matin » parce qu'elle partait de tellement loin qu'on s'enthousiasmait pour pas grand chose... Je sais, c'est triste, mais l'intelligence c'est visiblement pas héréditaire pour tout le monde. Il faut bien reconnaître que c'était plus intéressant de parler d'elle que des animaux de la ferme... On aurait eu un chien, sûrement que j'aurais plus parlé du chien mais bon, on fait avec ce qu'on a. Le seul truc négatif, c'est que je ne pouvais plus vraiment inviter mes copains à la maison... et qu'il fallait jamais trop faire de bruit pour pas la réveiller... Quand on m'a dit que j'allais avoir une petite sœur, j'aurais jamais cru qu'elle allait être croisée avec un paresseux... Pourtant, sérieux, c'était à peu près la même chose. On devrait être honnête avec les grands frères dans ces moments-là, parce que ça peut créer des frustrations de ouf en vrai ! Je voulais toujours jouer avec et lui raconter des histoires mais la plupart du temps, c'était pas vraiment possible... alors j'ai attendu qu'elle grandisse...

Et j'en ai profité pour apprendre à lire. Entre nous, j'ai pas beaucoup de défauts, mais si je devais en relever un (sûrement le seul), ce serait mon incapacité à me concentrer plus de trois secondes. Alors, forcément, j'ai toujours détesté l'école. Y'en a beaucoup qui disent que c'est une question d'autorité et tout, moi, franchement, même pas. Je m'en fous un peu de ça... Mais resté le cul posé sur une chaise pendant des heures, sérieux, c'est vraiment obligé ? Non parce que c'est un calvaire ! Déjà dans les petites classes, quand il fallait juste faire du coloriage et apprendre à écrire son prénom, je me faisais toujours engueuler parce que je tenais pas en place et que j'allais mettre de la colle dans les cheveux des filles au lieu de juste colorier les pommes en rouge... Et puis, on en parle de l'étroitesse d'esprit des professeurs ? « On a dit en rouge, Eugene, ça c'est du orange »... Fallait être un mouton et faire comme tout le monde, tout le temps. On est d'accord qu'entre rouge et orange, y'a aucune différence limite, on aurait juste pu dire que les pommes elles étaient pas hyper mûres, je sais pas, mais y'avait moyen de s'arranger ! Mais non... L'angoisse ! En tout cas, j'ai surpris tout le monde en apprenant lire assez vite. J'y ai vraiment mis toute la bonne volonté du monde, et Miss Debby avait du mal à me reconnaître. Elle a même convoqué mes parents pour savoir s'il se passait quelque chose à la maison tant c'était bizarre de me voir  aussi calme et attentif. En quatre ou cinq mois, j'arrivais à déchiffrer tout seul les livres de ma frangine et je m'asseyais à côté de son lit en premier pour pouvoir lui lire l'histoire du soir moi-même. La fierté ! Je sais pas trop si elle s'en souvient, mais elle avait l'air contente. Quand on voit comment elle est devenue chiante, je regrette un peu le temps où elle faisait qu'agiter ses doigts qui ressemblaient à des knackis pour essayer d'attraper la marionnette de « Au lit petit ouistiti » !

Au bout d'un moment, je crois que mes parents ont fini par comprendre qu'ils n'obtiendraient rien de moi à l'école... alors bien sûr, j'ai dû continuer à y aller, c'était obligatoire de toute façon, mais ils ont commencé à m'ouvrir à d'autres trucs. On m'a inscrit au foot et puis je pouvais passer plus de temps auprès des animaux, on m'a expliqué comment m'en occuper, comment je pouvais aider. Je ne suis pas sûr que si j'avais vécu jusque là j'aurais voulu finir vétérinaire, déjà, c'est trop d'années d'études... même éleveur, agriculteur ou je sais pas quoi... et puis, c'est pas super enthousiasmant comme truc... Nettoyer le caca des vaches et être toujours un peu puant, ça fait pas rêver. Eux, ils sont l'air heureux de leur job et tout, mais ça m'a jamais vraiment donné envie de faire pareil... C'était cool de temps en temps le week-end et pendant les vacances, quand on tuait pas mes grasses mat' pour ça... Par contre, le foot... Le foot quoi ! Le talent, vous imaginez même pas ! Ça a été la révélation. C'était ça que je voulais faire quand je serais grand. J'ai commencé à vivre presque que pour ça, limite obsessionnel le machin. J'enquiquinais tout le monde pour regarder les matchs à la télé (tous les matchs), j'ai négocié pendant des semaines pour qu'on emmène dans un vrai stade, à Londres, pour mes huit ans... la lutte a été terrible mais j'ai fini par avoir gain de cause. L'un des plus beaux jours de ma vie, sans exagérer ! C'était ouf ! Ça a achevé de me convaincre que je voulais faire ça toute ma vie. Plein de gens qui hurlent juste parce que tu tapes dans une balle, je vous jure, ça fait rêver !  On a commencé à parler sérieusement de me faire intégrer un collège sport étude dès la sixième. Avec un peu de chance, vu qu'on était à côté de la capitale, je serais pas obligé d'aller en internat et je pourrais rester à la maison avec ma famille. C'était le meilleur plan possible ! Après, bien sûr, comme tous les parents, les miens ont une morale un peu foireuse alors ils se sont servis de ça pour me faire me tenir tranquille un petit peu plus... Je ne sais pas combien de fois j'ai entendu « si tu te calmes pas tout de suite, tu peux oublier ton match de samedi ! » et en vrai, ça a marché ! J'étais faible quand j'étais petit... et puis, j'ai compris qu'ils oseraient jamais.

Eux, ils auraient jamais osé... le destin, en revanche, c'est clairement un connard et il s'est pas gêné ! J'avais neuf ans, quand mes espoirs sont tombés à l'eau. C'était l'anniversaire de Murphy, et Halloween aussi. Maman avait promis qu'on pourrait creuser une citrouille pour l'occasion mais il y a eu une urgence et elle a oublié. Je me souviens comment ma sœur arrêtait pas de pleurer... moi je m'en fichais un peu, c'était qu'une citrouille, mais ça me faisait grave de la peine pour elle... alors je lui ai promis que j'allais lui en trouver une. Sauf que j'avais pas le droit de sortir tout seul et que des citrouilles, on en avait pas. J'étais prêt à n'importe quoi pour lui faire plaisir, j'ai même commencé à échafauder un plan pour me barrer discrètement en ville sans rien dire à personne en espérant pouvoir rentrer avant que mes parents remarquent que j'étais parti. J'avais pris un sac à dos pour mettre la citrouille, et fourré mon argent de poche dans mon blouson... j'étais en train de fouiller dans le placard à gâteaux pour récupérer de quoi manger (dans ma tête, ça allait prendre des heures puisqu'il fallait un bus, un autre bus et le métro, alors fallait prévoir) quand j'ai entendu du bruit derrière moi. Quand je me suis retourné, y'avait la soupière qui était en train de s'agiter toute seule, là, et puis elle est devenue orange, et puis elle a grossi, grossi, grossi... et c'est devenu une citrouille. Une vraie citrouille. J'ai eu un bug, je vous jure ! C'était une soupière et PAF ! c'était une citrouille ! Genre ça avait aucun sens le truc ! Mais j'ai eu la logique de faire jurer à Murphy de rien dire aux parents pour pas qu'on se fasse gronder puisqu'on avait cassé la soupière... enfin... « on »... elle s'était cassée toute seule mais personne croirait jamais ça... Sauf qu'en voyant la citrouille et plus de soupière, forcément, ils ont senti la magouille ! J'ai jamais eu l'impression de mentir à ce point en racontant la vérité qu'en expliquant ce qu'il s'était passé... je pensais qu'on allait me punir pour avoir raconté n'importe quoi plutôt que d'assumer que j'étais sorti et que j'avais cassé la soupière... mais non. Mon père m'a cru. Genre... comme ça... comme si c'était normal d'avoir des trucs de cuisine qui se transforment en légume chez nous ! Et c'est là qu'il m'a raconté qui il était vraiment : un sorcier. Au début, j'ai un peu ricané, j'avoue... J'adore mon père, hein, je vous promets, mais c'est le gars le plus banal du monde. Il a des passions nulles, comme les mots croisés dans le journal du matin, et aime passer son temps libre à la mairie... Y'a rien de magique dans sa vie. Rien du tout. Mais j'ai fini par le croire...  Par contre, j'ai prié tous les soirs pour qu'il se soit trompé et que ce soit la soupière, la sorcière, pas moi... Parce que j'avais pas envie d'aller dans une école en Écosse ni de devoir quitter mon club... Mais il faut bien reconnaître que les trucs bizarres se sont pas arrêtés pour autant... Le chat a appris à voler dans le salon pour faire rire ma sœur et ma chambre a compris comment se ranger toute seule pour que je puisse inviter mes copains à la maison. J'avais beau faire genre, difficile de croire que c'était juste la coïncidence...

Et puis un matin, y'a un hibou qui est venu se poser sur le rebord de la fenêtre de la cuisine, avec une lettre à mon nom accrochée à la patte. Pas n'importe quelle lettre... une lettre de Poudlard. Mon père avait l'air fier, ma mère, je sais pas trop... Je crois que ça la dépassait un peu. Elle aurait rien eu contre que j'y aille pas, je pense. Et moi non plus... J'ai essayé de négocier, je vous promets. J'étais même prêt à aller au collège de Waltham Abbey, même s'il faisait pas sport étude, juste pour pas avoir à partir à l'autre bout de la Grande-Bretagne. Mais soi-disant qu'il fallait que j'apprenne à maîtriser mes pouvoirs, que c'était plus prudent... et puis que j'allais me plaire, là-bas, que c'était pas des cours comme ici, que j'allais apprendre à faire plein de choses géniales... Une école c'était une école. Et puis, j'avais demandé, y'avait même pas de foot.  Après, j'avoue, j'ai commencé à changer un peu d'avis quand on a été cherché mes fournitures scolaires. Y'avait tellement de trucs nouveaux partout que je savais même plus où regarder ! J'étais là, accroché au bras de mon père, à avancer sans regarder où je mettais les pieds... j'ai jamais dit « pardon » autant de fois que ce jour-là tellement je me suis cogné dans tout et tout le monde mais ça valait le coup ! J'ai cru que j'allais faire cramer la boutique de baguettes quand j'ai essayé la première. J'ai foutu le feu aux rideaux, comme ça, tranquille, sans pression ! Le gars il a même pas eu l'air choqué, il a juste éteint les flammes avant de dire « non, c'est pas celle-là »... Tu m'étonnes que c'était pas celle-là ! Et puis tous les bocaux dégueu' qu'il y avait chez l'apothicaire... Ça faisait film d'horreur, un peu ! J'avais pas le droit d'en regarder mais parfois j'attendais que les parents aillent se coucher pour squatter la télé. Bon, d'accord, ça marchait jamais très longtemps parce qu'il y avait toujours un cri (celui de la fille qui se faisait découper... ou le mien, j'avoue) qui les réveillait et qui les faisait débarquer en faisant les gros yeux. Et puis tous les animaux, partout ! J'ai failli avoir un hibou, mais franchement, ça avait pas l'air ouf ces bêtes-là... Je voulais un espèce de poulpe violet dans un grand bocal mais on m'a dit non... Juste « un hibou ou un rat, comme tu préfères », bah j'ai préféré sortir de là. Si c'était juste pour avoir un facteur perso ou des trous dans mes devoirs, c'était pas la peine. Et puis les balais dans la vitrine du magasin de Quidditch... J'avais aucune idée de ce que c'était vraiment mais ça donnait grave envie de rentrer dans la boutique ! Manque de chance, il restait encore plein de trucs à acheter... Mon père a dit « on verra après si on a le temps » et évidemment, on l'a pas eu... Il a prétendu que c'était ma faute parce que j'avais voulu qu'on s'arrête pour manger une glace (une glace à la citrouille, n'importe qui se serait arrêté pour goûter ça !) mais je suis sûr que c'était juste pour pas avoir à passer dix ans à l'intérieur. Quand on est rentrés, j'ai passé une éternité à tout raconter à ma mère et à ma sœur, à tout leur montrer. C'était que des bouquins un peu nuls mais ça promettait des trucs grave mieux ! En fin de compte, même si j'avais pas envie de quitté Waltham Abbey, j'avais quand même un peu hâte de voir ce qui m'attendait à Poudlard.

Sur le quai de la gare, j'ai promis à Murphy de lui écrire presque tous les jours et de tout lui raconter sur l'école de magie et le monde magique, et, jurez vous répétez pas, j'ai peut-être un peu chouiné dans mon compartiment. Pour ma défense, c'était la première fois que je partais tout seul et je savais que je pourrais pas rentrer avant Noël. Noël ! C'était dans quatre mois entiers... presque une vie entière quand on a onze ans ! Mais bon, ça a pas duré. Dès qu'il y a des gens qui sont arrivés et qu'on a commencé à papoter, là, c'était fini ! J'étais prêt pour la plus grande aventure de ma jeune vie ! Le soir-même, le Choixpeau me foutait à Serpentard. Franchement, j'ai toujours été fier de ma maison, faut bien avouer que ce sont les meilleurs ! Mais si je dois parfaitement être honnête, j'aurais rien eu contre finir à Gryffondor... ils ont toujours eu l'air cool ! Par contre... j'ai tout de suite été mis dans l'ambiance. Quelques jours après la rentrée, ils ont trouvé une cagoule de mangemorts dans les cachots, près de notre salle commune. Perso, j'ai pas compris tout de suite le problème mais ça faisait clairement « bagage abandonné » dans les gares. Limite si je m'attendais pas à voir des gens débarquer pour la faire exploser ! Mais à la place, ils ont déménagé tout le monde... On a dû aller squatter les autres maisons... et sérieux, j'ai fini à Poufsouffle... Genre j'ai fait Londres/Trou du cul de l'Écosse pour avoir la tronche d'un blaireau au-dessus de mon lit... on en parle de ça ?! Mais bon, franchement, cette année-là, ça a été beaucoup de bruit pour rien... On a jamais su comment le machin était arrivé près de chez nous et on a fini par avoir le droit de retourner dans notre salle commune.

C'est l'année d'après que ça a commencé à devenir problématique. Avec Blackman, là... Au début, c'était un peu galère mais sans plus, vous voyez... Juste pas comme d'habitude quoi (encore qu'on sait pas trop ce que c'est « comme d'habitude » à Poudlard). Fallait faire gaffe à ce qu'on disait, tous les clubs étaient surveillés, fallait demander l'autorisation pour tout et n'importe quoi... Et puis ça a rapidement dégénéré. Les nés-moldus ont commencé à être pris pour cible... ils ont été marqués comme du bétail... et si on essayait de faire quoi que ce soit, c'était le renvoi assuré. Franchement, ça m'a rendu dingue de voir ça, de me sentir impuissant à ce point-là... J'avais que douze ans, d'accord, j'aurais pas pu faire grand chose mais quand même ! J'aurais été prêt à essayer ! C'est la seule fois de ma vie où j'ai eu honte d'être à Serpentard... La plupart des connards qui profitaient de tout ça venaient de chez nous, et notre maison était grave favorisée... Tout ça pour quoi ? Parce qu'on avait pas de « sang-de-bourbes » dans nos rangs ? Rien que d'y penser, ça me file la gerbe ! Je suis content que ça ait changé depuis ! C'est cool la diversité, je vous jure, et puis avec un peu de chance, ça pourra nous éviter de retomber si bas. Enfin... j'en parle comme si j'en faisais encore partie mais vous avez bien compris que c'est pas le cas...? Genre je suis pas naturellement translucide, hein, ça c'est venu qu'après. Mais bon, j'imagine que je ferai toujours un peu partie de Serpentard. Tant que je serai à Poudlard en tout cas... Ce serait cool si je pouvais remplacer le Baron Sanglant, un jour... Y'a moyen qu'il prenne sa retraite, vous croyez ? Faudrait que je lui demande à l'occasion ! Honnêtement, je saurais même pas dire comment ça s'est fini. On était là, en PLS total, et l'autre fils de chien de directeur s'est barré en louzdé avant que McGo ne revienne d'on ne sait où. Fin de l'histoire. Ça fait fin de série bâclée, on est d'accord ? Ça aurait grave pu être les scénaristes de LOST qui ont écrit le scénario de cette fin d'année... Enfin, on s'en fout...

Ça n'étonnera personne si je dis que l'année d'après, c'était de la merde aussi... Plus calme, la merde, j'avoue, mais plus fourbe aussi... Parce qu'on se pensait enfin en sécurité, enfin tranquille... Les grands méchants étaient loin alors c'était bon... Mais non, en fait... C'est lors d'une sortie à Pré-au-Lard que ça nous est tombé dessus. Ils avaient installé une fête foraine pour l'occasion et tout le monde avait hyper envie de participer. Je peux comprendre, c'est grave bien les fêtes foraines... enfin... ça l'était. Ça m'a vite fait passer l'envie d'y retourner, après ça... même si j'ai eu de la chance, j'avoue. J'avais invité Valentina, une fille de Poufsouffle, à sortir ce jour-là. J'en menais pas large, c'était la première fois que j'avais un vrai rencard et tout... et on avait décidé d'aller manger une glace avant de faire un tour de grande roue. Alors on était sur un banc, en train de galérer pour avoir une conversation correcte (franchement, je voulais juste lui demander d'être ma copine et lui rouler une pelle, parce que Fife – mon colocataire et meilleur pote en vrai – arrêtait pas de se vanter d'avoir fait pareil avec Frances) quand tout est parti en live. Ça a commencé à hurler de partout, y'a des gens qui étaient en train de descendre de tout en haut de la roue, d'autres qui manquaient de se noyer dans les boules en plastique... C'était l'horreur totale. On est restés là, clairement cons, jusqu'à ce que les secours arrivent, qu'ils les fassent sortir de là. On était choqués, je crois. Je me sentais un peu vide. Et désespéré aussi. Genre ça allait jamais s'arrêter. Mais Valentina s'est mise à pleurer sur mon épaule, j'ai hésité trois secondes mais j'ai fini par la prendre dans mes bras... et du haut de mes treize ans, ça a rendu l'épreuve un peu moins pire. Enfin... plus ou moins... Y'a eu quand même trois morts ce jour-là, et j'ai eu du mal à arrêter de me reprocher d'avoir rien fait. Mais faut être honnête, j'aurais rien pu faire.

J'étais pas certain d'avoir envie de revenir après ça... J'avais fait « que » trois ans, et il y avait eu trois ans avec des drames à chaque fois... Mes parents me laissaient le choix, en vrai... mais je crois qu'ils avaient pas très envie que j'y retourne non plus. On avait tous bien conscience que j'avais eu de la chance jusque là mais qu'elle finirait peut-être par tourner. Et puis, en plus, Valentina m'avait largué par texto deux semaines avant la rentrée. Mais en même temps, je savais que j'avais pas vraiment d'autres solutions... Déjà que mes notes étaient pas mal nulles dans le monde magique, elles seraient catastrophiques dans le monde moldu... aucune école voudrait de moi. Et puis, je pouvais oublier le foot, aussi, parce que ça faisait plus de trois ans que j'avais pas fait plus qu'un match amical avec mes potes de Waltham... Fallait que j'arrive au bout de mes sept années à Poudlard et puis on verrait après... Mais franchement, ça me semblait insurmontable. J'avais juste envie de rester en boule sous ma couette. Je me suis fait violence et j'ai fini par remonter dans le train pour la quatrième fois... la boule au ventre, un peu. Après, c'est passé assez rapidement, j'avoue. Une fois qu'on est dans le train-train des cours et tout, plus le temps de désespérer quoi... Et puis il y avait le Quidditch. Depuis la première année, je suivais ça bien, vous savez ? J'ai jamais loupé un match, parfois j'allais même voir les entraînements, quand les capitaines étaient d'accord. Avec Milbury, c'était compliqué, avec les autres, ça allait à peu près. Et puis, je suis pas débile, j'avais bien remarqué que les joueurs avaient toutes les filles à leurs pieds ! Valentina était pas la seule de l'école, fallait pas se laisser abattre, hein ! Et puis, je le sentais : cette année, c'était mon année. J'avais pas l'intention d'être revenu pour enfiler des perles ! J'ai motivé Fife et on a été passer les sélections. Bon, d'accord, on s'était entraînés dur avant, histoire d'être au top du top ! Et en toute modestie, j'ai géré. Juste grave géré. Lui a récupéré la place de batteur remplaçant et moi, je suis devenu officiellement le nouvel attrapeur de notre maison. Moi. Attrapeur. De Serpentard. C'était ouf ! Mais mérité. Faut être honnête deux minutes hein, même Harry Potter il faisait pâle figure à côté ! À partir de là, j'ai commencé à grave kiffer ma vie ! Déjà, l'adrénaline des matchs, c'était incroyable ! Et puis les entraînements avec mon pote, là, la base ! Et les filles... On en parle des filles ? Franchement, on est sortis de l'ombre en moins de deux ! On était enfin appréciés à notre juste valeur ! Parfois, on se baladait avec notre balai sur l'épaule juste pour bien faire genre « eh ouais, on est les sportifs du bahut » avec l'air hyper fier de ceux qui savent qu'ils sont populaires. Avec le recul, ok, je suis pas totalement sûr qu'on l'était vraiment mais ça faisait quand même plaisir de le croire ! J'ai fini par faire craquer Heather. Mais j'en ai vite eu marre. Les Serdaigle, c'est spécial quand même, on est d'accord ? Elle était sympa, et super jolie, et tout... mais entendre parler de ses devoirs d'étude des runes à chaque fois qu'on se retrouvait tous les deux, c'était pas possible. Alors au bout de trois semaines, un mois peut-être, j'ai lâché l'affaire. Y'a ses copines qui sont venues me trouver en mode « non mais t'es qu'un connard » mais c'est vite passé. Elle est retournée à ses devoirs, et moi j'ai été faire la cour à Ashton. C'est plus mon truc, les Poufsouffle, je crois. Enfin... sauf celles de l'équipe, parce qu'ils nous ont raflé la coup, cette année-là ! Mais à pas grand chose hein, allez pas croire qu'on avait mal joué ou quoi ! C'était juste un coup de pas de chance ! J'ai pas regretté d'être revenu, en tout cas, parce que c'était clairement la meilleure année que j'ai passé dans cette école. Calme, tranquille, sans mauvaise surprise à l'arrivée...  

Et puis il y a eu la cinquième... Et là, clairement, ça a été le début de la fin. Je crois qu'on s'attendait pas à ça. Personne s'attendait à ça. On était là, à profiter de la vie à l'école, pas trop sur la défensive puisque ça s'était calmé, tout ça... quand Blackman est revenu. Et autant dire qu'il s'est pas contenté de faire les gros yeux comme la première fois. C'était la guerre dans les couloirs, vraiment. Ça s'est mis à brailler qu'on était attaqués, personne savait ce qu'il fallait faire. À Serpentard, ça se bougeait pas trop, ça avait pas l'air de s'inquiéter de ouf comme si c'était prévu, normal ou je sais pas... Moi je suis sorti. C'était stupide, je crois, mais ça m'a semblé normal. J'étais en cinquième année, quand même, j'étais plus un gamin, si je pouvais aider fallait que j'aille aider. Mais ça a pas servi à grand chose. McGonagall est morte, les nés-moldus ont été privés de leur baguette et envoyés aux cachots. Au début, on devait tous plus ou moins penser que c'était temporaire, que quelqu'un allait apprendre ce qui s'était passé et qu'on allait venir les tirer de là... mais au fil des mois, on a compris : personne viendrait... Alors les gens ont commencé à se serrer les coudes un peu comme ils pouvaient, à faire passer de la bouffe ou des trucs en douce mais c'était chaud. Les gars, ils étaient un peu aux aboies mine de rien et c'est souvent que ça se faisait choper... j'en ai fait partie, une fois ou deux... un peu plus peut-être... Mais sérieux, je m'estime heureux, j'ai pas connu les pires punitions. J'ai fini à l'isolement un paquet de fois, je me suis bouffé quelques sorts, des heures de retenue je les compte même plus... Mais quand on sait qu'il y en a qui se sont pris des Doloris, même pas je me plains. À la fin de l'année, on a appris qu'on pouvait pas rentrer, qu'on était tous enfermés ici. J'ai écrit à mes parents qu'ils avaient prévu des trucs cool et que j'avais pas envie de louper ça, histoire d'inquiéter personne mais je crois que j'ai jamais eu autant de mal à écrire une lettre que celle-là... J'avais envie de tout leur raconter, qu'ils appellent les secours, n'importe quoi... en même temps, j'ai essayé de leur faire comprendre qu'il fallait pas envoyer ma sœur dans cette école, en faisant les louanges de Beauxbâtons même si je connaissais pas. Ça en parlait un peu dans la salle commune, parfois, alors... J'ai jamais vraiment eu de réponses aux lettres que j'envoyais. Je sais pas si elles sont arrivées ou pas... Le courrier était surveillé, peut-être qu'ils les ont interceptées, tout est possible en vrai. Enfin bref... La Gazette a titré qu'un proche de Blackman avait récupéré le poste de Ministre, et nous, on a su qu'on était seuls au monde... Dans les couloirs, ça parlait tout bas du jour où on pourrait faire un truc, on rongeait son frein, on rêvait de faire payer tout ça à ces ordures, là, mais ça restait un peu des paroles en l'air... Pas pour tout le monde, en revanche, parce que certains se sont vraiment bougés... J'aimerais bien dire que j'étais dans la confidence pour ce qui était « révolution secrète » mais non... autant laisser à César ce qui appartient à César ou je sais plus exactement ce que c'est  que l'expression... J'ai fait comme beaucoup, j'ai pris le truc en cours de route. Les nés-moldus ont réussi à sortir je sais pas trop comment et dès qu'on l'a compris, on a fait ce qu'on a pu pour détourner l'attention d'un max des sbires de Blackman... Vous voyez quand je disais que c'était la guerre dans l'école au début de l'année ? Bah c'était encore pire à la fin... Ça explosait de partout, il y avait des cris, ça puait les trucs cramés et le sang. J'ai flippé cette nuit-là parce que les minutes elles passaient pas, on avait l'impression que c'était sans fin. Je sais plus comment ça s'est passé exactement mais avec Fife, on a réussi à en attirer deux dans les escaliers de la tour d'Astronomie. On s'est pas dit qu'une fois en haut, on allait être coincés, non, ça aurait été trop beau... On pensait juste à les emmener loin  des passages secrets (plus hyper secrets depuis le temps, avouez) et des portes du château, pour que les nés-moldus puissent se barrer. On a réussi à en stupéfixer un avant d'arriver en haut, on avait l'impression d'être invincibles limite, mais l'autre était toujours à nos trousses. J'ai eu le réflexe de me planquer mais Fife a préféré bloquer la porte. Franchement, le gars, il devait faire cinquante kilos tout mouillé, c'était débile ! Un sort et la porte a valsé, mon pote avec... Il s'est cogné la tête, je crois, parce qu'il a pas bougé tout de suite... Quand j'ai vu l'autre pointer sa baguette sur lui, j'ai fait la chose la plus stupide que j'aurais pu faire : je lui ai sauté dessus. Genre littéralement. Je sais pas à quoi j'ai pensé à ce moment-là... sûrement que ça allait laisser le temps à Fife de se reprendre, qu'à deux on allait pouvoir le désarmer ou le stupéfixer comme le premier, j'en sais rien... Mais c'est pas exactement ce qui s'est passé. Il s'est débattu comme pas possible, il a essayé de me décrocher, j'ai essayé de le faire tomber... C'était n'importe quoi... et avant que mon meilleur ami ait le temps de se relever pour m'aider, il avait réussi à se débarrasser de moi pour de bon : j'étais passé par-dessus par-dessus le rempart. Je me souviens pas de grand chose après ça, j'ai pensé à Murphy, très fort, au fait qu'il fallait pas que je meure parce que je lui avais promis qu'on irait faire les grands manèges de la fête foraine durant l'été, là qu'elle aurait atteint la bonne taille ; on brise pas une promesse... et j'ai sûrement perdu connaissance avant d'arriver en bas.