Caerwyn était dissipé ces derniers temps. Tout le monde s’affairait autour de lui pour la Saint Valentin sans que cela ne l’affecte particulièrement. À quoi bon de toute façon ? Ce n’était clairement pas une fête qui l’intéressait désormais. Trop de déceptions passées, des souvenirs encore trop vifs et douloureux qui le rendaient un peu plus ronchon que d’habitude. Pour se changer les idées, il avait décider de reprendre un vieux projet à lui dans lequel il voyait du potentiel. Ou du moins, la possible popularité que son prototype pourrait avoir s’il venait à fonctionner. C’était quelque chose de relativement évident, au niveau des effets, par ailleurs et cela l’étonnait autant que l’inquiétait que personne n’avait réussi à la faire avant. Une potion qui retirait toute trace d’ivresse et ou autre gueule de bois. Un remède miracle pour tous les fêtards et autres noceurs.

Il s’était quelque peu jeté à corps perdu dedans, ayant à peine mangé au dîner et durant le weekend par ailleurs. De plus, toutes les conversations étaient portées sur cette satanée Saint Valentin alors son esprit s’était complètement refermé sur sa potion, obnubilant espace et temps. Il avait vaguement entendu Fergal lui poser une question, il ne savait même pas laquelle et il se souvenait sommairement d’avoir répondu qu’il n’avait pas le temps ou quelque chose dans ce genre-là. Il était complètement déconnecté, réfléchissant aux différents effets de chaque potentiel ingrédient, du temps qu’il fallait laisser chauffer. Tout allait assez vite dans son esprit, malgré ce qu’on pourrait penser à le regardant de l’extérieur. Aussi prit-il congés rapidement pour aller retourner décanter l’effervescence de sa pensée.

Les cachots étaient sombres, ce qui n’était pas le plus simple pour y voir clair mais tant pis. Il installa un chaudron au milieu de la salle de cours et commença à apporter à côté tous les ingrédients qu’il jugeait indispensable. Son tableau noir était recouvert de dessin, de calculs et de schémas assez désorganisés mais qui traduisaient un fil de pensée logique. Plus échevelé que jamais, faisant sans cesse des allers-retours entre la salle de classe et son bureau où il y avait laissé ses notes, il finit par mettre de sa musique à fond via un phonographe enchanté qu’on lui avait gentiment donné. Les vinyles, il les avait rapporté de chez lui. Si le morceau (*) pouvait empêcher la concentration de certains de par son caractère plutôt… dynamique, il donnait à Caerwyn un rythme à suivre à son esprit. Il était tellement absorbé, chantant en même temps, qu’il n’entendit même pas son jeune collègue s’annoncer. Le professeur de potions sortit de son bureau, une grosse boîte sous le bras, imitant précisément le rythme de la batterie avec sa baguette de son autre main, complètement absorbé. En s’approchant de son chaudron, il releva finalement la tête et s’arrêta net en voyant le professeur Alexander.

— Jaimie ? Qu’est-ce que tu fais-là ? Il se passe quelque chose ?

Il avait tout de suite été un peu familier avec le benjamin des professeurs. Peut-être était-ce dû à son âge mais il y avait peu de chance. Après tout, Caerwyn avait une propension à tutoyer tout le monde ainsi qu’à les appeler par leurs prénoms. Fergal y avait droit, Wenceslas également, Septimus aussi malgré l’usage du vouvoiement. Il sourit poliment à son collègue sans rien ajouter de plus, baissant tout de même le son du phonographe.

Il n’y avait pas l’ombre d’un sourire sur le visage de Jaimie et cela intrigua son homologue aux potions. Au contraire, il paraissait plutôt inquiet. Caerwyn le regarda dans les yeux, se demandant s’il y avait eu un problème avec les élèves ou avec un Poudlard en général – ce qui ne serait guère surprenant. Finalement, il indiqua que c’était bien le comportement erratique du directeur de Serdaigle qui l’avait alerté. Surpris, ce dernier haussa les sourcils, se demandant pourquoi diable cela semblait l’avoir autant affecté. Caerwyn ne s’était pas non plus rendu compte qu’il avait pu être morose. Tout ceci était bien étrange. Il eut une moue embêtée, haussa les épaules et eut finalement un sourire à moitié caché son épaisse barbe hirsute.

— Morose ? Non, non, tout va bien. Je ne suis juste pas très friand de la Saint Valentin c’est tout.

Il posa alors ses affaires sur la table à côté de son chaudron, ouvrit la boîte et en sortit différentes fioles, continuant de chanter la musique qui passait en fond. Il était toujours bien dans ses pensées et en oublia de justifier son côté absent – qu’il avait toujours pour le coup. Triant les ingrédients dont il avait besoin, il ne fit plus du tout attention à son aimable collègue qui s’inquiétait pour lui. Il ramena le tableau proche du chaudron et effaça une annotation pour la remplacer par une autre. Toujours étrangement souriant, il continua ses allers-retours autour du chaudron et se permit même de ramener un petit carnet qui avait déjà servi. Entre deux refrains de la chanson, il dit finalement :

— C’est un projet à moi. C’est pas grand-chose mais je me suis rendu compte que personne n’avait encore réussi à créer une potion de ce genre.

Il releva des yeux malicieux – ou fous – vers Jaimie.

— Elle a pour but d’enlever l’état d’ivresse. Je ne sais pas pourquoi personne n’y a encore pensé. Peut-être que parce que cela paraît plus difficile qu’il n’y paraît et que les potionnistes suffisamment compétents avaient trop un balai dans le cul pour s’en soucier. J’en sais rien.

Il pensa au Professeur Slughorn, qui avait été son professeur et qu’il savait être un bon vivant. Lui aurait été capable de faire une telle potion.  Il eut alors un grand sourire que la lumière tamisée et sa barbe complètement indiscipliné pouvait rendre effrayant.

— Veux-tu être mon cobaye quand elle sera prête ?

Son regard avait certainement quelque chose d’inquiétant également et pourtant, il était tout simplement excité à l’idée de créer quelque chose. Il se savait aussi sur la bonne voie. Cela faisait après tout plusieurs années qu’il y travaillait et il sentait qu’il touchait enfin au but.

Jaimie ne chercha pas à en savoir plus concernant la Saint Valentin et Caerwyn fut reconnaissant envers cela. Il n’avait clairement pas envie de s’épancher sur le désastre de sa vie sentimentale avec un collègue qu’il connaissait à peine. Son homologue d’Étude des Moldus préféra plutôt débattre sur le fait que personne n’ait pensé à faire une potion contre l’ivresse. Le directeur de Serdaigle haussa les épaules. Il avait certainement raison. L’alcool apportait des moments d’euphorie indéniables pour ceux qui en abusaient trivialement. Mais certains n’avaient pas tous en vision cette idée récréative. Caerwyn commença à douter de la bienveillance de cette création. N’était-ce pas un peu dangereux et irresponsable, finalement, un antidote contre l’alcool ? Pensif, il passa une main dans sa barbe puis décida de ne pas s’en soucier. Après tout, les badauds étaient déjà suffisamment irresponsables en abusant eux-même sur leur consommation d’alcool non ? De plus, il était si près du but qu’il était bien trop tard pour débattre intérieurement d’une quelconque éthique. Dans le pire des cas, il demanderait une coquette somme pour cette potion. Non seulement, cela lui ferait une rentrée d’argent indéniable si Poudlard devait mal se passer – cette éventualité ne quittait jamais vraiment sa tête – et les gens n’en abuserait pas.

— Tout à fait, tu tiens bien l’alcool ? Parce que j’ai peut-être quelque chose pour toi, attends.

Il repartit en trombe dans son bureau et chercha erratiquement une bouteille qui traînait. Il ramena alors un whisky. Pas son meilleur alcool de sa cave mais l’occasion n’était pas suffisamment grande pour oser ouvrir quelque chose de valeur. Ils le feraient si la potion était un succès. En attendant, il posa deux verres sur la table, ainsi que la bouteille. Il les remplit tous les deux (celui de Jaimie plus que le sien).

— À ta santé !

Il but cul-sec le liquide ocre de son verre avant de grimacer légèrement, le whisky lui brûlant l’intérieur.

— Après, il n’y a pas besoin d’être complètement ivre non plus. Un peu suffira largement.

Il regarda Jaimie toujours en souriant bien que ses lèvres s’affaissèrent à l’idée de traîner son collègue des cachots jusqu’au septième étage. Caerwyn était robuste mais pas suffisamment endurant ni sportif pour cela.

— Alors raison de plus pour ne pas échouer, n’est-ce pas ?

Il sourit et jeta un coup d’œil au petit chaudron et analysa la mixture. Il se pencha lentement au-dessus, la renifla rapidement, prit une fiole dont il avait ajouta avec parcimonie deux gouttes et griffonna quelque chose dans son petit carnet.

Si Caerwyn s’était moins versé d’alcool, ce n’était pas tant parce qu’il le tenait moins bien mais plus parce qu’il devait garder l’esprit vif pour le reste de sa potion. Si sa tête commençait à tomber dans les limbes de l’ivresse, la concentration allait devenir compromise. De plus, il n’avait quasiment rien mangé. Et l’estomac vide ne fait pas spécialement bon ménage avec le whisky. Non, il se préservait pour la suite. Les yeux rivés sur sa potion, il avait ce mélange d’excitation et d’appréhension, confiant et en même temps, il se sentait surexcité comme un enfant. Toujours en train d’analyser la moindre fluctuation dans le breuvage, il continua de chantonner avant d’annoter quelque chose d’autre, sur le tableau cette fois-ci.

— J’ai déjà fait décuvé sur du carrelage, ça ne fonctionne pas très bien… Je sentais plus ma mâchoire le lendemain, franchement je ne te le conseille pas…

Il eut un sourire amusé et releva la tête vers Jaimie qui était en train de se resservir un deuxième verre.

— Au fait, tu es venu jusqu’ici parce que je suis parti rapidement du dîner ?

Il eut un regard rieur et taquin.

— Tu me surveilles ? Tu t’assures à ce que j’ai bien fini mon assiette ?

Il eut un petit rire mais son attention fut vite rapportée au chaudron qui émit un bref pschitt strident. Le sourire de Caerwyn disparut immédiatement et il se précipita pour prendre une fiole vide. Il versa alors la potion d’un bleu vif dedans et regarda les différentes fluctuations. Il eut une moue, bien incapable de dire si cela avait réussit ou non. Il se mordit nerveusement la lèvre avant de la tendre à Jaimie.

— Tu me dis quand tu es prêt. Je ne veux pas te forcer si tu te sens pas de subir mes expériences de vieux fou.

Il se disait que Jaimie était incroyable téméraire pour suivre les délires d’un illustre inconnu aux allures de fou furieux. Le jeune homme n’était, après tout, pas le directeur de Gryffondor pour rien.

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Lancer de dés :
1. Échec critique. Jaimie est complètement ivre. Oups.
2. Échec. Jaimie est un peu plus pompette.
3. Échec. Je laisse à la joueuse le choix de choisir ce qui arrive à Jaimie.
4. Échec. Rien ne se passe.
5. Succès timide. Jaimie se sent mieux, mais c'est pas encore cela.
6. Succès encourageant. Peut-être amélioré.

Caerwyn fronça légèrement les sourcils, dubitatif. Qu’était-ce donc cette histoire de petits pois ? Juste parce qu’il n’avait pas fini ses légumes verts, Jaimie lui avait couru après jusque dans les cachots tel un paternel courroucé ? Il eut un sourire rieur. Il n’était même pas si friand que ça des petits pois mais il saurait qu’il valait mieux qu’il termine son assiette en présence du benjamin des professeurs. Finalement, ce dernier avoua que ce n’était qu’une plaisanterie et était plus inquiet à l’idée que Caerwyn puisse déjà prendre la fuite. Les démissionnaires étaient si nombreux à Poudlard ? Pour le Gallois désabusé, cela n’était guère étonnant. Il fallait être particulièrement inconscient pour oser revenir sciemment à l’école britannique. Ou fou. Ou brave. Ou les trois. Il eut un soupire et secoua la tête en souriant. Caerwyn n’avait nul part où aller de toute façon, autant qu’il garde un œil sur ses enfants. Il regarda alors avec attention et appréhension Jaimie ingurgiter le contenu bleu de la fiole.

— Ce serait trop long pour que je te décrive ce qu’il y a dedans. La potion n’est vraiment pas si simple à préparer.

Inquiet, il épia la moindre réaction de son collègue mais il vit tout de suite que quelque chose n’allait pas. Instantanément, Jaimie eut un regard vitreux et un sourire benêt sur le visage. Caerwyn grimaça, l’échec était total et il se sentit soudainement extrêmement déçu et coupable. D’un geste précis de sa baguette, il fit arriver une chaise confortable et d’une main ferme, invita son titubant collègue à s’asseoir. Puis, il se pencha à nouveau sur son chaudron, fortement contrarié mais pensif également. Passant une main dans sa barbe, songeur. Une potion qui rendait ivre instantanément pouvait être tout aussi pratique… Il prit un parchemin et commença à synthétiser tout ce qu’il avait pu marquer sur son tableau. Puis, oubliant quelque peu Jaimie, il analysa à nouveau son raté. Ce n’était pas catastrophique pour autant. La couleur du liquide était encourageant au vue des différents ingrédients qu’il avait mis dans la potion. C’était même logique. Il savait qu’il n’en était pas si loin mais il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Finalement, il se retourna vers son collègue.

— Comment te sens-tu ? Tu veux de l’eau ? T’allonger ?

Il eut une moue embêtée et quelque peu agacée envers lui-même. Il lui fallait vite trouver l’origine du problème s’il voulait pas gravir tous les étages de Poudlard avec son collègue sur le dos.

La situation avait quelque peu dérapé. Tandis que son collègue semblait très concentré à fixer son visage avec un air niais, Caerwyn devait non seulement trouver un moyen de corriger sa potion au plus vite (il ne lui manquait pas grand-chose, il le savait) mais avait pour responsabilité de garder un œil sur Jaimie qui avait été malencontreusement empoisonné. Cette pensée l’horrifia immédiatement. Est-ce que son collègue allait raconter l’incident à Fergus ? Que le nouveau professeur de potions se lançait dans des expériences personnelles – jusque-là rien ne bien répréhensible – mais qu’il utilisait ses collaborateurs en tant que sujets pour ses expérimentations hasardeuses ? Cela dit, c’était toujours mieux que des élèves. Il lui fallait vite trouver une façon de rectifier le tir. Nerveux, il tirait sur le bout de sa barbe comme si cela allait lui permettre de réorganiser ses pensées et de trouver une solution miracle dans la minute. Malgré la réponse décousue de Jaimie, Caerwyn ne pouvait pas rejoindre son avis et dire qu’il allait bien. Il était complètement ivre et euphorique. Il finit par lui tourner le dos quelques instants, posant ses mains sur chacune de ses tempes. Puis nerveusement, il s’ébouriffa ses cheveux qui n’en avaient clairement pas besoin avant d’entendre Jaimie s’agiter derrière lui. Lorsqu’il se retourna, il vit son collègue se lever et chanceler dangereusement. D’un geste rapide de la baguette, il lança un Aresto Momentum in extremis qui empêcha de s’écraser douloureusement sur le sol.

Caerwyn soupira profondément. Au moins, Jaimie ne pourrait pas tomber plus bas. Cela valait peut-être mieux qu’il reste allonger sur le sol glacial des cachots. L’hilarité du directeur de Gryffondor n’aidait pas spécialement celui de Serdaigle à se concentrer sur ce qu’il manquait à sa potion. Tandis qu’une partie de son cerveau était en proie à un erratique chaos, s’imaginant tous les pires scénarios possibles concernant son avenir, une autre parvenait à rester plus ou moins calme, énumérant tous les ingrédients qui pourraient corriger le tir. Malgré ses airs négligés, il était plus compétent qu’il n’y paraissait même si lui-même l’ignorait. En effet, pour avoir la prétention de vouloir créer une potion, il ne suffisait pas d’ajouter aléatoirement des ingrédients dans un chaudron et de voir ce qu’il adviendra. Il fallait connaître sur le bout des doigts chaque propriété de chaque élément afin de comprendre pourquoi il fallait les ajouter de cette façon, ce qui allait se produire et les effets attendus. Dans son malheur, il avait de la chance : dans l’art subtil des potions, la balance entre potion et antidote était exigeante, il manquait parfois un léger détail pour qu’un échec critique se transforme en une réussite retentissante. Il plaça ses paumes sur ses yeux et soupira profondément avant de savoir ce qui manquait. Pas grand-chose, juste une goutte. D’un geste de baguette, il fit venir magiquement une fiole d’une de ses étagères. C’était cela qu’il manquait au foie de dragon pour agir efficacement. Une simple goutte de sécrétion de Bandimon.

Avant de manipuler quoique ce soit, il jeta un dernier coup d’œil à Jaimie toujours étendu au sol. Cette fois-ci il ne devait pas se tromper. Il prit tout de même un échantillon de cette potion qui rendait ivre (sait-on jamais) et se pencha proche de son chaudron expérimental pour y faire tomber une goutte malodorante, juste une. Immédiatement la décoction prit une couleur plus clair, devenant un bleu ciel. Voilà qui était plus encourageant. Il inspira profondément et prit une nouvelle fiole vide dans laquelle il versa un peu de la nouvelle version de la potion. Ses doigts étaient fébriles. Une question éthique subsista cependant. Devait-il l’essayer lui-même ou bien la donner à son cobaye ? Non, il était sûr d’avoir réussi. Du moins, la situation ne pouvait pas être pire. (En vrai si, Jaimie pouvait mourir empoisonné mais Caerwyn était sûr à 100% qu’il n’avait rien produit de mortel.) Finalement, il mit l’éthique de côté et décida de se faire confiance. Il s’accroupit près de son collègue et passa un bras derrière ses épaules pour l’aider à se redresser.

— Tu veux retenter l’expérience ?

Voyant que le benjamin des professeurs était complètement absent, Caerwyn claqua des doigts devant ses yeux pour le ramener à lui avant de lui tendre la fiole, non sans une certaine appréhension.

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Lancer de dés :
1. Échec. Rien ne se passe.
2. Légère réussite. Jaimie se sent un peu mieux.
3. Réussite critique, Jaimie est remis sur pieds instantanément.
4. Réussite. Jaimie n'est plus ivre mais cela prend un peu de temps et est atteint d'une vive nausée.
5. Légère réussite. Jaimie se sent un peu mieux mais son estomac n'a clairement pas toléré quelque chose.
6. Échec. Jaimie a soudainement très envie de vomir.

Caerwyn ne lâchait pas ses yeux de son jeune collègue, essayant d’y déceler la moindre réaction, priant il ne savait qui pour qu’il y ait de l’amélioration. Heureusement, Jaimie était suffisamment conscient pour exprimer son consentement. Si le professeur de potions voulut d’abord lui donner la fiole, il vit rapidement que le directeur de Gryffondor était bien trop ivre pour boire de lui-même. Alors il s’affaira à l’aider mais même là, la tâche s’annonça ardue. Puis, Jaimie se saisit de son poignet. Avec une grimace dépitée et anxieuse, Caerwyn le laissa faire. Il espérait sérieusement que personne ne débarque à cet instant dans la salle de cours. La vision des deux professeurs aurait été particulièrement… insolite. Le directeur de Serdaigle regarda la moindre réaction de Jaimie, se mordant nerveusement sa lèvre inférieure. Il semblait vouloir dire quelque chose mais fut étrangement muet. Si Caerwyn craignait un renvoi gastrique au vu de la grimace qui déforma subitement le visage du professeur d’Étude des Moldus, il fut presque soulagé que cela ne fusse qu’une éructation sonore et inoffensive. Pourtant, le quadragénaire ne put s’empêcher d’avoir une moue dégoûtée. Au moins n’avait-il pas régurgité son dîner, surtout que Caerwyn aurait été sûrement en première ligne.

Évitant de repenser à cette idée peu ragoûtante, il se releva et posa les mains sur les hanches, commençant à s’agacer. Il fallait se rendre à l’évidence, même s’il y avait du progrès, le résultat n’était pas là. Même si Jaimie avait arrêté de rire à gorge déployée – à se demander s’il était ivre ou s’il avait juste ingéré une potion d’euphorie – il n’en demeurait pas moins chancelant, le regard encore vitreux. Caerwyn se passa une main sur le visage, se demandant s’il n’en resterait pas là pour ce soir. Il était quelque peu découragé à l’instant présent. Il soupira profondément et regarda son chaudron. Il n’était pas loin, pourtant, il le savait. Mais rajouter des ingrédients, chauffer encore, etc, n’était clairement pas la bonne façon procéder. Il lui faudrait tout reprendre, ses calculs, ses réflexions. Il ne repartait de zéro pour autant mais peut-être qu’au calme, il pourrait se concentrer sur ce qui avait manqué dans sa théorie. Il passa une main dans sa barbe, songeur avant de reporter son attention sur son collègue toujours au sol. Il s’accroupit alors près de lui.

— Tu te sens mieux ?

Avec un sourire, il le prit sous le bras et sous l’aisselle et l’aida à se remettre sur pieds. Inquiet et prévenant, Caerwyn resta à côté de lui un instant, immobile, prêt à le rattraper s’il venait à chuter à nouveau. Il épousseta alors le dos de son collègue bien plus grand que lui et l’invita à aller retourner à s’asseoir. Il fit venir un fauteuil pour lui également et se laissa tomber dessus.

— Bon et bien c’est un échec pour ce soir. Je vais pas t’imposer de boire une troisième fois un prototype.

Il eut une moue agacée et regarda son chaudron avant de lâcher.

— Puis ça m’a saoulé.

Le fait d’être si proche et pourtant si loin le frustrait énormément. Il avait toujours eu relativement de chance dans ce qu’il faisait avec ses mains, surtout quand son cerveau se décidait à s’allier avec ses doigts. Mais vraisemblablement, ce soir-là n’apporterait rien que quelques réponses, quelques pistes à explorer.

— Tu veux de l’eau ?

Dit-il de but en blanc. Il était dissipé et le pied de sa jambe croisée s’agiter nerveusement dans les airs. Il n’aimait vraiment pas s’agacer pour si peu et en même temps, échouer si près du but le rendait vraiment en colère.

— Merci au fait, de t’être prêté au jeu. Désolé pour le premier raté.

Il eut un sourire profondément désolé. Il espérait seulement que Jaimie ne lui en tienne pas rigueur ou le prenne pour un incapable.

Jaimie semblait être capable d’aligner quelques mots malgré un hoquet persistent. Le maître des potions espérait seulement qu’il ne s’agisse que d’un contretemps provisoire. Il connaissait sa discipline et n’ignorait pas que ce genre de symptôme pouvait vite devenir persistent. Mais normalement, il n’y avait rien dans son prototype qui puisse produire un effet pareil. Ou alors venait-il de découvrir une réaction inconnue entre le foie de dragon et la sécrétion de Bandimon. Mais il voulait bien croire qu’il avait une certaine affinité à retenir toutes les interactions entre les innombrables ingrédients, mais il n’aurait certainement pas la prétention de tout savoir non plus. Cependant, le poison d’Ivresse Instantanée – oui il lui avait déjà trouvé un nom – était déjà un petit progrès en soi bien que le fruit d’un malheureux hasard. Mais n’était-ce pas la base des inventions, après tout, l’aléatoire ? Sir Isaac Newton n’avait-il pas mis au jour l’un des concepts fondamentaux de la physique à cause d’une simple pomme ? Loin de se prétendre un génie pour autant (il n’avait clairement pas assez d’amour propre pour cela), il sourit à la plaisanterie de son cadet qui reprenait petit à petit ses esprits. Au moins, tout n’était pas à jeter dans son deuxième essai.

— Je suis encore désolé pour ça.

Jaimie sembla également voir le potentiel de son échec, indiquant qu’il y avait certainement un coup à jouer tout de même. Et il le rejoignait plutôt sur cela. C’était une potion parfaitement inutile – comme un grand nombre d’entre elles aux yeux de Caerwyn (il y avait, après tout, au programme de première année, une potion qui faisait dresser les cheveux sur la tête) – mais au moins, n’avait-il pas besoin de s’enivrer à coup d’alcool bon marché pour tester son prochain essai qu’il espérait être couronné de succès cette fois-ci. Il hocha la tête.

— Je suis bien d’accord avec toi. Même si elle sera sûrement utilisé à de mauvaises intentions. Je ne vois pas l’intérêt de se prendre une grosse cuite instantanément.

Il rit doucement avant que Jaimie ne le questionne sur ses intentions de créer une potion pareille. Il haussa les épaules, toujours souriant.

— Je ne sais pas vraiment en réalité. Peut-être pour le défi. Puis j’ai un peu reconsidéré l’utilité d’une telle potion. J’ai d’abord pensé que les gens s’en serviraient pour se détruire le foie en festival ou en soirée. Mais maintenant que j’y pense, je me dis que ça peut être utile dans certains cas où l’alcool est un problème. Le nombre d’histoires que j’ai entendu où quelqu’un devient agressif ou violent parce qu’ivre. Si la potion est capable de le désamorcer complètement, ça peut-être aider des gens, je ne sais pas.

Il haussa les épaules et eut une moue.

— Cependant, tout le monde n’a pas à portée un foie de dragon. Ça coûte un bras. Et elle est pour l’instant, elle est assez complexe à réaliser et ne sera pas à porter de tout le monde.

Il passa une main dans sa barbe, se perdant progressivement dans ses pensées qu’il disait à voix haute.

— À moins que je me sois trompé dès le début et qu’il existe une version bien plus simple ?

Il resta silencieux quelques instants et reporta alors son regard sur Jaimie.

— Mais je t’épargnerai d’être mon cobaye, promis. En revanche, tu seras le premier à savoir si j’ai réussi. Et je te dois quelque chose, n’hésite pas à me demander si tu as besoin de quoique ce soit à l’occasion.

Il eut un grand sourire amical et reconnaissant. En bon Gryffondor, Jaimie avait foncé tête baissée dans une aventure dont il n’avait aucune idée du résultat et même si Caerwyn s’en voulait d’avoir échoué à ce point, il avait une dette envers son jeune collègue.

Caerwyn fut soulagé, Jaimie ne semblait pas lui en tenir rigueur. Cela lui enleva un poids certain des épaules. Il regarda son jeune collègue avec un sourire franc et amical, gardant tout de même un œil sur lui. En effet, son estomac ne semblait toujours pas avoir digéré ce qu’il y avait été mis brusquement ni même les effets contraires que les deux potions semblaient provoquer. Il se permit même de le rassurer sur l’utilité d’une potion rendant ivre instantanément, sous-entend que beaucoup d’élèves seraient certainement et fortement intéressés par un tel élixir. Caerwyn haussa un sourcil. Il marquait un point, n’ayant pas vraiment pensé à cette éventualité dans la panique. Après tout, lui-même avait été un adolescent plutôt tranquille à Poudlard. Ce n’était qu’en sortant de l’école de sorcellerie qu’il avait commencé à connaître la débauche et il n’y était pas allé de main morte parfois. Un sourire amusé en se remémorant certains souvenirs peu glorieux, il regarda les allers et venues de la corbeille en métal que Jaimie ne semblait pas décider à vouloir garder dans ses mains. Décidément, le système digestif de Directeur de Gryffondor semblait très peu supporter le mélange des deux liquides expérimentaux qu’il avait ingéré.

Jaimie ne semblait pas non plus vouloir tenir des comptes des services à rendre. Pourtant cela ne dérangeait pas forcément le professeur de potions que d’éponger ses dettes. À l’instar de son cadet, il appréciait rendre service de manière désintéressée la plupart du temps. Cependant, il avait quand même demandé au juvénile enseignant de prendre un risque et pour cela, Caerwyn se sentait légitimement redevable. Mais tandis que Jaimie semblait à nouveau gêner par des renvois gastriques, la nouvelle tête des professeurs commençait déjà à réfléchir à ce qu’il pouvait faire pour améliorer son état. Il avait bien quelques décoctions qui ressemblaient à des grogs mais cela se terminerait par une purge intégrale de l’estomac. C’était encore ce qui fonctionnait le mieux. Malheureusement, les sentiments de nausée disparaissaient rarement par magie, si ce n’était jamais. Après, il était potionniste, pas médicomage. Il existait peut-être un sortilège ou une simple infusion de plante qui permettait de soulager cela. Jaimie demanda alors la composition de la potion et même s’il n’était tout à fait juste dans ses déductions, il avait au moins une base. Puis il se plaint de son ventre, ce qui poussa finalement Caerwyn à faire quelque chose pour son collègue. Il se leva alors et s’affaira à sortir un chaudron vide.

— Je vais voir ce que je peux faire, mais tu n’avais pas dit que tu ne voulais plus rien boire ?

Il eut un sourire taquin et d’un geste de baguette, fit venir divers ingrédients à lui. Il n’avait pas encore vidé le chaudron de son breuvage prototypique, ayant sûrement encore des choses intéressantes à noter. La couleur, l’aspect de la fumée, l’odeur. Il y avait plein de petits indices disséminés çà et là pour tenter d’identifier la source du problème et améliorer cette tentative ratée certes mais néanmoins encourageante.

— Et c’est du foie de dragon qu’il y a dans la potion. J’ai rajouté ensuite quelques gouttes de sécrétion de Bandimon. Désolé pour le goût affreux.

Il commença à faire chauffer de l’eau tandis qu’il coupait certaines plantes. De la lame de son couteau, il pressa un viscère quelconque d’un petit animal et mit le jus qui en sortit dans la préparation. Puis il ajouta les feuilles hachées desdites plantes.

— Et j’espère que j’y arriverai. Ce qui est frustrant, c’est que je sais que je ne suis vraiment pas loin. Il y a quelque chose que j’ai raté ou omis, mais bon, je reprendrai tout à tête reposée. Ce soir n’était pas un échec retentissant non plus, il faut voir les choses comme ça.

Il eut un sourire encourageant et fit tourner magiquement la louche dans le chaudron. Il rajouta quelques gouttes d’un liquide jaunâtre et laissa chauffer quelques instants.

— Ça risque de pas être très bon quand tu l’avaleras. Disons que je te conseille de garder cette poubelle à proximité.

Il sourit doucement et une fois que la potion, ou plutôt le vomitif, fut terminé, il lui en versa dans un verre.

— Parfois, il vaut mieux que cela sorte.

Avec un air désolé, il tendit le breuvage à Jaimie, sachant ce qu’il l’attendait.