Toujours plus provocatrice, Jack jouait inlassablement à ce jeu entre la franchise déconcertante et les non-dits subtils. Encaissant ses piques visant à lui chatouiller l’ego, Caerwyn savait bien que sa dernière phrase n’avait pas grand-chose d’un compliment. Ces sourires n’étaient là que pour alimenter cette partie qu’ils se livraient sans merci. Mais le professeur de potions savait qu’il finirait par perdre. Sa partenaire éphémère était bien plus entraînée que lui dans ce jeu, cela se sentait. Combien de conquêtes d’un soir avait-elle eues pour se jouer aussi facilement de lui ? En réalité, il s’en moquait bien. Ce n’était pas quelque chose qui l’importait ni qui le regardait le moins du monde. Et tandis qu’il se sentait céder de plus en plus, il savait qu’elle jubilait. Ses brèves questions visant à la déstabiliser avaient été vaines. Il avait vaguement l’impression qu’il aurait pu finalement gagner lorsqu’il avait perçu ce légèrement agacement face à sa résistance éhontée mais cette dernière s’était effacée au fur et à mesure. Il accusait les deux substances dans son corps de malmener sa raison mais peut-être avaient-elles seulement bon dos, finalement. Car Jack et lui ne jouaient pas dans la même cour et si Caerwyn avait tenu bon jusque-là, elle n’allait pas tarder à lui faire comprendre.

Elle posa ses mains sur les siennes et il ne put que la laisser faire, laissant grimper ses paumes le long de son corps, lascivement. Docile, faiblissant à chaque instant un peu plus, il demeura pourtant immobile, appréciant simplement ses doigts courant sur sa peau pourtant mangée de barbe. Il la sentait se délecter de l’électricité qu’elle créait en lui par ces simples passages et il arrivait à un stade où cela ne l’importunait plus. Il pouvait bien lui laisser cette victoire ce soir. Et elle ne tarda pas à s’engouffrer dans la brèche qu’il lui avait offerte. Le visage enfermé entre ces paumes qui l’avaient naguère menacé, il la laissa briser cette distance déjà si friable entre eux. Pourtant, il savait qu’elle ne lui donnerait rien d’elle-même et il ne sut par quel miracle il tint bon à ne pas céder complètement. Un rare soupçon d’orgueil restant peut-être. Leurs lèvres s’effleurant presque, leurs souffles se heurtant l’un à l’autre, elle l’attaqua à nouveau, lui rappelant qu’il se devait de lui donner tort. Cela raviva cet ego enivré par autre chose que le vin mais avant qu’il ne put lui répondre quoique ce soit, un dernier frisson, bref, et elle disparut.

Il resta immobile quelques courts instants comme suspendu dans le vide avant de rouvrir ses yeux (il ne s’était même pas rendu compte qu’il les avait eu de fermés) et regarda Jack qui s’était éloignée de lui avec un sourire amusé. Là, appuyée nonchalamment contre son bureau, elle lui laissa le choix. Ou du moins, elle lui donna l’impression d’avoir le choix. Le froid qui avait remplacé sa partenaire non loin de lui le ramena légèrement les pieds sur terre. Il resta silencieux quelques secondes, se contentant de la regarder son sourire ne s’affaissant pas, se sentant reprendre contenance. Indécis mais ne subissant plus les assauts de la proximité dangereuse avec Jack, il se décida finalement à s’avancer vers elle, lentement. Ses lèvres insatisfaites pincées dans une moue, il se posta devant elle, la toisant faussement, son regard encore enfiévré brillant d’une lueur défiante. L’orgueil ravivé par cette brusque distance privative qu’elle lui avait infligé mais néanmoins toujours chahuté, il eut un sourire qu’il voulut assuré mais qui le trahissait certainement encore. Leurs jambes s’effleurant presque, il parvint cependant à dire dans un souffle :

— Pourquoi ce serait à moi de choisir ?

Le ton grave de sa voix lui fit cependant se rendre compte que ce qu’il avait pris pour un retour d’orgueil n’était rien de plus qu’une étincelle supplémentaire qui le poussait inexorablement vers elle. Il n’y avait pas d’ego ravivé. Il n’y avait pas de malice défiante. Seulement un désir un peu primitif qui l’avait rappelé docilement à elle. Tant pis. Son sourire s’élargissant, accueillant la défaite bras ouverts, il ajouta :

— Mais perdre ce soir me va tout à fait.

Il prit alors à son tour son visage dans ses paumes, délicatement et scella leurs lèvres. Elle ferait bien ce qu’elle veut de lui désormais, savourant sa victoire dûment mérité ou pouvant également se jouer encore de lui et lui infliger une violente douche froide. Le résultat ne changerait pas : il avait failli et elle avait gagné.