Les nouvelles règles édictées par le tout nouveau directeur de Poudlard avait quelque peu perturbé Lilith. Elle ne savait pas très bien comment se situer au milieu de tout ça. Certes, l’utilisation de la baguette était de nouveau de rigueur, ce qu’elle trouvait être une bonne chose. Elle avait bon espoir qu’une pratique régulière et sérieuse lui permettrait de garder un minimum le niveau – au grand dam des camarades qui faisaient les frais de ses essais ratés. Toutefois, cette histoire de badge ne lui plaisait pas trop. Elle avait peur de dégringoler dans les classements à cause de sa maladresse notoire et de sa mémoire de poisson rouge. Pourtant, ce n’était pas comme si elle le faisait exprès, et certainement pas comme si elle n’essayait pas de redoubler d’effort chaque jour. Les cours avaient repris depuis peu et il n’y avait pas encore eu d’impact sur leur badge, mais elle redoutait déjà la sortie des premiers résultats. Elle n’était pas du genre compétitrice, mais elle n’aimait pas particulièrement l’injustice. Surtout quand elle était dirigée vers elle. Elle n’avait bien sûr encore aucune preuve, les détails précis des évaluations n’ayant pas encore été entièrement révélés. Mais cela ne l’empêchait pas d’appréhender la situation.

Pour essayer de se changer les idées et pour donner le meilleur d’elle-même, elle essayait de se replonger dans ses études, qu’elle avait lâchement abandonnées pendant les vacances. Elle était consciente de ses lacunes, non aidées par les deux mois passés pendant lesquels elle avait préféré vivre sans l’ombre maudite des cours. Mais elle ne pouvait pas y faire grand-chose. Son cerveau avait une drôle de façon de trier les informations. Et quand il s’agissait des cours, il prenait généralement un malin plaisir à supprimer 75% des informations apprises au cours d’une journée. C’était donc une boucle sans fin, et elle avait peur d’être dévalorisée par rapport à ses camarades. Peur que son handicap ne soit pas pris en compte.

Il était 20h30 passé lorsqu’elle quitta une des salles vides qu’elle avait soigneusement sélectionné pour ne blesser personne d’autre qu’elle au cas où ses sortilèges se soient transformés en explosifs ou quelque chose dans le genre. Absorbée par sa volonté de bien faire, et ce stress grandissant du badge, elle n’avait pas vu l’heure passer. En général, avoir la tête ailleurs ne réussissait pas vraiment à Lilith. Et cela se vérifiait encore ce soir. Persuadée de se diriger dans la bonne direction, elle ne fit pas attention aux escaliers empruntés qui l’emmenèrent dans un sombre couloir du deuxième étage. Lorsqu’elle s’aperçut qu’elle n’était pas là où elle devrait être, il était déjà trop tard. Elle avait tourné trop de fois et était bien incapable de se souvenir d’où elle venait. Se perdre dans Poudlard n’était pas une nouveauté pour elle. Ca l’amusait la plupart du temps quand elle était dans un endroit inoffensif. Un fantôme finissait toujours par passer ou un tableau acceptait de l’aiguiller. Mais avec la redécoration de Poudlard, les tableaux avaient perdu leur jovialité et le regard que lui lança un vieux monsieur lui fit tourner les talons au lieu de lui demander son chemin. Ce qui n’arrangea pas son cas.

Elle était arrêtée face à une intersection, hésitant sur la branche à prendre, lorsque des pas résonnèrent dans son dos. Elle se retourna précipitamment, comme si elle était surprise à faire une bêtise. « Pardon, je suis juste perdue ». S’excusa-t-elle presqu’immédiatement de peur que la personne face à elle tombe sur les mauvaises conclusions. Lorsque les lumières illuminèrent le visage du nouvel arrivant, il fallut quelques secondes supplémentaires pour que la respiration de Lilith se calme. « Oh, Monsieur Ermitige ! » S’exclama t-elle soulagée en se trompant sur le nom du concierge de Poudlard, pourtant persuadée de s’en être souvenue. De mémoire, il n’avait jamais été méchant avec elle. Il n’était d’ailleurs pas rare qu’il tombe sur elle et avait compris sa fâcheuse tendance à se perdre dans ce grand château, et parfois même dans le parc. « Qu’est-ce que je suis contente de vous voir ! Je tourne en rond, je n’arrive plus à trouver mon chemin. Je voulais juste aller à la Grande Salle pour le dîner, mais à ce rythme je vais le rater. » Expliqua-t-elle pour qu’il comprenne l’ampleur de la situation. C’était simple, Lilith était encore et toujours incapable de se retrouver dans ce château. « Je ne sais même pas où je suis... Vous savez à quel étage on se trouve ? J’ai perdu le fil… Je pensais prendre par-là, mais je ne sais même pas où ça mène. » Dit-elle en pointant le chemin de droite un peu au hasard. C’est alors que l’histoire des badges lui revient en mémoire et qu’elle se retourna vers Armitage pour le regarder avec inquiétude. « Vous allez me retirer des points de mérite parce que je me suis perdue ? » Demanda-t-elle d’une petite voix. Peut-être que lui en savait plus sur ces fameux critères et qu’elle allait en faire les frais. Elle avait déjà esquivé des retenues, mais elle ne pourrait peut-être pas esquiver la descente aux enfers et la honte d’avoir l’insigne le moins valorisant.

L’apparition de Fergal eut pour effet immédiat de soulager la jeune Poufsouffle. Ce n’était pas tant le fait de se perdre qui lui faisait peur. Ça, elle était relativement habituée à ce petit défaut et elle finissait toujours à un moment ou à un autre par retomber sur ses pas. Plus ou moins vite. Il lui était déjà arrivé de passer une nuit entière en dehors de son dortoir à cause de ses problèmes d’orientation, mais c’était déjà de l’histoire ancienne. Et la présence de Fergal à cet instant lui assurait de ne pas répéter cette malheureuse mésaventure.

Elle comprit qu’elle s’était trompée dans son nom à sa tête et à sa réflexion, ce qui la fit instantanément rougir. Ce n’était pas volontaire, mais ça la gênait toujours. C’était un manque de respect certain, surtout quand il s’agissait d’un membre du corps professoral. « Oh non, je me suis encore trompée… Pardon Monsieur … » S’excusa-t-elle platement en baissant la tête, essayant de cacher son visage qui avait viré au rouge tomate. Heureusement, il ne semblait pas vexé plus que ça par ses maladresses. C’était une bonne chose. Elle ne pouvait pas se permettre de se mettre le concierge à dos aussi involontairement. « Merci Monsieur, vous êtes littéralement mon sauveur. Je ne sais pas comment je ferai sans vous dans ce château. » La réponse était simple. Elle serait toujours autant perdue et elle passerait peut-être encore plus de temps et de nuit à errer désespérément dans les couloirs. « Depuis combien de temps je suis là ? Euh, je ne sais pas trop. J’ai un peu perdu la notion du temps je crois en tournant en rond dans les couloirs. » Elle écarquilla légèrement les yeux de surprise lorsqu’il lui indiqua qu’elle se trouvait au deuxième étage. Elle se pensait bien plus loin et bien plus perdue encore dans les étages. Elle n’était donc pas si loin du but ! Elle hocha la tête à mesure qu’il lui donnait des consignes mais avait l’impression d’oublier tout aussi vite. Elle se retourna, suivant la direction de sa main. C’est à ce moment qu’elle aperçu une silhouette qui passait tranquillement son chemin. Elle ne devait effectivement pas être bien loin de l’escalier salvateur. Comment est-ce qu’elle faisait pour toujours se mettre dans ce genre de situation alors qu’elle n’était jamais très loin d’y arriver ? Elle devait être un cas désespéré. C’était la seule conclusion à laquelle elle parvenait à cet instant.

Quand elle était stressée, sa langue se déliait en même temps que fusaient ses pensées. C’est ainsi qu’elle fit part, plus vite qu’elle ne l’aurait voulu, de ses craintes vis-à-vis d’un potentiel retrait de points. La surprise se lit sur les traits du concierge et Lilith semble même percevoir une pointe de déception. Est-ce qu’elle sous entendait sans le vouloir le possibilité que le concierge se plie au règlement et lui retire des points de mérite parce qu’elle était encore perdue dans les couloirs ? C’est vrai que l’idée lui était fugacement passée par la tête parce qu’elle ne savait pas sur quel pied danser avec cette nouvelle mesure. Elle ne remettait pas en doute la bonne foi de Monsieur Armitage, mais elle comprendrait qu’il respecte les lois dictées par le nouveau directeur. Il démentit toutefois bien vite ses pensées. « D’… D’accord. » Bégaya-t-elle alors que ses joues continuaient de s’empourprer. Il essayait gentiment de lui faire des petits cours d’orientation à chaque fois qu’il la trouvait dans cette situation. Et à chaque fois, elle ne trouvait pas le courage de lui dire qu’elle ne se souvenait déjà plus de ses conseils. Elle avait trop peur de le décevoir. Il devait néanmoins s’en douter car contrairement à d’habitude, il ne se contenta pas de lui expliquer le fonctionnement logique du château. A la place, il sorti sa baguette magique et fit apparaître ce qui ressemblait à une carte. « Ambulo Grande Salle. » Marmonna-t-elle pour essayer de s’en souvenir. Il fallait qu’elle l’écrive quelque part, sinon elle n’arriverait jamais à le mémoriser. « Oui, je veux bien ! » Elle fouilla précipitamment dans ses poches pour en sortir sa baguette magique.

Elle se racla discrètement la gorge et raffermit sa prise sur sa baguette avant de l’agiter tout en articulant correctement la formule. « Ambulo Grande Salle. » 1 seconde s’écoula. Puis 2. Puis 3. Mais rien ne se passa. Elle baissa le bras et regarda avec confusion le concierge. « Je me suis trompée quelque part ? » Demanda-t-elle d’une toute petite voix, honteuse de montrer ainsi qu’elle n’était clairement pas la sorcière du mois.

Lilith sourit à l’idée. Si tout le monde portait effectivement des badges avec leur prénom inscrit dessus, ça lui sauverait la mise bien plus d’une fois. Elle ne comptait déjà plus le nombre de fois où elle s’était retrouvée comme une idiote à écorcher le prénom d’un camarade ou a complètement ne plus s’en souvenir. Rare étaient ceux qui n’avaient jamais été renommés au moins une fois par ses soins. « Oh oui, je suis bien d’accord avec vous ! J’imagine que ça vous aiderait vous aussi au quotidien ! » Outre les quelques têtes habituelles qu’il devait croiser régulièrement, il devait être compliqué pour le concierge de se remémorer le nom de tous les élèves de Poudlard. Elle n’imaginait même pas l’effort de mémorisation que cela devait demander.

Il rigola en l’entendant l’appeler mon sauveur. Lilith hocha la tête vigoureusement comme pour confirmer ses paroles et lui assurer qu’elle ne plaisantait pas. Elle le voyait vraiment comme tel. Le concierge s’était toujours montré particulièrement gentil avec elle et l’avait tiré plus d’une fois d’une situation délicate. Il n’y avait pas d’autre mot. Armitage était une sorte de héros à ses yeux. « J’espère que vous continuerez à être patient Monsieur, parce que j’ai pas l’impression que l’orientation fasse parti de mes capacités. » Dit-elle en baissant les yeux, désolée du travail supplémentaire qu’elle lui causait. La preuve en était : il essayait de lui donner des directions qu’elle oubliait tout aussi vite. A droite, à gauche… Non, l’autre gauche, tout droit… C’était désespérant. Ce qui l’était encore plus, c’est que des élèves passaient tranquillement par-là, non loin de leur position, sans donner l’impression d’être perdus comme elle pouvait l’être. Comment le concierge pouvait ne pas être exaspéré par elle ?

Tout en essayant de la rassurer, il arriva avec une solution inespérée. Une carte magique qui lui permettrait de se repérer à tout moment dans le château et de lui indiquer en temps réel où se diriger. Les yeux de Lilith se mirent à pétiller. C’était peut-être là la fin de ses ennuis et de ses retards répétés en cours ! Il fallait juste qu’elle se remémore le sort, mais à la rigueur elle pourrait coller un post-il directement sur la carte pour toujours l’avoir avec elle. Sous les encouragements de son concierge préféré, elle sorti sa baguette et formula le sort pour se rendre à la grande salle. Mais rien ne se passa. Confuse, elle demanda à Armitage si elle s’était trompée quelque part. Peut-être avait-elle mal formulé le sort alors qu’elle avait essayé de s’appliquer ? De nouveau, il mit tout en œuvre pour la rassurer. Il lui conseilla de visualiser la Grande Salle et lui proposa de recommencer. Elle avait beau la visualiser parfaitement pour le coup, elle était particulièrement stressée à l’idée de recommencer et d’échouer de nouveau. Elle n’aimait pas s’afficher et elle ne voudrait pas que son héros du jour se rende compte d’à quel point ses compétences en magie n’étaient pas grandioses non plus.

Voyant sa nervosité, il tenta de la calmer en lui parlant simplement de sujets faciles. Elle eut l’impression de respirer de nouveau. Il fallait qu’elle se rappelle qu’elle n’était pas en cours. Le concierge n’était pas là pour l’évaluer et elle n’allait pas passer un examen. Elle respira profondément, essayant de revenir dans le moment présent. « Oh oui, j’étais contente de retrouver mes amis. Après j’avais passé un été particulièrement sympathique. J’ai fait plein de chose et puis surtout, j’ai pu travailler à la librairie sur le chemin de traverse. Je ne sais pas si vous y allez régulièrement ou si vous y avez été cet été. Contrairement aux élèves, vous n’avez pas à acheter des manuels tous les ans. » Commença-t-elle a jacasser, se trouvant bien plus à l’aise à parler de bons souvenirs que de tout ce qui pouvait toucher aux sortilèges ou à son sens de l’orientation déplorable. « Et vous Monsieur, la rentrée n’a pas été trop compliquée avec tous ces brusques changements ? » Commença-t-elle à lui demander avant qu’une inspiration soudaine la pousse à regarder autour d’elle discrètement pour s’assurer qu’aucun tableau aux allures sombres de soit en train de les épier. « D’ailleurs, que pensez-vous de ces nouvelles statues dans le parc ? Vous pensez qu’elles voient tout et qu’elles entendent tout ? » Demanda-t-elle sur le ton de la confidence, désireuse de résoudre ce mystère qui la taraude depuis le début de l’année.

Lilith se plongea dans une sorte de réflexion. Il trouvait que les 4èmes années changeaient de tête et de taille pendant l’été. Pourtant, elle n’avait pas eu l’impression de changer. Elle était toujours Lilith, avec ses longs cheveux rougeoyants, sa petite taille et sa petite tête pâle. Elle n’avait pas l’impression que les vacances l’aient beaucoup métamorphosée. Elle avait bien essayé de prendre quelques couleurs à la plage lorsqu’elle était chez ses grands-parents mais sa peau avait été irrémédiablement contre l’idée et était restée plus blanche que blanche. « Vraiment ? Vous trouvez que j’ai changé moi pendant les vacances ? » Demanda-t-elle innocemment, cherchant à avoir un avis objectif sur la question. Elle essayait de se remettre également le visage de ses camarades en perspective mais sa mémoire bancale ne lui permettait pas de pouvoir faire une comparaison juste. En tout cas, elle n’avait pas l’impression que les garçons de son année aient eu une transformation radicale. Mais peut-être était-ce parce qu’elle ne s’intéressait pas franchement à eux.

Comme pour lui changer les idées après son échec, le concierge de Poudlard initia la conversation de façon parfaitement informelle. Lilith saisit immédiatement l’opportunité, bien trop ravie de pouvoir oublier ce ratage foireux. L’idée était pourtant excellente. Une carte qui lui permettrait de se retrouver rapidement et à tout moment dans l’école, lui évitant ainsi de finir perdue pendant des heures dans un couloir sombre et si peu fréquenté tant par les élèves que par les tableaux qu’elle n’avait personne à qui demander de l’aide. Il fallait juste qu’elle apprenne à se détendre et à réussir le sortilège qui permettait d’activer la carte. En attendant d’y arriver, elle raconta joyeusement ses vacances à Monsieur Armitage en mettant l’accent sur son stage à la librairie du chemin de traverse. « Oh oui, c’était génial. J’ai toujours adoré être entouré par les livres. Ma maman en écrit d’ailleurs, donc j’ai toujours été baignée dedans. C’est génial de pouvoir s’évader aussi simplement, vous ne trouvez pas ? » Elle réfléchit ensuite, se replongeant sans difficulté dans son rôle de stagiaire qui doit donner des conseils aux clients à la recherche d’un nouveau livre à dévorer. « Quels genres de livres aimez-vous ? Je pourrais peut-être vous dresser une petite liste en fonction qui pourra vous tenir l’année si vous voulez ! » Proposa-t-elle, ravie à l’idée de pouvoir rendre service à l’homme qui l’avait tant de fois aidée.

Conspiratrice, Lilith écouta avec attention l’avis du concierge sur la nouvelle décoration apportée par le nouveau directeur. Elle hochait la tête, complètement d’accord sur l’aspect et la taille de ces nouvelles statues. Lilith ne trouvait pas qu’elles mettaient le parc en valeur, mais elle ne pouvait pas risquer de dire cela haut et fort au risque de se faire entendre par les mauvaises oreilles. Elle adorait la nature dans son plus simple état et l’apparition de ces grandes statues qui lui donnaient l’impression qu’elles pouvaient se mettre à bouger à tout moment ne lui permettaient pas de se sentir parfaitement à son aise lorsqu’elle prenait du bon temps dans le parc. « Vous pensez ? » S’horrifia Lilith lorsque Armitage dit que les statues allaient devenir des commères. « Mais comment communiquent-elles ? Autant les tableaux, ça parle. Mais les statues ? On ne les voit pas bouger ! Elles sont immobiles et pourtant, on a l’impression qu’elles captent tous nos faits et gestes. Pas que j’ai quelque chose à cacher, c’est juste que je trouve ça un peu … Etrange. » Essaya-t-elle de se rattraper, regardant vivement autour d’elle pour vérifier qu’aucun nouveau tableau ne se trouvait à portée de voix.

Elle hocha la tête et raffermit sa prise sur sa baguette. « Je peux essayer. » dit-elle d’une petite voix, essayant de se convaincre elle-même. Elle fixa la carte avant de relever la tête vers Armitage. « Vous aviez dit que c’était quoi la formule déjà ? » Demanda-t-elle, gênée. Une fois rappelée, elle hocha la tête de nouveau la tête, prit une profonde inspiration, essaya de se vider l’esprit et retentant sa chance avec l’enchantement. C’est alors que sous son regard surpris, la carte s’anima. Un tracé doré apparu pour lui montrer le chemin. « J’ai réussi Monsieur ! » S’exclama Lilith abasourdie.

Lilith réfléchit quelques secondes à la remarque du concierge et estima que le fait qu’il remarque qu’elle ait grandi pendant l’été était finalement un assez bon compliment. Au fond, elle avait un peu peur de changer et elle savait qu’elle arrivait à un âge critique où le corps pouvait se modifier de façon parfois surprenante. Néanmoins, ce n’était pas encore son cas, ce qui était d’un côté assez rassurant. Lorsqu’elle se mettait à parler de son stage de cet été au milieu des livres, c’était toujours avec passion. Elle était intarissable sur ce sujet et Monsieur Armitage devait maintenant en faire les frais. Heureusement, cela ne sembla pas le déranger et il renchérit sur le sujet avec un enthousiasme semblable. « Plutôt la lecture pour moi. Je ne suis pas assez douée avec les mots. Ce que je sais faire le mieux à la rigueur, c’est les albums photos, mais ça demande pas de grandes phrases romancées. » Dit-elle pour rigoler avant de se figer sur place. Elle venait vraiment de balancer qu’elle faisait des albums photos ? Pour elle, c’était un peu comme son jardin secret, sa façon à elle de gérer ses souvenirs  et elle n’aimait pas vraiment en parler. Si le concierge n’était pas en train de l’observer, elle se serait giflée. « C’est noté, je crois que je n’aurai aucun mal à vous faire ça. Les livres, c’est mon dada, contrairement à l’orientation dans un château. » Essaya-t-elle de plaisanter comme pour attirer son attention sur autre chose que sur la révélation qu’elle venait de lui faire quelques secondes plus tôt.

La conversation dévia bien vite sur les statues, un des sujets préférés du moment de Lilith. Elle avait essayé de l’aborder le plus naturellement du monde possible, et cela semblait avoir fonctionné. Maintenant, le tout était de faire attention à ce qu’elle pouvait dire parce que bien qu’elle sentait qu’elle pouvait faire confiance au concierge, elle ne pouvait pas en dire autant des nouveaux tableaux douteux qui les entouraient ? « Il serait aussi dommage qu’elles abîment le parc. C’est un de mes endroits préférés. » Rajouta Lilith en hochant la tête sérieusement. Elle comprit que le concierge faisait également très attention à ce qu’il pouvait dire et elle estima qu’ils en avaient déjà trop dit. « Oui, mais j’imagine qu’on n’a plus qu’à s’y faire. C’est comme pour chaque nouvelle chose en fait, il nous faut juste le temps de nous habituer au changement. » Dit-elle de façon optimiste, sachant pertinemment au fond d’elle qu’il lui faudra malgré tout du temps pour que les statues fassent simplement parties du paysage.

A la plus grande stupéfaction de Lilith, le sortilège fonctionna parfaitement cette fois-ci. Elle admira bouche bée le fin tracé doré qui était apparu sur la carte, n’en revenant pas que ce soit elle qui en était à l’origine. Armitage l’encouragea à passer devant et elle ouvrit donc la marche, suivant assidument le chemin. Elle remarqua que le trait disparaissait à mesure qu’elle avançait dans la bonne direction, réduisant la distance avec le point de destination. « Il va vraiment falloir que je me note la formule pour ne pas l’oublier. » remarqua-t-elle. Et qu’elle s’entraîne aussi. Parce que se souvenir de la formule était déjà une chose compliquée en soit, mais réussir à la reproduire en était une autre. « Comment avez-vous eu l’idée de créer cette carte magique Monsieur ? » demanda-t-elle, impressionnée par l’objet qu’elle avait entre les mains et qui la sauverait certainement de bien des situations. Elle détourna le regard de la carte pour le reporter sur Armitage et rata l’intersection qu’ils auraient dû prendre.