Russian Roulette is not the same without a gun ◆ Nikita & Kenneth

Russian Roulette

Keep your poker face

Il y a comme une drôle de tension dans l'air, lorsque nous nous réinstallons à notre table. En examinant le visage sévère de nos trois adversaires, j'ai la quasi-certitude qu'ils complotaient entre eux avant que nous ne franchissions la porte... J'imagine que Nikita et moi ne sommes pas les seuls à avoir décidé d'aborder cette seconde manche avec un plan. Je me saisis de ma main que je consulte longuement... et je constate, en observant le gobelin se dandiner sur sa carte, et le gros rat qui montre ses dents affûtés, que je ne pouvais pas avoir pire main. J'hésite sérieusement à me coucher et à laisser la partie se poursuivre... après tout, j'ai une sacrée avance financière, rien ne me presse à jouer. Seulement, il y a ce plan que nous avons monté avec Nikita... S'il a raison, nous pourrions bien parvenir à dissuader nos adversaires de nous suivre, peu importent les figures sur nos cartes ! Et puis, nous avons remporté la manche précédente avec deux mains tout juste moyennes. Sans conviction, je finis par m'aligner et avancer la mise demandée, espérant que les prochaines cartes révèleront d'autres gobelins. Vient le moment de révéler la prochaine carte, et je regrette instantanément de m'être aventuré sur ce terrain miné en découvrant l'illustration d'un griffon. C'est le sorcier aux cheveux gras et aux sourcils épais qui se prononce en premier, toquant sur la surface de la table... « Check. » lancé-t-il d'une voix morne... Je baisse à nouveau les yeux en direction de mes cartes et suis tenté de l'imiter.

J'entends un bruit sourd qui me fait vivement sursauter à côté de moi... c'est le deuxième verre d'eau glouglousse que j'ai commandé. J'étais si absorbé par le contenu de mes cartes que j'en ai brièvement oublié la réalité et le reste du pub... « Merci, Joe » lui adressé-je, tandis qu'il se déplace ensuite du côté de Nikita pour le servir à son tour. J'attrape ma boisson et me risque à avaler une gorgée... Puis finalement pris d'une soif incontrôlable, j'en bois quatre d'affilée, luttant contre la force de frappe de cet alcool qui m'incendie la trachée. Légèrement enivré, je reprends la confiance et me risque à plonger ma main dans ma bourse : j'en ressors quatre grosses piécettes rondes, que je fais rouler jusqu'au butin central, qui les avale immédiatement. « Je relance de quatre. » Au vu de ma main ridicule, c'est bien plus que ce que je devrais me permettre, même pour du bluff... mais je me dis qu'il est trop tard pour faire marche arrière. Après tout, Nikita a peut-être raison... si nous surenchérissons sans cesse l'un sur l'autre, peut-être allons-nous finir par les dissuader et les forcer à abandonner cette manche. Selwyn me toise longuement, et finit par avancer depuis lui les quatre gallions exigés. Je déglutis silencieusement en réalisant qu'il ne semble pas se laisser berner par notre stratagème... « T’as trop pris la confiance, gamin. Ton père risque de pas aimer qu'on te plume. » Je garde les yeux baissés, imperturbable, luttant contre l'envie de relever les yeux vers Nikita et de tenter de lire dans son regard quelque chose, une lueur, un indice qui saurait me mettre sur la voie à suivre pour quitter cette table avec l'honneur sauf.

Main de Kenneth:

@Nikita N. Yaga

rainmaker

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'Le Hasard' : 1

C’était sans doute un peu bête, mais à cet instant, remporter cette partie de poker était comme devenu sa priorité numéro dans la vie. Il y avait tellement de choses en jeu qu’il en perdait le fil et dans le lot celle de ne pas passer pour l’abruti qui avait proposé à son camarade une stratégie perdante était sans conteste la plus importante. Cela foutrait sans aucun doute en l’air ses chances de se rapprocher du jeune homme pour un moment s’il lui faisait perdre toute sa mise, mais surtout il n’avait pas envie que Kenneth s’imagine qu’il était nul. Le Poufsouffle semblait tellement à son aise au milieu de ces trois brutes que le faire perdre maintenant aurait clairement un parfum de sabotage.

Complétement focalisé sur la partie, il sentit une sueur froide lui parcourir le dos lorsque l’un des types – le dénommé Serwyn – retourna un Griffon. Ne pas paniquer, c’était le plus important. A Koldovstoretz, il s’était quelque fois retrouvé dans des situations mettant à l’épreuve son sang froid et ses enseignants étaient formels : ne pas paniquer était crucial, garder l'esprit clair. Et pourtant, il avait là tout de suite une furieuse envie de s’éponger le front, l’imaginant brillant de stress. Mais cela attirerait définitivement trop l’attention, il fallait rester le plus impassible possible pour que le bluff fonctionne. Demeurer de marbre, imperturbable. Normalement c’était dans ses cordes.

Lorsque le premier des trois types annonça soudain qu’il se couchait, Nikita ne pu retenir un regard brillant vers lui. Oh, il l’aurait embrassé pour ça ! Enfin, pas littéralement, bien entendu. La stratégie fonctionnait, elle allait fonctionner, c’était obligé ! Plus que deux, et il n’aurait qu’à se coucher à son tour, laisser gagner Kenneth – avec sa main il ne pouvait pas vraiment espérer l’emporter en son nom maintenant – et prétexter avoir trop compté sur les cartes du milieu, s’être laissé emporter par la fièvre du jeu, l’alcool peut-être ?

Comme s'il avait pu entendre ses pensées, Joe le barman se présenta avec de nouvelles boissons alors que le tour se poursuivait. Après avoir servi Kenneth, il avisa Nikita, et son premier verre sur la table, bu seulement à moitié.

- L’est pas bonne ma glouglousse ? demanda-t-il d’un air suspicieux et le jeune homme se sentit rougir.

- Heu, oui oui. Très bonne.

Et pour donner le change, il attrapa le verre un peu vite, manquant de le renverser.

- Va pas en plus me cochonner la table !

Le Russe hocha la tête et entreprit de siffler le fond du verre d’un coup. Sa gorge était en feu et quand il reposa le gobelet vide, il avait les yeux brillants d’humidité, et la tête qui lui tournait un peu. Joe sembla satisfait, hocha la tête à son tour, et déposa la seconde tournée devant lui, que Nikita fixa d’un air malheureux. Il n’avait plus qu’une envie maintenant, filer d’ici…

De l’autre côté de la table, Kenneth venait de relancer de quatre gallion. C’était une sacrée somme, surtout pour des types dont les manteaux puaient autant, et Nikita pria secrètement tous les saints de sa mère que les deux autres se couchent. Mais le dénommé Serwyn ne semblait pas décidé à se laisser impressionner. Au prochain tour, sans doute, ce serait au prochain tour qu’il se coucherait.

L’œsophage lui brûlait toujours, mais l’espèce de malaise qu’il avait ressenti en vidant le fond de son verre cul sec semblait petit à petit se dissiper, laissant place à une chaleur plutôt agréable. Lucide, Nikita constata qu’il était pris par l’ivresse et entreprit de calmer sa respiration.

Au milieu de la table, on venait de révéler un dragon. Le jeune homme fut pris d’une nouvelle suée et papillonna. Le mélange d’alcool et de cigare lui troublait un peu la tête, à moins que ce ne soit le stress.

- Tu bois plus petit ? demanda cruellement son voisin de droite, qui sentait fort la bière.

- Après. D’abord je relance de cinq.

C’était une course en avant, à présent, il le savait. Saisissant son second verre, il y préleva une infime gorgée pour donner le change, et le reposa délicatement, usant de toute sa concentration pour ne pas laisser quelque tremblement de la main le trahir.

Le type qui puait la bière eut une grimace. Avait-il seulement cinq gallions sur lui ? On pouvait en douter. L’homme se lécha les lèvres, sortit de sa poche trois gallions qu’il déposa un par un dans la bourse, les faisant distinctement tinter, puis se tapota le torse.

- Et mon manteau.

Serwyn ricana. « Vaut pas quatre mornilles ton manteau ! »

- Mon manteau aux cent-milles poches ? Ferme ta gueule Serwyn, vaut sacrément plus que tu crois.

Et disant cela, il foudroya du regard les deux adolescents, les mettant au défi de contester son prix. Serwyn haussa les épaules et Nikita enfouit son nez dans ses cartes. Il n’était pas là pour faire esclandre, bien qu’un léger doute le prit en songeant que ces deux-là auraient très bien pu s’entendre à l’avance pour surévaluer le prix de leurs affaires. Si Serwyn prétendait dans deux minutes que ses boutons de manchette valaient dix gallions chacun, Nikita n’était pas sûr d’avoir envie d’en discuter avec lui. Dès lors, c’était bien Kenneth et lui qui risquaient de se trouver bientôt à court de liquidité.

HRP:

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Keep your poker face

C’est un cauchemar. Un dragon, sérieusement… ? Si cela avait été une fée ou un mage, j’aurais pu espérer une suite… Mais là, j’en ai la certitude absolue, il ne sortira rien de bon de ce mauvais jeu, on dirait que la chance a tourné. J’espérais au moins que le plan de Nikita fonctionnerait, et que devant nos hautes mises, nos adversaires renonceraient… Manque de chance, ces derniers s’acharnent et maintiennent leur position. Je lève les yeux vers mon acolyte, espérant à nouveau capter à travers son air imperturbable un signe qui saurait me mettre sur la voie… mais je n’obtiens rien de sa part. J’entrevois seulement la volonté qu’il a de poursuivre en relançant constamment, comme pour provoquer nos adversaires… Légèrement mis à mal par la tournure des événements, je me hâte de boire l’eau férocement alcoolisée que Joe nous a servie, comme pour espérer qu’elle me ragaillardise d’un boost de confiance. La main dans la bourse en cuir qui contient mon butin personnel, je me rends compte au faible tintement qui se fait entendre que le trésor que nous avons amassé lors de la première manche a presque intégralement était utilisé…

Il est de plus en plus risqué pour moi de suivre sans limite et de surenchérir constamment. La dernière mise annoncée par Nikita manque de me tirer une grimace… Et le pire, c’est qu’elle ne suffit même pas à dissuader Selwyn et sa bande. L’un d’entre eux s’est couché, mais les deux autres, même à sec, tentent de faire tapis, quitte à proposer des biens plus personnels… Lorsque c’est enfin à mon tour de m’exprimer, je dépose sur la table les pièces dorées attendues. « Je suis. Trois gallions et… » Méticuleusement, j’entreprends de dénouer la cravate aux teintes jaunes et noires qui m’enserre le cou, et de déboutonner ma chemise blanche d’uniforme jusqu’en bas, jusqu’à finalement la retirer, dévoilant un torse presque imberbe et hélas trop peu musclé pour impressionner qui que ce soit. Les aléas d’une constitution chétive… « D’accord, si on joue avec les fringues alors je mets ma chemise et ma cravate. » Sans pudeur, je finis par tendre ma mise jusqu’à la bourse qui se hâte de les avaler goulûment, me retrouvant ainsi à moitié nu. Il n’est pas rare de retrouver des sorciers dévêtus dans la Tête de Sanglier, en revanche le retour à l’école sera un brin plus humiliant… Devant l’air sceptique de mes adversaires et le ricanement moqueur laissé échappé par l’un d’entre eux, je hausse les épaules. « Elles ont pas cent mille poches, mais les uniformes de Poudlard se revendent bien sur le marché noir, vous devriez le savoir. » De toute façon, je n’ai jamais été un grand fan du style vestimentaire imposé par l’école… Il faut bien leur reconnaître que malgré leur côté très cérémonial que nous donnent ces fringues, elles sont de bonne manufacture. L’ennui, c’est que j’ai déjà perdu ma tenue d’uniforme au poker l’an dernier, et que les vêtements que je porte aujourd’hui sont déjà mes habits de rechange. Ce qui signifie que si je perds cette manche, je n’aurais rien à me mettre sur le dos demain, à part peut-être ma robe de sorcier, en attendant de pouvoir retourner chez Gaichiffon… Ça y est, j’en ai la certitude absolue : mon père va me tuer. Enfin… s’il l’apprend, n’est-ce pas ? Je n’aurais qu’à lui raconter que comme Dash, j’ai été attaqué par un hippogriffe qui a réduit ma chemise en lambeaux, et l’affaire sera classée sans suite. Je regarde à nouveau mes cartes, composées d’un malheureux gobelin et d’un rat minable, qui au vu des dernières sorties, ne pourront prétendre à rien de mieux qu’une mauvaise paire, dans le meilleur des cas… Bon sang, j’espère que Nikita a de quoi relever le niveau déplorable de mes cartes… Mais au vu de l’empressement avec lequel il relance, j’ai envie de croire qu’il dissimule, comme tout à l’heure, un vrai bon jeu qui saura me sortir de ce mauvais pas.

Main de Kenneth:

@Nikita N. Yaga

rainmaker

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'Le Hasard' : 3

Ne rien laisser lire de soi était l’enjeu principal du poker, et d’autant plus lorsque toute votre stratégie reposait sur du bluff. Nikita n’aurait assurément pas demandé mieux que d’envoyer un signe à Kenneth, tenter de revoir silencieusement leur stratégie, mais si l’un de leurs adversaires captait le manège, ils étaient cuits. Aussi se contenta-t-il d’arborer son masque de neutralité, et d’éviter de croiser le regard des autres joueurs, et même plus globalement de faire des gestes brusques, de peur de se trahir par une esquisse de tremblement. L’alcool n’aidait pas non plus beaucoup à se concentrer, constata-t-il, il avait été idiot de finir son verre aussi rapidement.

Lui venait de renchérir, espérant pousser les deux autres à se coucher, mais l’homme à se droite, celui qui sentait la bière, préféra ajouter son manteau comme mise, l’estimant visiblement à deux gallions. Nikita n’en aurait pas donné trois copecks mais il ne se sentait pas de taille à batailler chiffon, d’autant que doutant de sa capacité à l’emporter, ce serait faire démonstration de sa fébrilité.
Il reporta son regard sur Kenneth, de l’autre côté de la table. Ce-dernier se garda bien de laisser entrevoir quoi que ce soit à son état d’esprit et, à la surprise du jeune homme, entreprit de dénouer sa cravate.

Avec tout ça, il avait presque oublié cette histoire de fringues et si l’idée, dans un autre contexte, lui aurait sans doute paru amusante, voire excitante, elle l’était beaucoup moins dans un endroit aussi sale et glauque que la tête de sanglier. Serwyn et ses copains ne ressemblaient d’ailleurs en rien à des compagnons de jeu idéals, pour ce type d’exercice. Le jeune homme se mordit l’intérieur de la joue, suivant comme hypnotisé les mouvements de son camarade qui s’attelait maintenant à déboutonner sa chemise. Celle-ci fut avalée dans un bruit goulu par la bourse au centre de la taille, et le Poufsouffle se retrouva torse-nu, non sans s’attirer quelques ricanements de la part des autres joueurs.

L’idée qu’il puisse exister un marché noir des uniformes scolaires laissa Nikita quelque peu circonspect. Ce qui l’impressionnait d’avantage était le sang-froid de Kenneth. Il faisait – encore une fois – la démonstration de sa nonchalance, parvenant à tenir tête à trois sorciers adultes et mal disposés, alors même qu’il venait de se déshabiller à moitié devant eux.

C'était maintenant au tour de Selwyn de renchérir.

Explications des dés:

L'homme hésita quelques secondes, non sans darder sur la table un regard suspicieux.

- C'est du bluff, grogna-t-il à nouveau, mais Nikita sentit qu'il n'en était peut-être pas si sûr que ça. Pour la première fois depuis quelques minutes, il espéra un espoir, mais celui-ci fut douché lorsque, d'un air mauvais, Selwyn décrocha de son manteau une broche en or. Elle représentait une sorte de scarabée et le Gryffondor eut l'impression que les ailes de ce-dernier venaient de frétiller.

- Je retourne, enchaîna-t-il.

Nikita observa avec appréhension son vif mouvement de la main révélant une fée. Voilà, c'était plié. Il n'avait aucune paire, et littéralement la pire main possible. Si Kenneth n'avait pas mieux et si les autres ne se couchaient pas, il perdait dans tous les cas.

- A toi, ruskov.

La remarque le prit au dépourvu. Se coucher maintenant ? Tout lui criait de le faire, mais il y avait Kenneth en face, et le jeune homme ne venait-il pas de mettre sa chemise en gage, sur un plan de son invention ? Nikita pouvait-il vraiment lui planter un couteau dans le dos maintenant ? N'était-ce pas l'abandonner en rase campagne alors que le jeune homme venait de lui faire confiance.

- Je... il faillit hésiter. Il ne pouvait pas se le permettre. S'il donnait l'impression de ne pas être certain de sa main, jamais les deux autres ne se coucheraient, et il abandonnait du même coup son unique chance de victoire. Je relance.

Il sortit sa bourse, il n'y restait qu'un seul gallion, qu'il déposa sur la table. Penser rationnellement, ne pas perdre son sang-froid. Écraser l'ennemi, le sidérer par une stratégie imprévue. Voilà l'art de la guerre.

- D'un gallion, d'une chemise, d'une cravate et d'une paire de chaussure.

Il avisa les autres joueurs, mettant au défi quiconque de contester son prix. Kenneth ne plaisantait pas quand il parlait de jouer avec les fringues, soit. Si c'était le prix pour donner à ses adversaires la preuve qu'il ne plaisantait pas. Il espérait simplement très fort que ce tour serait le dernier et qu'il n'aurait pas à rajouter pantalon et sous-vêtements au prochain.

Ses mouvements lui semblaient comme ralentis lorsqu'il se plia pour retirer sa première chaussure, puis la seconde, et les poser sur la table. Peut-être était-ce la faute à l'alcool, ou à l'adrénaline, ou aux deux. Sans trainer, il se débarrassa également de sa cravate et de sa chemise et les regarda disparaitre dans la bouche de la mise, au milieu de la table. Un courant d'air frais lui hérissa la chaire de poule, mais un soldat russe ne craignait pas le froid et il retrouva courage en plantant son regard dans celui de l'homme qui sentait la bière, d'un air mortellement grave.

A voir s'il aurait le cran de surenchérir.

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#1 'Le Hasard' : 6, 1

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#2 'Le Hasard' : 4, 5

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#3 'Le Hasard' : 1

Russian Roulette

Keep your poker face

Je pensais que Nikita se dégonflerait. Après tout, même avec la coquette somme que nous avons conjointement remportée tout à l’heure, je sais qu’il n’a plus assez pour continuer de leur tenir tête. Et moi non plus, à vrai dire… Mais finalement, il ne se laisse pas démonter, se délestant de quelques uns de ses habits. J’observe sans pudeur la manière soignée avec laquelle il défait son noeud de cravate et avec quel soin il retire sa chemise, laissant son torse apparent. Je relève les yeux vers mon camarade, lui adressant un regard sincèrement admiratif. Et moi qui l’avais pris pour une lavette… Cette partie est en train de me prouver que ma première impression à son sujet était bien faussée. « Eeeeh, Nicky, mon pote, t’as pas froid aux yeux. » Je suis tenté d’ajouter un sifflement vulgaire digne d’une foire de quartier, mais la tension qui règne encore à cette table étouffe finalement mes plaisanteries de mauvais goûts. C’est au dernier de nos adversaires d’annoncer… Sourcils froncés, concentré sur la dernière carte qui tarde à être révélée, il trépigne, si bien que je sens sa jambe s’agiter frénétiquement sous la table. « Moi, je mets mes bottes silencieuses et ma broche dissuasive. » déclare-t-il en retirant finalement ses chausses, ainsi que le bijou qu’il porte au torse, fixé à sa cape, représentant un drôle de serpent. La bourse avale cette dernière mise avec un déglutissement sonore et il est à présent temps de révéler la dernière carte. J’avais un dernier espoir d’obtenir au moins une paire, mais il vient de s’éteindre en découvrant la carte à l’effigie d’une fée… Si j’étais bien content de la voir une manche plus tôt, là je suis franchement désespéré et tenté de me retirer de cette partie. Mais alors que j’étais prêt à laisser tomber, c’est finalement l’homme qui à l’haleine pestilentielle qui s’exprime le premier : « Je m’couche. » finit-il par annoncer. Peu de temps après, il est imité par Selwyn, ce qui manque de me combler de joie. « Pareil. » Sérieusement ? On dirait que ce n’est pas un rêve, et qu’il n’y a plus que Nikita et moi dans la partie. Il l’emportera probablement sur moi, mais je m’en fous, au moins nous n’aurons rien eu à offrir à ces sales types ! L’espoir renaît, on dirait bien… Je croyais la défaite assurée, mais peut-être que j’aurais finalement le droit de rentrer avec une chemise sur le dos.

Mais je ne suis visiblement pas au bout de mes surprises… En découvrant le jeu de mon camarade, je suis incapable de me contenir. Qui aurait pu prévoir une telle issue… ? Il a encore un jeu parfaitement similaire au mien. Et qui plus est, nous gagnons à nouveau ! Je me redresse aussitôt, m’exclamant avec enthousiasme : « C’est sérieux ? J’le crois pas ! C’est complètement dingue ! » Je suis complètement euphorique, et mon visage le laisse transparaître. On a baisé ces types avec le pire jeu possible… J’arrive pas à croire que Nikita ait osé leur tenir tête avec une main aussi minable… enfin, j’ai bien fait la même chose, après tout… ! Mais cela me confirme que ce gars est un vrai fêlé. Incapable de dissimuler davantage mon air de jubilation, j’abaisse à mon tour mes deux cartes, présentant à l’assemblée mon gobelin à l’allure ridicule et mon rat qui couine pitoyablement. Fier comme un paon, j’attire à moi la bourse qui contient tous nos gains : on se répartira le trésor une fois qu’on aura regagné le château, on pourrait bien se faire détrousser dans le coin. « Allez, merci pour le butin et pour vos fringues les gars, on en prendra grand soin. » ne puis-je m’empêcher de leur lancer, trop heureux de pouvoir les narguer et ignorant les menaces proférées à notre encontre un peu plus tôt. Selwyn se lève si précipitamment qu’il manque de renverser la table, les mains tremblantes et un index accusateur pointé dans ma direction. Son visage se tord en une grimace déformée par la haine et la veine sur sa tempe semble prête à exploser. D’une voix persiflante, il me susurre : « Espèce de petit fils de pute, tu perds rien pour attendre. » J’ai un mouvement de recul quasiment instantané : cette fois, il me file véritablement les jetons… Mon assurance se dissipe rapidement, et je m’empresse de me revêtir de ma chemise, balançant la sienne à Nikita ainsi que sa cravate pour qu’il en fasse de même. J’arbore un sourire de façade pour donner le change, mais au vu de l’expression arborée par nos adversaires, mon instinct me dicte de décamper le plus vite possible…

Aussi, dès lors que nous sommes rhabillés, j’attrape le bras de mon acolyte, l’entraînant vers la sortie. Le temps d’un instant, je crains une réaction de leur part… mais rien ne vient. C’est bien ce que je disais, que de la gueule ! Lorsque nous sommes au niveau du comptoir, à seulement quelques mètres de la porte, je me retourne en direction de Nikita : « T’as vu leur tronche ? J’suis mort, sérieux. Si le seum avait un visage, ça serait le leur, c’est sûr ! » m’exclamé-je, peut-être un peu trop fort. L’éclair rougeoyant qui zèbre l’air pour finir sa course sur le dos de mon camarade me donne évidemment tort… Tout se passe en un instant, si bien que je n’ai pas le temps de voir Selwyn, l’air furieux, le bras tendu, baguette pointée dans notre direction. « Diffindo ! » a-t-il hurlé avec une soif inextinguible de revanche, et une envie véritable de nous causer une douleur vive. Je demeure quelques instants sans savoir comment réagir, légèrement tétanisé par ce qui vient de se produire, si bien que le seul son que ma bouche laisse échapper ressemble à un misérable : « Eh ! » Je vois grossir à travers le tissu blanc de la chemise de Nikita une grosse tache rougeoyante… Ça, ce n’était pas prévu. « Oh merde, Nicky, ça va… ? » m’enquis-je, tout en jetant un regard nerveux aux trois énergumènes qui nous menacent, tous trois la baguette brandie. Heureusement, Joe intervient depuis le comptoir, tout en continuant d’essuyer les chopes qu’il vient de laver. « Pas de ça dans mon bar, Selwyn. Tu laisses le gamin, pigé ? » ordonne-t-il d’une voix calme… Après quelques instants d’hésitation, l’homme s’exécute, baissant son bras armé sans se départir de son regard haineux. Je dois une fière chandelle à Joe… Je laisserais un gros pourboire, lors de ma prochaine venue. « Connards » lâché-je à mi-voix en direction du groupe formé par les trois hommes, espérant toutefois qu’ils ne m’entendraient pas. Courageux, mais pas téméraire… J’ai le sentiment que si je continue à ouvrir ma grande bouche, je serais le prochain balafré. Alors sans tarder, je me tourne vers mon camarade, dont la blessure semble s’être bien étendue… La tache sanguinolente sur le dos de sa chemise continue de s’étendre, se propageant sur les fibres de coton. « Putain, tu pisses le sang, mon vieux… faut qu’on dégage de là et qu’on t’amène à l’infirmerie. » fis-je remarquer en passant mon bras sur son épaule, veillant à ne pas toucher la plaie. Cet incident ternit quelque peu notre victoire, mais maintenant, la priorité, c’est de rentrer au château sans subir davantage de dégâts. Si mon père apprend ce qui s’est passé, c’est sûr, il va me passer un savon !

@Nikita N. Yaga

rainmaker

Les choses semblèrent se jouer très vite. Il y eut une vague d’enchères supplémentaires où Nikita cru qu’il allait décéder de tensions, écoutant à peine les autres joueurs énoncer leur mise, le regard dans le vide, focalisé sur le fait de ne rien laisser transparaître de son stress et parce qu’il avait un peu froid sans sa chemise. Il n’avait pas du tout prévu de se retrouver dans une situation aussi calamiteuse. Koldovstoretz l’avait formé à serrer les dents en rampant dans la boue, à escalader des murs de cordes et à pénétrer les esprits mal protégés, mais jouer au poker, non, pas vraiment.
En fait, même le ton amusé de Kenneth ne réussit pas à dissiper la chape de nervosité qui semblait l’avoir recouvert comme une seconde peau. Tout juste réussit-il à adresser un sourire bizarre au Poufsouffle avant de retourner se plonger dans ses cartes. Une petite voix dans sa tête lui souffle bien que les choses se déroulent comme il faut, que Kenneth est impressionné, qu’il ne s’est pas dégonflé, l’imminence de l’échec balaie cruellement tous ses succès. La perspective d’avoir embarqué le Poufsouffle dans un guêpier l’annihile complétement, en enterre par avance toutes ses prochaines tentatives de se rapprocher de lui. Que dira son père ? Que va dire le Kot Baioun ?

Et puis soudain…

- J’me couche.

- Pareil.

Le temps est suspendu. Nikita croise le regard de Kenneth qui a lui aussi les yeux ronds. Du coin de l’œil, il voit également des sourcils se froncer, qui semblent immédiatement regretter leur décision. Si loin, pour se faire avoir par un coup de bluff ? Il semble pourtant bien que leur décision de tomber la chemise ait eut raison de la détermination des deux autres. La perspective de surenchérir encore par-dessus ne semblait pas en valoir la peine.

Irrépressible, un sourire se forme sur le visage du garçon alors qu’il révèle machinalement ses cartes.

Le poing de Selwyn se crispe sur le table, mais la réaction euphorique de Kenneth prend le pas sur toutes les autres. C’est vrai que la main du Russe n’est pas fameuse, et qu’il comptait un peu sur son camarade pour sauver la partie. Qu’il a sûrement gagné d’ailleurs sauf que…

C’est cette fois au tour de Nikita de laisser échapper un bref éclat de rire, qu’il ravale presque aussitôt, pudiquement, mais ne pouvant s’empêcher d’afficher un sourire qui lui monte aux oreilles. Ils ont la même main, pour la seconde fois de suite. La même putain de main. La même pire main possible. Et ils viennent de l’emporter malgré tout.

- Un miracle, trouve-t-il seulement à rajouter face à l’hilarité de Kenneth. Et secrètement, le Russe ne regrette pas d’avoir gardé sa petite croix en poche. Peut-être faut-il voir là-dedans une intervention du Saint Esprit ? Ou de Sainte Thérèse d'Avila qu’il remercie silencieusement.

Les trois hommes, eux, semblent moins de cet avis.

- Z’ont triché Selwyn, grommelle celui qui sent la bière, et ne semble pas très heureux d’avoir perdu son manteau.

- Deux fois la même main, ça existe pas. Y a un tour là-dessous.

Kenneth ne semble pas en prendre ombrage et fanfaronnant comme un paon, récupère la bourse qui recrache leurs affaires. Nikita fit main basse sur sa chemise et ses chaussures non sans soulagement, et non sans garder du coin de l’œil les trois hommes qui ruminaient leur défaite. Selwyn semblait prêt à exploser.

Aussi brève avait été l’euphorie de la victoire – et elle se trouvait encore là au fond de lui – la tension de la partie n’en avait pas pour autant disparu et partagé entre excitation et fébrilité, le jeune homme porta sa main à sa baguette par réflexe.
Lui tournant le dos, ce fut contre Kenneth que Selwyn pointa l’indexe.

- Espèce de petit fils de pute, tu perds rien pour attendre.

Le Poufsouffle parut enfin prendre conscience du danger et, avec une grimace, eut un mouvement de recul, et rafla ses affaires avant de se lever. Nikita suivit le mouvement, achevant d’enfiler sa chemise à moitié boutonnée. Il serait heureux de revenir sur leur victoire une fois l’établissement derrière eux, et Kenneth semblait heureusement du même avis.
Sans demander son reste, il se dirigea vers la porte, laissant les trois hommes derrière eux et Nikita lui emboîta le pas jusqu’au comptoir, à proximité de la sortie.

- T’as vu leur tronche ? J’suis mort, sérieux. Si le seum avait un visage, ça serait le leur, c’est sûr !

Il s’autorisa un sourire. Ce n’était pas encore le moment de se détendre, mais oui, la victoire était d’autant plus jouissive qu’elle avait le goût du danger et des périls surmontés. Par contre il ne savait pas ce que voulait dire « seum » mais imaginait assez bien.

- C’est une victoire magistrale.

Il allait pousser son ami vers la sortie pour débriefer à l’extérieur – et achever de reboutonner sa chemise et de faire ses lacets par la même occasion lorsqu’une formule inconnue retentit dans son dos, immédiatement suivie d’une violente douleur entre les omoplates. Pris par surprise, il tenta un instant de tenir bon, jusqu’à ce que l’information parvienne à son cerveau et de le faire s’effondrer sur le sol. A peine entendit-il le patron gronder quelque chose.

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1 ; 2 = c'est profond, ça saigne bien et ça fait mal, mais un sortilège et du repos suffiront à faire disparaitre tout ça
➤ 3 ; 4 = la blessure est préoccupante et il est clair qu'ils n'atteindront pas Poudlard, on est bon pour une cicatrice et un incident diplomatique
5 = la blessure est très préoccupante et il va falloir trouver de l'aide sans tarder où la santé de Nikita pourrait être sérieusement mise en danger
6 = ok c'est vraiment grave, non seulement il faut traiter ça en urgence, mais on est bon pour une sacrée convalescence
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Le sang lui imbibait l'arrière du dos de la chemise, il pouvait la sentir coller autour de la blessure qui lui faisait un mal de chien. Flageolant mais shooté d'adrénaline, il se laissa remettre sur ses pieds et fit quelques pas au dehors du pub, soutenu par Kenneth. Les paroles de ce derniers semblaient lui parvenir comme à travers un filtre, vaguement irréelles. Dans la tête du jeune homme, plusieurs mécanismes se mettaient en place successivement. D'une part, le constat froid qu'il était blessé, et assez sérieusement. D'autre part, un élan de panique, immédiatement combattu par quelques réflexes martiaux qu'il avait conservé de Koldovstoretz.

- L'infirmerie, confirma-t-il. Ne pas laisser les choses au hasard, il avait besoin de soins, c'était évident et devait focaliser son attention là-dessus. On verrait pour paniquer plus tard.

- Tu sais transplaner ?

Réfléchir l'aidait à garder la douleur lointaine. Évidement il y avait toujours le risque de se désartibuler, mais mieux valait le courir que de se vider de son sang dans la rue. Lui ne maîtrisait pas cette magie, mais Kenneth était un an plus âgé alors peut-être ?

Il tapota l'épaule de son camarade pour attirer son attention, il avait besoin de focus sur quelque chose, de reprendre la situation en main. Nikita détestait ne pas contrôler son environnement.

- Des soins ici. Dictame ? Episkey ? Envoie un message...

... il avait faillit dire "au Kot Baioun" mais se retint. Le domovoï était un meilleur choix, ou un elfe peut-être ? mais il ignorait comment les appeler.

- ... elfe, ou au domovoï, tu peux faire du feu ?

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'Le Hasard' : 3

Russian Roulette

Keep your poker face

On n'a même pas le temps de se réjouir de notre victoire aux cartes que la bande à Selwyn se la joue mauvais perdants, et décide de nous faire payer notre bonne fortune avec un sortilège lancé en traître. C'est Nicky qui joue de malchance cette fois, et qui se fait toucher dans le dos... Et si j'ai quelques sueurs froides en voyant sa blessure dégouliner d'un sang épais, Joe calme immédiatement nos adversaires, les empêchant de tirer profit de la situation. Le moment est bien choisi pour s'éclipser hors du pub, ce que je m'empresse de faire, soutenant mon camarade par l'épaule. Franchir cette porte sans un mot et disparaître au dehors en emportant Nikita avec moi pour aller chercher de l'aide aurait certainement été la solution la plus sage, néanmoins je ne peux me retenir de me retourner une dernière dans la direction de ces malfrats, leur adressant d'une voix forte. « Profitez bien de vos baguettes les gars, quand vous serez convoqués au Magenmagot pour agression sur mineur elles seront probablement détruites ! » Je vois Selwyn, vert de rage, prêt à se saisir de sa baguette à nouveau, avant que Joe ne le calme d'un geste et ne me fusille du regard. Les dents serrées, en posture de médiateur, il me lance sèchement : « Appleton, c’est pas le moment de faire le malin. Sors ton ami de mon bar et allez le rafistoler quelque part. » Je finis par abdiquer et pousser le battant de la porte, emmenant mon acolyte blessé.

C'est mauvais signe, il tremble et la tache rougeoyante dans le dos de sa chemise ne cesse de s'étendre. Bonjour les problèmes... Je n'ai même pas le droit d'être à Pré-au-Lard ! J'imagine déjà la scène, si mon père a vent de cet incident je suis bon pour l'engueulade de ma vie. Et dire que pour une fois, c'est même pas de ma faute, on voulait juste se marrer un peu... ! Nikita n'a pas tort, il vaudrait mieux qu'il rejoigne directement l'infirmerie. Mais comment... ? J’ai une pensée émue pour ce fameux soir l’an dernier où j’avais tenté de transplaner entre Cricklewood Square et le manoir des Rowle : c’était un échec magistral, un de mes coudes s’était inversé avec mon genou gauche, ce qui m’avait valu une horrible nuit à hurler de douleur à Sainte-Mangouste. « Euuuuuh, j’ai essayé, une fois, mais pas sûr que tu kiffes. » Surtout dans l’état dans lequel il se trouve… Le moment est probablement mal venu pour les expériences, sans permis de transplanage en poche. Je lui fais signe en direction du banc en pierre qui se trouve sous le panneau indiquant la place centrale de Pré-au-Lard, et l'aide à s'y installer... Bordel, j'ai du sang partout sur les mains, on se croirait dans un épisode de "Les Morts-vivants sont de sortie".

Lorsqu'il me suggère de faire appel à un sortilège, je suis là aussi un peu sceptique... soigner, c'est pas mon fort. J’attrape ma baguette sans conviction et la fait rouler entre mon pouce et mon index et me demande quand est-ce que j'ai pour la dernière fois utilisé une formule de soins… Je marmonne un Epiksey qui ne donne rien, ma baguette crache seulement quelques étincelles mourrantes. Il se trouve que je n'ai jamais été un as en sortilèges, et mes incantations qui réussissent le mieux sont celles qui ont vocation à détruire... Or, on se trouve déjà dans de sales draps, et si je commence à me la jouer apprenti médecin, c'est ma mère qui va me saigner à blanc. « C’est quoi, "domovoï" ? » demandé-je, sans comprendre à quoi il pouvait bien faire allusion. Je réfléchis encore quelques secondes, conscient que je ne peux tout de même pas le laisser comme ça alors qu'on commence à devenir potes. Je me passe une main sur le front, soupirant. « Ok ok, on va faire plus simple. » lancé-je finalement en fouillant dans ma bourse extensible, sûr et certain que j'avais du y laisser une plume et un demi-rouleau de parchemin quelque part... C'est un capharnaüm sans nom, là dedans : mes mains rencontrent des boîtes à flemme, des pendus réutilisables, des pages du catalogue de lingerie féminine, des documents comportant la fausse signature de mes parents que je me complais à utiliser dès que j'en ai besoin... Il y a même encore le bocal de cafards morts que je comptais déposer dans le chaudron de Jørgensen pour lui flanquer la trouille de sa vie. Et enfin, je finis par sortir, glorieux, mon nécessaire à courrier, défroissant un peu le papier pour y rédiger à toute allure :

Ohé, m’sieur Veturia, vous pouvez venir nous filer un coup de main à Pré-au-Lard ? Des types en noir ont agressé mon pote sans aucune raison près de la Tête de Sanglier, il douille sévère là.

Kenneth Appleton

Une fois ma missive écrite, je l'ensorcelle d'un coup de baguette pour qu'elle se plie en un petit avion, qui fonce à toute allure rencontrer son destinataire. A défaut de maîtriser les sorts de soins, je gère au moins ce genre de formules, dont il ne faut pas sous-estimer l'aspecte pratique... On n'a plus qu'à attendre que le concierge vienne nous filer un coup de main : je commence à bien le connaître à force de l'avoir croisé en retenue, et je préfère autant avoir affaire à lui qu'à un prof trop soupçonneux qui nous assommera de questions. Si j'ai un peu de chance, il ne demandera pas à voir mon autorisation de sortie signée... « Voilà. Par contre, vaut mieux que tu dises rien pour le poker, sinon bonjour les problèmes. » lancé-je à l'adresse de mon acolyte, l'index sur mes lèvres. Autant j'ai envie qu'on lui recouse cette vilaine plaie le plus vite possible, encore je préfère que ça reste entre lui et moi.

@Nikita N. Yaga
@Septimus Veturia

Hors-jeu:

rainmaker

♝

( If I go there will be trouble
And if I stay it would be double
So come on and let me know )

Les sorties à Pré-au-Lard étaient toujours l’occasion pour le personnel de souffler un peu. Les élèves s’y précipitaient sans se poser de questions pour la plupart – ceux qui restaient étaient en règle générale calmes ; des étudiants studieux, solitaires ou punis (et par conséquent éloignés de leurs petits camarades chahuteurs). Aussi Septimus se plaisait-il à consacrer ce temps à ses animaux adorés. Après tout, il avait le droit à quelques week-ends calmes, lui aussi. Occupé à feuilleter le dernier numéro du Point vétérinaire consacré à la thérapeutique médicale chez le lapin de compagnie – un magazine moldu français qu’il faisait importer (en réalité, c’était en grande partie pour l’avance vétérinaire des Français par rapport aux Britanniques qu’il s’était mis à apprendre cette langue) –, il se trouvait assis sur le parquet, adossé contre un mur de sa chambre ; ses deux longues jambes étaient dépliées devant lui, occupées à servir de coussin à deux lapins nains en pleine sieste. Pensivement, le concierge leur donnait quelques caresses entre deux pages, provoquant des craquètements de dents appréciateurs. C’était vraiment un après-midi agréable.

Enfin, jusqu’à ce qu’un avion en papier n’atterrisse entre les pages consacrées aux particularités oto-rhino-laryngologiques du lapin de compagnie. Haussant un sourcil, le concierge le déplia sans hâte ; provoquant l’inévitable levée du second sourcil.

Ohé, m’sieur Veturia, vous pouvez venir nous filer un coup de main à Pré-au-Lard ? Des types en noir ont agressé mon pote sans aucune raison près de la Tête de Sanglier, il douille sévère là.

Kenneth Appleton

Un soupir franchit le barrage de ses lèvres, tandis qu’il rangeait son magazine et repoussait gentiment ses animaux de compagnie d’une caresse appuyée.

— Ah, Kenneth… Des types en noir…

Vraisemblablement, le jeune homme avait regardé trop de films d’action. Il hésitait encore sur le caractère urgent de la situation – la formulation du mot n’était pas tout à fait dramatique ou alarmée – lorsque deux papiers préensorcelés rédigés de sa main preste décollèrent pour se diriger l’un chez Fergal et l’autre chez l’infirmière. Il avait averti le premier qu’il se rendait à Pré-au-Lard pour gérer l’incident et qu’il ferait appel à lui grâce à leurs pièces ensorcelées au besoin ; la seconde était invitée à l’y rejoindre le plus vite possible. Mieux valait trop de précautions que pas assez ; on ne savait jamais, avec ces adolescents.

Chaussé et enroulé dans sa cape d’automne, il s’apprêtait à passer le pas de la porte de ses appartements lorsque le nez de Golgoth appuya plusieurs fois sur l’une de ses chevilles pour réclamer son attention.

— Tout à l’heure, mon chéri. C’est promis, lâcha Septimus de sa voix la plus mielleuse avant de repousser doucement du pied le lapin trop collant pour refermer la porte derrière lui.

Descendant les escaliers quatre à quatre, le concierge fut soulagé de croiser l’infirmière, qui se joignit à lui avec le même air mi-consterné mi-inquiet. Le trajet se fit dans une marche sportive qu’aucun des deux adultes ne troubla d’autre chose que de leurs respirations haletantes. La soignante marmonna quelque chose semblable à « J’espère qu’il y a un mort » d’un ton grognon, que Septimus choisit d’ignorer avec diplomatie. Un mort, quand même… Il espérait plutôt qu’il s’agissait d’une mauvaise blague – c’était toujours possible, avec le jeune Appleton. Mais en arrivant sur les lieux, il leur fut difficile de réprimer leur air catastrophé devant tout le sang qui couvrait les mains et le dos du duo d’adolescents. L’infirmière se chargea en priorité du Russe, visiblement bien mal en point, et le concierge fondit sur Kenneth en lui prenant d’autorité les mains pour s’assurer qu’il n’était pas lui aussi blessé. Désabusé, Septimus le relâcha et recula d’un pas en penchant la tête comme un chiot perdu.

— Mais enfin, que s’est-il passé ?

— C’est l’œuvre d’un maléfice, constata l’infirmière en s’appliquant à rafistoler Nikita avec sa baguette. Pas de la magie noire, heureusement, mais sacrément méchant. Je vais le garder jusqu’à ce soir, au moins, décida-t-elle tout en recouvrant la plaie d’un bandage qu’elle extirpa d’une petite sacoche. Tu peux marcher ? demanda-t-elle au jeune Yaga.

Cahin-caha, l’étrange quatuor reprit le chemin de l’école ; Nikita et l’infirmière devant, Septimus et Kenneth derrière. Le concierge ne manqua pas d’interroger le Poufsouffle sur les événements qui avaient mené à cette blessure, si attentif à ses paroles qu’il en trébucha sur un caillou et faillit s’étaler de tout son long sur la route qui serpentait jusqu’à Poudlard. Enfin, l’important était qu’il avait failli.

ft. @Nikita N. Yaga & @Kenneth D. Appleton
— Russian Roulette is not the same without a gun
Pré-au-Lard

Cactus

memories turn into daydreams / become a taboo / i don't want to be afraid / the deeper that i go / it takes my breath away ⚊ bright hope never fades away

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