Bluebell & Finn s'enfoncent dans la pénombre

Je suffoque. C’est du délire, comment ai-je pu aller au-delà de mes limites ? Je repense à notre course effrénée, aux diverses sensations qui ont pu nous faire courber l’échine au cours des dix dernières minutes. Le visage de Bluebell me parait presque imprécis, flou, se perdant dans l’arrière-plan, comme si elle s’apprêtait à disparaître dans le sinistre décor qui menace de nous enfermer tous les deux en son sein. Elle rit, elle me tacle, elle règle ses comptes avec moi d’une voix qui laisse exprimer tout le ressentiment qu’elle éprouve à mon égard. J’accepte, silencieusement, parce qu’aucun mot ne saurait sortir de ma gorge pour la contrer. Je la laisse m’insulter, la priorité n’est plus de sauver ce qui me reste de fierté ; je m’apprête à livrer un combat contre moi-même que je ne suis pas sûr de gagner. A tâtons, je cherche ma baguette : mes doigts se perdent dans les feuilles mortes et humides, à la recherche de mon outil de prédilection, sur laquelle je ne parviens à mettre la main. Je tente de respirer normalement, mais sans succès. Mon coeur s’emballe, et au moment où elle semble le réaliser, l’expression facile de Bluebell change. Son ton est plus doux, elle parait tout à coup étonnamment humaine, peut-être plus que tous ceux que j’ai pu rencontrer jusqu’ici. Je la sens s’éloigner de moi… je n’entends plus distinctement ce qu’elle dit, c’est comme si ses paroles se perdaient dans le vent d’air glacial qui balaie la forêt. Automatiquement, mes doigts se resserrent autour de sa cape, comme si j’espérais que cela suffise à me garder maintenu au monde du conscient : si je basculais dans l’autre, je sais que je n’aurais plus espoir de m’en sortir. Pas au beau milieu des bois, la nuit, sans mon traitement à proximité. Par un effort incommensurable, je tente d’inspirer, j’ai besoin d’air… J’ai des vertiges, ma gorge semble scellée, et les maux de crâne qui Je l’entends appeler mon nom comme un écho sans fin, et j’ouvre la bouche, pour y répondre. Je ne sais pas exactement ce qu’elle me dit, mais ma camarade d’infortune semble gagnée par la torpeur, et pour la première fois depuis notre nouvelle rencontre, je n’ai plus le sentiment qu’elle me regarde comme le moi du présent, mais comme celui du passé. Je prends conscience de l’étendue du lien qui a pu nous unir ; si elle est ce soir à mes côtés, ça n’a rien d’un hasard, je l’ai choisie. Pas seulement aujourd’hui, il y a des années aussi. Malgré son caractère, malgré ses mots incisifs, sa volonté d’être blessante, ses paroles aiguisées comme des poignards. Et ce soir, alors que je pourrais mourir, je retrouve un peu de la Bluebell qui m’a accompagnée pendant des mois d’école. Ses pupilles sont dilatées, ses lèvres se meuvent, la chevelure bien dissimulée derrière sa cape se révèle, mes doigts restent cramponnées à l’étoffe qui l’entoure. Je crois qu’elle me demande de respirer, et je m’exécute, avec plus ou moins de succès : elle m’indique un rythme que j’essaie de suivre…


1-2 : Ça ne suffit pas. Sans le sortilège pour libérer mes bronches, je ne vais plus pouvoir tenir très longtemps, et je ne suis pas loin de perdre connaissance. J’indique ma gorge d’un geste désespéré, puis sa baguette : « A-na…pneo. C’est Anap… neo. »

3-4 : C’est difficile, j’ai tout autant de difficultés à respirer qu’à me concentrer, mais je m’accroche, et tente de suivre la cadence qu’elle m’impose. « Ne me lâche pas. Rrreste avec moi, j’ai besoin de toi. Alorrrs… ne me lâche pas. » lui demandé-je en m’efforçant de prendre de grandes inspirations.

5-6 : Ça finit par fonctionner. Je reprends avec peine mon souffle, soulagé que les conséquences n’aient pas été plus dramatiques. Après quelques secondes après avoir mis fin à cette crise, je la regarde droit dans les yeux, et esquisse un demi-sourire. « Alorrrs, tu y as crrru ? C’était à mourrrirrr de rrrirrre. » Je me redresse l’air de rien, sans la regarder dans les yeux, avant de reprendre : « Tu vois bien que je sais me montrrrer convaincant. »

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J’aurais du maudire le ciel de m’infliger pareil traitement alors que je suis en compagnie de Bluebell, ce qui n’est certainement pas en faveur de ma survie. Je pourrais être sur mon lit de mort que je l’imaginerais aisément profiter de l’occasion pour me railler avec grand plaisir. Sa rancune est absurde à mon encontre est tenace, sauf que je ne suis plus en capacité physique de répliquer. Et je me sens m’éteindre, dans la nuit noire, la phalanges bleutées, la poitrine haletante comme si j’étais un chien sauvage. Mes yeux hagards sont rivés sur elle, incapables de se détourner, de la lâcher, ne serait-ce qu’une seconde ; n’étant plus en capacité de m’exprimer oralement, mes pupilles seules lui communiquent la panique qui secoue mon estomac, agite mon coeur, brûle mes poumons. A mon grand étonnement, elle se montre réceptive, et réactive. Je lis dans les traits déformés de son visage qu’elle aussi a peur… Je l’entends dans sa voix hésitante, et c’est une émotion que je pensais réellement absente de son répertoire. Je ne vais pas m’en plaindre, j’ai besoin d’elle, à défaut de pouvoir compter sur moi-même comme j’ai l’habitude de le faire… Je le paierais sans doute cher, mais on parle de ma vie, je suis prêt à mettre le prix qu’il faut : accepter ses moqueries jusqu’à la fin, qu’elle me rappelle à tout bout de champ que je lui dois à elle seule d’avoir échappé à la mort, l’entendre répéter incessamment que je suis un poids pour le reste du monde, et que ma disparition rendrait service. Tant pis, je serrerais les dents. Tout comme je serre ce bout de cape au sein de laquelle elle est dissimulée. Je me concentre sur ce bout de tissu qui nous lie ensemble, qui me maintient avec elle dans le monde des vivants. Et à grand peine, je parviens à articuler la bonne formule… c’est tout ce que je peux faire, la guider d’une voix d’outre-tombe, m’efforçant de gonfler mes poumons entre chaque syllabe. Elle finit par s’exécuter, tandis que je me sens sombrer… Est-ce que mon besoin d’air diminue ? J’ai le sentiment que je pourrais m’endormir, tout en devinant que je ne pourrais probablement pas me réveiller ; cette pensée me laisse anormalement calme, la mort n’a jamais été une ennemie pour moi. Mais la détermination que je lis dans les yeux de ma partenaire me semble plus forte encore : deux pierres d’onyx luisantes dans la nuit noire, et j’ai l’impression qu’elle pourrait soulever des montagnes, décider de ma vie ou de ma mort d’un claquement de doigts. J’ai du mal à imaginer qu’elle ait pu rester un jour coincée et abandonnée dans ce placard, parce qu’elle pourrait pousser les portes les plus colossales par la seule force de sa volonté. Tandis que ma respiration se perd dans ma gorge sèche, et que seuls des sifflements à peine audibles parviennent à s’en extirper, je suis incapable de fermer les yeux. Avant de sentir comme un courant d’air descendre le long de ma trachée lorsqu’elle prononce l’incantation… Je demeure immobile, tousse légèrement, inspire longuement pour recycler mes dernières réserves. La forêt a fini par me réapparaître, et elle m’interroge sur mes capacités, tandis que j’émerge lentement de cette bulle au sein de laquelle je me suis retrouvé coincé.

1-2 : Etonnamment, je parviens à me lever sans trop de difficultés. Je ne suis pas au mieux de ma forme, mais je peux retrouver mon autonomie. Sans réfléchir, je lance par dessus mon épaule, sans même regarder Bluebell : « Je ne suis pas inapte. Bien sûrrr que oui. » Je réajuste ma fourrure sur mes épaules, et feins une parfaite indifférence tandis que j’effectue quelques pas, mains dans les poches. Ma respiration se stabilise, bien que toujours bruyante, et je me tourne vers elle, provocateur. « Alorrrs, qu’est-ce que tu penses de mon hypocondrrrie ? » Je lui dois peut-être ma survie, mais ma fierté est intacte.

3-4 : Je me hisse sur mes coudes, puis me relève difficilement, en m’appuyant d’abord sur mes genoux, sur l’herbe humides, sur les souches d’arbres. Je ne suis pas dans le meilleur état que j’aie connu, certainement pas… Je laisse passer quelques secondes pour tenter de retrouver mon souffle, et finit par articuler, à travers quelques sifflements. « Ça devrrrait aller… Mais je vais devoirrr rrralentirrr le pas. » J’indique d’un mouvement du menton la direction que je pense être la bonne, mais pour l’instant, je ne me sens pas capable d’effectuer le trajet tout d’un coup. Je devrais certainement faire des pauses régulières… « Je sais que c’est l’occasion que tu attendais pourrr me rrrappeler combien je suis faible. Si tu veux prrrendrrre de l’avance, je ne te rrretiens pas. » finis-je par abdiquer. Elle en a déjà trop fait, je ne peux pas exiger davantage d’elle.

5-6 : J’essaie. Vraiment, j’essaie, mais mon corps, indépendant de ma volonté, ne suit pas. Je déteste cette sensation d’impuissance contre laquelle je ne peux même pas lutter… Je ne parviens plus à la regarder dans les yeux, lui faire face demande un effort que je ne suis plus capable de fournir. « Je ne suis pas sûrrr. » Et ces mots m’écorchent la gorge. Je laisse passer quelques secondes, tandis que je continue de respirer avec peine. « Je vais passer… un moment ici. Le temps de… enfin, tu sais. » Je n’ai pas franchement envie de terminer cette phrase ; je hais ma position, et devoir reconnaître qu’effectivement, avec ma perte de mémoire, j’ai bel et bien perdu mes aptitudes. « Je peux me débrrrouiller seul, la clairrrièrrre a l’airrr calme, il ne doit rrrester qu’une vingtaine de minutes de rrroute. » ajouté-je, en scrutant les alentours. Je n’entends pas de bruit, je peux espérer un peu de tranquillité le temps d’arriver à me remettre de la crise qui m’a frappé. Mais alors que je pensais réellement pouvoir donner le change, mes lèvres me trahissent, presque malgré moi. « Est-ce que tu veux bien rrrester aussi ? »

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Je déteste par dessus tout me retrouver dans cet état. Savoir que je pourrais mourir ne me révolte pas, c’est une idée avec laquelle j’ai appris à cohabiter. En revanche, supporter cette lenteur, comme si mon corps était un instrument trop usé qu’il n’était plus bon d’utiliser, comme une pompe à oxygène qui suffoque avec peine, c’est inimaginable. Je ne veux pas de cette vie-là. Pour une fois qu’elle en manifeste, la sollicitude de Bluebell est la bienvenue, mais ce n’est pas l’image que je veux lui montrer. Je me suis tellement mis en tête de lui prouver qu’elle avait tort… J’ai l’impression que ça ne sert plus à grand chose, maintenant… Mon corps tout entier me semble amorphe, tandis que mes poumons peinent à retrouver une respiration bien rythmée. Je me calme progressivement pourtant, les spasmes m’ont quitté, et je suis presque sûr que mon visage a fini par retrouver quelques couleurs… Tandis que j’inspire, je la détaille, comme je me plais parfois à le faire depuis notre expédition. Ce n’est pas moi qui ai le plus changé, au fond ; c’est elle. Je la sens perdue, comme si ses certitudes n’en étaient plus vraiment ; elle a même perdu cette hargne avec laquelle elle me lançait des insanités. Le regard qu’elle a n’est plus le même, j’imagine que la situation de crise que nous venons de rencontrer vient d’inverser la donne… je ne sais pas si je suis à l’aise avec ça. Finalement, c’était peut-être plus simple quand elle me méprisait, quand elle jouait avec mes nerfs jusqu’à dessiner les plans d’une formidable colère. Mais la soufrière s’est éteinte, temporairement, j’aime à le croire. Elle prétend qu’elle n’a pas le choix, et désigne sa cheville, effectivement toujours en mauvais état : naturellement, je m’empresse de hocher la tête en signe d’approbation. J’ai besoin qu’elle reste là, peu importe le prétexte invoqué, ce serait parce qu’elle attend le bus ou veut voir les licornes que je réagirais sans doute de la même manière.

Ce qu’elle rajoute ensuite me surprend davantage, puisqu’elle sous-entend que sans mon handicap conféré par ma maladie, c’est moi qui l’aurais laissée là. Je sais bien sûr que ce n’est pas vrai, je ne sais pas si je ressens le besoin de le lui faire savoir. « J’aurrrais bien manqué de jugement. » me contenté-je simplement de répondre, en examinant les alentours. Toujours étonné du silence profond de la forêt, qui semble nous envelopper du halo d’un bouclier fictif et nous garantir l’absence momentanée de danger, je m’efforce de me mettre sur mes deux jambes en m’appuyant tout d’abord sur le sol humide, puis sur mon genou. Après quelques secondes, je me justifie : « Tes talents m’aurrraient manqué. Même si tu te plais à jouer les démonnes, tu restes une forrrmidable sorrrcière. » Ça aurait pu être un compliment, mais c’est purement factuel. L’observer réagir en situation de stress a achevé de me convaincre que ses compétences se situaient au-delà de la normale. Finalement, ses raisons de se montrer prétentieuse et imbuvables ne sont peut-être pas si absurdes… quand bien même je ne les cautionne pas. Je finis par me tenir debout, sans appui, et mon souffle commence à se stabiliser : la crise semble passée. J’ôte la fourrure qui me recouvre les épaules, et lui tends une main pour la relever à son tour : « Enfile ça. Tu vas finirrr gelée, et ce n’est pas ce dont nous étions convenus. » déclaré-je d’un ton sans appel. Evidemment, en simple pull en velours, je commence à davantage ressentir les effets du froid, auxquels je semblais imperméabilisé lorsque je portais sur moi la peau de vison, mais ce n’est pas encore réellement dérangeant. « Comment va ton pied ? » m’enquis-je alors. Je ne serais plus en état de la porter, mais je dois pouvoir au moins la soutenir, le temps que nous parvenions à nous orienter. Je finis par sortir ma baguette, que je place en équilibre sur ma paume bien tendue, et récite l’incantation du sortilège des Quatre Points.


3-6 : La baguette tourne sur elle-même pour nous indiquer avec précision la direction de l’Ouest. C’est un sentier à peu près lisse qui ne devrait pas comporter trop d’embuches… pour le moment.

2-5 : La baguette ne semble pas bien sûre d’elle, mais semble finalement se stabiliser dans une direction. Celle d’un chemin escarpé qui nous fait passer par des fourrés pleins d’épines. Ça reste praticable, mais au vu de notre condition, un peu compromis…

1-4 : La baguette ne cesse de tourner, et ne semble pas parvenir à indiquer une route à emprunter. Je sonde Bluebell du regard : comment sommes-nous censés procéder ?

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Je souris discrètement quand je l’entends me remercier : c’est un peu une victoire, en quelque sorte. Certes, au vu de notre situation, ça ne devrait rien signifier, mais ma fierté ne peut m’empêcher de savourer correctement ce que j’ai pu extirper d’elle au terme de cette soirée aux allures de cauchemar. Le vent froid qui s’engouffre à travers mes vêtements me rappelle à la réalité… nous n’avons pas de temps à perdre. La température glaciale de ces bois va finir par avoir raison de nous, à la longue, et la crainte d’une sanction de la part de l’école ne me pèse plus vraiment… Qu’importe, dans l’état dans lequel nous sommes, si nous écopons d’une solide retenue, cela me sera bien égal. Elle accepte en tout cas l’aide minime que je lui propose, et cela me suffit, je n’ai pas la patience actuellement pour gérer un scandale au milieu des bois, ou le caprice d’une petite fille en colère qui manifeste son animosité par des sortilèges de flammes. La belle affaire, à proximité d’un nid d’acromentules ou du territoire des centaures… Je ne devrais pas, mais l’occasion est trop belle pour la laisser passer : « Tu sais, tu peux le rrreconnaîtrrre à voix haute, maintenant. » Je laisse quelques secondes passer sans ne rien ajouter de plus, comme pour mieux savourer, et reprendre ensuite. « Que c’est le vêtement le plus commode et le plus élégant que tu n’as sans doute jamais eu l’occasion de porrrter. Je te laisse prrrofiter de cette occasion unique, tu me rrremerrrcierrras plus tarrrd. » C’est ma revanche personnelle. J’aurais pu ne pas insister, mais je n’oublie certainement pas qu’elle s’est bien moquée de mon manteau durant nos premières minutes dans cette forêt. Je veux bien former une alliance afin d’assurer notre retour au château dans un état plus ou moins convenable, tant pour moi que pour elle, mais je ne la laisserais pas s’adresser de nouveau à moi comme elle a pu le faire. Et ce, malgré ses paroles sous-entendant qu’elle répondait simplement à mes attaques… Je souris. Ben voyons, Bluebell Sherwin, ce serait sous-estimer la bête… Je ne vais pas lui faire insulte en prétendant que la teneur en venin de sa langue fourchue n’est pas à la hauteur. « Ou une démonne qui n’a finalement pas totalement rrrenoncé à sa parrrt d’humanité, aprrrès tout. » trouvé-je juste de répliquer, non sans un certain amusement. J’ai peut-être frôlé une crise aggravée, et mon coeur risque de ne pas tenir une nouvelle course précipitée sans préavis, mais je préfère me montrer optimiste, et dans de bonnes dispositions.

Ça ne m’aura pas duré bien longtemps… la direction que pointe l’extrémité de ma baguette suffit à faire renaître sur mon visage la moue de lassitude que m’inspire un sentier empreints de buissons épineux. Ce qui implique probablement de nous écorcher les chevilles et les mollets, de mettre deux fois plus de temps pour espérer retrouver le chemin principal, et surtout, de ruiner deux paires de pantalons. Et en ce qui concerne la mienne, il s’agit d’un beau modèle que j’aurais préféré ne pas avoir à sacrifier… Mais je déteste d’avance ce que va me répondre Bluebell s’il me venait à l’idée de l’exprimer à voix haute. Alors que nous nous apprêtions à nous mettre en route - proprement vers l’enfer -, je suis étonné de sentir une légère résistance de sa part. Manifestement, son corps en a décidé autrement… Mais je suis surtout surpris de l’entendre le reconnaître elle-même, moi qui m’attendait à ce qu’elle nie la douleur pour une question ridicule d’égo. C’est d’autant plus inquiétant si elle admet ses limites, cela signifie qu’elles sont bien réelles… J’opte cependant pour dissimuler ces préoccupations. Nouvelle surprise, en sentant ses doigts s’enrouler autour de mon bras… C’est une étonnante sensation qui me parcourt l’échine, je ne suis pas habitué aux contacts physiques. « Ça me dérrrange, oui. » Je lève volontairement bien haut les yeux au ciel, feignant l’exaspération pour mieux signifier mon sarcasme. « Mais je devrrrais pouvoirrr fairrre avec. » Je dépose ma main sur la sienne - pour la soutenir simplement, ne vous faites pas d’idées -, et l’aide à avancer progressivement. Son pas est un peu maladroit, mais ça reste faisable, nous pouvons envisager de continuer en trouvant notre rythme. Enfin, avant les premières épines… Je grimace légèrement, lorsque je l’entraîne sur ce qui ressemble bien à un chemin de repentance. « L’odeurrr du sang pourrrait attirrrer cerrrtaines crrréaturrres, fais attention à ta peau. » l’avertis-je en me mordant légèrement la lèvre, et en resserrant légèrement la pression autour de sa main, sentant s’enfoncer dans ma cuisse une branche particulièrement pointue, et m’efforçant de ne pas rester accroché pour ne pas ralentir notre progression. De ma main libre, je plonge mes doigts dans ma poche, et sort ma baguette que je pointe vers les fourrés : « Defodio. » articulé-je précautionneusement.

1-4 : Le sortilège fonctionne avec succès, il faut croire que mon entraînement avec Judith porte ses fruits. Le sol se creuse, et ravale une bonne partie des fourrés épineux, afin de nous laisser champ libre pour continuer. Il reste à espérer que le bruit causé n’a pas alerté certaines créatures…

2-5 : A peine de quoi se débarrasser des quelques branches qui nous gêne, mais le plus dur reste encore à traverser… il va sans doute falloir trouver une autre solution. A ce rythme, on risque même de se retrouver bloqués dans les épines…

3-6 : Non seulement ça ne fonctionne pas, mais en plus de ça, on ne peut plus avancer. Rien à faire, les branches noueuses et épineuses nous lient douloureusement les jambes, nous empêchant d’aller plus loin. Et ce bruit, qu’on entend, et qui se rapproche dans les fourrés… qu’est-ce que ça pourrait être ?

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Nous sommes peut-être en grand danger. Nous sommes peut-être sur le point de perdre la vie stupidement, parce que nous aurons croisé le chemin d’une araignée anthropophage qui trouvera bon de nous dévorer vivants, ou bien parce que nous nous serons vidés de notre sang par simple manque de prudence. Cette issue serait bien malheureuse pour nous, mais c’est peut-être notre destinée… Malgré tout cela, je suis bien décidé à accueillir la fatalité avec un calme olympien, comme si j’avais attendu la mort toute ma vie. Peut-être est-ce mon manque flagrant de compassion qui me rend aussi peu sensible à la peur, à la douleur, à la combinaison des deux, ou qui me rend sujet peu coopératif pour tout ce qui concerne l’instinct de survie. Triste tableau, diriez-vous ? Moi, cela me convient tout à fait, sauf peut-être en ce moment, où j’aurais bien eu besoin de cette force cachée, se révélant comme le feu ardent d’un volcan au moment où je me sentirais menacé. Je me sens étonnamment confiant en l’étrange duo que nous formons, pour tout dire… Bluebell se voile derrière ce rempart d’invulnérabilié alors que nous marchons dans les ronces, et qu’elle est couverte de la fourrure de vison dont je m’étais vêtu. Je souris discrètement : la vision d’une jeune fille revêche et vindicative, qui n’a pas l’intention de se montrer déstabilisée malgré ses points faibles se révélant au grand jour, m’amuse, pour ne pas mentir. « Comme tu l’entends. » réponds-je avec une profonde indifférence, naturellement feinte. « Je me contenterrrais simplement de me satisfairrre de ta grrratitude silencieuse. » Malgré notre posture pourtant bien délicate, je continue pourtant de la provoquer : j’estime qu’il est essentiel qu’elle reste combattive, à mes côtés dans la tourmente, peu importe que ce soit vers moi que sa haine et sa rancoeur soient dirigées. Nos mains se scindent finalement, dans l’obscurité, et si ce geste m’interroge au début, je finis par ne plus m’en préoccuper, comme s’il était normal que nous soyons rattachés l’un à l’autre. Je n’aime guère ce qu’elle sous-entend, à propos de mon manque d’autonomie, mais je ne me laisse pas avoir pour autant : « Je suis parrrfaitement capable de me gérrrer, je te rrremerrrcie. » Je n’en suis pas si sûr en vérité, ma démonstration a bien prouvé que mes sortilèges n’étaient pas encore véritablement à la hauteur… Mais ma fierté est bien identifique à la sienne. « En effet, ta main pourrrait nous êtrrre bien plus utile que ta langue. » Ce n’est pas parce que nous peinons, aux prises avec les buissons épineux, que j’estime nécessaire de perdre mon visage de façade.

Pourtant, je ne peux m’empêcher de grimacer, à mesure que nous progressons… à chaque pas, les tiges aussi pointues que des lames m’écorchent les chevilles, et je reviens entre mes lèvres ce qui pourrait s’apparenter à des gémissements de douleur. Mais le mutisme a un fort coût… Je sens son pouls à travers son poignet, tandis que nous nous efforçons de poursuivre entre les racines noueuses. Je perçois sont appréhension, avant même qu’elle n’ait marqué son désir de faire halte… « Je pense. » réponds-je simplement en tendant l’oreille, à l’affût du moindre son. Dois-je sortir ma baguette ? Je laisse précautionneusement ma main sur ma poche. Le bruissement que je perçois est tout d’abord léger, avant de s’accentuer au fur et à mesure, puis c’est une silhouette imposante et équine qui se présente à nous, débarquant entre fourrés. J’humecte mon palais… ce pourrait bien être plus difficile que prévu, en fin de compte. « Vous êtes un centaurrre, n’est-ce pas ? » finis-je par demander, en m’éclaircissant la gorge. « Si nous nous trrrouvons surrr votrrre terrrritoirrre, crrroyez bien que nous en sommes navrrrés. » En soi, pas vraiment, nous avons surtout fait ce que nous avons pu, mais la seule chose que je connais de ce peuple, c’est qu’il est profondément susceptible. « Nous cherrrcheons la dirrrection de l’orrrée de la forrrêt, peut-êtrrre pourrrrez-vous nous apporrrter votrrre assistance. »


1-2 : Le manque d’humilité dont Finnbjörn fait preuve réveille le courroux du centaure qui, irrité que ces étrangers se trouvent sur leur territoire, décoche aussitôt une flèche : cette dernière part se planter (#chiffre 2) :
1-2 : Sur un tronc d’arbre derrière eux.
3-4 : Dans le mollet de Finnbjörn.
5-6 : Dans le mollet de Bluebell.


5-6 : Le centaure, manifestement en colère, se hisse sur ses pattes arrières et se cabre avant de leur ordonner : « Déguerpissez sur le champ, et ne revenez plus sur nos terres ! » A Finnbjörn et Bluebell de tracer leur route sans se laisser ralentir par leurs blessures respectives, sinon ils pourraient bien rester dans cette forêt…

3-4 : Finalement, le centaure abaisse son arc, et semble disposé à les escorter hors des bois. Il leur indique une direction, et effectue quelques pas avec eux, dans un silence glacial. Finnbjörn se tourne vers Bluebell : il y a peut-être de l’espoir suite à cette longue escapade nocturne.

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Je ne m’attendais pas à une telle réaction je dois dire : la susceptibilité des centaures est donc telle que l’on la décrit. Intérieurement, je me sens irrité que l’on s’adresse à moi de cette manière, mais je sais que je ne devrais pas répondre. Je me contente donc de tourner les talons, au même rythme que ma partenaire d’infortune, tandis que nous disparaissons dans la nuit noire. La pression des doigts de Bluebell entre les miens semble témoigner de la nervosité qu’elle a pu ressentir à l’issue de cet échange, aussi je me hâte sans discuter. « Entendu. » maugrée-je, mon égo ébranlé et légèrement froissé dans mon orgueil de n’avoir pu être le maître de la situation, avec toutefois un regard pour sa jambe. Certes, la situation est urgente, mais si elle a trop tendance à tirer sur la corde et oublier sa blessure, elle pourrait bien se retrouver encore davantage handicapée. Est-ce que je veux de cette responsabilité… ? Je n’en suis pas si sûr. A choisir, je préfère bien largement que nous nous écharpions au château, une fois que je serais sûr qu’elle est bien saine et sauve. Et moi avec, naturellement.

Nous avançons, difficilement, au vu des conditions climatiques qui nous imposent un froid hivernal au sein d’une forêt déjà glaciale. L’absence de mon manteau commence à se faire ressentir lorsque cette impression que mes bras se paralysent m’accapare l’esprit… Arpentant la piste à travers les bois nébuleux, je l’écoute d’une oreille distraite me dire ce qu’elle compte faire lorsque nous rentrerons… Le temps d’un instant, je me surprends à me perdre dans mes pensées : j’imagine son visage, émergeant au milieu de l’eau claire, ses cheveux mouillés rabattus en arrière comme s’ils étaient collés à son crâne, recouvrant ses épaules dénudées comme un voile sombre. Je m’égare bien volontiers dans cette vision fantasmagorique, où j’ai tout le loisir de fixer ses yeux translucides, deux iris sévères dans deux pierres opalines, sans avoir à subir son regard réprobateur en retour… Un plaisir coupable que je savoure sans honte, une seconde, peut-être deux. Puis je m’interromps. Qu’est-ce qui me prend ? La chaleur gagne mon visage, alors que pourtant, l’humidité ambiante conserve le reste de mon corps dans une froideur cadavérique. Je chasse donc aussitôt ces songes malvenus, comme si on me les avait imposés et que je n’en étais pas moi-même l’auteur, afin de me concentrer à nouveau sur la tâche que nous souhaitions mener à bien : quitter cette forêt en un seul morceau de préférence. « Bonne idée. Ils en aurrraient bien besoin. D’autrrres rrremarrrques perrrtinentes à prrropos de tes ambitions capillairrres… ? » me contenté-je de répondre ironiquement en taisant bien évidemment les dérives discutables de mon imagination. Je ne vais pas non plus renchérir ou faire comme si cela m’intéressait d’une quelconque manière, rien ne saurait me détourner de mon chemin principal : du moins, c’est ce que je m’efforce de me répéter depuis que nos mains sont étrangement entreliées.

Je me surprends ensuite à esquisser un sourire léger lorsqu’elle parle de dormir, et de manger : cela fait bien quelques heures que nous errons, et je pense que nos nécessités biologiques ont été bien assez mises en mal. « Je ne dirrrais pas non à une bonne nuit de sommeil et à une couverture épaisse.  » avoué-je finalement, prenant conscience que la fatigue gagnait mon corps et mon esprit au fur et à mesure que nous avancions. Mes jambes sont de plus en plus lourdes à porter, et cela fait bien une vingtaine de minutes que je ne sens ni mes doigts, ni mes orteils… Bien évidemment, elle ne peut s’empêcher de faire un commentaire sur mon idée d’escapade, pour laquelle je présume qu’elle m’attribuera toute la faute : comme si je l’avais forcée à venir, tiens… « Avec plaisirrr. Je n’avais, de toute façon, plus l’intention d’en prrroposer. » Il est certes un peu tard pour la délivrer de ses "obligations", mais j’aime à lui rappeler que je ne lui ai jamais ôté son libre arbitre. D’autant plus parce que je suis frustré de n’avoir, par dessus le marché, trouvé aucune réponse à mes interrogations… En plus d’avoir risqué nos deux vies, c’était une longue perte de temps à travers les bois. « Quoi que tu puisses en dirrre, je ne rrregrrrette cependant pas mon initiative. » rajouté-je cependant d’un ton neutre. Je ne me justifierais pas là-dessus, après tout cette expérience n’était pas des plus agréables… N’importe qui troquerait une telle soirée contre une retenue de six heures en histoire de la magie. Mais depuis que j’ai perdu un certain nombre de mes capacités, j’ai l’impression de pouvoir redevenir fort à nouveau, comme s’il n’y avait qu’à espérer un réveil de mon potentiel magique en traversant une forêt périlleuse. Certes, y aller seul m’aurait épargné bien des tourments… Mais depuis que j’ai retrouvé la mémoire, je ne me suis jamais senti aussi proche de quelqu’un. Oh, je ne l’apprécie certainement pas plus qu’au début : cette chère Bluebell est aussi détestable qu’elle aime à le montrer… Mais aussi acariâtre, aussi glaciale, aussi venimeuse puisse-t-elle être, les failles qu’elle laisse entrevoir la rendent nettement plus humaine que n’importe quel idiot prétendant avoir le coeur sur la main. Il serait prétentieux d’affirmer que je peux la comprendre, le chemin est encore bien tortueux, mais je crois que je m’en rapproche. A quel prix…

Cette chipie a beau être habitée par tous les vices, elle mérite toutefois d’être ramenée saine au château, et je m’y engage vis à vis de moi-même. Nous arrivons à un carrefour, et tandis qu’elle semble hésiter, je plonge ma main dans ma poche : mes derniers essais n’ont pas été bien fructueux, mais je compte bien me rattraper, aidé par mon instinct. Les hurlements que nous entendons ne me disent rien qui vaille, et je pense qu’il serait pertinent de s’éloigner… « Pointe au Norrrd. » déclaré-je en positionnant ma ma baguette au creux de ma paume.


DIRECTION (hasard #1)

4-5 : La baguette est très claire : le Nord est à notre droite, donc nous devons prendre le sentier de gauche pour nous rendre au Sud-Est, vers l’école. Je ne perds donc pas de temps, et entraîne avec moi la main de Bluebell, bien déterminé à gagner la lisière de la forêt… Les fourrés épineux se raréfient, et j’ai d’ailleurs l’impression que nous nous rapprochons de plus en plus de l’orée.

2-6 : La baguette semble hésiter, et nous ne pouvons nous permettre de perdre davantage de temps, nous prenons donc une direction au hasard : CHANCE (hasard #2)
PAIR : C’est la bonne (voir 4-5)
IMPAIR : C’est la mauvaise (voir 1-3).

1-3 : Le sortilège a du être mal exécuté, la baguette nous indique la gauche, donc nous nous dirigeons vers la droite. C’était le mauvais chemin, nous sommes bien repartis pour tourner en rond et revenir à notre point de départ dans un long quart d’heure. Or, avec le pied blessé de Bluebell et le froid environnant, nous nous affaiblissons, le temps est contre nous…


CRÉATURE (hasard #3)

4-5 : Quoi que ce puisse être, la créature est trop loin de nous pour nous poser problème. Le hurlement est certes inquiétant, mais nous pouvons poursuivre notre route en l’ignorant.

2-6 : Au bout de quelques pas, un simple loup au pelage sombre finit par apparaître. Il ne parait pas manifester d’agressivité à notre encontre. Si nous demeurons suffisamment immobiles et silencieux, il ne devrait pas s’en prendre à nous…

1-3 : Je m’arrête brusquement, et invite Bluebell à en faire de même : il y a une forme indistincte au loin vers un vieux chêne décharné, on dirait un loup qui se tient comme un humain. J’ai déjà entendu parler des loups-garous, mais j’espère sincèrement que je me trompe sur celui qui semble se tenir à quelques mètres de nous… DANGER (hasard #4)
PAIR : Il ne nous a pas vus.
IMPAIR : Il nous a vus.

Bluebell & Finn s'enfoncent dans la pénombre

Le commentaire qu’elle fait à propos de mes cheveux me rappelle que, parce que nous avons consacré les deux dernières heures au bénéfice de notre survie, et non pas l’entretien de notre apparence physique, m’amène à mettre ma main libre dans mes cheveux. En effet… je n’ose imaginer le reflet que je dois renvoyer, mais je suis certain qu’il ferait probablement beaucoup rire Erin, au moins tout autant qu’il exaspérerait Hannibal. Je grimace… « Je ne pense pas que ce soit nécessairrre. Et si tu ne souhaites pas perrrdrrre à ton tourrr la mémoirrre de manièrrre inexpliquée, je prrropose que nous ne l’aborrrdions plus jamais. » Effectivement, il y a bien des sujets que je souhaiterais éviter d’aborder avec Bluebell Sherwin, et l’état de mes cheveux en fait partie. Et pourtant, je m’habitue étrangement à sa compagnie, à sa main dans la mienne, à nos pas côte à côte, à notre proximité dans le froid de la forêt. Si ça se trouve, c'est même peut-être la fin de cet affrontement perpétuel entre nous... il parait que nous avons été amis par le passé, après tout, même si je ne me rappelle pas comment un tel cas de figure a pu se présenter. C’est qu’elle en devient presque attachante, le danger a comme cette drôle de faculté de lui ôter son masque… ou bien alors, je suis en train de tomber malade, la tête me tourne et me donne des idées insensées. C’est aussi une possibilité, j’ai tellement froid que la température m’obnubile. J’avance lentement, je tire sur mes manches pour recouvrir mes mains… l’absence d’une couche supérieure sur mes épaules commence à réellement se faire ressentir, mais je ne peux pas réclamer ma fourrure ; Bluebell en a plus besoin que moi. Je suis surpris par sa réponse : ainsi, elle ne regretterait pas non plus, à la condition que nous rentrions vivants… ? Je croyais qu’elle ne pensait qu’à rentrer, depuis le début de notre expédition nocturne. Je ne lui demanderais pas pourquoi, ces raisons-là nous sont propres. « Ça peut se négocier. » réponds-je en esquissant l’ombre d’un sourire. De toute façon, même si l’apparition du centaure et ma crise respiratoire ont pu éveiller en moi un sentiment de panique, je n’envisage pas ma fin comme ça, piètrement dévoré par des bêtes. Non merci, j’ai d’autres ambitrions pour nous. « De toute façon, je rrrefuse de te donner rrraison en me montrrrant incapable de nous prrrotéger convenablement. Tu aurrras ton bain. » Et ceci, qu’elle le veuille ou non. Elle aura tout le loisir de faire toutes les pitreries qu’elle veut, des sortilèges de flammes, crier sur des premières années, m’accuser de tous les maux, une fois que je serais sûre qu’elle est rentrée entière. A présent, c’est un devoir personnel. Devoir que je pourrais mener à bien, ma baguette nous indique la bonne route, je reconnais ces racines décharnées que nous contournons. Enfin c’est ce que j’espérais… avant qu’un animal ne s’approche.

Je suis presque rassuré que nous n’ayons affaire qu’à un simple loup : au vu de mes aptitudes actuelles, il aurait été suicidaire de faire face à un véritable hybride. Cependant, au lieu de tracer sa route, celui-ci nous fixe, au point que c’en est déconcertant. Je n’ai pas une assez bonne connaissance de ces mammifères pour connaître la marche à suivre… Nous sommes pourtant si proches de l’orée, seuls quelques mètres semblent nous séparer ! Mais le risque est trop gros pour tenter un passage en force, nous risquerions de l’énerver. Bluebell semble partager mon appréhension, bien que je n’ose croiser son regard, tant que celui du loup est fixé sur nous. « Ne bouge surrrtout pas. » Je tire légèrement sur sa main, comme si ce simple contact pouvait suffire à la rendre statuaire. Et il n’en est rien, évidemment… Je clos les paupières de toutes mes forces, lorsque j’entends la branche craquer. Je ne rouvre pas les yeux tout de suite, je crains de nous rendre encore plus visibles pour l’animal. Est-il en train de s’approcher de nous ? Je n’entends pas, mais je n’ai pas le sentiment qu’il soit parti non plus. Je déteste cette sensation, de le savoir aussi proche de nous, prêt à réduire la distance qui nous écarte en quelques enjambées seulement. Ce n’est peut-être pas un loup-garou, mais la morsure d’un loup, même des plus normaux, pourrait nous mettre dans une très mauvaise solution. Mes doigts effleurent ma baguette, mais de crainte de le mettre en colère, je reste parfaitement immobile : seule mon thorax s’élève légèrement à chaque inspiration. J’ouvre la bouche, mais ce n’est pas à Bluebell que je m’adresse, c’est dans une autre direction : « Faites le parrrtirrr. » persifflé-je, sans me rendre compte que les mots qui sortent de ma gorge n’ont rien à voir ni avec ma langue natale, ni avec de l’anglais.

4-6 : Un bruit s’échappe des fourrés, ce qui ressemble bien à une vipère s’en extirpe. Le serpent émet un sifflement en réponse à mon appel, et le loup semble se désintéresser de nous, pour rentrer en contact visuel avec lui… Je tire sur la main de Bluebell, et recule doucement. Il vaut mieux profiter du fait que son attention soit retenue ailleurs pour quitter la forêt, et le plus vite sera le mieux.

1-2 : Un bruit s’échappe des fourrés, ce qui ressemble bien à une vipère s’en extirpe. Mais elle est agressive, et attaque directement le loup, le mordant au flanc. Le hurlement plaintif qu’il laisse échapper laisse croire que la morsure lui sera probablement fatale… Je ne m’attendais pas à ça, et la violence de l’attaque me laisse sans voix. La voie est libre pour nous, mais à quel prix ?

3-5 : Malgré ma tentative, rien n’apparait… par contre, le loup émet un grognement qui laisse sous-entendre qu’il en a après nous. Mes doigts se resserrent autour de Bluebell : que fait-on ?