L'ambiance est étrange ! — Ah oui, j'vous l'fais pas dire. || E. Murphy Leonhart & Dmitri D. van Aken

L'ambiance est étrange ! — Ah oui, j'vous l'fais pas dire.

feat. @E. Murphy Leonhart & @Dmitri D. van Aken

Le printemps n’était pas aussi réconfortant que Caerwyn aurait pu le penser. Les quelques lettres échangées avec Fergal ces derniers jours avaient mis l’équipe pédagogique de Poudlard sur le qui-vive. Si les têtes les plus froides et les plus expérimentés avaient pris la nouvelle avec le sérieux qu’il fallait, d’autres, dont Bevans (surtout Bevans d’ailleurs), contenaient leur nervosité comme ils le pouvaient. S’il n’avait jamais été dupe sur la nature du vampire séculaire sur les bancs de l’école, la confirmation qu’il n’était pas aussi inoffensif que le Ministère l’avait prétendu avait plongé le professeur de potions dans une anxiété supplémentaire dont il se serait bien passé. De plus, les préfets de toutes les maisons étaient frustrés de se voir flanqués d’un enseignant chaque soir, ce que Caerwyn pouvait tout à fait comprendre. Et comme la nervosité de ce dernier était quelque peu insidieuse et pernicieuse, il n’avait pu s’empêcher d’imaginer des scénarios catastrophes pour les mois à venir. Résultat d’un traumatisme de la seconde guerre sorcière qu’il se traînait comme une plaie gangrenée qu’il n’avait pas daigné soigner ou simple élucubration de son esprit un peu trop créatif, il n’en savait rien et ne voulait pas savoir. La seule chose qu’il savait et qu’il n’avouerait pas était qu’il avait peur.

Les récentes nouvelles l’avaient donc pousser à prendre une décision et à commencer sérieusement à l’idée qu’il avait eu quelques temps plus tôt : une décoction inodore aux humains, repoussantes aux vampires. S’il pouvait mettre au point un répulsif suffisamment puissant contre les suceurs de sang, cela allégerait considérablement cette menace qu’il sentait irrationnellement planer au-dessus de Poudlard. Néanmoins, M. Byrne n’était pas le seul vampire de l’école et Agatha, qui n’avait fait aucune vague jusque-là, serait sans nul doute un dommage collatéral. Si Bevans sentait une certaine culpabilité envers l’élève de Gryffondor, ses récents désaccords avec la diffuseuse de podcast lui permettaient de faire abstraction de la gêne que cela pourrait lui occasionner. Autre interrogation qu’il pouvait se poser : pourquoi y mêler Dmitri van Akan et Murphy Leonhart ? Malheureusement, l’élève de Serdaigle occupait tellement toutes ses soirées en retenue qu’il n’aurait jamais le temps de faire cela à côté. Autant l’impliquer. Peut-être que cela le responsabilisera. Quant à celle de Serpentard, c’était peut-être bien la seule façon qu’il eut trouvée pour qu’elle le laisse tranquille. Les courriers, les interruptions en plein cours, l’étudiante semblait vraiment motivée à assister son professeur bien que ce dernier n’eut aucune confiance en elle. C’était instinctif.

La recherche était également un bon moyen de savoir qui serait fait pour être un bon potionniste ou non. Normalement, suivre un protocole était à la portée de tout le monde, encore fallait-il être un minimum assidu. Mais réfléchir à comment les ingrédients réagissent entre eux pour avoir le résultat souhaitait, comprendre les échecs, interpréter les couleurs, les odeurs, c’était quelque chose d’autre, de plus avancé. C’était une partie de son cours relativement importante mais clairement pas la plus intéressante. La théorie ennuyait rapidement les élèves. Mais en présence de deux d’entre eux qui vantaient leurs capacités dans sa discipline, cela devrait bien se passer, non ? Passant une main sur ses joues désormais nues (suite à son accident de transplanage, il avait préféré tout raser plutôt que d’attendre que le gros trou dans sa barbe ne repousse), il vérifia que tout était en place. Le tableau, les chaudrons, éventuellement les ingrédients. Éthique dans son travail, le financement de sa recherche venait uniquement de sa poche (enfin surtout de la compensation gracieusement offerte par Maxmilian van Aken suite aux frasques de son fils). Utiliser la réserve de Poudlard à ses fins personnels était digne d’élèves récalcitrants et peu respectueux de leur école. Cela tombait bien, il y en avait un en retenue pour cette raison. À moins que ce ne soit autre chose ? Bevans avait passé tellement de temps avec Dmitri qu’il en avait même oublié si le Serdaigle était toujours en train de purger sa peine ou si tous deux avaient simplement pris l’habitude.

— Oui, oui, entrez.

Les deux élèves étaient à l’heure, c’était déjà un bon point. D’un geste de la main, il désigna les paillasses et s’efforça d’avoir un sourire détendu.

— J’espère que votre journée s’est bien passée. Allez-y, installez-vous.

Est-ce qu’il avait prévenu Dmitri que Murphy serait parmi eux ce soir ? Il avait dû oublier. Il allait falloir qu’il se calme un peu, quitte à avaler des Philtres de Paix, il se trouvait lui-même un peu trop agité ces derniers jours, terré dans ses cachots.

— Dmitri, Murphy voulait faire du travail supplémentaire donc elle sera avec nous ce soir.

Il aurait pu rajouter qu’il espérait que cela ne le dérangeait pas mais il s’en moquait en réalité. Il oubliait un peu trop le caractère mutin du Serdaigle. Par ailleurs, il regarda ses deux étudiants et eut un soupir. Il avait en face deux tempéraments drastiquement différents devant lui : l’un qui n’hésiterait pas à le défier pour tout et pour rien, clairement hostile à son égard, et la seconde qui faisait allègrement de la lèche en faisant passer cela pour de la motivation. Quelque part, il pourrait se servir de cela. Murphy étant préfète, elle avait également une autorité supérieure sur Dmitri. Bevans espérait simplement que les deux ne s’entendent pas comme cul et chemise auquel cas il ne réitérerait probablement l’expérience de la soirée.

— Pas de lignes à faire ce soir, Dmitri, pas de silence imposé, non, la retenue sera, je l’espère un peu plus fun pour toi que d’habitude. On va faire de la recherche. Il y aura des échecs, un peu de frustration mais je pense que cela peut-être intéressant pour vous deux si vous voulez continuer dans la potion après.

Il se tourna vers Murphy.

— C’est là où nos cours théoriques sont importants. Tu vas comprendre.

Il commençait à aborder les réactions entre les composants d’une potion qu’à partir de la cinquième année. Dmitri, qui avait de l’avance sur ses camarades de promotion, ne serait certainement pas perdu pour autant. Il fit avancer son tableau noir à roulettes devant leur paillasse respective.

— On va essayer de faire une potion, ou plutôt une sorte de parfum, qui serait nauséabonde pour les vampires mais inodore – voire agréable si vraiment on est très doués – pour le commun des mortels. Ça va demander des compétences en Défense Contre les Forces du Mal également mais je pense que ça devrait aller.

Il se força de ne pas leur demander si cela leur convenait. Après tout, c’était lui le professeur, lui qui avait l’autorité. Dmitri était en retenue et n’avait pas son mot à dire. Murphy était là bénévolement, en période d’essai en quelques sortes, et était loin d’être son assistante.

...

ANAPHORE

Étrange ambiance...

L'apprentie du professeur

« Attends, tu veux dire que c’est toi qui as réclamé des heures en plus ? » s'exclama Adrian qui flottait à ses côtés, et dont la figure spectrale révélait la surprise. Froidement, il conclut : « T’es cintrée, soeurette. » Murphy, qui descendait les escaliers menant aux galeries souterraines, ne réagit pas : quand bien même elle nourrissait une affection sans égal pour son grand frère, leurs opinions divergeaient sur bien des points, et celui-ci ne faisait pas exception. Comme les adultes, il ne comprenait pas pourquoi elle cherchait à faire de la connaissance son fer de lance, pourquoi elle se démenait à vouloir ouvrir une passerelle entre le monde des vivants et l'au-delà... Mais dépourvu d'enveloppe charnelle, que pourrait bien faire son aîné pour l'en empêcher ? « Chht, si le Professeur Bevans t’entend, il va nous renvoyer tous les deux alors qu’il accepte enfin de me refiler des tâches. » lança-t-elle, l'index plaqué sur ses lèvres en guise d'invitation au silence, tandis qu'ils tournaient à l'angle, s'engageant sous les voûtes des cachots. À cette heure-ci, on ne trouvait plus âme qui vive dans ces caveaux cryptiques, seulement quelques préfets trop zélés, quelques élèves punis... et un enseignant un peu rustre. « Et ne jaillis pas hors de mon chaudron pendant ma préparation, tu vas m’attirer des ennuis. » l'avertit-elle, en se retournant vers l'ectoplasme taquin, à l'air trop innocent pour être sincère. Ce dernier s'enfonça dans les pavés froids qui carrelaient le sol, la laissant ainsi seule devant la porte massive du cours de potions.

Elle referma précautionneusement le battant après l'avoir ouvert, et pénétra dans la salle dont elle traversa l'allée principale avec entrain, satisfaite de découvrir des rangs déserts et des paillasses vides, débarrassées de chaudrons fumants mal préparés. À l'adresse de l'adulte à l'air préoccupé, elle lança joyeusement un « Bonsoir, Professeur » en cheminant vers l'un des plans de travail, avant de commencer à y installer ses affaires. Le Professeur Bevans semblait particulièrement méfiant à son encontre, mais elle comptait bien sur leurs séances individuelles pour lui montrer qu'il avait eu raison de miser sur elle. Autour d'eux, nul camarade pour troubler cette atmosphère studieuse : seul le léger crépitement des torches leur servirait de toile de fond, tandis qu'ils repousseraient les limites strictes froidement imposées par le programme scolaire. Et puis, son partenaire d'infortune apparut à son tour : « Salut Dmitri ! » le salua-t-elle discrètement lorsqu'il s'installa à son tour, avec un petit sourire aux lèvres. Leur dernière escapade dans la réserve datait de quelques semaines, mais avait laissé dans son esprit un souvenir bien ancré... C'était plutôt une bonne chose, qu'il soit là aussi : elle était convaincue que le jeune homme, en proie à des émotions tumultueuses, serait un formidable partenaire de travail. Elle commença à sortir son matériel, quand l'enseignant débuta la séance, les introduisant l'un à l'autre. « Je suis son apprentie, en fait » corrigea-t-elle à voix basse, en direction du Serdaigle, pour mieux lui expliquer les raisons de sa présence. Son camarade de Serdaigle lui était très sympathique, mais elle n'avait pas l'intention de le laisser bénéficier seul de ces moments privilégiés avec le Professeur Bevans... ! Elle méritait aussi d'assister à ces leçons exclusives. Lorsqu'il fit rouler jusqu'à eux le tableau noir, ses yeux s'écarquillèrent, jusqu'au moment où il mit fin à cet épais mystère : il s'agissait de mettre au point une préparation permettant de repousser les vampires, ce qui laissa Murphy pensive.

Première difficulté : pour une préparation inodore, ils devrait exclure l'ail, dont les gousses laissaient toujours une odeur tenace et entêtante. Même les humains étaient sensibles aux fortes effluves olfactives qui s'en échappaient, alors un vampire flairerait le piège à des lieues. Elle mordilla l'embout de sa plume, maltraitant ses barbes en cherchant à adopter une position plus reculée. « Il y a peut-être des pistes, dans ce bouquin… c’est quoi, déjà ? » demanda-t-elle en interrogeant Dmitri du regard, avant que son regard ne s'illumine. « Ah oui, "Frères de Sang : ma Vie chez les Vampires" » se rappela-t-elle soudainement, réalisant qu'ils avaient du s'en coltiner quelques extraits, en cours de défense. Ne leur en déplaise, mais ces créatures noctambules ne l'avaient jamais vraiment passionnée : rien dans l'existence de ces êtres hybrides ne lui avait permis de progresser dans sa propre quête. Puisqu'ils semblaient obéir à d'autres lois que mortels et esprits, elle s'était rapidement désintéressée d'eux... Mais puisque c'était l'enseignant qui mettait le sujet sur la table, elle était trop désireuse de faire ses preuves auprès de lui qu'elle ne pouvait manquer une telle occasion de marquer des points. « On peut faire mijoter de la rosée du matin ou de l’essence de ciguë. Ce n’est pas tout à fait aussi efficace que de l’eau bénite, mais ça ne devrait pas leur plaire. » réfléchit-elle à voix haute en sortant ce petit carnet dans lequel elle griffonnait ses idées. Elle schématisa grossièrement ce qui ressemblait vaguement à un fond de chaudron, rempli d'un liquide qu'elle noircit d'encre, avant de tracer une flèche, puis un gros point d'interrogation. Avec le même enthousiasme que lorsqu’elle était en classe, son bras se tendit aussitôt, comme le mât d'un voilier. Souriante, elle posa la question qui lui démangeait les lèvres : « Vous comptez l’utiliser contre le vampire de l’école ? » Ce dernier était non seulement un camarade de maison, mais aussi de son année, doté d'un flegme rare. Murphy ne savait pas sur quel pied danser avec lui : à vrai dire, elle ne s'était jamais dit que la présence de vampires puisse poser un souci de sécurité, parce qu'elle n'y avait tout simplement jamais pensé. Pour autant, elle était surtout curieuse de connaître les véritables griefs du Professeur Bevans à son encontre, si d'aventure c'était bien la raison qui le poussait à mettre au point ce répulsif chimique.

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Dmitri finirait par user ses souliers sur le sol de pierre qui menait aux cachots de Poudlard, à force de s’y rendre tous les soirs ; ce trajet familier, il ne pouvait s’empêcher de le faire avec un léger pincement au cœur quand il avait la bêtise de se rappeler les années précédentes et ses rendez-vous réguliers dans le bureau de son aïeul. L’antre du maître des potions n’avait pas changé d’endroit, mais bel et bien de propriétaire et, d’une certaine façon, de décoration. Les tableaux d’Alexander avaient été récupérés, laissant des murs tristement vides et obscurs ; à la place, c’était souvent une musique désagréable qui s’échappait du gramophone, changeant drastiquement des goûts plus distingués de son grand-oncle. Parfois, il y avait simplement le silence gênant qui laissait le bruit de leurs plumes respectives résonner entre les pierres du cachot ; Bevans semblait beaucoup dessiner et l’aiglon peinait certaines fois à cacher son intérêt pour la chose. Sa pudeur lui dictait malgré tout de l’ignorer, de garder sa curiosité enfouie et de passer la retenue en silence. Ce soir ne devait pas faire exception aux autres : il valait mieux sans doute qu’il fasse profil bas, se taise et subisse la retenue sans relever les yeux vers l’adulte. Ainsi il avait l’impression de se rapprocher progressivement du jour où on lui rendrait ses effets de peinture.

Il n’avait plus vraiment besoin de s’inquiéter de l’heure désormais, la force de l’habitude ayant créée chez lui une véritable horloge interne qui lui rappelait qu’il était temps de descendre vers les cachots, s’il ne voulait pas être en retard. Aussi contestataire puisse-t-il être, Dmitri van Aken n’était jamais en retard : la ponctualité faisait partie de son ADN. En tournant à l’angle d’un couloir, entamant la dernière ligne droite avant le cachot de potions, il aperçut une silhouette blonde qui pénétrait dans l’antre du professeur ; s’il n’avait pas déjà passé un certain temps avec Murphy pour leur rituel, il aurait pu la confondre avec n’importe quelle autre fille de son gabarit mais il y avait de ces rendez-vous qui ne laissaient jamais totalement indemne et qui marquaient si profondément que même une vision si subreptice ne permettait pas de se tromper. Avait-elle été prise la main dans le sac, ou plutôt dans la bibliothèque à des heures indues, même pour les préfets, venant ainsi purger sa peine avec lui ? Cela aurait au moins le mérite de changer un peu. Arrivant sur ces talons, il passa à son tour la porte grande ouverte.

- Bonsoir professeur.

Depuis quelques temps, l’homme avait troqué sa barbe contre un visage imberbe ; c’était à se demander si la potion de Silas et Dmitri ne lui avait pas donné quelques idées pour se sentir plus jeune. Cela changeait beaucoup la composition de son visage mais il semblait par certains aspects plus froid que lorsqu’il arborait une barbe bien fournie.

Comme d’accoutumée, l’aiglon dépassa le bureau de l’adulte pour aller poser ses affaires sur sa paillasse, rendant son sourire à la préfète de serpentard.

- Bonsoir Murphy, lui répondit-il tout en sobriété, sans doute un peu gêné par cette situation inhabituelle.

D’une certaine façon, il avait pris ses aises avec Bevans et Murphy était cette fille avec qui il partageait une histoire atypique que tous n’étaient pas capables d’entendre. Voir ces deux personnes dans la même pièce était étrange et inconfortable : l’autre adolescente et lui se rencontraient habituellement dans le secret de ses rêves ou d’un rituel, non en pleine lumière, devant un professeur. Ce dernier entama ses explications, éclaircissant enfin les raisons de la présence de sa camarade dans la pièce : non une retenue mais une requête de la part de l’élève, que celle-ci s’évertua à venir préciser d’un murmure. Ce qui éveilla le plus son attention fut toutefois la suite : le sujet qui devait les occuper ce soir-là le fit relever la tête avec un intérêt renouvelé. Ni lignes, ni silence ou potion à préparer malgré un fond sonore désagréable, mais une invention qui promettait d’être plus captivante. Un peu malgré lui, il laissa un sourire excité se dessiner sur ses lèvres alors qu’il lançait un regard de connivence à la préfète. Les vampires n’étaient pas tout à fait leur sujet de prédilection mais le jeune van Aken était malgré tout certain de pouvoir y trouver de quoi enrichir ses peintures. S’il les récupérait un jour. Son égo était d’autant plus attisé qu’il y voyait-là une opportunité de montrer ce dont il était capable. Il ne s’agissait plus de banals cours mais bien de réfléchir à une concoction unique.

Le Tchèque scruta un instant le tableau avancé par l’enseignant, son esprit déjà emballé par l’idée du parfum : il en oublierait presque qu’il était en retenue. Murphy fut la première à faire quelques suggestions, levant la main comme une élève modèle pour demander la parole. En la voyant ainsi, il ne put se retenir de sourire : c’était sans doute la première fois qu’il la voyait dans le cadre réellement scolaire, les cours communs entre leurs années étant aussi rares que les potions de rajeunissement dans le café professoral, et elle lui était bien différente que lorsqu’ils préparaient un rituel dans les tréfonds de la réserve de la bibliothèque.

- Le but est seulement de repousser les vampires ? Un éclair de malice se mit à briller dans son regard. « Ou ce peut-être un parfum qui les rende malade ? »

Après tout, les vampires étaient en partie humains : ils n’étaient pas immortels mais vivaient juste plus longtemps, et ne vieillissaient pas, mais comme les Hommes, ils pouvaient tomber malade.

Dmitri ôta de son sac son ancien manuel de cours, « Le grand livre des ingrédients » : aucune potion n’y figurait, c’est pourquoi il n’était pas le livre officiel utilisé en cours, mais il indiquait un grand nombre d’ingrédients différents, leurs effets et la manière de les utiliser. Une mine d’or pour ceux qui désiraient s’attaquer à la confection de concoctions originales.

- Les vampires ont un odorat plus élevé que celui des humains, non ? Donc certains ingrédients qui ont des effets néfastes à forte dose pour un humain devraient les indisposer plus rapidement ?

Il ouvrit son livre pour arriver au chapitre des huiles.

- L’huile de ricin a un mauvais goût et accentue les sentiments négatifs. Ce n’est pas assez fort pour des humains, mais couplé avec d’autres ingrédients qui renforce des effets, les vampires devraient percevoir une odeur désagréable... ou au moins quelque chose qui éveille chez eux des idées négatives ?

L’aiglon n’avait encore jamais parlé au nouveau venu de l’école, le vampire de serpentard qui avait occupé les discussions d’un bon nombre de personnes à son arrivée ; à vrai dire, un peu moins d’un mois après, une tout autre personne avait foulé le sol de Poudlard avec suffisamment de force pour qu’il détourne son attention de la créature. Kryštof avait largement de quoi faire de l’ombre à Byrne s’agissait de l’aspect sanguinaire, et si tous n’en avaient pas conscience, Dmitri s’était pour sa part complètement focalisé sur lui. Seuls quelques tableaux qui avaient sa sympathie continuaient de garder un peu à l’œil le vampire, le jeune van Aken n’ayant jamais abandonné l’idée que l’hémoglobine de cet être ferait une formidable base pour sa peinture.

@E. Murphy Leonhart @Professeur C. Bevans

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Bevans ne savait pas si réunir les deux élèves pour quelque chose d’aussi expérimental était une bonne idée. En réalité, cela faisait quelque temps qu’il trouvait que toutes ses prises d’initiatives, ses idées pour tenter d’être le plus pédagogique possible, étaient vouées à terminer en catastrophes notoires. Et pourtant, il s’obstinait, pensant naïvement que ses efforts finiraient par payer, que les élèves se montreraient moins prompts à essayer de la lui faire à l’envers. Semblant néanmoins incapable d’apprendre de ses erreurs, il avait autorisé Murphy à venir en fin de journée. Il n’était pas spécialement dupe face aux manigances de la Serpentard : il savait que cette soudaine et ridicule volonté de devenir son assistante cacher quelque chose. Mais se sachant quelque peu à fleur de peau en ce moment, il s’en voulait de juger l’élève sans preuve. Après tout, ce n’était peut-être qu’un simple sentiment paranoïaque et la préfète des Verts et Argents était vraiment de bonne foi. La seule façon de s’en assurer était de faire ce sacrifice et d’accepter de la faire venir en fin de journée. Même s’il ne se faisait pas d’idée sur le fait qu’il allait très certainement regretté d’ici quelques dizaines de minutes.

Quant à Dmitri, leur relation était plus particulière. À force de passer leurs fins de journée ensemble, certains automatismes s’étaient faits, professeur et élève ne se parlaient pas tant que cela, le Serdaigle semblant toujours avoir des griefs inexplicables envers son professeur de potions et ce dernier commençait doucement, mais sûrement à baisser les bras concernant l’espoir que le Tchèque ne calme son comportement mutin. Pourtant, cela faisait un moment que l’adolescent évitait de faire des vagues. Du moins publiquement. Mais cela n’était dû qu’à une chose : la confiscation de son matériel de peinture par Jack. Il craignait simplement que dès que Dmitri remettrait la main dessus, toutes ces semaines passées à faire amende honorable ne deviennent qu’un lointain souvenir et qu’il ne retombe dans ses travers d’insolence et d’insubordination. Seul l’avenir le leur dirait, mais Bevans était particulièrement pessimiste sur une possible rédemption du jeune Serdaigle. Néanmoins, il savait que la peinture était la seule chose qui semblait importer au cœur du farouche élève. Que les quelques bribes de conversation qu’ils avaient eu à ce sujet avaient laissé entrevoir un moyen de le canaliser. Pour l’instant, la punition de Jack faisait effet, mais les deux professeurs ne pourraient pas garder éternellement cette menace au-dessus de sa tête, surtout s’il prodiguait les efforts attendus.

Impossible donc pour Bevans d’être particulièrement serein à l’idée de cette session expérimentale, de son initiative pourtant. Néanmoins, les deux élèves semblaient relativement enthousiastes à l’idée de mettre un pas dans la recherche. Murphy fut la première à proposer des idées, désirant peut-être coiffer Dmitri au poteau et s’attirer les bonnes grâces de son professeur en faisant la fayote. Les bras croisés sur sa poitrine, Bevans l’écouta suggérer de se pencher sur un livre concernant les fameux vampires. Il hocha la tête, acquiesçant. Cela pourrait toujours être utile pour les prochaines fois de noter ce genre d’idées. Ils ne parviendraient pas à mettre au point une telle potion en un soir (sauf s’ils étaient vraiment des chercheurs de renom qui s’ignoraient). Il écouta les suggestions de Murphy et les nota sur le tableau tandis que l’élève semblait également griffonner ses idées sur son parchemin devant elle. Dmitri prit alors la parole avec un éclat dans les yeux que Bevans prit pour de l’enthousiasme. Satisfait de voir le Serdaigle autrement que ronchon et vindicatif, il ne put s’empêcher d’esquisser un certain sourire. Peut-être que cette idée d’innover quelque chose était bonne, finalement. Silencieusement, il laissa Dmitri découler le fil de sa pensée, le laissant se pencher sur les huiles, proposant celle de ricin qui serait un bon compromis.

— Pour répondre à ta question, Dmitri, je ne sais pas encore. C’est le but de la recherche, non ?

Il eut un sourire complice avant de reprendre :

— Je ne sais pas vraiment si on parviendra à les rendre malades. Les repousser devrait suffire, mais il est vrai que si on peut leur donner une impression de nausée, ce serait encore mieux. Et effectivement, ils ont un odorat plus développé, néanmoins, je ne sais pas s’ils sont sensibles aux mêmes odeurs que nous.

Il marqua une pause et regarda le tableau où il avait marqué toutes les propositions.

— Vos idées sont pas mal. L’essence de ciguë me paraît plus appropriée que la rosée de matin, mais au moins cette dernière est inodore. Concernant l’huile de ricin, je pense qu’on peut garder l’idée aussi, elle est plutôt bonne.

Pensif, il fut interrompu par la question de Murphy si cela allait être utilisé contre le vampire de l’école. Officiellement, non. Il était parfaitement interdit d’utiliser un élève comme cobaye, même si cela était parfaitement indolore et inoffensif. Officieusement, oui. C’était bien là la seule façon que Bevans avait trouvé pour tenter de pallier cette peur viscérale que suscitait chez lui la présence du vampire séculaire à Poudlard. Si le professeur de potions détestait demander de l’aide, il préférait trouver ses solutions dans son coin, même si cela devait embarquer deux élèves qui n’avaient rien demandé ou presque : l’une était volontaire après tout, l’autre était en retenue. Ce n’était pas vraiment tricher, seulement utiliser les opportunités qui se présentaient à lui. Dmitri et Murphy étaient deux adolescents dont le niveau en potions était indiscutables. C’était donc bénéfique pour tout le monde et Bevans faisait ainsi d’une pierre deux coups. Il eut un sourire qui n’avait rien de chaleureux ou de taquin à l’égard de la Serpentard.

— Non, non, bien sûr que non.

Il marqua une pause avant de reprendre :

— Mais il est vrai que ce sera la façon la plus simple de savoir si cela est efficace ou non.

Autant être honnête. Et rappeler discrètement que Byrne n’était pas un élève comme les autres, mais un adulte bien plus âgé que n’importe lequel d’entre eux. Quant à Agatha, sa condition était demeurée secrète auprès des élèves, mais très égoïstement et de manière quelque peu vindicative, il s’en moquait. Conservant son sourire qui fendait ses joues imberbes, il reporta son attention sur le tableau, proposant à son tour ses idées :

— L’aconit peut être à envisager également. Si elle est surtout efficace sur les loups-garous, elle a aussi un effet sur tout ce qui touche à l’absence de rayon solaire. Au-delà de l’odeur, ça peut donc jouer sur le côté répulsif.

Il fit quelques pas vers une étagère et sortit un livre sur les divers effets des plantes dans les potions. Il dit alors pour lui, réfléchissant à voix haute :

— L’ellébore est une valeur sûre pour stabiliser le mélange.

Il releva les yeux vers ses élèves.

— En réalité, il faudrait trouver un élément qui permette de supprimer les odeurs, mais auquel les vampires sont insensibles.

Il y avait bien les miroirs qui ne réagissaient pas aux créatures de la nuit. En bon directeur de Serdaigle, Bevans se laissait vite prendre au jeu de pistes, aux tâtonnements et à la curiosité. Il ignorait si le binôme d’adolescents en face de lui s’y laisserait prendre également, mais il ne leur laissait pas vraiment le choix cependant. Après, tous les deux avaient une raison d’être là et ne pas y mettre de la mauvaise volonté.

...

ANAPHORE

Étrange ambiance...

L'apprentie du professeur

Murphy prenait ce projet très au sérieux, réceptive aux commentaires que pouvait émettre l’enseignant sur les idées que Dmitri et elle formulaient. Comme elle préférait cette salle de classe vide... ! L'atmosphère froide et humide des souterrains n'altérait pas leurs réflexions ; il naissait même de leurs premiers échanges une émulation collective qui conférait à la jeune fille un certain sentiment d'excitation. D'ordinaire, elle réfléchissait en solitaire, soliloquant sur ses associations d'ingrédients devant son chaudron, avec le spectre d'Adrian pour seul auditeur... Mais ce soir, il y avait quelque chose de particulièrement appréciable à écouter deux esprits brillants cogiter sur les mêmes questions qu'elle. "Dommage" se dit-elle silencieusement, que ses deux interlocuteurs n'emploient pas cette fantastique énergie à ouvrir un portail dans l'au-delà... La question des vampires ne la touchait pas particulièrement : ce n’était pas tant qu’elle était insensible à leur sort, mais plutôt parce que le monde des esprits requérait suffisamment son attention pour qu’elle estime ne pas avoir à perdre son temps avec les créatures qui se jouaient de la mort. Lucius Byrne semblait être un curieux élément, obéissant à d’autres lois que celles que lui dictaient le système scolaire… Mais puisque pour une raison obscure le Professeur Bevans semblait se soucier d’eux, alors elle était prête à lui porter main forte sans poser de question : parfois, les avancées scientifiques requéraient de fermer les yeux sur les questions éthiques. Ce que l'enseignant venait de dire à propos de l'aconit lui donna une idée... « Comme le napel chez les loups, il y a probablement une plante à laquelle ils doivent être sensibles…. » réfléchit-elle à voix haute, avant de mettre le doigt sur un élément intéressant. D'ordinaire, c'était un végétal qui rentrait dans la composition de poisons particulièrement violents, mais dont les effets ne seraient pas aussi dévastateurs sur un vampire centenaire que sur un humain. « Peut-être l’apocyn ? Les fleurs sont peu odorantes. Ça ne devrait pas les tuer, seulement ralentir leur organisme. » Elle n'était pas un monstre pour autant ; même si elle s'efforçait de garder un regard froid et scientifique sur ce cas d'étude, elle cherchait toujours à éviter la mort de ses cobayes, qu'il s'agisse de petites grenouilles, de rats trouvés dans les couloirs, ou bien d'un vampire vieux de quelques siècles. Lorsqu'elle le pouvait, tout du moins...

Elle sortit de son sac un rouleau de parchemin neuf qu'elle déroula pour mettre au propre les idées qui fourmillaient dans son esprit. Le Professeur Bevans semblait moins crispé que d'ordinaire, se détendant au gré de leur conversation... et Dmitri paraissait nourrir le même enthousiasme qu'elle à l'idée de pouvoir apporter sa contribution à l’œuvre chimique qu'ils projetaient de mettre en place. Elle relut les notes illisibles rédigées hâtivement dans son carnet avec une petite moue, nota le nom latin d'une plante qu'elle ratura aussitôt, considérant que ses propriétés n'entraient pas en symbiose avec celles de l'huile de ricin. Elle songea que Mr. Fitch aurait sans doute adoré participer à cet atelier, lui qui chassait sur son temps libre... hélas, Mr. Fitch était un moldu et gérait des préoccupations bien différentes des leurs, notamment parce qu'il n'y avait pas de vampire dans le collège où il enseignait. « Il faudrait réaliser l’expérience en public pour avoir le temps d’en tester l’efficacité, dans un lieu dans un lieu dont il ne pourra pas s’extirper facilement. Aux heures du dîner, par exemple. » Cela pouvait sembler un peu retors, mais il n'y avait rien de personnel là-dedans : il était capital dans toute préparation de prévoir une phase d'expérimentation... et elle ne connaissait pas d'autres vampires que celui qui avait rejoint les rangs de Serpentard quelques mois auparavant. Elle laissa ses doigts pianoter sur le rebord de sa paillasse, le regard perdu entre les étagères de bocaux dans le fond de la pièce... Pour ce qui était de supprimer l'odeur du liquide, elle avait bien une proposition... « Avec un sortilège de dissociation bien rodé, on devrait pouvoir séparer le parfum du reste de la potion… et l’enfermer dans un flacon. » L'ennui, c'était qu'elle n'avait jamais essayé elle-même... De ce qu'elle en savait, c'était une formule un peu complexe, même pour des septièmes années ; en revanche, le Maître des Potions, lui, bénéficiait d'une expérience plus solide que la leur et devrait être logiquement capable de l'appréhender sans problème.

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