ft. C. Junior d’Archambault et les autres

Si je n’étais pas mécontent de quitter les écuries et l’agitation troublante des chevaux, je n’avais pas réellement pensé à la suite des événements, j’avais envie de me promener sans vraiment savoir où ni comment… Il fallait éviter les endroits trop fréquentés, je doutais clairement d’avoir le droit d’emprunter un ethonan et n’avais aucune envie de passer le week-end prochain en retenue. Déjà que celui-là était assez pénible, il était inutile d’en rajouter une couche… Heureusement, l’attaque de quelques Serpencendres protégeant leurs oeufs semblait occuper les élèves toujours au campement. Je n’aperçus pas Mills mais ne m’attardai pas vraiment non plus. Elle avait décidé de faire son aventure comme une grande et bien qu’elle fasse ! Je n’avais pas l’intention de bouger le petit doigt pour l’aider. Comme si une sang-de-bourbe méritait de mettre la main sur une créature magique, quelle qu’elle soit ! Je traversai, au trot de loin, le bivouac et m’engouffrai sans attendre entre les arbres qui me faisaient face. Au début, tout allait pour le mieux. Le sentier était assez large et la lumière de la Lune passait entre les feuilles pour éclairer ma route. Ça n’était pas parfait mais je parvenais à m’en sortir sans trop de mal. Il n’y avait que le bruit des sabots sur la terre sèche pour troubler le silence alentour… La hauteur et les ailes de ma monture protégeaient tant bien que mal mes jambes des buissons et des ronces. Le sentier se rétrécissait de plus en plus, les arbres se dressant toujours plus nombreux sur mon chemin. C’était presque étonnant que le cheval réussisse à s’y faufiler.

Peu à peu, l’obscurité s’intensifia et devint oppressante. Liée à la solitude, il y avait quelque chose d’angoissant. Je n’étais pas à mon aise dans cet environnement et l’envie de faire demi-tour commençait à se faire sentir. Violemment sentir en réalité… Je n’étais pas fait pour ces choses-là, préférant de loin mon petit confort que l’aventure ridicule qu’on nous imposait ce soir. Pourtant, au loin, une lueur apparut, sortant presque de nulle part. Je n’arrivais pas à savoir si c’était quelqu’un d’autre ou une créature… Ni même si y aller était potentiellement une bonne idée. J’en doutais, très sincèrement, mais poussai néanmoins la curiosité jusqu’à m’en rapprocher un peu. Doucement, une silhouette se dessina dans l’ombre. Quelque chose de petit, de menu… Une forme humanoïde… Je ne suivais pas les cours de Soins, je n’avais aucune idée de ce qu’on pouvait trouver dans ce coin de la forêt… Je visualisais sans mal les races de chevaux ailés, les porlocks pour en avoir rencontré, au mieux des gnomes de jardin et des doxys parce qu’ils se faisaient dérangeants dans à peu près toutes les maisons du monde… Mais les endroits comme celui-ci ne faisaient pas partie de ceux que je fréquentais assez pour avoir une idée ne serait que vague de la faune qui s’y trouvait. Je me rapprochai rapidement de la créature, ma monture avançant plus vite qu’elle, et alors que je n’étais plus qu’à quelques mètres à peine, la réalité me frappa de plein fouet : il n’était question d’aucun animal !

— Judith ?

Le soulagement était présent, bien que malmené par l’environnement hostile dans lequel nous nous trouvions (j’étais certain d’être observé sans parvenir à savoir s’il était question d’un délire de mon imagination ou non). Il n’y avait aucune menace imminente et je n’avais pas trop mal fait d’aller voir d’où la lumière venait. Je me donnais l’impression d’être un de ces insectes idiots à courir droit sur le danger à la moindre flamme allumée pour le seul plaisir d’y voir comme en plein jour… Je ralentis l’allure en arrivant juste derrière elle. Le chemin était trop étroit pour que nous puissions marcher côte à côte.

— Qu’est-ce que tu cherches ?

Je n’avais pas la liste des choses à récupérer en tête mais je ne doutais pas qu’elle soit là dans l’espoir de récupérer quelque chose. À la lueur de sa baguette, les écorchures laissées par les épines dans sa cape se dévoilaient péniblement. Poudlard venait de baisser un peu plus dans mon estime ! C’était bon pour les domestiques d’aller se glisser dans les ronces pour récolter quelque ingrédient douteux, certainement pas pour les sorcières de son rang !

— Est-ce que tu veux monter ? Ça devrait t’éviter d’avoir à te battre avec les buissons…

Nous pouvions largement tenir à deux, les ailes étant assez larges pour nous offrir une protection suffisante. Je ne pouvais pas lui proposer grand chose de plus, seulement mon aide, si elle savait quoi en faire, à la limite, mais moi honnêtement je ne voyais pas…

ft. C. Junior d’Archambault et les autres

Finalement, la lueur venait seulement de la baguette de Judith. C’était une soirée étrange… une idée douteuse… mais la trouver là, dans cette forêt obscure et entourés de tant de créatures que je n’osais même pas l’imaginer, avait clairement quelque chose de rassurant. Elle se retourna et m’offrit presque aussitôt un sourire auquel je répondis sans hésiter. Je ne la connaissais pas particulièrement bien, évidemment, être ami avec Erin ne permettait pas vraiment de se rapprocher de la petite soeur sans prendre le risque qu’elle ne se lance dans un nouveau plan d’intimidation ou qu’importe l’idée réelle qu’elle en avait, mais elle m’avait toujours paru être une jeune fille adorable, douce et bien élevée, et si le destin avait eu la mauvaise idée de m’attribuer une fratrie, j’aurais probablement aimé qu’elle lui ressemble un peu. Je peinais d’ailleurs à comprendre l’acharnement de son aînée à son égard et l’indifférence du reste du monde…

— Jolie monturrre !
— Merci, répondis-je avec amusement, comme si j’y étais pour quelque chose, alors que je flattai doucement l’encolure de la bête.

Je n’étais pas certain de l’intérêt de mon occupation pour l’avancée du jeu mais ne doutais pas une seule seconde que Mills et Miller se débrouilleraient à la perfection pour ne rien attraper du tout, si bien que je ne culpabilisais pas une seule seconde d’être d’une inutilité parfaite à ses impurs.

— Avec plaisirrr, je n’en peux plus de barrrboter dans la fange.

Je hochai la tête d’un air compatissant et lui tendis la main pour l’aider à grimper. Il n’était pas bien difficile de trouver n’importe quoi pour prendre appui dans cette forêt… Entre les racines énormes et les troncs trop nombreux… Elle me rejoignit sans le moindre mal sur le dos de l’ethonan. Je n’avais pas pensé jouer les taxis mais après tout, si ça pouvait rendre sa course un peu plus agréable, il aurait été cruel de ne pas le lui proposer. Derrière nous, des bruits de pas se firent entendre mais je décidai de ne pas y accorder plus d’attention que ça. De toute façon, il y aurait forcément d’autres élèves à se rendre dans les environs et il était bien trop compliqué de camoufler le cheval posté au beau milieu du passage pour espérer en faire quoi que ce soit…

— Ça va ? Tu es bien installée ?

Si j’avais su qu’il y aurait une demoiselle à prendre en chemin, j’aurais fait l’effort de mettre une selle, ne serait-ce que pour rendre tout cela plus confortable… Mais il fallait faire au plus vite pendant que le Porlock était occupé à chercher je ne savais quoi… C’était trop tard pour revenir sur nos pas, de toute façon, on ferait avec pour aujourd’hui… Évidemment, Judith n’était pas là pour rien et elle ne mit pas longtemps à m’éclairer, au sens le plus littéral du terme puisqu’elle leva sa baguette au-dessus de nos têtes pour me montrer les petits points dorés qui vivaient près des cimes.

— Je pense que ce sont des fées, m’expliqua-t-elle patiemment, ce sont des crrréaturrres stupides et complètement vénales. Le prrroblème c’est que je n’ai rrrien sur moi qui soit susceptible de les attirrrer parrr ici.

C’était donc ça leur habitat naturel ? Je ne les avais toujours connues qu’accrochées aux sapins de Noël ou décorant les murs en guirlande… Je fixai les points sans les voir vraiment, cherchant bêtement un moyen d’en attirer une jusqu’ici… Mais visiblement, quelqu’un cherchait juste à faire fuir toutes les créatures de la forêt puisqu’une toux ignoble nous parvint de derrière…

— Et bien c’est discrrret…

Quelques secondes plus tard, la voix d’un garçon portait dans tout le coin comme amplifiée par un sortilège. Au-dessus de nous, les feuilles commençaient à bruisser et je doutais que ça soit seulement l’effet de la coïncidence. Non seulement son talent de poète était aux abonnés absents mais en plus il attirait l’attention de tout ce que les arbres comptaient d’habitants… S’il n’y avait pas quelque chose qui nous tombait dessus rapidement, ça relèverait du miracle. Et comme si son intervention pathétique ne suffisait pas, il nous adressa un geste des plus grossiers. Sans trop de mal, j’en déduisis qu’il s’agissait d’un ami de Bradford… probablement de Shepherd aussi… et de tout ce que Poudlard avait de plus mal élevé. Le prestige de l’école n’avait de cesse de prendre des coups… D’ici qu’un lui soit fatal… Je me désintéressai finalement des deux adolescents douteux qui nous honoraient de leur présence et reportai mon attention sur Judith.

— Au risque de te décevoir, je ne m’abaisserai pas à ce genre de technique, même pour une fée, la prévins-je d’une voix trop basse pour être entendue par les deux idiots un peu plus loin et ce sans la moindre lueur désolée, mais mes grands-parents en mettent toujours en guise de décoration pour les fêtes et elles ont la sale manie de se battre contre les autres ornements alors peut-être qu…

Je n’eus pas le temps de terminer quoi que ce soit qu’un bruit de branches qu’on bouge, comme une tempête au-dessus de nos têtes me force à me taire pour écouter… Et avant que je ne remarque le problème, un bras se glissa autour de ma taille et me tira du cheval.

— Eh ! Lâche-moi !

Les rênes m’échappèrent malgré moi et en un rien de temps, les branches se mirent à défiler. La peau écailleuse qui m’entourait vigoureusement me rappelait les histoires d’horreur de mes cousins et les promesses d’une mort terrible dans les eaux japonaises, rendues rouge du sang de mille sorciers assassinés… Ça eut le mérite de m’effrayer assez pour me faire me débattre comme un diable. Si je sortais vivant de cette aventure, il était clair que Poudlard aurait à rendre des comptes sur leurs idées stupides ! Je ne doutais pas une seule seconde que mon grand-père se mettrait en relation avec tout ce que l’Angleterre comptait d’avocats brillants, rameutant même la Magenmagot s’il le fallait, mais ils ne s’en tireraient pas aussi facilement ! Tant bien que mal, je sortis ma baguette de la poche de mon pantalon d’une main, l’autre tapant bêtement sur son bras pour qu’il me lâche enfin, et tentais désespérément de viser la bête.

— Petrificus Totalus !

4 & 5 — Évidemment, ma baguette ne répondit pas… La panique s’installa de plus belle. Je ne voulais pas mourir ici !

ft. C. Junior d’Archambault et les autres

Cela aurait dû être une soirée tranquille… Pas forcément agréable, je doutais sincèrement qu’il y ait quoi que ce soit d’agréable à déambuler sans vrai but dans une forêt obscure ou à dormir sous une tente avec de parfaits demeurés mais la présence de la plus jeune des Sørensen égayait mine de rien un peu tout ça… La suite s’annonçait bien. Chercher un moyen de mettre la main sur des pauvres fées qui n’avaient strictement rien demandé et chevaucher loin d’ici pour partir à la recherche de quelque autre ingrédient. Je n’avais pas l’intention de me prendre au jeu, n’allez pas croire n’importe quoi, mais aider Judith dans sa quête me semblait plus enthousiasmant que de commencer enfin la mienne. Mills pouvait bien se débrouiller ou compter sur l’aide de Miller, moi, ça ne me regardait pas. Je n’avais pas l’intention d’aider un sang-de-bourbe à remporter quoi que ce soit de magique… Mais alors que nous cherchions un moyen digne d’attirer les minuscules créatures, une autre, bien plus grosse, sortie de nulle part et m’emporta avec elle dans les hauteurs. Les branches défilaient à une vitesse impressionnante comme si elles n’allaient jamais s’arrêter et ma piètre tentative de faire usage de ma baguette se solda par un triste échec. Mon coeur battait à tout rompre et la seule idée de finir mes jours ici, sans avoir pu revoir ni ma mère ni mon chat, sans même avoir réadressé rien qu’une fois la parole à Erin, me donnait envie de vomir… ou de pleurer… peut-être les deux. Mes mains commençaient à devenir douloureuses à cause des coups inutiles que j’infligeai au primate et je commençais à croire qu’il n’y avait aucune issue positive. Une voix s’éleva des mètres et des mètres plus bas sans que je ne parvienne à en distinguer grand chose… Ça n’était pas le goret qui se prenait pour un poète, c’était une évidence, mais j’étais bien incapable d’en dire davantage… Quoi qu’il en soit, ça ne changea strictement rien à ma situation. Mon ravisseur finit par s’arrêter sur une branche, son bras toujours fermement passé autour de moi. Plus bas, la lueur qui s’élevait de la baguette de Judith a disparu. Maintenant que les feuilles avaient fini de bruisser, les voix me parvenaient plus clairement… Je ne comprenais pas tout mais notre troubadour semblait venir à la rescousse de Judith. Est-ce qu’elle avait été blessée ?

— Junior ! Si je te sauve les miches aujourd'hui, tu me devras une faveur !

Il ne s’arrêtait donc jamais de s’égosiller bêtement ?! J’étais persuadé que c’était lui qui avait attiré l’attention de toute la faune des environs ! Nous étions bien plus tranquilles avant qu’il ne débarque et se mette à brailler comme un porlock qu’on égorge ! S’il espérait que je lui serais redevable de quoi que ce soit, il risquait d’être déçu ! Mais je me retins de le lui faire savoir… S’il avait une idée brillante pour me sortir d’ici, je préférais qu’il le fasse avant de savoir qu’il n’obtiendrait strictement rien en retour. Après tout, il ne ferait que réparer ses erreurs.

— Eh ! Oh ! Kappa ! Viens plutôt croquer là dedans grosse bête !

Le nez de l’animal remua comme pour sentir plus pleinement des effluves qui ne m’arrivaient pas. Je me figeai instinctivement, retenant presque mon souffle. L’espoir qu’il m’oublie fut malheureusement vain et, en un clin d’oeil, il me hissa sur son épaule pour faire le chemin en sens inverse. Il n’en avait pas marre de me prendre pour une poupée de chiffon, non ?! J’eus beau continuer à me débattre, rien à faire… L’avantage, le seul que j’étais en mesure de voir, était le retour sur la Terre ferme. Si je n’avais en rien le moindre vertige, j’étais plus à mon aise sur un balai que sur la branche d’un arbre ! Je n’avais jamais escaladé quoi que ce soit de ma vie, laissant aux gamins des rues ces activités triviales et salissantes… à tort, peut-être…? Tant bien que mal, j’arrivai à apercevoir ce qui l’avait attiré jusque là. Un concombre…? Sérieusement ? Qu’est-ce qu’il attendait pour lui filer ?! J’avais tendance à croire qu’il prenait plaisir à cette situation désastreuse. Non content de l’avoir provoqué, j’en étais convaincu, il ne faisait rien pour l’abréger. Tout à mon désespoir, je finis par agiter à nouveau ma baguette en direction du dos du primate… puisque de toute façon je ne voyais que ça…

— Confudo, murmurai-je dans l’espoir ridicule qu’il n’entende rien.

1, 2 & 3 — Un miracle ! Le Kappa ne semblait plus savoir ce que faisait ce poids sur son épaule, aussi il me laissa lamentablement tomber sur le sol. Niveau délicatesse, on y repasserait, mais j’étais au moins loin de ses griffes ! Je reculai autant que possible avant qu’il ne reprenne ses esprits et me remette la patte dessus.