L’estomac de Jaimie semblait vraiment le faire souffrir puisque le jeune homme commençait à presser le professeur des potions à faire son vomitif. Caerwyn eut un mouvement de tête accompagné tout de même d’un sourire, lui faisant comprendre qu’il ne pouvait pas aller plus vite que la musique. Les potions étaient une discipline noble qui ne tolérait aucune précipitation, aucune tentative de raccourci. Ce n’était vraiment pas comme de la cuisine, une flamme trop forte et c’était raté. S’il fallait laisser bouillir deux minutes, ce n’était pas une minute trente avec un feu plus fort. Mais il comprenait sans problème que Jaimie souhaitât se débarrasser de son mal d’estomac au plus vite. Il ignorait à quel point le mélange des deux essais pouvait lui retourner les instincts mais il se doutait que cela devait être particulièrement inconfortable. De plus, le directeur de Gryffondor ne semblait pas être une petite nature. S’il se plaignait de ses instincts, c’était sûrement pour une bonne raison. Mais Caerwyn pouvait fièrement se vanter de pouvoir mettre fin aux souffrances de son jeune collègue tandis qu’il lui donnait sa petite fiole encore fumante, n’ayant aucun doute sur l’efficacité de celle-ci à purger l’intérieur gastrique de Jaimie.

— Rien n’est pire que le jus de Bandimon. À part peut-être du pus de goule.

Il eut un sourire et regarda son compère boire pour la troisième fois une de ses potions. Confiant, il plissa les yeux en attendant que tout le dîner de Jaimie finisse dans la corbeille en métal. Il avait également préparé sa baguette – pour une fois qu’elle n’était pas délaissée sur son bureau – s’attendant à tout moment à devoir lancer un sortilège de Récurage. Mais rien ne vint, à part seulement une nouvelle éructation. Le sourire de Caerwyn disparut instantanément, laissant place à une sorte de colère frustrée. Non, il refusait de croire qu’il s’était trompé cette fois-ci. Il connaissait son métier sur le bout du doigt, il n’y avait aucune chance qu’une erreur se soit glissée dans sa décoction. Il réfléchit alors à toutes les possibilités possibles en soupirant, manquant d’idées cette fois-ci pour résoudre leur problème. Voulant s’ôter d’un doute tout de même, il retourna près de son deuxième chaudron, y trempa brièvement un doigt qu’il plaça ensuite entre ses lèvres. La quantité était insuffisante pour le faire vomir mais les effets étaient quand même là. Il toussa, son palais profondément dégoûté par la potion qui avait que peu effleuré sa langue. Non, elle était réussie, il n’y avait aucun doute là-dessus.

— Ils sont faits en quoi, tes intestins, sérieux ?

Finalement, si Jaimie avait une sorte d’immunité improbable à certaines potions, il se demanda si son deuxième essai n’était finalement pas plus réussi qu’il ne le pensait initialement. Reprenant un peu espoir, il en oublia quelques instants le directeur de Gryffondor, continuant d’analyser tout ce qui pouvait l’être. La main toujours en train de vaguement brosser sa barbe, il hésitait presque à essayer son expérimentation sur un autre cobaye. Pourquoi ne pas tenter sur lui-même une fois que Jaimie serait parti, après tout ? Il connaissait mieux les différents effets des potions que son homologue d’Étude des Moldus et serait peut-être plus à même se savoir ce qu’il s’est passé, ce qu’il manque. Il avait encore du vomitif dans le pire des cas. Il se retourna vers son collègue, constatant que son estomac refusait toujours et encore de rejeter ce qu’il le faisait souffrir. Caerwyn eut une moue. Il n’était pas certain que le vomitif était fait pour être gardé ainsi dans les entrailles. C’était bien la première fois qu’il voyait quelqu’un garder le contrôle de ses intestins ainsi. Finalement, il comprit. Il ferma les yeux et leva le visage vers le ciel avec un soupir, un détail lui revenant.

— Est-ce qu’il y avait du poisson ce soir, au dîner ?

C’était improbable. Qui mangeait du poisson à la place de la viande rouge ou du poulet ? Mais c’était la seule piste qu’il voyait pour expliquer le non-renvoi de Jaimie. Il avait entendu dire que l’iode contenu dans le poisson pouvait atténuer les effets du vomitif, agissant comme une sorte d’antidote.

— Désolé mon vieux. Il faudra patienter un peu. Si tu as vraiment mal au ventre, je peux peut-être te trouver un autre truc à avaler mais tes intestins seraient fichus de faire l’effet inverse.

Il eut une moue désolée, frustré de se sentir impuissant.

Caerwyn pataugeait et il n’aimait pas cela. Pourquoi diable était-ce si difficile de faire vomir Jaimie ? Il voulait bien croire que la jeunesse de ses intestins était certainement un élément à prendre en compte, encore robuste et téméraire mais tout de même. Qu’avait-il bien pu ingérer au cours de sa courte vie pour que ses viscères s’entêtent catégoriquement à tout renvoyer. Quel était le but de se faire du mal ainsi, quelque part ? C’était d’une frustration sans nom. À part le faire à l’ancienne et s’insérer deux doigts au fond du gosier, il n’avait pas d’autres idées. Et encore, il y avait toujours une chance que Jaimie s’étouffe avec ses phalanges plutôt que de libérer le poids sur son estomac. Il soupira à nouveau tandis que son jeune collègue vint s’installer à côté de lui à son bureau, ne manquant pas de faire tomber une petite fiole que Caerwyn rattrapa avant qu’elle ne brise par terre. Le directeur de Gryffondor décrivit ses intestins comme du béton armé et son homologue de Serdaigle voulait bien le croire. Peut-être était-il même fait en écailles de dragon, en y repensant, résistant à toute forte de toxicité. L’idée de savoir s’il était immunisé aux poisons lui traversa vaguement la tête.

— En tout cas, si tu meurs abruptement, sache que j’enverrai ton corps à la science pour qu’il se fasse étudier.

Il eut un léger rire taquin et lui donna même un petit coup de coude amical dans le bras. Il gardait tout de même un œil sur le comportement de Jaimie, qui gardait précieusement la corbeille en acier contre lui, au cas-où. C’était un bon réflexe et Caerwyn espérait réellement que la torture gastrique de son collègue soit bientôt finie. Le professeur d’Étude des Moldus lui avoua alors ne pas avoir mangé de poisson au dîner mais des crevettes et du poulet. Le directeur de Serdaigle secoua la tête.

— Des crevettes ? Même chose, ça vit dans la mer, c’est chargé en iode. Ça marche pas très bien avec le vomitif que je t’ai fait.

Il haussa les épaules.

— Mais normalement, il est quand même censé y avoir un résultat.

Caerwyn fut alors interrompu par la main brusquement levée de Jaimie. Les bras croisés sur sa poitrine, le Gallois porta son regard sur son collègue qui semblait ne pas se porter au mieux. Y avait-il une quelconque forme de progrès ? Il plissa les yeux, attendant que quelque chose sorte, n’importe quoi mais rien ne vint hormis le commentaire brusque du Directeur de Gryffondor qui lui demanda précipitamment où se trouvaient ses toilettes. Caerwyn haussa les sourcils mais n’attendit pas plus longtemps.

— Après la porte, sur la gauche en rentrant.

D’un mouvement de la main, la porte qui séparait la salle de cours et le bureau s’ouvrit, facilitant le passage à Jaimie qui allait sûrement s’y précipiter. Caerwyn grimaça et se passa une main sur le visage. Il n’aurait jamais pensé que la soirée se terminerait ainsi mais au moins, malgré la torture qu’il avait infligé involontairement à son jeune collègue, il avait bien avancé sur ses recherches. Tout n’était pas perdu finalement.