What It Cost || Silas Jørgensen & Dmitri van Aken

What It Cost

feat. @Silas Jørgensen & @Dmitri D. van Aken

On ne pouvait pas dire que Bevans passait un bon début de journée. Dans ses rares moments d’intransigeances éphémères, il avait cependant décidé que ses élèves n’en passeraient pas une non plus. Mais ce besoin vindicatif n’avait que bref, vite rattrapé par cette culpabilité puérile qui l’empêchait d’avoir la sévérité d’un professeur digne de ce nom. Et l’absence de barbe sur ses joues lui donnait l’impression d’avoir drastiquement sa crédibilité, déjà bien basse. Et pourtant, il avait pourtant eu le courage de demander aux deux coupables de cette blague ridicule de rester à la fin du cours. Le binôme n’en avait pas globalement pas mené large durant le cours mais Caerwyn n’était pas dupe. S’ils sentaient que cette convocation ne sentait pas spécialement bon pour eux, leur professeur n’ignorait pas qu’ils tenteraient de retourner la situation dans tous les sens pour le faire plier lui. Le regard dur, nerveux, Bevans regarda la salle de cours se vider pour ne garder que lui-même, Silas et Dmitri entre ses murs. L’adulte redevenu adolescent n’avait pas l’ombre d’un sourire sur son visage d’une pâleur presque vampirique. Il passa derrière son bureau, leur fit signe de venir devant et s’assit dans son fauteuil sans plus de cérémonie.

— Approchez.

Il les regarda sans trop savoir par où commencer. Les deux adolescents étaient des têtes dures, il les connaissait, parfois prompts à l’insolence. Néanmoins, il avait moins de choses à reprocher à Silas. Ce dernier n’avait, après tout, pas fait d’esclandre jusque-là dans ses cours. Dmitri, en revanche, c’était une toute autre histoire. Le manque de respect, le cognard et maintenant ceci. Il était quelque peu désemparé de l’incapacité du Tchèque à juste se tenir tranquille. Par ailleurs, il commençait même à avoir l’impression que tout ceci devenait ridicule. En tant que Directeur de Serdaigle, il s’était senti responsable de son élève, presque garant. Cela faisait des semaines qu’il essayait de faire en sorte que Dmitri ait moins ce regard torve et défiant envers tout le monde, des semaines que ses collègues lui disaient que c’était une cause perdue et la fatigue morale, accumulée avec le reste, commençait à jouer sur son humeur. Peut-être aurait-il dû écouter Wenceslas et Jack, bien plus expérimentés que lui, qui lui avaient dit que Dmitri n’était rien d’autre qu’une perte de temps et une source d’ennuis, au lieu de s’obstiner dans son idéalisme utopique. Il se passa une main moite et nerveuse sur le visage avant de poser ses deux paumes sur son bureau.

— Je pense que vous savez tous deux pourquoi vous êtes là.

Avant que les protestations ne s’enchaînent, il leva une main intimant le silence avant de renchérir rapidement, ne leur laissant pas l’occasion de placer un mot :

— Je sais que c’est vous. Quelqu’un vous a vus. Et même si on vous avait pas balancé, je savais que c’était vous, surtout toi Silas.

Il se tourna vers l’élève de Serdaigle.

— Franchement, qu’est-ce qui t’a pris ? C’était quoi le projet derrière tout ça ? « C’est qu’une blague, monsieur, on a rien fait de mal. » Vous avez empoisonné vos professeurs !

Plus il parlait, plus son ton perdait de son calme. La dernière phrase était morte dans un éclat de voix significatif du courroux qu’il parvenait pourtant à réfréner jusque-là. Crier sur les autres n’était pas dans sa nature et détestait cela. D’une part, parce que la colère n’était pas une émotion qu’il ressentait souvent et qu’il n’aimait en être la proie. De l’autre, parce qu’au jeu de celui qui parlerait le plus fort, il en ressortait toujours perdant, sa gorge finissant toujours par s’étrangler à un moment ou un autre et son regard fuyant toute source de conflit. Mais il ne pouvait pas se laisser intimider par deux élèves d’une quinzaine d’années.

— Et toi, Dmitri, je me passerai de tout commentaire.

La phrase avait été teintée d’une déception glaciale, un énorme sentiment d’échec naissant dans la gorge du professeur.

— Vous vous rendez compte que l’addition va être salée, j’espère ? Que mettre une potion dans le café de vos professeurs à leur insu peut être motif d’exclusion définitive ?

Il lança brièvement un regard à Dmitri qui savait certainement que cette menace lui pesait au nez depuis un moment. Et il semblait qu’il ne se passait pas une semaine sans que son directeur de maison ait besoin de le lui rappeler. Viendrait un jour où il ne pourrait peut-être plus rien faire pour lui et ce jour était sûrement arrivé. Silas avait néanmoins certainement plus de chance de dormir à Poudlard ce soir-là. Mais s’il n’avait eu aucun problème disciplinaire notable avec Bevans, il était certain que cet incident mettait un gros point noir à son dossier ainsi qu’à l’estime que son professeur avait pour lui. Après tout, c’était lui qui lui avait donné l’idée. Bienveillant, candide sûrement, il avait espéré que son conseil puisse aider Silas à améliorer ses compétences. Son regard juvénile se durcissant un peu, il se promit qu’il ne se laissait plus aller à ce genre de philanthropie naïve.

...

ANAPHORE

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‎‎ ‎ Silas avait réfléchi. Durant tout le cours, il avait retourné la question dans sa tête. Celui qui risquait le plus gros, c’était son ami ; pas lui. Dmitri s’était attiré les foudres des professeurs – et en particulier celles de leur directeur de maison – à maintes reprises, et avec nettement plus de férocité que Jørgensen. Ce dernier se contentait en règle générale d’être insolent et désobéissant, et c’était bien ce qu’il comptait faire à cet instant. Bevans n’avait que peu eu l’occasion d’être confronté à son (très) mauvais caractère, et quelque part, ça jouait en leur faveur. Il s’attendrait sûrement à ce que van Aken soit le plus virulent des deux ; en le prenant de vitesse, il éclipsait la présence de son camarade et conservait l’attention sur lui. Dans le pire des cas, s’il avait des preuves, il se dénoncerait pour éviter à son colocataire de risquer une sanction grave. Silas ne s’inquiétait pas vraiment pour lui-même ; après les deux années écoulées, ce genre d’événement le laissait parfaitement indifférent. Il avait survécu à bien pire.
‎‎ ‎ Aussi, lorsque la classe fut complètement vide et que le prof leur intima de s’approcher de son bureau, Jørgensen prit tout son temps pour s’installer sur son fidèle Bane et se mettre à portée de voix de son enseignant rajeuni. Avec un certain plaisir, le blondinet nota la nervosité qui transparaissait dans les gestes de l’adulte. Parfait. “Du coup, c’est quoi le truc que vous vouliez nous dire ?” lâcha-t-il d’une voix traînante et ennuyée. Le comédien lâcha même un regard vers la porte des cachots, comme pour souligner qu’ils étaient attendus. Sans grande surprise, Bevans affirma qu’ils savaient très bien pourquoi ils étaient là et, sans leur laisser l’occasion de l’interrompre, affirma que quelqu’un les avait vus. Jørgensen haussa un sourcil circonspect. Personne ne les avait vus. Sinon, on les aurait arrêtés. Il les prenait pour des teubés, ou quoi ? Ah, ça y est, c’était au tour de Silas de se faire sermonner. Impossible de réfréner le sourire insolent qui se dessina sur ses lèvres, pas davantage que le rire qui le secoua lorsqu’il employa le mot “empoisonner”. Le mec est parano, c’est grave. Levant les yeux au ciel sans s’en cacher, Jørgensen lâcha un soupir exaspéré. “Bon, ça y est, vous avez fini de nous inventer une vie ? Personne nous a vus parce qu’on a rien fait, en fait. Et on a cours, là. On peut y aller ?” L’accent traînant de sa voix, paradoxalement, semblait plus solide que la colère du professeur qui paraissait peiner à les sermonner correctement.
‎‎ ‎ Bevans adressa à peine un commentaire froid à Dmitri, avec lequel Silas échangea un regard méprisant. Et voilà qu’il parlait de l’addition qui allait être salée, et bla bla bla… Exclusion définitive pour avoir fait disparaître des rides et des cheveux blancs ? Il est fou. “OK super, on dira ça aux responsables si on les croise” ironisa Silas en tapotant avec agacement sur les accoudoirs de son ronronroulant, dont les ronronnements discrets ressemblaient de plus en plus à un rire réprimé. “Viens, Dmitri, on s’casse, sinon Griffith va nous peler le derche et donner le reste aux plantes.” Sans un regard pour l’adulte, Silas s’enfonça dans son fauteuil, qui se détourna tranquillement du bureau pour se diriger vers sa paillasse adaptée sur laquelle il avait laissé son sac de cours.

ft. @Dmitri D. van Aken & @Professeur C. Bevans

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La matinée avait été un enchevêtrement d’émotions contraires, passant de la joie et de la fierté de voir les effets de la potion se dessiner sur les visages des adultes attablés devant presque tout Poudlard à l’abattement du courrier de Maximilian van Aken ; ce dernier avait chassé tout le reste, ne laissant plus qu’une panique certaine, un cocktail explosif d’émotions qui lui rappelaient ce pourquoi il s’était senti tant coupable à la mort d’Alexander. Il n’avait pas été à la hauteur à l’époque, et une fois de plus il s’attirait des problèmes qui venaient l’empêcher de travailler assidument à ses peintures. Cette pensée l’avait parasitée durant tout le cours, occultant presque la convocation étonnante de Bevans : elle était pourtant inexplicable. Dmitri était sûr qu’ils n’avaient pas été surpris : leur potion était parfaite, leur plan rondement mené et nul n’aléa n’était venu mettre des bâtons dans leurs roues.

En s’approchant du bureau de l’enseignant, alors que tous les autres élèves filaient déjà vers la serre de botanique pour l’autre cours communs de la journée, le Tchèque ne put s’empêcher de lancer un regard de connivence avec Silas. Sans sourire, cela dit : il se méfiait de ce qui allait arriver. Le maître des potions contourna son bureau pour s’asseoir dans son bureau, comme pour mieux se réfugier derrière, les scrutant d’un regard torve et anormalement juvénile. S’il n’avait eu le moral plombé par la menace de son père, cette vision aurait pu éveiller en lui une joie certaines, coupable mais amusée. Au lieu de ça, il resta de marbre, glissant les mains dans les poches en se postant à côté de son camarade et de son fauteuil. À l’inverse de ce dernier, il resta silencieux, le laissant attaquer d’une manière assez surprenante. Il n’était pas dupe et voyait bien qu’il cherchait à amener le courroux du professeur sur lui : il lui avait déjà proposé de se présenter comme unique coupable pour lui éviter des ennuis... et s’il avait été un peu surpris, au début, de cette proposition, elle n’avait finalement rien de bien étonnante. Le redoublant pouvait être insupportable, quand il le voulait, et Dmitri et lui se disputaient souvent, mais il avait toujours été un d’un soutien volontaire. Il n’abandonnait pas si facilement les gens sur le bas-côté. En cela, il était bien plus solidaire que ne pouvait l’être le van Aken.

Durant tout le discours moralisateur du maître des potions, il resta de marbre, ne levant pas même les yeux lorsqu’il alla jusqu’à qualifier l’évènement d’empoisonnement. Osait-il vraiment employer ce mot à lui ? Manifestement, Bevans n’avait aucune idée de ce que pouvait être une véritablement empoisonnement, sinon il n’oserait pas avancer une telle chose, encore moins devant lui. Évidemment, l’homme ne se priva pas pour lui faire une nouvelle fois la leçon sur son comportement. Encore et toujours la même rengaine débitée inlassablement. L’adolescent, lui, commençait à s’en lasser en revanche.

- Oui, épargnez-moi vos commentaires, je les connais déjà. Les vôtres, ceux de Griffith et ceux de mon père.

Sa voix laissait transparaître une fatigue qui n’était pas feinte : sans doute le professeur en avait-il tout autant marre que lui, mais ça n’était pas son problème.

- Viens, Dmitri, on s’casse, sinon Griffith va nous peler le derche et donner le reste aux plantes.

L’intéressé échangea un regard avec Silas avant de croiser une nouvelle fois celui de l’adulte redevenu adolescent. Sans un mot, il se détourna de lui pour emboîter le pas de son camarade et récupérer ses affaires, qui étaient sur une paillasse, un peu plus loin.

N’empêche qu’il demeurait curieux : personne n’avait pu les voir, il en était sûr, mais était-ce simplement une accusation infondée, basée sur l’origine de l’idée de Silas et la méfiance qu’il avait à l’encontre du benjamin ?

@Silas Jørgensen @Professeur C. Bevans

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Comme Bevans s’y était plus ou moins préparé, la remontrance ne se passait pas comme prévu. S’il était habitué à l’insolence de Dmitri, celle de Silas était plus inattendue. Que les deux élèves nient les faits et se défendent en se faisant passer pour innocents n’avait rien d’inhabituel. Néanmoins, pour faire bref, le binôme infernal du jour n’en avait strictement rien à faire de ce que leur professeur leur disait. Silas, qui avait été plutôt discret et mutique durant le cours, à l’instar de Dmitri d’ailleurs, semblait être animé d’une ferveur des plus désobligeantes qui laissa Bevans coi sur le moment. Leur directeur de maison resta interdit, surprit que ses deux fauteurs de troubles se montrent aussi enclin à partir rejoindre les serres. Quelque peu désemparé par leur comportement fuyant à tous les deux, il resta un instant immobile, les regardant simplement lui tourner le dos après avoir lâché quelques remarques encore plus insolentes. Bevans fut un instant tenté de les laisser partir. À quoi bon, après tout ? Il avait beau mettre en garde Dmitri, voilà que le garçon prouvait encore qu’il n’en avait cure. Revenant à la réalité (il était leur professeur après tout), il posa brusquement ses deux paumes juvéniles sur son bureau et se levant d’un bond.

— JE N’AI PAS FINI, BORDEL DE MERDE.

Il eut un profond soupir avant que son menton ne s’abaisse, l’expression furieuse de son visage disparaissant aussi sec. Non seulement il n’aimait pas crier, mais il sentait bien que sa voix n’avait pas grand-chose à voir avec celle qu’il avait d’habitude. Nerveux, il se passa une main sur le visage et dans le doute, ferma magiquement la porte du cachot. Il se doutait que les deux adolescents n’allaient pas tarder à se sentir pris au piège par leur directeur de maison, mais ce n’était en réalité pas tout à fait le cas. Anticipant leurs visages scandalisés, il avait gardé les yeux baissés sur son bureau. Il avait toujours cette colère qui lui griffait l’échine et qu’il n’était pas habitué à ressentir. Mais depuis le début de la journée, il se sentait extrêmement nerveux, plus que d’ordinaire, sentant que son comportement devenait relativement erratique. Essayant de reprendre contenance quelques courtes secondes, ignorant totalement les protestations s’il y en avait. Finalement, après quelques instants de réflexion, il finit par relever la tête et les regarder tous les deux, son visage d’adolescent toujours froid et sans l’ombre d’un sourire. Pourtant, d’un ton plus doux, mais sans pour autant être chaleureux, il dit :

— Je crois que vous n’avez pas tout à fait saisi le problème. Alors on va reprendre : il y a derrière cette porte quelques collègues qui n’attendent qu’une chose, c’est de voir la tête des coupables sur une pique.

Il jeta un regard à Silas. Il ne manquait plus que celui-ci prenne sa métaphore au pied de la lettre. Si c’était le cas, aucun d’entre eux n’était sorti du sable.

— Si le Professeur Griffith vous voit arriver maintenant, vous deviendrez ses principaux suspects. Pourquoi ? J’ai prévenu de votre retard à son cours en indiquant qu’au vu de vos capacités en potions, vous seriez les plus à même de m’aider pour préparer celle qui remettrait tout dans l’ordre. Je ne sais pas si mon mensonge va tenir longtemps, mais une chose est sûre, vous ne pouvez pas m’aider en seulement deux minutes.

Bien évidemment qu’ils n’en avaient rien à faire du bourbier dans lequel Caerwyn s’était mis tout seul auprès de sa collègue. Comme un grand, il s’était également jeté dans la gueule du dragon en acceptant son invitation à se faire maquiller en fin de journée par elle. S’il avait globalement hâte de ce début de soirée, elle aurait tout le loisir de le cuisiner comme elle le voudrait. Avant que les deux élèves ne puissent dire quoique ce soit, il reprit :

— Peu importe comment je sais que c’est vous, peu importe qui vous a balancé, estimez-vous heureux que ce soit moi qui le sache plutôt que le Professeur Aylmer par exemple. C’est pourquoi vous êtes toujours là.

Il se tourna alors vers Dmitri :

— Je ne vais pas pouvoir te couvrir éternellement. J’ai déjà essayé d’arrondir les angles auprès de ton père et du Professeur Griffith après l’incident du Quidditch mais vraiment, tu me facilites pas la tâche, là.

Inutile de préciser qu’il avait essayé de négocier le matériel de peinture de Dmitri auprès de sa collègue. Bien que les négociations se soient soldées par un échec de ce côté-là, l’élève de Serdaigle détestait tellement son professeur de potions qu’il n’était même pas certain qu’il daigne le croire. Il se passa une nouvelle main sur le visage avant de pousser un profond soupir qui trahissait son épuisement certain.

— Franchement, ça vous a apporté quoi de faire ça ? De vous marrer un bon coup et c’est tout ?

Comment blâmer des gamins, après tout ? Visiblement, ils ne parvenaient pas à comprendre la portée de leurs actes.

— Au moins, elle était impeccablement réussie, je peux au moins vous attribuer cela.

S’ils pouvaient mettre autant d’énergie dans les potions de cours que dans leurs idioties… Leurs récentes préparations n’étaient pas fameuses, surtout celles du jour. Ils étaient loin d’être mauvais dans cette discipline, mais récemment, les deux élèves semblaient avoir la tête ailleurs.

...

ANAPHORE

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‎‎ ‎ Lorsque Silas avait décidé de protéger un ami, rien ni personne ne pouvait l’en dissuader, pas plus que lui faire faire machine arrière. Comme un cabot à l’échine hérissée, babines découvertes sur des crocs menaçants, il ne quittait pas sa posture de défense ou son attitude passive-agressive qui menaçait à tout instant de devenir purement et simplement agressive. Et, alors qu’ils s’apprêtaient à quitter les cachots sans demander leur reste, la voix ridiculement adolescente de Bevans les interpela dans une tentative de gueulante aussitôt soufflée par l’absurdité de la situation. Lentement, Silas fit pivoter Bane en haussant un sourcil dédaigneux, avant de changer d’expression du tout au tout lorsque les portes se refermèrent sous l’impulsion magique du professeur. Son visage plongea dans l’ombre de la rage, yeux étincelant de colère. “Vous vous prenez pour qui, en fait ? Vous avez pas l’droit de nous enfermer ici !” s’écria-t-il, se redressant d’un bond de son ronronroulant pour s’avancer en claudiquant sévèrement vers la version juvénile du maître des potions, qu’il dominait largement de sa haute taille. Il pointa un doigt furieux sur lui, les traits déformés par une furie qui ne demandait qu’à être libérée depuis deux ans. “C’est vous qui comprenez rien à la situation ! Vous avez pas de preuves, y a personne qui nous attend, personne qui va nous dire quoi que ce soit. Tout le monde s’en fout et Griffith la première : elle a l’air de kiffer sa vie, elle.” Sous-entendu : “C’est pas parce que vous kiffez pas la vôtre que vous devez faire chier le monde.”
‎‎ ‎ À présent si proche du bureau professoral qu’il s’y appuyait de deux mains autoritaires, Jørgensen plongea son regard d’orage dans celui de son aîné rajeuni avec une hargne qui n’avait rien à envier aux dobermans. “Si on est toujours là, c’est que vous avez rien. Et Dmitri a rien fait” martela-t-il, voix grondante comme un orage au loin. “C’est vous qui vous facilitez pas la tâche, là, hein. Y a zéro problème avec la potion, comme vous dites, parce qu’elle est parfaitement réussie ; y a zéro problème avec nous parce que y a rien qui nous incrimine ; y a zéro problème parce que c’est pas nous. C’est vous qui créez des problèmes. Et ça vous apporte quoi ? Des cheveux blancs et c’est tout ?” singea-t-il les questions de son interlocuteur, mettant à profit sa langue affûtée pour ne laisser aucune ouverture au professeur. Lentement, il se redressa, croisa les bras et toisa Bevans en dépit de la douleur qui électrisait son genou déformé. “On sort.” Déclaration qui ne demandait aucune autorisation ; ordre plutôt que demande.

ft. @Dmitri D. van Aken & @Professeur C. Bevans

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Le mouvement vers la sortie amorcé, Silas et Bane devant, Dmitri sur leurs talons, un fracas sur le bureau les stoppa dans leur élan, la voix trop aiguë de Bevans résonnant dans le cachot qui servait de salle de cours. Aussitôt la porte fut fermée d’un vent de magie, laissant comme une impression désagréable dans le creux de l’estomac du garçon ; il n’avait jamais aimé cette sensation d’être enfermé, pris au piège entre quatre murs ou immobilisé comme lorsqu’un pétrificus venait à paralyser ses membres. Il y avait été habitué pourtant, pas autant que les coups qui servaient de châtiments à ses bêtises, mais à l’inverse de ses derniers, il ne parvenait réellement à dédramatiser la chose. La voix de l’adulte reprit aussitôt, alors que son camarade de dortoir se tournait comme lui vers leur professeur, mais sans hurlement cette fois-ci ; il semblait avoir compris le ridicule de la situation, le manque de prestance que son allure adolescente et son visage juvénile imposaient à sa personne. Que des enseignants veuillent placer sa tête sur une pique, comme le disait si bien Bevans, le Tchèque y était habitué ; qu’un membre du personnel se targue de l’avoir couvert était moins fréquent. Mis à part Alexander, bien sûr, c’était généralement la volonté inverse qui dominait dans le corps enseignant de l’école. Quelque part, bien ancré au fond de lui, l’idée que le nouveau maître des potions ait pu réellement chercher à couvrir leur bêtise – pour une raison qui lui échappait totalement – le toucha. C’était discret, ridicule à vrai dire, d’autant que l’inimitié entre le directeur de maison et l’élève n’était un secret pour personne.

Le discours de l’adulte continuant, et la nouvelle mention de son père tendant un peu le garçon au point qu’il sentit ses ongles s’enfoncer dans la hanse de son sac, Dmitri resta silencieux. Plus qu’irrité, énervé ou apeuré par les invectives du professeur, il ne s’avait simplement pas comment réagir ; il n’était pas vraiment possible de jouer les enfants innocents – ce statut, il l’avait perdu depuis longtemps – et reconnaître la bêtise, aussi amusante puisse-t-être l’idée, ne ferait que mettre en porte à faux son complice qui clamait à corps et à cri – littéralement – leur innocence. La confrontation prenait presque des allures de pugilats, Silas s’étant levé de son fauteuil pour dominer le rajeuni. Un bref instant, la scène lui donna envie de rire ou de l’imprégner sur sa rétine pour en faire une illustration plus tard, mais la situation ne s’y prêtait pas vraiment. Nul doute que tous les protagonistes n’apprécieraient d’ailleurs pas de se voir caricaturé de la sorte. Vraisemblablement pris dans un élan presque protecteur – et non pas fraternel, jamais un de ses frères n’aurait agi ainsi – Jørgensen avait fait sien la défense de leur cause, insistant tout particulièrement sur l’innocence du Tchèque. C’en était presque touchant, quoique pas surprenant, dans la mesure où il lui avait déjà proposé d’assumer seul la bêtise pour lui épargner de nouvelles remontrances.

- Ça va, Silas, inutile de s’énerver, tu vas te prendre une retenue pour rien. Et là, il n’aura pas besoin de prouver ta faute, souffla-t-il en restant immobile, ignorant son injonction à quitter la pièce. S’il le faisait, il ne ferait sûrement qu’aggraver sa situation.

Il quitta son camarade des yeux pour plonger ses iris dans celles un peu plus ternes de l’enseignant. La jeunesse apparente de ce dernier était en cet instant plus frappante que jusqu’à présent, comme si en le contemplant ainsi, il le redécouvrait pour la première fois.

- Professeur, je vous prierais de ne pas m’accuser d’empoisonner des enseignants, lâcha-t-il finalement sans vraiment d’hostilité, reprenant les premières invectives de l’homme. « À l’époque, vous n’étiez pas à Poudlard, donc vous ne devez pas le savoir, mais des gens ont déjà été empoisonnés ici, devant nous. Et pour avoir cru voir mon propre oncle mourir sous mes yeux, j’espère que vous comprendrez que cette accusation est très déplaisante à entendre. »

Il pesait ses mots, son accent slave écorchant les mots plus qu’habituellement, les choisissant avec une prudence inhabituelle pour qu’ils s’empreignent plus profondément encore. Ça n’était même pas une fausse excuse, des prétentions utilisées pour se dédouaner, mais la pure vérité : s’il avait bien glissé cette potion dans le café des enseignants, il ne les avait pas empoisonnés. Sans aucun doute les professeurs devraient se questionner de la façon dont des élèves pouvaient si facilement leur faire boire un tel breuvage alors même que les antécédents récents de l’école les avait déjà avertis des failles de sécurité.

- Qu’est-ce que vous attendez qu’on vous dise au juste ? Visiblement, pas que l’on reconnaisse notre culpabilité puisque vous avez un formidable témoin...

Il regarda un instant son camarade qui se tenait toujours debout.

- J’espère que vous avez une grande confiance en lui, parce que de mon point de vu, il ressemble surtout à quelqu’un qui essaie de nous calomnier. Il y a quelques élèves ici qui auraient tout intérêt à nous attirer des ennuis, à Silas et moi. Je peux vous en citer pleins, si vous voulez : Rowle, Appleton, mon très cher frère, McGregor...

Si Dmitri n’entretenait guère de relations avec le préfet de gryffondor, il n’ignorait pas les conflits qui existaient entre lui et Silas. Quant à la préfète de serdaigle, l’accusation était peut-être un peu exagérée... mais il n’allait pas se priver de dégrader son joli insigne qu’elle ne méritait pas le moins du monde.

@Silas Jørgensen @Professeur C. Bevans

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Comme attendu, les protestations concernant la porte close ne tardèrent pas à fondre sur Bevans comme s’il n’avait été qu’un tortionnaire sadique. Il pouvait comprendre que Dmitri et Silas se sentent pris au piège. Le menton toujours baissé en direction du bureau, il essuya la réplique cinglante du plus âgé des deux Serdaigles. L’envie de lui dire que la porte n’était même pas verrouillée et qu’ils n’étaient, en aucun cas, séquestrés comme le laissait entendre le plus virulent des deux était forte, mais il demeura silencieux. La tentation de lui répondre sur le même ton pédant lui brûlait les lèvres également. Qu’il se prenait simplement pour leur professeur et accessoirement leur directeur de maison et que Silas, lui, semblait se comporter comme s’il était au-dessus de tout ceci. S’il y avait bien quelqu’un qui n’était pas à sa place dans ce cachot, c’était bien le colérique adolescent. Tandis que Bevans tentait d’expliquer ses arguments, Silas se leva brusquement de son ronronroulant pour venir le confronter avec une insolence furieuse. Il daigna même dresser un doigt avant de répandre tout son fiel sur son professeur qui avait tenté vainement de leur faire comprendre qu’il n’était clairement pas leur ennemi dans cette histoire.

Pendant que Silas s’égosillait dans sa violente diatribe, Dmitri semblait particulièrement en retrait. Le directeur de maison s’avoua qu’il n’aurait jamais imaginé les choses dégénérer de cette façon. Il aurait plutôt pensé que les rôles étaient inversés, mais voilà qu’il essuyait péniblement la rage d’un Jørgensen étrangement déchaîné. La tentative de médiation et d’apaisement de Bevans n’avait vraisemblablement pas fonctionné, s’échouant sur les oreilles sourdes du plus âgé des deux élèves. Le directeur de Serdaigle était bien patient, parfois trop, mais plus Silas continuait de lui éructer au visage, plus l’envie de répondre à la provocation se faisait forte. Il n’était pas du genre à se mettre en colère, il détestait même cela. Mais l’attitude grotesque de l’adolescent le poussait dans des retranchements qui ne demandaient qu’à imploser eux aussi. Son visage rajeuni trahissait une colère froide qui peinait à être contrôlée. La mention du professeur Griffith changea cependant drastiquement le visage difficilement impassible de Bevans et ses lèvres s’étirèrent en un sourire mauvais, laissant même échapper un ricanement sans joie. Visiblement, Silas ne doutait de rien et paraissait bien ignare sur ce que la professeure de botanique pensait de lui. C’était donc là l’estime que les adolescents avaient de lui lorsque leur directeur de maison se révoltait pour eux ?

Le visage toujours éclairé d’un sourire sombre et sans éclat, il se passa une main tremblante et moite sur ses joues juvéniles, à deux doigts de se laisser aller à un rire aussi désabusé que sidéré. Silas ne lui laissa aucune occasion de rétorquer néanmoins, continuant sa palabre indigeste, continuant de proclamer leur innocence et plus particulièrement celle de Dmitri. Si un tel sacrifice pouvait être louable, les circonstances d’un tel acte de bravoure et de dévotion étaient particulièrement ridicules dans un tel contexte. Comme si Bevans venait d’insulter toute la famille des Jørgensen, Silas continua de s’enliser dans son comportement menaçant, foudroyant son professeur d’un regard qui aurait valu certainement un motif d’exclusion. Défiant, le directeur de Serdaigle soutint évidemment ces yeux qui le toisaient de haut, continuant de sourire presque insolemment à cet élève qui était en train de faire une sortie de piste inconsidérée. Non seulement il continuait d’être à la limite de la menace, mais il se permit également une imitation pas si convaincante des dernières questions de son professeur. Continuant de tenter de refréner cette envie de crier sur Silas, le souffle de plus en plus en court et le cœur emporté dans un tempo de plus en plus soutenu, ses yeux finirent par se baisser brièvement sur les bras croisés de l’adolescent et notèrent un détail qui avait néanmoins son importance. Néanmoins, désormais régi par cette colère sourde et cette envie de répliquer de manière cinglante, son empathie ne parvint pas à le faire redescendre et à lui faire retrouver son calme.

Alors qu’il allait prendre la parole pour répondre à Silas qui lui tournait à nouveau le dos, Dmitri s’exprima enfin. Si Bevans était à deux doigts de lui dire de la fermer et de ne pas rajouter de l’huile sur le feu, anticipant déjà le côté mutin du Tchèque, ce fut cependant un ton apaisé qui sortit de sa bouche. Le sourire froid du professeur de potions disparut et l’adulte rajeuni resta silencieux pour écouter ce que le plus jeune d’entre eux avait à dire. Tentait-il de jouer au médiateur ? Il mentionna l’épisode de l’empoisonnement qui était survenu à Poudlard quelques années plus tôt. Oui, Bevans en avait entendu parler, mais n’ayant cure du monde magique et de ses déboires, il n’avait pas creusé plus que cela et ignorait parfaitement que les van Aken y étaient mêlés de près ou de loin. Néanmoins, si Dmitri avait été bien parti pour essayer de calmer les ardeurs de tout le monde, leur professeur ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel d’exaspération en l’entendant accuser certains de ses camarades de vouloir les saboter. Bevans était, à ce stade, bien trop sur les nerfs pour continuer à les laisser clamer leur prétendue innocence. D’un ton sifflant qui trahissait sa colère mal maîtrisée, il dit, maintenant que les deux élèves lui laissaient enfin la parole :

— Je dois vous avouer que je ne sais pas comment vous le faire comprendre : je sais que c’est vous. Et je suis sûr que tous les profs se doutent que c’est vous. Alors arrêtez avec votre putain d’innocence de merde, parce que ça prend pas !

Un nouvel éclat de voix, trahissant sa patience déjà mise à rude épreuve et qui était sur le point de céder.

— Il n’y a personne d’autre que vous deux pour faire une connerie pareille. Qui dans cette foutue école est capable de faire une telle potion ? Kathleen Kirte ? Shayne Williams ? Murphy Leonhart, peut-être ? Et vous deux.

Lancé dans ses vociférantes explications, il poursuivit, le regard alternant furieusement entre les deux accusés :

— De plus, cela sous-entend qu’on soit venu voler dans la réserve. Kathleen et Shayne n’ont vraiment pas le profil pour ça. Murphy est tellement sur mon dos en ce moment que ce serait plus que contreproductif pour elle de faire cela, que ce soit voler ou faire la potion. Donc, il ne reste plus que vous deux, là.

À l’instar de ses yeux qui ne parvenaient à se fixer sur l’un des adolescents, il les pointa d’un doigt tremblant légèrement d’une rage encore contenue.

— De plus, à l’un d’entre vous, j’ai proposé l’idée de bûcher sur la potion de rajeunissement.

Son regard finit par fondre sur Silas.

— Donc en fait, témoin ou non, vous êtes les principaux suspects. Et bientôt coupables si vous continuez à me casser les couilles comme ça !

La seule façon qu’il trouva de ne pas tomber plus dans les insultes fut de taper sèchement de la paume sur son bureau.

— Maintenant, Silas, va te plaindre à Griffith si tu le souhaites, elle qui a une telle estime pour toi à t’enlever des points même quand tu fais tes devoirs ! Je t’en prie, fais-toi plaisir ! La porte, elle est même pas verrouillée !

Sa voix était une nouvelle fois partie dans les aiguës et Bevans se rendit compte qu’il perdait toute retenue. Il fit glisser nerveusement ses deux mains sur son visage dans un râle rageur, comme pour chasser cette colère à laquelle il n’était que peu habitué et qui le faisait légèrement trembler. Il soupira un coup, tentant de retrouver des bribes de lucidité, luttant pour faire revenir cette patience qui lui faisait défaut. Finalement, d’un ton excédé, presque désespéré, il finit par dire :

— Je ne suis pas en train de vous blâmer. Je suis en train d’essayer de vous protéger.

Avant que l’un d’entre eux ne daigne l’interrompre, il leva vivement une main pour les intimer au silence.

— Je ne dis pas non plus que vous avez voulu nous empoisonner – encore heureux d’ailleurs. C’est juste que vous aviez toutes les cartes en main pour le faire. Vous n’en aviez pas l’intention — Dieu merci — mais vous avez eu tout le mode opératoire. Oui ce n’était qu’une simple potion de rajeunissement, mais vous auriez bien pu mettre un poison létal que cela aurait été pareil. C’est sur le principe que c’est condamnable : vous nous avez fait boire quelque chose à notre insu.

Il se laissa tomber dans son fauteuil en soupirant profondément, massant ses paupières closes de deux doigts.

— Et Silas, je t’en prie, c’est louable de défendre ton camarade ainsi, mais vous avez vraiment plus à y gagner à m’avoir dans votre camp que l’inverse.

Ses collègues n’étaient pas stupides. Ils remonteraient rapidement aux deux Serdaigles qui risquaient très chers si la moindre information venait à s’ébruiter. Mentir ne plaisait absolument pas à Bevans qui préférait au moins rester silencieux sur cette affaire. Il pourrait toujours feindre l’ignorance, mais au moindre indice, il se sentirait obligé de cracher tout ce qu’il savait. Autant que les deux élèves se montrent discrets le temps que les choses se calment. Mais au fond de lui, il savait qu’il venait de se confronter à deux murs pétris d’orgueil et d’insolence qui n’auraient écouté que ce qu’ils auraient voulu entendre et n’hésiteraient pas à continuer à jouer les innocents.

...

ANAPHORE

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