Londres, le 14 mars 2012.
Karl Strauss quitta le ministère de la magie plus tôt que d’ordinaire. Il n’était pourtant pas coutumier du fait ; ce bourreau de travail était tellement engagé dans sa vie professionnelle que l’on peinait à l’imaginer mener une vie de famille. Où trouverait-il le temps de s’occuper d’enfants et de donner de l’attention à une épouse ? Nulle part, bien entendu. Mais par un heureux hasard, il avait choisi d’épouser une femme dont l’intérêt principal portait tout autant sur son travail. De là à dire qu’ils se voyaient plus souvent au ministère que dans leur propre appartement, il n’y avait qu’un pas.

Mais aujourd’hui, c’était différent : il laissait l’espace de quelques heures les affaires du ministère en plan, rejoignant son épouse déjà occupée par une toute autre forme de responsabilité. Ils s’apprêtaient en effet à devenir parents ; leur premier enfant allait venir au monde.

L’homme transplana, rejoignant en quelques secondes le grand atrium de l’hôpital Sainte Mangouste. Son pas était précipité, son pouls également. Plus que quatre étages. Il l’avait si longtemps espéré. Plus que trois étages. Comment se porte Maureen ? Plus que deux étages. A-t-elle déjà donné naissance à leur progéniture ? Plus qu’un étage. Et l’enfant ? Fille, ou garçon ? Il poussa la porte qui le séparait de sa chère et tendre... et de sa fille, fraîchement arrivée au monde. Haley Meredith Ermance Strauss était là, en parfaite santé. Leur première et unique enfant. Ils n’espéraient presque plus sa venue au monde tant elle fut chaotique ; avant même d’être née, elle se faisait déjà désirer !

Était-ce réellement sage d’avoir une enfant lorsque l’on passait ses jours entiers à travailler et que ses principales préoccupations tournaient toute autour d’une ambition professionnelle toujours plus grande ? Ils n’auront sûrement pas tout le temps qu’ils voudraient à accorder à Haley, mais ils ne pouvaient renoncer à la perspective de fonder une famille, aussi petite soit-elle.

Londres, le 03 janvier 2017.
L’effervescence était telle que personne ne semblait prêter d’attention à la petite Haley. Sagement posée dans son parc enfant, elle observait d’un regard indescriptible ses parents s’agiter dans tous les sens, faisant disparaître d’un coup de baguette meubles, argenteries et vêtements. Une créature anthropomorphe passa à côté de l’enfant sans la regarder ; comme ses maîtres, l’elfe de maison était bien trop occupé pour s’intéresser à la petite fille, qui ne dépendait d’ailleurs pas des ordres qu’il avait reçu. La pièce était un champ de bataille, mais le soldat Haley était consigné en arrière-ligne.

La jeune enfant n’était pas habituée à être tant ignorée ; sans en avoir conscience, elle avait coutume d’être exaucée dès qu’elle émettait le moindre babillage. Petite enfant reine, elle était l’unique joyau de ses parents, la seule raison qui les poussait à se détourner un tant soit peu de leurs travails respectifs. Mais là, elle avait beau lever les bras aux passages de ses géniteurs, les appeler et même commencer un caprice, personne ne daignait venir lui rendre son jouet qu’elle avait lancé au milieu du salon.

Et elle le voulait ce jouet. Elle en avait pourtant un nombre certain dans son parc ; l’on ne se montrait jamais économe lorsqu’il s’agissait de satisfaire aux besoins de la petite fille, alors elle possédait une collection impressionnante d’objets et peluches en tout genre. Un mini balai magique tournoyait autour d’elle, comme pour attirer son attention. Mais rien à faire, elle s’en était déjà lassée. Elle ne voulait pas ce qui était à portée de main, elle voulait ce qui se trouvait à plusieurs mètres d’elle, de l’autre côté de ces satanés barreaux en bois. Personne ne comptait lui apporter ? Tant pis, elle irait elle-même. Ni une ni deux, elle se hissa sur ses pieds et marcha d’un pas décidé vers l’objet. L’obstacle de bois qui la gardait dans le périmètre sécurisé n’arrêterait pas l’ambitieuse demoiselle qui était prête à tout pour satisfaire à ses propres désirs ; et sans même y penser, elle sauta. Si haut et si fort que même un adulte n’aurait pas réitéré l’exploit. Elle se posa de l’autre côté de la barrière avec délicatesse avant de trottiner vers son jouet. Et elle resta là, assise en plein milieu d’une pièce qui se vidait peu à peu de ses meubles.

Ses parents mirent cinq bonnes minutes à voir que quelque chose clochait : trop accaparé par ce déménagement, ils en avaient presque oublié leur fille. Mais à cet âge-là, ils la lâchaient rarement très longtemps des yeux et finalement, découvrirent l’enfant là où elle n’aurait pas dû être. Comme eux, et sans grande surprise, Haley était une sorcière.

Felixstowe, le 12 août 2023
Le soleil était à peine levé lorsqu’Haley arriva dans le salon, déjà bien apprêtée pour aller sur le chemin de traverse. Mais ni sourire maternel, ni rire paternel ne l’y attendait. Seulement sa préceptrice, qui en réalité tenait plus de la nourrice qu’autre chose ; la petite Strauss passait plus de temps avec elle qu’avec ses parents. Même ses grands-parents maternels étaient plus souvent là que ses géniteurs. Durant sa plus tendre enfance, sa grand-mère maternelle était fréquemment auprès d’elle, mais depuis son décès, cette préceptrice l’avait remplacée ; son travail était tant d’instruire la demoiselle que de la garder en l’absence de Klaus et Maureen. Ou aujourd’hui, de l’emmener sur le chemin de traverse pour aller acheter tout ce qui était nécessaire au jour le plus important de sa vie. Lorsque ses géniteurs étaient à la maison, elle était leur unique préoccupation ; mais elle passait toutefois après le ministère. À croire qu’ils avaient deux enfants : elle et le ministère.

« Où est maman ? » demanda-t-elle, une pointe d’énervement qu’il était peu coutumier d’entendre dans sa voix. Elle lui avait promis d’être là, de l’accompagner elle-même. « Elle a dû partir plus tôt au travail. » Encore. « Mais elle a dit qu’elle nous rejoindra sûrement sur place... ». La jeune fille haussa les épaules. Elles savaient toutes deux que les chances de voir Maureen les rejoindre étaient minimes ; une fois au ministère, elle en oubliait presque tout le reste. Haley y était habituée maintenant : un jour, alors qu’elle l’avait accompagné au département de la justice magique, Maureen avait été tellement accaparé par une affaire importante qu’elle en avait oublié sa fille dans le bureau en partant. Bien entendu, elle était revenue la chercher, mais il avait tout de même fallu qu’un employé la prévienne de son « oublie ».

En apprenant la nouvelle, son père avait été fou de rage ; elle se souvenait encore des éclats de voix, dans le salon, alors qu’ils s’engueulaient mutuellement, reprochant à l’autre toutes ses erreurs, ses maladresses et inattentions les plus anecdotiques. Ils avaient été au bord de la rupture : Karl était alors monté dans la chambre de la petite, l’avait prise avec lui et ils avaient vécus pendant deux semaines chez son frère, l’oncle d’Haley, avant qu’il ne se décide à aller présenter des excuses à son épouse. C’était toujours lui qui faisait le premier pas, la juge était bien trop fière pour ça.

Depuis ce jour, la jeune fille craignait d’être une nouvelle fois la source des disputes parentales et mettait un point d’honneur à éviter tout sujet qui puisse provoquer la colère d’un de ses parents à l’encontre de l’autre. Elle voulait que sa mère vienne sur le chemin de traverse avec elle, et lui en voulait de faillir à sa tâche, mais elle ne lui reprocherait pas, de peur que l’homme de la famille n’y mette son grain de sel. C’était sûrement absurde, ses parents n’étaient pas si coutumiers des engueulades, mais elle ne voulait pas être ballotté d’une maison à l’autre afin de voir ses deux parents, toujours séparément. Ils n’avaient pas le droit de se séparer, pas tant qu’elle était avec eux.

Londres, le 23 décembre 2023.
Les yeux d’Haley demeuraient résolument baissés, ses mains triturant une baguette qu’elle n’avait pas le droit d’utiliser en dehors de Poudlard. Le bureau dans lequel elle se trouvait était chaleureux, mais elle n’avait pourtant qu’une envie : le quitter. Elle savait néanmoins que sa mère attendait de l’autre côté de la porte, bien décidée à ce que sa fille parle au psychomage. Elle était suffisamment préoccupée par l’état de la demoiselle pour quitter son travail plus tôt et la conduire jusqu’ici. Alors, pour faire plaisir à sa génitrice, Haley parlait de tout et de rien à cet inconnu qui avait empoché une belle somme de gallions pour reculer quelques rendez-vous, au profit de celui-ci. « Tu n’as pas à avoir honte d’être perturbée par cette illusion, Haley. C’est normal, pour une enfant de onze ans, de l’être. » fit l’homme, évoquant la soirée d’Halloween. Pourquoi diable avait-elle été à cette animation ? Elle n’aurait pas dû se laisser entraîner là-dedans. « Je ne participerai plus jamais à halloween ! Ni à aucun bal ! » La décision était prise. Il valait mieux rester dans sa salle commune plutôt que d’aller à ce genre d’évènement ; après halloween, elle avait d’ailleurs bien reçu la leçon et avait séché le bal de Nöel. Au final, sa soirée à lire avait été bien plus fructueuse que n’importe quel autre bal. « Je ne pense pas que fuir soit une bon... » Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà la jeune fille sortait du bureau. Une fois n’était pas coutume, elle avait perdu patience. « Je veux qu’on parte. » lâcha-t-elle à sa mère, prenant déjà la direction de la sortie. Le psychomage ne lui apportait aucun soutient.

Le ton de la jeune fille était sans appel : cet homme l’irritait et il ne servait à rien. Elle ne voulait pas être l’enfant perturbée, mais l’entendre lui dire rendait la chose réelle. Elle fuyait donc : le temps fera son œuvre, elle en oubliera cette foutue illusion. Et qu’importe ce qu’il pouvait bien penser ou ce que sa mère désirait. Ils n’avaient pas leur mot à dire.

Felixstowe, été 2025.
Quoi de pire qu’une année mouvementée ? L’été qui suivait. Entre les badges rouges, la créature dans le lac, les agressions et l’incendie, Poudlard s’était surpassé en drames. Malgré tout cela, Haley pouvait s’estimer heureuse, elle avait magistralement évité le plus gros des soucis. Réviser dans sa salle commune pendant que les autres crapahutaient d’un bout à l’autre du château, à l’occasion d’une soirée quelconque ou d’un entraînement spécial, se révélait être très efficace pour rester saine et sauve. Les désagréments de sa première année s’estompaient peu à peu, alors que son esprit d’enfant en oubliait certains détails ; bientôt, ça ne sera plus qu’un vieux souvenir un peu désagréable.

Si certains élèves étaient retournés à l’école pour aider à la reconstruction, il était impensable qu’elle y participe ; ses parents n’auraient pas voulu et elle-même ne le souhaitait pas. Elle avait bien mieux à faire. Mais il fallait admettre que son été se limitait donc à rester chez elle, bouquinant une partie du temps, ou au ministère, lorsqu’elle y accompagnait parfois l’un de ses parents et y passait l’après-midi. Au moins avait-elle les lettres de Rosalie pour la distraire un peu ; les mésaventures avec le benêt qui lui servait à présent de demi-frère compensaient la monotonie de l’été d’Haley. Elle compatissait à sa situation : que ses parents se séparent étaient l’une des plus grandes hantises de la jeune fille, elle essayait donc de se montrer d’une oreille attentive, ou en l’occurrence, d’une plume attentive.

Felixstowe, le 24 juillet 2026.
« Je ne suis pas convaincu par Appleton. On en a déjà une à la tête de Poudlard, il serait néfaste pour l’équilibre sorcier que son mari soit à la tête du ministère. » déclara Maureen. Son mari grommela une vague réponse inaudible, trop accaparé par la lecture d’un rapport pour s’intéresser à ces histoires de politiques. Il avait, pour l’heure, des préoccupations bien plus importantes. « C’est vraiment pour l’équilibre que tu dis ça, ou parce que tu n’aimes pas la directrice ? » fit Haley en se resservant du thé. Avec deux parents qui travaillaient au ministère, elle s’était très rapidement prise au jeu des débats sociétaux.

Une ombre de sourire passa sur le visage de son père, mais il se garda de faire la moindre remarque ; seul homme de la maison, il savait que lorsque son épouse et sa fille commençaient à évoquer ce genre de questions, il était préférable de les laisser se disputer en paix. Ça n’allait rarement très loin, les deux femmes se contentant d’échanger quelques amabilités avant de convenir que si Maureen devenait ministre de la magie, il y aurait tout de même bien moins de problème en Grande-Bretagne. L’ambition était une histoire de famille, et bien plus encore, un trait que les femmes se transmettaient. Karl était pour sa part d’une nature plus posée que son impétueuse épouse et regrettait bien souvent que sa fille n’ait pas plus hérité de lui. Mais il était au fond fier d’être entouré de personnes comme elles et se satisfaisait de les entendre converser politique sans avoir à s’en mêler. Une fois n’était pas coutume, il se permit toutefois une intervention : « Peut-être devrais-tu lui laisser une chance... après tout, son épouse semble bien se débrouiller à Poudlard, peut-être qu’il apportera de bonnes choses au ministère. » La juge foudroya du regard son époux. « Toi-même, tu ne crois pas à ce que tu dis. » Effectivement, un léger sourire en coin témoignait du peu de crédit qu’il attribuait au candidat Appleton. Tous deux voteront pour Margaret Fawley, Maureen étant un soutien sans faille pour sa supérieure du département de la justice magique.


Haley glissa le mot dans sa poche et referma la fenêtre du wagon après le départ du hibou du ministère. Ça n’était pas la première fois que ses parents lui faisaient faux bond et ça ne serait sans doute pas la dernière. Elle s’y était accoutumée avec les années. Même si elle ne leur en voulait pas vraiment, elle comprenait parfaitement qu’ils avaient beaucoup de travail, elle ne pouvait s’empêcher de sentir une légère pointe d’amertume l’étreindre. Le ministre de la magie lui volait la vedette même à Noël. Tout ça à cause d’une potion. Contrairement à un grand nombre de ses camarades, elle n’avait pas assisté à l’évènement ; comme à l’accoutumée, elle était restée dans sa salle commune pour réviser. La seule fois qu’elle s’était laissé tenter par un évènement scolaire avait été passablement traumatisant pour la jeune fille et depuis, elle les évitait. Et à en croire ses résultats scolaires, c’était pour le mieux : pendant que les autres perdaient leur temps en futilités, elle préparait son avenir. En réalité, elle ne craignait plus le moins du monde les possibles accidents qui pourraient arriver ; ils avaient été le point de départ, mais n’avaient à présent plus aucune valeur. Le semblant de traumatisme qu’elle avait vécu était à présent loin derrière elle ; lorsqu’elle y repensait, ça ne l’émouvait pas particulièrement. Désormais, elle voulait simplement être la meilleure, et pour ça, elle devait travailler. Elle avait pourtant hésité, un instant, à aller au bal ; à force de toujours entendre parler des bals et autres évènements grands festifs de l’année, elle commençait peu à peu à se dire qu’elle loupait peut-être quelque chose. Était-ce si mal que de vouloir se distraire un peu, délaisser les devoirs pour un instant de fête ? Son père l’en dissuaderait, sa mère en revanche n’était sûrement pas du même avis ; c’était en participant à ces festivités qu’on se faisait de relations solides pour l’avenir, des relations qui pourraient être bénéfiques une fois dans la vie adulte. Haley avait donc vaguement envisagé l’idée de rejoindre ses camarades, prévoyant même une robe rouge, au cas où. Mais finalement, elle s’était ravisée.

Compte tenu du dénouement de la soirée, elle n’avait cessé de regretter son choix ; elle aurait tellement aimé assister à tout ça ! Elle ne souhaitait pas la mort du ministre de la magie, mais une tentative de meurtre dans l’école, sans qu’aucun élève ne risque sa vie, ça avait quelque chose d’assez excitant, il fallait le reconnaître ! Piquée par la curiosité, elle avait exigé qu’on lui raconte minute par minute l’énoncé des gagnantes du concours et l’empoisonnement. Heureusement pour elle, Rosalie n’était en générale pas avare en détails. L’époque où elle craignait d’être à nouveau plongée dans une illusion traumatisante était belle et bien révolue.


Si son père avait toujours eu un don certain pour jouer les oiseaux de mauvais augure, ça n’empêchait pas la jeune fille de prendre au sérieux ses inquiétudes. Il faudrait être un idiot pour ne pas le faire. Mais lorsque l’une de vos meilleures amies se voit pousser des ailes de révolutionnaires, il peut être difficile d’éviter lesdits ennuis.

Maureen Carrow, épouse Strauss (mère)
L’histoire récente des Carrow, c’est avant tout l’histoire d’un échec ; celui de faire perdurer la famille. Henry et Meredith, les grands-parents d’Haley, ont eu trois enfants, mais une seule a atteint la majorité : Maureen Carrow, épouse Strauss. Il faut dire qu’après des générations de mariages entre familles déjà fortement liées par le sang, la faiblesse s’est peu à peu insinuée dans leurs gênes.

Et si Maureen se porte merveilleusement bien, elle sait toutefois qu’avoir eu une fille, en bonne santé qui plus est, tient du miracle. Un miracle qui ne doit sa raison d’être qu’à un mariage pour le moins peu conventionnel ; les Strauss ne sont plus purs depuis longtemps, mais Karl était un sang nouveau. Un vent de fraîcheur qui a apporté vigueur et force à la petite Haley.

En réalité, Maureen a eu un autre enfant ; un garçon, né d’un premier mariage bien plus conventionnel. Mais le bébé est mort très jeune, détruisant par là même le couple naissant. Ils ont divorcé, et elle s’est mariée avec un homme qui n’avait pas l’assentiment parental, mais qu’elle aimait et qui, elle en était sûr, saurait combler son désir de maternité.

Aujourd’hui mère d’une enfant en relativement bonne santé, elle est heureuse ; ses ambitions maternelles ayant été comblées, son regard se porte désormais sur un tout autre but. Juge au magenmagot, elle nourrit un fort attrait pour le pouvoir et vise toujours plus haut. Un jour peut-être, sera-t-elle ministre de la magie ? En attendant, elle place ses pions, milite en faveur de sa supérieure, la vice-présidente du département de la justice magique et suit d’un œil préoccupé l’évolution de Poudlard. Devenir mère lui a fait prendre conscience de l’importance de certains sujets qu’elle pouvait avoir tendance à dédaigner jusque-là.

Ses parents, les grands-parents d’Haley, se sont fait à l’idée qu’ils ne verraient pas leur unique fille avoir une descendance pure. En réalité, eux-mêmes ont bénéficiés de ce mariage peu conventionnel ; ils ne peuvent plus être taxés de pro-sang purs aux idéaux douteux, puisque leur petite fille, qu’ils voient fréquemment, est une sang-mêlée.


Karl Strauss (père)
À première vue, la famille Strauss semble sans histoire ; Karl Strauss est le troisième et dernier fils d’Ermance Strauss. D’origine autrichienne, la petite famille s’est installée en Angleterre peu de temps après la naissance du benjamin. Mais un mystère demeure, car vous n’entendrez parler du père de famille, ni de la bouche d’Ermance, ni de celle de ses enfants. L’on ne se vante pas d’être le fils de Johan Schachner, et si Karl ne l’a jamais connu, il l’a pourtant bien vite compris ; s’il porte le nom de sa mère, ce n’est pas un hasard.

Pour avoir plus amples informations sur cet homme, il faudrait se rendre en Autriche, plus particulièrement dans les Alpes, à Nurmengard. Car c’est là-bas que le grand-père d’Haley a fini ses jours, condamné à la prison à perpétuité. La raison ? Une vieille rancœur, celle d’être le fruit d’une union entre une sang-pur et un sang-mêlé. Johann était en croisade contre les traites à leurs sangs comme sa mère, et porté par la montée en puissance d’un célèbre mage noir, en Grande-Bretagne, il a décidé de faire du ménage, en commençant par sa propre mère. Un matricide qui passa d’autant plus mal qu’il était fait à l’encontre d’une sang-pur.

Fuyant tant l’opprobre que jetait la condamnation de son compagnon sur elle que la folie de cet homme qu’elle avait eu la malchance de rencontrer, elle partit en Grande-Bretagne quelques jours après avoir appris qu’un bébé avait anéanti le Seigneur des ténèbres. Forte d’un héritage assez conséquent, Ermance Strauss put offrir une vie confortable à ses enfants, quoiqu’elle fût sans faste particulier.

Dumbledore merci, Karl a bien plus hérité de sa mère que de son père, et fort d’une grande ambition et d’une certaine malice, il s’accoquina rapidement avec les bonnes personnes. Parmi elles se trouvait Maureen Carrow, une femme de bonne famille en désir d’enfant ; ses parents n’étaient pas très heureux de voir un sang impur épouser la jeune femme, mais les évolutions sociétales n’allaient pas dans leur sens et il valait mieux avoir un beau-fils sang-mêlé que d’être définitivement mis sur la sellette.

À présent directeur du bureau de désinformation, père attentionné quoiqu’un peu absent, et mari heureux, il s’est rangé derrière les aspirations ministérielles de sa très ambitieuse épouse. Ils sont encore bien loin du but, mais ils ont encore du temps et de nombreuses cartes à jouer.

« Papa, vite, on va être en retard ! » Haley dévala les quelques marches de la maisonnée, suivie par sa valise que l’elfe de maison faisait léviter. Le père de famille était agenouillé devant sa cheminée, la tête plongée dans les flammes. Il discutait sûrement avec l’un de ses collègues du ministère ; même le jour du départ pour Poudlard, il fallait qu’il soit occupé par autre chose. Lorsqu’il en sortit, il posa des yeux amusés sur sa fille, trépignant d’impatience à côté de lui. « Calme-toi Haley, tu ne vas pas louper ton train » Offusquée de tant de légèreté, la jeune fille croisa les bras d’un air boudeur. « Facile à dire pour toi ! Ce n’est pas toi qui fais ta rentrée à Poudlard ! » Elle avait tellement attendu ce jour qu’elle ne permettrait pas la moindre anicroche. Aujourd’hui, ses parents n’avaient pas le droit de la faire passer en second plan ; c’était son jour ! « Tu as raison, je ne peux pas savoir ce que c’est... je n’ai fait que sept rentrées successives à Poudlard après tout. » fit-il en lui sommant d’avancer vers lui. « Laisse tes affaires là, Baldrick nous les enverra dès que nous serons arrivés voie 9 ¾. » Haley se tourna vers l’elfe de maison d’un air sévère, comme si elle s’attendait déjà à ce qu’il faillisse à sa tâche.

Elle n’avait jamais autant été stressé de sa vie que maintenant ; à peine avaient-ils traversé la barrière qui les menait à la voie 9 ¾ que ses bagages apparurent docilement à côté d’elle. Bien, au moins l’elfe n’était pas totalement inutile. « Tu devrais vite monter dans le train si tu veux trouver sans mal une place dans un compartiment » conseilla son père en la guidant vers l’un des wagons. « On n’attend pas maman ? » questionna la demoiselle, le visage quelque peu déconfit. « Non, elle ne va pas pouvoir venir. Allez monte maintenant, si tu ne veux pas louper le départ ! Et n’oublie pas de nous envoyer un hibou demain, ta mère et moi avons pariés sur ta future maison, nous ne supporterons pas d’attendre longtemps le dénouement final. » Et sur ces mots, il hissa sa valise dans le wagon, embrassa la petite sorcière et la fit monter dans le train. Quelques secondes après que les portes se sont refermées, il transplanait déjà loin du quai, sans même attendre que le train ne parte.

Déçue de ce départ précipité, sans pour autant être surprise, elle traina sa valise dans le couloir, s’engouffrant dans un wagon vide, où elle y fut rapidement rejointe par un autre élève d’à peu près son âge. « Salut ! » fit le nouvel arrivant en hissant sa valise dans le porte-bagage. « Tu fais ta première rentrée à Poudlard ? » la questionna-t-il, après les premières présentations d’usages. Haley détacha son regard de la fenêtre et afficha un sourire poli au garçon, quoiqu’un peu forcé. « Oui ! J’ai tellement hâte qu’on arrive ! » Étrangement, elle se pris rapidement au jeu de la discussion avec son camarade de wagon, l’excitation qui était la sienne ayant un effet désinhibiteur. Il s’avéra très rapidement que le garçon entamait sa deuxième année ; le wagon fut d’ailleurs bientôt assailli par quelques autres élèves de la même classe, mettant la jeune fille très mal à l’aise. Elle n’aimait pas se trouver dans une situation où l’inconnu dominait, et être la seule de l’habitacle à faire sa première rentrée la plaçait dans une position inconfortable. Elle accueillit donc avec soulagement le moment de l’arrivée ; l’effervescence commençait à gagner les occupants du train, tous revêtant leurs robes de sorcier et tirant les valises dans le couloir.

« C’est là qu’on se quitte, Haley ! » lui fit le deuxième année, prenant la direction des carioles alors que les nouveaux arrivants allaient en direction du lac. La traversée en barque : la préceptrice, que ses parents payaient jusque-là pour instruire et garder leur fille pendant leurs absences, lui en avait parlé à maintes reprises. En réalité, Haley lui avait demandé un bon millier de fois qu’elle lui raconte comment se passait la rentrée ; ses parents n’avaient pas le temps pour ça, alors elle se défoulait sur la pauvre femme. Elle savait donc comment tout allait se passer, prévoyant presque chaque mouvement de houle sous la barque, comptant le nombre de marches qui menaient à la grande salle. Et enfin ! Le choixpeau l’attendait là, juste devant les élèves. Il était à quelques mètres d’elle, posé sur un tabouret. Un peu plus rapiécé que ce qu’elle avait imaginé, mais annonciateur d’un moment si important. Elle attendait ce moment avec autant d’impatience que de crainte. Et si ses parents n’étaient pas contents de sa maison ? Son père avait été à serdaigle, et sa mère serpentard. Sa préceptrice, quant à elle, vantait les mérites de poufsouffle. Mais personne de son entourage n’avait clamé haut et fort les couleurs de gryffondor. Et si elle allait là-bas ? Son regard se porta sur la table située sous les grandes bannières rouges et or. Il y avait bien l’un des aurors que son paternel avait invité à plusieurs reprises qui y avait fait ses classes... un homme hautement qualifié. Peut-être qu’enfin de compte, la maison n’était pas si importante... mais pourquoi tout ce cérémonial pour quelque chose d’insignifiant, alors ? « Haley Strauss ! » Son tour ! La bouche sèche et le cœur affolé, elle s’avança vers le tabouret.

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