Bluebell & Finn s'enfoncent dans la pénombre

« Et n’oubliez pas que l’accès à la forêt interdite est strictement, comme son nom l’indique, interdit. » Je ne pourrais pas mettre mon manquement au règlement sur le compte de mon amnésie, j’en ai bien conscience. Mais les raisons qui me poussent à braver les commandements imposés par Sa Seigneurie la nouvelle directrice et ses moeurs douteuses dépassent les simples impulsivités adolescentes d’un jeune rebelle tentant d’impressionner ses camarades. Je n’avais, pour tout dire, pas spécialement prévu de m’y rendre... Je ne prends jamais de décision à la hâte, ou sur un coup de tête, c’est ce dont j’ai convenu, c’est un loisir que je laisse aux crétins en perdition. C’est à cause de ce cours de soins aux créatures magiques… dédié aux serpents à sonnette et aux serpents cornus, que nous devions nourrir et dont nous devions analyser la structure des écailles rentrant dans la composition de l’ingrédient d’une potion quelconque. Puisque c’était une tâche à ma portée - et ces derniers temps, elles sont rares - je m’y suis affairé sérieusement… jusqu’à ce que le sifflement de l’une des créatures me paraisse un peu trop familier. J’ai mis un certain temps à réagir, et ai du attendre que le professeur Armstrong se décide à s’éloigner, puis j’ai parlé à mon tour. A voix très basse, naturellement, comme si je marmonnais simplement, à ma propre adresse. Je n’en reviens tout simplement pas d’avoir obtenu une réponse compréhensible. Cependant, le lieu et le moment n’étaient que bien trop mal choisis, alors j’ai préféré couper court à notre échange, aussi furtif et surprenant soit-il. Avec une certitude bien ancrée : celle de comprendre ce phénomène. Et pour ça, si je parvenais à prendre sur moi et ma fierté, j’avais peut-être la complice idéale sous la main…

Je lie soigneusement, à l’aide d’un fil doré, la lettre à la patte d’une petite chevêche d’Athéna qui appartient à l’école. Je m’assure que le volatile ne la fera pas tomber, et je la regarde s’envoler vers les quartiers de Serpentard, non sans une certaine méfiance, à la recherche d’une petite brune égoïste, menteuse, manipulatrice, aux yeux de glace et à la langue de vipère. Je ne pensais pas la recontacter si tôt, à vrai dire. Mais nous avons des comptes à régler, tous les deux… Elle en sait beaucoup plus qu’elle ne veut en dire. Elle est insolente, révoltée, et je pense qu’elle se fiche du risque. Sacrée frondeuse. Avant Halloween, j’aurais peut-être décidé de me tourner vers un membre de ma famille, ou bien Phoenix… Mais autant dire que j’ai encore de travers la scène qu’ils m’ont jouée. En étant de mettre de côté mes soucis d’égo, j’écris à Bluebell Sherwin pour lui demander de m’accompagner en "bordure de forêt", après l’avoir questionnée l’air de rien sur cette dernière, comme si je n’étais pas réellement impliqué dans mes desseins. Ben voyons, il apparait évident que nous ne resterons pas en bordure, et que nous nous enfoncerons dans la pénombre du bois sans regarder derrière nous. Au vu de mes piètres aptitudes magiques, il est déraisonnable de songer à y aller seul, quand bien même je dispose de quelques ressources… Et puis, ma soeur et Alexis ont l’air d’avoir plus d’un problème avec Bluebell ; je pourrais même jusqu’à parler d’antipathie manifeste. Est-ce que ce facteur a suffi à me convaincre ? Bien évidemment. J’ignore ce qui m’y pousse exactement, mais je me réjouis déjà de passer du temps avec cette fille que les autres semblent se plaire à détester. J’imagine que c’est une franche nécessité de m’émanciper un peu, et d’aller à l’encontre de ce que l’on attend de moi : actuellement, je n’ai aucune envie de satisfaire qui que ce soit. En ce qui concerne ma famille, c’est une période, bien sûr, je sais que je ne me tiendrais pas longtemps loin d’eux… Pour Alexis, je ne sais toujours pas où nous allons. Et en attendant qu’elle se décide, je suis d’humeur provocatrice.

Contrairement à ce à quoi je m’attendais de prime abord, elle a accepté. Je me demande encore pour quelle raison, s’il s’agit de me tester, de me mettre à l’épreuve, de me ridiculiser afin de me donner ce qu’elle estime être une leçon méritée. Je n’en sais trop rien, et ses motivations m’importent peu, puisque j’y gagne. Enfin, j’imagine… Je revêts l’une de mes plus chaudes fourrures de vison, la brune très foncée, et enroule mon cou autour d’une écharpe en soie. Elle a une odeur qui me plait, que je voudrais être celle de la Norvège. Et enfin, je troque à contre-coeur mes souliers cirés en cuir contre des bottes plus armées, et plus adaptées à la mission qui nous attend. Dignement, je descends alors les marches, droit comme un duc, ignorant les commentaires que les portraits peuvent bien m’adresser. Je gagne l’extérieur, et un vent frais affronte mon visage tandis que j’observe, au loin, une silhouette se diriger vers un tronc. Bien, elle a de l’avance. Je prends sa direction, d’un pas rapide que je ralentis progressivement, plus je m’approche d’elle.

Je souris, intérieurement : je veille à toujours bien rester de marbre en sa présence, comme si une seule mimique pouvait me trahir. Alexis m’a révélé son désir de me manipuler à sa guise, auquel elle a finalement renoncé. Or, je sais que si elle l’avait vraiment voulu, Bluebell n’aurait pas hésité. C’est probablement ce qui les différencie principalement : Alexis se cherche, nage dans les nuances, tandis que sa soeur flirte avec les extrêmes. Je la détaille, scrupuleusement, du sommet de son crâne au bas de sa cape sombre, au sein de laquelle elle semble flotter. Evidemment, je ne peux pas louper ces yeux bleus, qui pourraient bien avoir le pouvoir de me figer, dans ce voile sombre derrière lequel elle se mure. Ou s’abrite, peut-être bien. « Bluebell Sherrrwin. » annoncé-je à nouveau, comme la première fois, d’un ton très protocolaire. J’hésite même à lui tendre une main, afin de lui signifier que je considère nos échanges comme une formalité : je ne voudrais pas qu’elle se mette à penser qu’elle m’est indispensable, ou que j’ai besoin d’elle pour une raison quelconque, quand bien même c’est la vérité. A la place, je lui adresse un signe du menton qui oscille entre la courtoisie et le désintéressement le plus total. Au fond, je m’amuse presque à la défier ainsi. « Je t’ai aperrrçu en charrrmante compagnie, le soirrr d’Halloween. Ton ami était déguisé en saltimbanque, c’est bien ça ? » demandé-je sans prendre la peine de dissimuler l’ironie de mes propos, et le mépris à l’égard de son cavalier, quand bien même j’ignore son nom et ses origines. Ce dernier m’intéresse bien peu... ou peut-être que si, à vrai dire. Puisqu’elle semble accorder tant d’importance à nos fréquentations, étant donné que notre statut sanguin nous octroierait également une supériorité relative, je me demande simplement bien quels sont les atouts qu’elle a pu trouver chez ce jeune homme qui a première vue, ne m’inspire rien. Trêve de plaisanterie, je reprends mon sérieux, conscient que je ne devrais pas chercher à l’énerver avant que nous ne pénétrions l’orée. J’imagine qu’elle m’en veut toujours, me reproche toujours ma perte de mémoire, et par extension de souvenirs d’elle, quand bien même elle n’est pas de mon ressort. « Merrrci d’êtrrre venue. » finis-je par lui dire, avec sincérité. Je lui en suis reconnaissant, rien ne l’y contraignait. J’ai bien dans l’idée que ce n’est pas par bonté d’âme, et que par ailleurs, elle n’a jamais rien fait de sa vie par bonté d’âme. Toujours est-il qu’elle est là. « Tu connais bien l’endrrroit… ? » D’un geste du menton, à nouveau, je désigne les premiers pins qui pointent leur cime vers le ciel, à la silhouette étrangement menaçante à la tombée du jour. Après tout, je ne lui ai pas encore expliqué ce qui m’y menait…

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Je n’allais tout de même pas espérer de sa part qu’elle se montre moins hargneuse et moins antipathique une fois notre premier échange passé… Bluebell m’a très bien fait comprendre de quelle manière elle me considérait désormais, et je ne peux m’empêcher de me dire que la recontacter était une bien sotte idée. Je ne vais pas me laisser désarçonner pour autant, je sais pourquoi je suis là, et ce n’est pas un coup de pied dans mon égo qui me fera reculer : au vu de la fraîcheur des températures, je suis bien heureux de pouvoir compter sur les fourrures norvégiennes, quand bien même ce choix lui déplait. Ce n’est pas parce que je n’ai pas fait, comme elle, le choix d’une cape me recouvrant le visage et le corps, que je serais handicapé dans notre avancée. « Je ne vois pas le problème avec ce que je porrrte. Je ne t’ai pas invitée en tant que conseillèrrre vestimentairrre pour midinettes, je pensais que ma lettrrre était clairrre. » annoncé-je d’un ton sans appel. Nous ne devrions pas perdre ainsi notre temps, alors que les dernières heures de crépuscule, nous permettant de bénéficier de la lumière naturelle, sont précieuses. Je dirige mon regard vers le soleil, qui dépasse légèrement de la cime des plus hauts chênes, et qui s’éteint lentement entre les nuées mauves qui l’accompagnent. Il vaudrait mieux que nous poursuivions notre conversation en nous mettant en marche, ce à quoi je m’emploie, d’un pas prudent. Evidemment, je n’ai pu m’empêcher de l’interroger à propos de ce cavalier en compagnie duquel elle s’est montrée, le soir d’Halloween… Je ne vois pas ce qui me l’interdirait. Et c’est d’un air dubitatif que je l’écoute « Charrrmant. » répété-je, avec une ironie certaine. « Au vu de l’animation qu’il y avait autourrr de vous, ce devait êtrrre hilarrant. » Je ne me souviens pas de grand chose, j’ai été bien occupée avec ma famille et Phoenix, qui me demandaient des comptes sur mes fréquentations comme si j’étais un enfant à surveiller. Je n’ai jeté que quelques coups d’oeil, et n’ai loupé l’arrivée ni le départ de cette blondinette peinturlurée qui semblait bien agacée. Ni cette confrontation avec un autre garçon, que je ne connais pas, pour une raison qui m’est inconnue. Je reprends : « Perrrsonnellement, je ne suis pas adepte des pitrrrerrries. » trouvé-je pertinent d’ajouter. J’ignore volontairement sa remarque à propos de « ceux qui ont toute leur tête », quand bien même elle m’irrite quelque peu. Devenir le bout-en-train de service n’est pas une de mes ambitions, et si elle a décidé de s’entourer exclusivement de bouffons, tant mieux pour elle.

Je la remercie, parce que j’estime que la politesse et mon éducation - quand bien même j’en ai oublié une certaine partie - m’y poussent, mais également parce que je lui suis reconnaissant d’être venue. J’aurais trouvé une alternative, bien sûr. Et je veux qu’elle le sache : je n’étais pas dos au mur, ni dans la nécessité absolue à ce qu’elle m’accompagne. Quelqu’un d’autre aurait pu le faire. Certes, pas grand monde. J’ai simplement préféré que ce soit elle, et ça ne signifie rien. « Comme tu veux. » réponds-je en balayant d’un revers de main ces mots froids qu’elle a à mon égard, comme si elle cherchait à me faire culpabiliser de quelque chose. A nouveau, elle semble m’en vouloir… Je lève les yeux au ciel. J’ai trop de choses à rattraper avec mon amnésie, et trop peu de temps à le consacrer à ce que j’estime être une vieille rancune injustifiée. Evidemment, je tire un sourire lorsqu’elle évoque mon état d’esprit : « C’est amusant que tu croies que je sois fou. Je pense que tu l’es davantage en ayant accepté. » Elle a peut-être raison : m’accrocher à ce point à mes souvenirs relève peut-être de la folie, mais ne l’est-ce pas encore plus de tenir à m’accompagner tout de même ? Moi, qu’elle accuse d’être un criminel, dont elle critique la santé d’esprit… ? A cette heure, j’ai l’impression d’être bien plus lucides que tous ceux qui disposent encore de leur mémoire, elle comprise. « Il n’y a aucune preuve. Ni que j’ai brrrûlé quoi que ce soit, ni que j’ai effectivement voulu sauver ta vie. L’un et l’autrrre peuvent tout aussi bien êtrrre liés à des facteurrrs extérrrieurrrs. » souligné-je évidemment. Aucun élément nouveau n’a été apporté, depuis notre conversation de la fois dernière : certes, j’ai des raisons de penser que j’étais effectivement plus impliqué que je ne veux bien le reconnaître, mais il est hors de question que je laisse cette idée se répandre comme une traînée de poudre. Ses insinuations commencent à m’agacer : que quelqu’un me dise pourquoi je ne me suis pas seulement contenté de sauver Maxton, et pourquoi je me suis encombré de ses deux soeurs. Elle parle d’ingrédients qu’elle doit partir chercher, et je hoche machinalement la tête. « Je suis enchanté de l’apprendrrre. » J’évite une racine un peu traîtresse tandis que je continue à avancer, me demandant à quel moment il serait pertinent d’allumer l’embout de ma baguette. J’hésite, parce que je ne suis pas encore bien à l’aise avec Lumos, et que je n’ai certainement pas envie de me ridiculiser devant elle. « Quels ingrrrédients, si je puis me perrrmettrrre... ? » C’est réellement de la curiosité. Je ne connais pas l’endroit, donc à part les serpents qui l’habitent, sur lesquels je suis un tant soit peu renseigné, je ne sais rien. Et aussi parce que je me demande ce que Maxton a en tête.

Le froid qui habite ce bois n’a rien à voir avec la fraîcheur timide du parc. C’est sec, piquant : comme un frisson permanent. J’ai le sentiment que nous ne sommes pas seuls, que la pénombre environnante menace de nous avaler sans préavis. Mes yeux balaient ce qui se trouve à nos pieds, dans l’espoir d’apercevoir les écailles d’un reptile luire en glissant dans les herbes humides. Les plantes commencent elles aussi à changer : les feuilles verdoyantes font place à des ronces et à des branches décharnées, des souches sur le point de se briser. Comme inspirée par ce décor, Bluebell renchérit, plus mordante encore que la fois dernière. Interpelé, mes sourcils se froncent naturellement et je mets de la distance entre nous : ce petit jeu est en train de m’agacer sérieusement. « Tu serrras aimable de laisser mon cerrrveau trrranquille, et de plutôt t’inquiéter pourrr le tien. Aux dernièrrres nouvelles, je ne suis ni sanguin, ni instable, ni sujet à des sautes d’humeurrr trrrop frrréquentes. » Je ne lui apprends rien, j’imagine : sa ressemblance avec ma soeur est relativement troublante. Elle est difficilement contrôlable, comme un fauve qui serait resté enfermé trop longtemps. Et pourtant, étrangement fascinante, comme la flamme d’une bougie qu’on ne cesserait de fixer. J’avale ma salive - devenue acide - et m’efforce de reprendre contenance. « Et tu as tellement aimé que tu souhaites rrrecommencer ? » la questionné-je, relativement à sa venue dans la forêt par le passé. J’ignore ce qu’elle est venue y chercher, mais j’imagine que si elle en est revenue, c’est que rien ne l’a réellement dissuadé de le faire. Je serais idiot de baisser ma garde ou de cesser de m’inquiéter, mais je me sens toutefois rassuré : je ne veux pas avoir à subir les commentaires désobligeants de ma famille à propos de mon attitude, et si quelque chose arrivait, ils seraient forcément au courant.

Elle me demande de confirmer que m’enfoncer dans les bois et bien mon intention : je prends toutefois quelques secondes pour être certain de la réponse que j’ai à lui donner. « J’ai bien assez d’écharrrpes en soie pourrr la rrremplacer, tu sais. Je ferrrais demi-tourrr lorrrrsque je l’estimerrrai nécessairrre. » Les seuls craquements sonores que nous entendons proviennent de nos propres pas, rien à signaler entre les arbres. Pourtant, cette désagréable impression refuse de me quitter… « En rrrevanche, si tu tiens à prrrofiter du rrrepas et à manger un desserrrt en compagnie de ce clown pourrr lequel tu as de l’affection… je t’en prrrie, je me débrouillerrrais. » Je lui indique d’un geste de main amical les quelques mètres qui nous séparent des premiers troncs, désignant le chemin que nous venons d’emprunter. Je n’ai aucune envie qu’elle fasse demi-tour, bien sûr. Pas à ce stade. Pas alors que j’ai besoin d’elle. Cependant, j’interromps notre querelle pour une question d’orientation : le chemin principal se dissout, laissant place à un carrefour entre les pins. Un chemin sineux à gauche, relativement étroit, et une voie qui descend par la droite, nous obligeant à nous appuyer sur des rochers pour atteindre les quelques mètres qui nous séparent du sol. Je demande, sceptique : « Drrrroite, ou gauche… ? »

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A chaque pas que j’effectue, je me dis que je regrette profondément d’avoir jeté mon dévolu sur elle. Cette petite peste est bien capable de ruiner mes projets un par un, en savourant un verre de biéraubeurre pour mieux contempler ma dévastation… Et pourtant, je sais pertinemment que nul n’aurait mieux fait l’affaire qu’elle. Elle est suffisamment impertinente pour faire le poids face à cette forêt, qui, je ne dois pas l’ignorer, représente une menace pour nous. Il serait stupide de le nier, je ne peux décidément pas feindre d’être en position de chasseur alors que nous sommes tout de la proie idéale. Il suffit d’agir en conséquence : je maîtrise tout juste quelques sortilèges d’entrave, ils ne nous permettront pas de prendre l’avantage mais bien de gagner du temps. En ce qui concerne Bluebell, je ne l’ai pas encore vue à l’oeuvre, j’ignore donc encore tout de ses capacités. « Je te trouve un peu prrrésompteuse pour prrrétendrrre êtrrre mon ennemie. » commencé-je en la fixant dans les yeux, avant de finalement décider à me livrer. « Je cherrrche un animal. Un serrrpent. Je crrrois que j’entrrretiens un étrrrange rrrapporrrt avec eux. » Assez succinct : pour l’instant ce ne sera pas plus, je ne sais pas encore ce qu’elle peut faire de ces informations. « Est-ce que tu penses que c’est à ta porrrtée, ou tu comptes hurrrler de terrrreurrr lorrrsque nous en apprrrocherrrons un ? » lui demandé-je d’un ton faussement mielleux. Je ne l’imagine pas prendre peur face à un reptile : si elle doit contrarier mes intentions, ce sera sans doute par caprice, dans un élan de colère soudain, pas par mièvrerie, tout du moins c’est ce que j’ose croire. Et, comme je m’y attendais, elle ne lâche rien avec ce fichu incendie… Je ne sais pas encore combien de temps je peux espérer la convaincre en niant, mais quelque chose me persuade qu’elle est pourtant dans le vrai. « Je ne crrroirrrais rrrien sans prrreuve solide. Et sûrrrement pas de la parrrt d’une déséquilibrrrée à tendance mythomane. » Je ne rajoute, bien sûr, pas qu’Alexis partage la même vision des choses qu’elle. Je reprends : « Dans l'hypothèse selon laquelle tu aurrrais rrraison, je ne vois pas ce que j’aurrrais gagné à t’éparrrgner. » crois-je pertinent de rajouter. En vérité, j’ai bien une idée des raisons qui m’y auraient poussé, je ne vois pas, en revanche, l’utilité de les lui dévoiler. Si j’ai pu être attaché à elle d’une quelconque manière par le passé, j’ai la certitude qu’elle ne le méritait pas. Je n’étais pas particulièrement curieux à propos de cette préparation de potion, jusqu’à ce qu’elle décide de la dissimuler sous un voile de mytère… Réellement ? Son comportement m’irrite encore davantage. Elle sait pourquoi je me rends dans la forêt, mais elle a vraisemblablement décidé que ce geste de confiance ne resterait pas réciproque… « Qu’imporrrte. Je lui demanderrrais dirrrectement, je suis cerrrtain qu’il me rrrépondrrra avec plaisirrr. » En réalité, je n’en suis pas si sûr : sa loyauté envers sa soeur gagne certainement sur notre amitié, et c’est sans doute encore davantage le cas depuis ma récente amnésie. Enfin, nous verrons bien, si Maxton n’a rien à cacher j’imagine que je saurais bien assez tôt de quoi il est question.

Evidemment, elle ne reste pas sans réponse, et sous-entend que je serais le plus instable de nous deux, grâce à des paroles venimeuses qui n’ont probablement pour visée que de chercher à m’enflammer. Je lui assène un regard assassin, avant de me reprendre. Le temps d’un instant, j’ai failli perdre le contrôle, je l’ai senti : cependant, je resserre la bride. Pour l’instant, elle est la seule qui me met dans ces états de fureur éphémères, alors que le reste du temps, j’ai une maîtrise parfaite de mes expressions, de mes mots, de mes gestes. Quelque part, cela m’exalte : je me surprends à aimer qu’elle me pousse à bout, qu’elle joue avec mes nerfs. Et pour autant... je ne peux pas permettre une telle chose : je ne saurais tolérer que cette petite insolente prenne l’ascendant sur moi en faisant ressortir des pulsions animales que je souhaite être tues à jamais. Je réprime tous les sentiments parasites qui m’agitent, pour construire un mur d’indifférence autour de moi. Je deviens un roc, un pic de glace. « Je le savais, en effet. » C’est la vérité : on ne peut décemment pas choisir de s’embarrasser de la présence de Bluebell Sherwin sur un simple coup de tête. « J’ai demandé à me rrrendrrre dans cette forrrêt avec toi. Pas à en rrrevenirrr. » Je sous-entends qu’une fois que j’aurais ce que je voulais, je n’aurais plus besoin d’elle. C’est bien évidemment faux, d’une part pour des raisons pratiques, mais aussi parce que non, je ne me séparerais pas d’elle en cours de route : nous avons commencé ensemble, nous finirons ensemble. Manifestement, elle n’a pas envie de m’en dire plus quant à sa formidable petite expédition en forêt, et je décide de ne pas insister. Si elle trouve nos sujets de conversation trop personnels, et bien c’est parfait : il suffit de ne plus en avoir, et de marcher en silence. « Tu m’en dirrras tant. » me contenté-je de répondre. Après tout, si je l’ai invitée à se joindre à moi, c’est pour des motifs bien précis, pas pour discuter autour d’un thé. Et puisqu’elle se montre si désagréable, je ne vois pas pourquoi j’aurais à faire d’efforts pour respecter les conventions sociales.

Je m’arrête un instant, me demandant si j’ai bien entendu, avant de reprendre mon chemin. Le bruit des feuilles craquant sous mes pas parait soudainement plus abrupt, moins précautionneux… « Jaloux. En effet, je me sens vrrraiment en compétition face à un marrrginal sans ambition. » ricané-je, comme s’il s’agissait de la plus sotte idée que j’aie pu entendre. Je ne pense, honnêtement, rien avoir à lui envier, à l’exception de peut-être sa mémoire. Il ne m’impressionne pas, ma famille me parait plus noble que la sienne dont je n’ai pas encore entendu parler, ses manières sont celles d’un barbare, son humour me parait plus que douteux. Qu’est-ce qui a bien pu motiver Bluebell, qui si on l’écoute, est si sélective, à consentir à se pavaner à ses côtés ? Elle continue pourtant de me provoquer, me qualifiant de « stupide mime muet »… je serre les dents, et mes doigts descendent jusqu’à atteindre une de mes poches, et se resserrer lentement autour de ma baguette. « Tant mieux. Je n’ai que fairrre de l’affection d’autrrrui, et ne m’embarrrrasse pas de sentiments inutiles. » C’est qu’elle y arrive, à m’énerver, la garce. Je ne suis pas coincé entre des murs invisibles… ! J’avance, et je suis seulement irrité qu’elle refuse obstinément de le voir. Je me sens pris d’une envie irrépressible de me retourner dans sa direction, de me mettre face à elle, de la défier, yeux dans les yeux. Mais je suis lucide, je ne sais que trop que je me retrouverais perdant : elle a forcément une meilleure maîtrise de sa baguette, et une meilleure connaissance des sortilèges que moi. Je ne jouerais pas à ça. J’interromps cependant les hostilités, pour mieux me concentrer sur ce qui nous attend, un choix à un carrefour. Bluebell choisit la droite, et je la suis, indifférent. Après tout, les vipères peuvent bien se dissimuler sur les deux zones, les cartes de la forêt interdite ne stipulent pas de territoire particulier les concernant… Toutefois, je suis assez sceptique, vis à vis du chemin qu’elle a décidé d’emprunter, et sur lequel elle s’apprête visiblement à s’aventurer sans précaution. Je la regarde d’abord faire, silencieusement : je cherche à me convaincre que si elle se blesse, ça ne me regarde pas, qu’elle l’aura cherché. Et puis, je finis finalement par entrouvrir la bouche : « Bluebell. Fais attention. » ordonné-je, d’un ton légèrement plus anxieux et autoritaire. Je n’aime pas franchement l’idée de la voir dévaler cette pente escarpée aussi négligemment… Sans m’en rendre compte, j’ai tiré ma baguette, que je pointe sur elle, prêt à m’en servir. Pour en faire quoi ? Je l’ignore, j’imagine que je ne peux pas réprimer mon instinct en permanence, ni cette nécessité absurde de la tenir à l’écart du danger. Mais elle finit par atterrir, et je soupire : bien, elle nous aura évité des ennuis certains… En ce qui me concerne, je ne reposerais pas sur mes compétences incertaines de grimpeur, je préfère faire confiance à la magie. « Elasticus. » prononcé-je d’une voix claire, en désignant une longue racine apparente, qui longeait notre pente, et à laquelle je décidais de m’agripper fermement.


1-4 : La texture de la racine se ramollit et devient complètement élastique. Finalement, mes compétences en sortilèges ne sont pas si mauvaises : je parviens à m’accrocher sans mal, et descends en rappel, dos en arrière, pour atterrir sans mal. Je n’ai qu’à épousseter mes jambes, et le tour est joué. Je n’en suis pas peu fier, et ne manque pas de le faire savoir à Bluebell, par un regard lourd de sous-entendus.

2-6 : Ça ne marche qu’à moitié… la racine se ramollit et s’allonge légèrement, mais il me manque deux bons mètres avant de pouvoir toucher le sol. Je prends donc mon élan pour sauter, et ne me rattrape que difficilement. Rien de cassé, j’ai simplement les mains un peu écorchées, que je range aussitôt dans ma poche : il n’est pas question que Bluebell les voie.

3-5 : Rien à faire, ça ne prend pas. Je m’accroche en vain à la racine, qui n’a pas été affectée par le sortilèges, et qui finit par céder sous mon poids. Je fais une chute de trois mètres un peu douloureuse, en me rattrapant sur mon bras gauche. C’est assez douloureux, mais je suis moins inquiet par la sensation désagréable qu’il me procure que par l’odeur du sang qui s’en dégage, et qui risque de nous compromettre…

Bluebell & Finn s'enfoncent dans la pénombre

Evidemment, j’aurais du m’attendre, en revêtant cette fourrure, qu’elle l’accueille avec tout le mépris et le dédain qu’elle est capable d’exprimer. Je lève les yeux au ciel, exaspéré d’avance du trajet que nous allons passer. J’imagine que je l’ai cherché… après tout, c’est moi qui l’ai contactée le premier, alors que je savais bien de quoi cette peste était capable. Si elle a semblé dévoiler une part de vulnérabilité lors de notre entrevue ce soir-là, si elle m’a étonnamment semblé plus humaine que cette diablesse qu’elle se plait à jouer, ce côté-là semble s’être évaporé comme de la neige au soleil. « Je doute sincèrrrement que tes piaillements incessants fassent office de camouflage parrrfait. » Si ses moqueries concernant mon manteau de fourrure - je sais que mon bon goût est sûr et que la chaleur qu’il me procure est relativement confortable - me laissent de marbre, ses sous-entendus à propos de ma mémoire commencent doucement à m’énerver pour de bon. Et pourtant… c’est un sentiment que je ne connais que peu : je sens ma poitrine se gonfler, et plus l’extrémité de mes doigts caresse ma baguette dans ma poche, plus je suis tenté de l’utiliser contre elle. « Je suis heurreux qu’elles te donnent l’imprrression d’exister, mais je n’ai que très peu d’attention à consacrrrer à tes rrreemarrrques acides. » lâché-je finalement un peu trop hargneusement pour que cela soit réellement honnête. Bien évidemment non. Oh, que j’aimerais n’avoir que faire de ses sarcasmes irrévérencieux, ses sous-entendus sur celui que je suis devenu, sur tout ce que j’ai perdu. Je déteste l’idée qu’elle ait potentiellement raison. Je refuse d’être ce légume qu’elle décrit, pas avec tous les efforts quotidiens que je fais pour me retrouver. Et elle continue de bavasser, la garce… Je lève les yeux au ciel, éreinté de ce ton prétentieux qu’elle revêt… «  A vrrrai dirrre, je ne vois même pas l’utilité de parrrler. Effectuer ce trrrajet dans un silence rrreligieux est sans doute la meilleurrre chose qui pourrrrait m’arrrriver, et le sorrrtilège de mutisme me démange. » réponds-je d’un ton glacial. Evidemment, que c’est une menace en l’air ; si ses paroles sont difficiles à supporter, son silence le serait sûrement davantage. Je ne sais pas encore à quel point j’ai envie de me confier sur mes intentions auprès d’elle, mais pour le moment, je juge que c’est mieux si elle ne sait que le strict minimum. Je vois dans ces yeux clairs, empreints de sévérité à mon égard, qu’elle ne me fera aucun cadeau.

Elle me rit au nez… Ma mâchoire se contracte, et mon sang bouillit : elle a raison de ma patience. Je parviens encore à me contrôler, mais pour combien de temps encore… ? Sur un coup de tête, je sens qu’elle pourrait me faire faire n’importe quoi, et ce n’est pas ce que je veux ; je tiens à avoir un parfait contrôle de la situation. Je ne connais pas Misha. Je ne sais rien de lui, mais il ne m’inspire que de l’indifférence : je le juge indigne de mon attention. Sa démarche, sa gestuelle, son prétendu humour… Non, rien de rien. « Une compétition ? » demandé-je, sans même prendre la peine de dissimuler l’absurdité que je trouvais dans cette idée. « Non, je rrregrrrette. Les compétitions n’existent que lorrrsque l’on trrrouve un adverrrsaire à sa hauteurrr. Et je rrrisque d’attendrrre bien longtemps avant que tu te pavanes auprès de quelqu’un qui en vaille la peine. » lâché-je dans une extrême froideur. Après tout, elle m’a présenté notre statut sanguin comme le plus haut qui soit ; nous pouvons nous permettre d’être sélectifs, de choisir avec la plus grande attention à qui nous acceptons d’adresser la parole. Evidemment, elle note que la réalisation de mes sortilèges n’est pas si bonne… Moi-même, j’espérais mieux, mais j’aurais du me douter que ce détail ne lui échapperait pas. « Tu t’inquiètes pourrr rrrien. Mes compétences sont intactes. » C’est un mensonge, mais je ne me vois pas un instant lui dire la vérité, que je suis en train de tout réapprendre… Ce serait pire que tout. Et je ne loupe pas son allusion à la maladie que je partage avec Erin, ainsi que son sous-entendu à propos duquel je l’aurais inventée… J’émets un sifflement moqueur et fais mine de taper dans mes mains : « Je suis imprrressionné parrr tes capacités de déduction. Tu as donc découverrrt mon plus sombrrre secrrret, me voilà mis dos au murrr. » J’élargis mes commissures de lèvres, et prends un air insolent. « Sais-tu que je pourrrais mourrrirrr d’un instant à l’autrrre ? En un claquement de doigts. » Je ne sais pas si elle me croit, c’est pourtant la vérité ; bien que grâce à la magie sacrificielle initiée par Grand-Mère, ces chances-là sont considérablement réduite.

La réception au sol a été un brin plus douloureuse que je me l’imaginais : mes mains ayant accusé le coup de l’impact et de mon poids se sont retrouvées un peu écorchées… Je devine le sang perler, et je les range aussitôt : je n’estime pas utile de s’en préoccuper outre mesure. Evidemment, c’est sans compter sur le caractère impulsif de cette jeune sauvage, qui sans préavis, tire mon bras de ma poche… Je sens les picotements plus vifs. « Ce n’est frrranchement rrrien. Une égrrratinurrre insignifiante. » ruminé-je, tandis qu’elle examinait mes paumes. Je m’attendais bien sûr aux remarques les plus incisives, des commentaires déplaisants, une menace de faire demi-tour sur le champ… La formule qu’elle prononce, ainsi que le halo luminescent qui entoure mes mains avant que quelques cicatrices ne disparaissent progressivement, ce n’était pas prévu. « Quelle perrrte de temps et d’énerrrgie… » Elle a dit tout à l’heure qu’elle n’en voulait pas, mais un remerciement se perd dans ma gorge. J’entrouvre les lèvres, ressentant le besoin de l’exprimer à voix haute ; ce n’est rien de personnel, je suis simplement très à cheval sur la politesse. Même si… je me surprends à nourrir une forme de reconnaissance muette à son égard. « Tu n’aurrrais pas du. » réponds-je simplement, avant de tourner la tête, et de réenfoncer mes mains dans mes poches. J’apprécie sa sollicitude, parfois déroutante. Ce qui m’agacerait chez n’importe qui d’autre - puisque j’y verrais là un comportement maternel que je jugerais comme étant absolument intolérable. Or, en ce qui concerne ma partenaire, je suis plutôt serein sur le fait que ce ne soit pas son cas. Nous reprenons notre route, sur ce qui s’apparente à un sentier, à travers les branchages de ronces. Plus nous avançons, plus nous sommes gagnés par le froid : une légère vapeur s’élève au-delà du sol lorsque nos baguettes le balaient… « Attends. Est-ce que tu entends ça… ? » Je m’arrête, en plein mouvement, comme figé dans le temps, et je prête une oreille attentive à notre environnement. Les dernières lumières du jour se sont fondues dans la nature, pour laisser place à une dense pénombre, que viennent troubler les rayons qui émanent de nos baguettes. Ça pourrait être une bonne nouvelle comme une mauvaise… Bien des créatures peuplent cette forêt, et si j’en recherche certaines, il parait évident que d’autres nous cherchent. Je me tourne vers Bluebell, la sondant du regard…


3-5 : C’est un sifflement que j’entends au loin, indistinctement. Ça me parle… ça s’adresse à moi comme s’il savait que j’allais venir. « Ça vient de là-bas. » dis-je à mi-voix, en me tournant vers Bluebell. Je crois que nous approchons de notre but, mais je ne vois encore rien… Il y a une épaisse brume à traverser avant d’atteindre leur origine.

1-6 : Le bruit que j’entends est plutôt inquiétant, comme un craquement sinistre, et se rapproche dangereusement de nous. Pour le coup, nous ne voyons encore rien, je suis presque sûr qu’il ne s’agit pas de la créature que je recherche… J’échange un regard avec Bluebell : il vaudrait mieux que nous ne nous attardions pas ici.

2-4 : Un peu plus loin, des silhouettes de ce qui semble être des centaures se dessine : je retiens ma respiration, et place un doigt sur mes lèvres. Est-ce que nous sommes sur leur territoire ? Dans tous les cas, on dirait qu’ils ne nous ont pas vus, ce qui pour l’heure, est plutôt rassurant. Au vu de leur caractère vif, mieux vaut ne pas se faire remarquer…

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Si j’ai trouvé ses premières paroles extrêmement virulentes, je n’étais probablement pas prêt pour la suite. Comme si, à mesure que nous nous enfoncions doucement dans les ténèbres, de sombres idées nous nourrissaient, au point de durcir nos mots, et de les aiguiser comme des poignards. Et évidemment, ceux que m’adresse Bluebell me pourfendent la chair. Ainsi donc, elle souhaite réellement ma mort… ? Si celle-ci peut effectivement survenir à tout moment, l’entendre me répéter combien je suis un poids, pour elle, pour mes proches, pour le monde, achève de me pousser à bout. Il ne s’agit plus d’être raisonnable… Il s’agit de lui faire regretter ses paroles, à n’importe quel prix. « Tu sais quoi ? Ce serrrait effectivement le bon moment. Errrin sait que je t’ai contactée, que je t’ai rrrejoint, que tu es la derrrnièrrre perrrsonne avec laquelle on m’aurrra vu ce soirrr. Si je ne rrreviens pas, de longues heurrres d’interrrogatoirrre t’attendrrront au ministèrrre. Je me demande bien quel sorrrt on rrréserve aux mineurrrs, à Azkaban… » Ce n’était pas exact : je n’ai jamais prévenu Erin, ni pour mon escapade, ni pour mon entrevue avec Bluebell. Personne ne sait, en réalité. Il y a peu de chance, si je finissais dévoré dans cette forêt, qu’un quelconque lien soit établi avec la Serpentard, à part si elle était prise sur le fait à son retour au château. « Ma morrrt vaut bien cette consolation, celle de t’avoirrr entrrraîné en enferrr. » craché-je finalement, en m’avançant tout près d’elle, arrêtant mon visage à seulement quelques centimètres du sien. Je me fiche bien, pour le coup, de ces raisons qui peuvent la motiver à me détester autant : quoi que j’ai pu lui faire subir par le passé qui vaille tant de hargne, elle le méritait très certainement. Les seules traces d’hostilité que je manifeste à son égard ne sont, après tout, que des réponses à celles qu’elle m’adresse ; c’était très simple, elle m’assène un coup, je me contente de le lui rendre. Sauf que de coups en coups, la plaie enfle, jusqu’à ressembler à une boursoufflure informe… Grand-Père, ou Hannibal, auraient du me prévenir, que je comptais une telle harpie dans son entourage : me laisser reprendre contact avec elle comme si de rien n’était, sans préavis, c’était de la pure folie… ! Mais pour autant, maintenant que nous sommes là, ensemble, je n’imagine pouvoir mener cette expédition avec personne d’autre. Après tout, elle alimente en moi un feu que je pensais éteint pour l’éternité… Même si ça ne légitime aucunement cette insolence crasse avec laquelle elle se permet de s’adresser à moi, me priver de cette sensation revenait effectivement à faire de moi un mort, un cadavre sans âme.

Encore excédé, mes muscles légèrement crispés par cette colère qu’elle vient d’échauffer en moi, je ne prête que peu d’attention à ses recommandations. Certes, je sais que mes capacités magiques sont limitées, mais l’orgueil prend le dessus : je m’en fiche. Elle veut me laisser ? Qu’elle le fasse. Je refuse de me sentir dépendant d’elle d’une quelconque manière, de me retrouvé à être son subordonné, de l’entendre me balancer des directives méprisantes. « Ce serrra difficile de te perrrdrrre, ta voix de crrrécelle ne passe pas exactement inaperrrçu. » lâché-je d’un ton dédaigneux. Je reviens à la réalité bien vite, en examinant les alentours : combien de temps avons-nous marché ? Cela doit bien faire une bonne vingtaine de minutes que nous nous enfonçons dans les bois obscurs. Bien que la nuit ne nous permette plus de distinguer quoi que ce soit, notre environnement a totalement changé… tout semble mort ici, jusqu’aux écorces des arbres décharnés, jusqu’à l’herbe qui semble avoir rendu l’âme. Les ténèbres sont si denses, dans cette forêt nébuleuse, que les rayons de nos baguettes font peine à voir ; nous avons peut-être l’impression de nous y retrouver, mais j’ai bien l’impression que nous nous engouffrons dans la gueule du démon. Elle multiplie néanmoins les mises en garde, et s’empare finalement de mon bras, comme si j’étais une vulgaire poupée de chiffons… ou peut-être finalement, quelqu’un qu’elle souhaitait garder à ses côtés. Je me perds un instant, observant sa démarche décidée, son bras noué avec le mien… Guidé par un étrange instinct et un sifflement indistinct, je prête à peine attention à la brume épaisse que nous traversons. Puis, sans crier gare, je la sens disparaître, progressivement… Je tente de resserrer l’étreinte de ma main autour de son poignet, en vain. « Bluebell… ? » appelé-je. Je brandis ma baguette, pour éclairer la zone qui nous entoure… Pour ne rien y voir. Je laisse passer quelques secondes, examinant le sol, les hauteurs… mais la brume est si épaisse que je n’y vois goutte ; je perds patience. « Bluebell, bon sang, ça n’a rrrien de drrrôle. Tes stupides enfantillages n’amusent que toi. » Je commence à perdre ma sérénité ; la colère fait place à une angoisse montante, et je n’aime vraiment pas ça. Cette fille m’aura fait passer par tous les états ! J’ai l’impression d’entendre des gémissements, mais ça parait tellement lointain… je ne suis même pas sûr que ce soit elle. Je veux qu’elle me réponde, je veux l’entendre à nouveau, cette voix de crécelle. Quitte à endurer une heure de plus ses insupportables provocations. « Bluebell ! » m’exclamé-je, assez fort pour qu’elle puisse m’entendre, avant de brandir ma baguette : « Lumos Maxima ! »


1-2 : Le jet de lumière est assez fort pour permettre d’éclairer le brouillard, et de voir au travers. Il aperçoit bien une silhouette au sol, qu’il identifie comme celle de Bluebell… ce qui ressemble fortement à une créature s’éloigne de sa jambe, perturbée par l’éclairage. Finn avance, à pas pressés, vers sa partenaire, et s’agenouille auprès d’elle. Il dépose une main sur son coeur, pour vérifier qu’elle respire, ce qui semble être le cas… « Est-ce que ça va ? » demande-t-il, sans dissimuler son inquiétude, et en examinant les alentours. « Es-tu en état de te lever ? Appuie-toi surrr moi, ce n’est pas le moment de jouer à la plus fièrrre. »

3-4 : Le jet de lumière éclaire à peine… Ça ne suffit pas à localiser Bluebell. En revanche, ça suffit à attirer la créature qui semble l’avoir prise d’assaut, et qui quitte sa jambe pour se diriger vers lui :
1-2 : C’est un Botruc.
3-4 : C’est un Quintaped
5-6 : C’est une acromentule.

5-6 : Rien ne vient : c’est l’obscurité totale. Finn continue de chercher à tâtons… « Aidez-la. » susurre-t-il, dans une langue qui n’a vraisemblablement rien à voir avec l’anglais. Quant à savoir, si dans la froideur de cette nuit glaciale, quelqu’un ou quelque chose l’a entendu…

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Aucun signe de vie. C’était comme si Bluebell s’était volatilisée, évaporée dans la brume dense et quasi-opaque. Mes yeux ont beau examiner scrupuleusement les environs je vois pas à plus d’un mètre, pris au piège du nuage de vapeur qui m’enveloppe... Pourtant, des gémissements me parviennent, mêlés à des sifflements indistincts : rien ne saurait dire si ma partenaire est à l’origine de l’un d’entre eux. Dans le meilleur des cas, elle me fait effectivement une plaisanterie de mauvais goût, mais elle se trouve en sécurité : je serais furieux en la retrouvant, mais ça n’implique pas de prendre des mesures conséquentes. Son absence de réponses à mes multiples appels commence à nourrir mon inquiétude : et si je ne la retrouvais pas, qu’étais-je censé faire... ? Il est loin d’être certain que le garde-chasse entamerait des recherches cette nuit, et je n’ai pas le temps d’attendre le lendemain. Je sors donc sa baguette, pour illuminer les environs, et balayer la surface sur laquelle je me trouve. Comme je m’y attendais, la lumière manquait d’intensité... décidément, entre ma formule d’élasticité et ce Lumos faiblard, mes sortilèges manquent réellement de maîtrise. La forme mouvante que j’aperçois au sol n’est pas celle de Bluebell. Sa manière de se déplacer n’avait rien d’humain, et les membres qui la portent font davantage penser à une créature. Me figeant complètement et retenant ma respiration, je demeure parfaitement silencieux ; ce n’est pas le moment d’attirer l’attention d’une araignée possiblement anthropophage. Un sort de pétrification ne suffira probablement pas à s’en débarrasser, et je n’ai pas suffisamment bonne connaissance de leur comportement pour savoir comment je dois agir. Avant même que j’aie pu prendre une décision, et alors que l’animal entamait un déplacement vers moi, un éclair sorti de la brume vint la neutraliser. C’est alors que je vois émerger une Bluebell qui semblait en bien mauvais état...

Ce n’est pas le moment de lui répéter qu’elle n’aurait pas dû. Bien au contraire, sans son intervention, je serais probablement en train d’attendre mes quelques secondes de vie restantes, le temps que le venin fasse effet, et que mon coeur s’arrête pour de bon. Mais à sa vue, je ressens un important soulagement ; même si elle semble avoir été attaquée, au moins, elle est toujours consciente. « Bluebell, ta jambe… » L’obscurité ne me permet pas de distinguer grand-chose, mais sa démarche indique bien qu’elle a subi des dommages. J’ignore ce que l’acromentule a pu lui faire… Je elle s’avance vers moi, entoure mon bras de ses mains, et je ressens cette nécessité de m’accrocher à elle pour que jamais plus elle ne me lâche. J’entrouvre la bouche, et la reconnaissance, les paroles que je voulais rassurantes s’y perdent ; c’est un ton réprobateur qui prend le dessus : « Où tu étais passée ? Je peux savoirrr ce qui t’a prrris ? En plus d’être folle, tu es donc aussi complètement inconsciente. » lâché-je froidement. La colère n’avait pas disparu ; elle s’était simplement tapie sous la peur de la perdre dans cette forêt. Et maintenant que cette seconde s’était dissipée, j’ouvrais les vannes, sans aucune considération. Se défouler sur elle est peut-être la pire idée qui soit tandis qu’elle nous somme de se dépêcher, honnêtement, je m’en moque. « C’est toi qui as dit que nous devions rrrester ensemble. » l’accusé-je sans ménagement. Cette angoisse au creux de mon ventre, je ne veux plus la ressentir ; je veux l’éradiquer à jamais, et rester maître de ma personne, n’être détourné de mes objectifs sous aucun prétexte. Malgré tout, je préfère la savoir à proximité. Je m’agenouille pour procéder à un examen rapide de sa jambe, sans oser toucher la plaie. « Je ne suis pas cerrrtain de maîtrrriser les sorrrtilèges de guérrrison pourrr le moment. Est-ce que tu peux marrrcher ? » Je préfère être honnête, je n’estime pas bon de tenter une formule de soins sur elle, alors que jusque-là, mes réalisations sont plutôt moyennes. Je pourrais aggraver les choses involontairement, et je refuse de porter le poids de cette responsabilité. Je l’aide donc à se relever, jetant un coup d’œil en arrière… L’araignée n’a pas été éradiquée, elle pourrait très bien nous reprendre en chasse, et nous n’avons pas de temps à perdre. Je me tourne, et ordonne : « Accrrroche-toi ferrrmement à mon dos. On ne reste pas là. » Nous devons quitter les lieux rapidement, et trouver un coin de forêt au sein duquel nous pourrons jeter un œil à sa blessure, accessoirement jeter le sortilège des quatre points. Je ne compte pas attendre que l’acromentule prévienne sa famille de notre arrivée sur leur territoire… J’attends qu’elle se hisse et entoure mes épaules de ses bras, pour faire demi-tour rapidement.

2-3 : Nous parvenons à parcourir une trentaine de mètres sans être inquiétés… Il n’y a plus d’autre bruit que celui du craquement des feuilles sous mes pas. Je m’arrête auprès d’un chêne creux, et dépose Bluebell avec douceur. Je m’adresse à elle à mi-voix : « L’os est-il cassé ? Situe la douleurrr surrr une échelle de zérrro à dix. » Selon sa réponse, nous allons devoir prendre une décision sur la marche à suivre.

1-6 : Je parcours une distance considérable d’un pas rapide, mais un coup d’œil en arrière me fait savoir que l’araignée est toujours à nos trousses. Or, je commence déjà à m’essouffler, et un point de côté se fait ressentir, je ne suis pas habitué aux efforts physiques… « Fais quelque chose, je pense que je ne pourrrrais pas tenirrr bien longtemps. » l’alerté-je, alors que je ralentis progressivement le pas, et qu'une douleur me transperce la poitrine. Si on ne fait rien, on risque de servir de repas à des arachnides…

4-5 : Impossible d’aller plus loin dans cette direction, trois autres acromentules, sensiblement plus grosses, nous bloquent le passage. J’essaie de savoir comment les choses pourraient être pires…

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Elle ne se défend pas. Je m’attendais à la voir pester, m’insulter de tous les noms, prétendre pourvoir s’en sortir seule, mais il n’en est rien : elle se montre docile, s’accroche à moi sans avoir à y redire. Serait-elle devenue raisonnable ? Permettez-moi d’en douter, je pense simplement que notre situation est critique. J’ai beau accélérer le rythme, marcher d’un pas rapide tout en la portant, je me rends bien vite compte que ce n’est pas suffisant... L’araignée est toujours à nos trousses, et cette allure, elle pourra nous rattraper sans trop de problème. Les branchages tranchants m’écorchent les mollets, je suis en sueur sous mon épaisse fourrure, ma respiration se traduit par des halètements irréguliers. Bluebell est étonnamment silencieuse... quelques minutes plus tôt à peine, elle se montrait plus hargneuse à mon égard que nul ne se l’était jamais permis. Sa cheville doit être bien douloureuse, ou son ego en a pris un sérieux coup... je ne compatis pas. Bien sûr, cette blessure n’est pas une bonne nouvelle, mais je suis toujours furieux contre elle ; raison de plus pour la tirer d’affaire rapidement, plus vite elle sera remise, et plus vite je pourrais laisser éclater mon vif ressentiment à son égard. M’orienter dans ce labyrinthe sylvestre est loin d’être une partie de plaisir : le sol est accidenté, souvent pentu, et la seule lueur de nos baguettes ne suffit plus à nous éclairer correctement. Par deux fois, je manque de trébucher sur une souche décharnée, ou de mettre les pieds dans un fossé d’une hauteur qui pourrait mettre nos colonnes vertébrales en miettes. Je ne suis pas idiot, je connais mes limites, et je sais qu’elles sont proches… je respire difficilement, et cette douleur bien connue dans ma poitrine se fait de plus en plus insistante, je dois donc me référer à ma camarade d’infortune ; nous allons devoir ralentir la cadence. J’entends sans voir une déflagration légère, un crépitement, des cris stridents que je devine être ceux de la créature, et sans tourner la tête, je décélère jusqu’à presque m’arrêter. Je me fige pour reprendre mon souffle, et m’adresse à Bluebell, sans la regarder. « Elle est morrrte ? » demandé-je placidement. J’espère que c’est le cas, je n’ai pas le temps pour les considérations animales. Je fais fi de mon point de côté, du poids de ma camarade sur mes lombaires, et du mal qui me déchire la poitrine. A pas réduits, je me dirige vers un chêne qui comporte une ouverture dans son tronc épais, et je dépose doucement la Serpentard à l’intérieur, de manière à nous dissimuler temporairement. Puis, je la rejoins, et m’assois à ses côtés.

« Fais voirrr. » ordonné-je sans sans manière, en prenant la liberté de relever un bout de son pantalon, avec une extrême délicatesse. Avec l’obscurité, je n’y vois pas grand-chose, et ne parviens pas à deviner la nature de la blessure : c’est enflé, rougi, mais quant à savoir s’il faut simplement laisser reposer quelques jours, ou ressouder un os… « Comment tu te sens ? » l’interrogé-je, avant de placer un doigt sur la plaie sans ménagement. Ce n’est pas censé être agréable, mais sa réaction, selon si elle grimace simplement ou gémit douloureusement, m’indiquera la marche à suivre. Je n’ai ni le courage ni l’audace de ces autres Gryffondors, que j’aurais plutôt tendance à qualifier comme étant de la bêtise ; en revanche, je dispose d’un sang-froid à toute épreuve, qui peut me faire traverser les pires situations sans sourciller. « Tu as dit qu’on ne mourrrrait pas avant notrrre rrretourrr au château, et je suis plutôt du genrrre à tenirrr parrrole. Et je ne suis pas encorrre prrêt à libérrrer le monde du farrrdeau que je rrreprrrésente, bécasse. » Ce n’est pas parce qu’elle est mal en point que je compte l’épargner pour ce qu’elle a pu me balancer au visage tout à l’heure. En attendant, je renforce ma détermination, et l’incite à en faire de même. « Quant à toi, tu as intérrrêt à tenirr bon. Tu n’as pas encorrre prrrouvé au monde que la peste n’était pas érrradicable. » Est-ce réellement le bon moment pour les piques ? Je m’en fiche, c’est à moi d’en décider. Puis, je finis par conclure, en la regardant droit dans les yeux : « Et puis, nous n’en n’avons pas encorrre fini. » Et sur ce, je me saisis de ma baguette. Maintenant que la menace n’est plus imminente, j’essaie de visualiser dans quel ordre nous devons procéder.


1-6 :J’ai repris mon souffle, et Bluebell semble avoir repris des couleurs. « Pas la peine de nous attarrrder dans cet état. » Je lance à plusieurs reprises le sortilège des quatre points, jusqu’à obtenir un résultat : ma baguette se stabilise jusqu’à indiquer le chemin qui se trouve derrière nous, et qui devrait logiquement mener au château. « L’Ouest est là-bas. Tu penses que tu peux bouger… ? » Je ne sais pas si elle est seulement en mesure de s’appuyer sur moi ou non, dans tous les cas, nous allons devoir trouver une solution.

2-3 : J’ai parlé trop vite, on dirait. J’ai de grosses difficultés à reprendre mon souffle… Je prends mon pouls, et ce dernier s’est subitement accéléré. « Bluebell, je… » commencé-je, sans parvenir à trouver mes mots pour terminer ma phrase. Rien à faire, mes voies respiratoires sont presque complètement bouchées, je n’ai pas mon traitement à portée de main, et on dirait bien que je suis en train de faire une crise…

4-5 : Je ne sais pas s’il s’agit d’une autre acromentule, mais un nouveau bruit sourd laisse présager que nous ne sommes plus seuls. Et l’ennui, c’est que ça semble se rapprocher progressivement…