L’infirmerie est pleine à craquer, les élèves mordus et blessés y ont été entassés et sont désormais maintenus à l’écart du reste de l’école à cause du risque de contagion. Certains n’ont pas perdu une miette de l’intervention des aurors, d’autres comme Charlie n’ont pas tenu le coup assez longtemps pour suivre la mise en place de la quarantaine. Il fait une chaleur insupportable à l’intérieur, déjà parce qu’on est au printemps et que les rayons du soleils réchauffent le château en filtrant à travers les fenêtres, mais également parce que l’Infirmerie n’est pas prévue pour recueillir autant de malades en même temps. C’est d’ailleurs cette atmosphère étouffante qui tire Charlie de son mini coma; Il entrouvre les yeux sur le plafond arqué au dessus de lui, l’esprit trop embrumé pour faire le rapprochement entre son état et l’endroit où il se trouve. Il entend des chuchotements se mêler à des voix inquiètes tandis que par dessus tout ça, percent les ordres de femmes qu’il connaît bien pour avoir passé un temps interminable dans leur temple après ses premiers entraînements de quidditch. Il lui faut plusieurs minutes pour se souvenir comment il a atterri dans ce lit, c’est un peu flou. Charlie cligne des yeux plusieurs fois le temps de s’habituer à la luminosité puis inconscient de la blessure qui lui traverse l’abdomen, tente de se redresser.

A peine a t-il posé un coude sur le matelas qu’un violent pique de douleur le force à se recoucher. Le Serpentard plaque une main sur le côté de son ventre en grimaçant, les évènements de la salle de duel lui reviennent en mémoire, tout comme la morsure du Serpent aquatique qu’il aurait franchement préféré oublier. Il a dûr s'évanouir. Charlie jette un coup d’oeil à l’infirmerie, le nombre de lits à doublé voir même triplé, et ils sont tous remplis. Certains élèves dorment encore, la créature a fait beaucoup de dégâts visiblement. Le jeune homme soupir en se laissant choir sur son oreiller, tout ça ne lui dit rien qui vaille. La douleur laisse place à une légère pression lancinante, son état s’est quand même sacrément amélioré depuis qu’il est sorti de la salle de duel. Charlie balaye encore une fois l’infirmerie du regard, il se demande si la jeune fille qui l’a aidé est ici elle aussi… Mis à part ses cheveux, il n’a pas beaucoup d’indicateurs pour la reconnaître et de toute façon, il est encore trop à l’Ouest pour replacer qui que ce soit. Il tourne la tête vers le lit près du sien où un élève attend bien sagement tout comme lui, mais en bien meilleur état. D’ailleurs beaucoup d’élèves sont déjà soignés, alors pourquoi restent-ils à l’infirmerie ?

“Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Demande t-il.”

Sa voix est enrouée, elle non plus n’a pas aimé la blague apparemment.

“Les Aurors ont attrapé le mec qui a fait entrer le Serpent ?”

La créature n’a pas pu entrer seule à Poudlard, c’est une certitude. Ce qui veut bien dire que quelqu’un dans cette école est coupable de la mise en danger d’une trentaine (voir même d’une quarantaine) d’élèves. Ce n’est pas très rassurant en soi pour Charlie puisqu’il n’est absolument pas en état de se défendre. Si il y a bien une chose qu’il déteste, c’est de se retrouver cloué au lit comme ça. Agacé il tente une nouvelle fois de se redresser, la douleur reprend sur le coup, il grogne, les potions n’ont pas dû complètement faire effet. Il se hisse difficilement contre le dossier du lit qu’il a relevé en s’appuyant sur un bras, il est torse nu, les infirmières lui ont sûrement retiré sa robe et son tee shirt. Charlie arrête de respirer le temps que son ventre se détende, il profite de sa position pour aviser le bandage immaculé qui entoure sa taille, il ne saigne plus c’est un bonne nouvelle. Le Serpentard s’autorise enfin à souffler, il devrait être rapidement guéri. Plongé dans ses pensées, il n’entend pas l’infirmière approcher. Il a un mouvement de recul lorsqu’elle lui colle un verre devant les yeux. L’odeur lui retourne l’estomac, il fronce le nez et saisit ce qui ressemble fortement à une potion de régénération sanguine. Eurk. Charlie sait que sur ce coup là il ne va pas pouvoir y échapper, il déglutit, ferme les yeux et l’avale cul sec. Elle remonte aussi vite qu’elle est descendue, le jeune homme pose son poings sur ses lèvres pour ne pas la recracher et la ravale. L’infirmière s’éloigne satisfaite, laissant le Serpentard lutter contre son estomac pas préparé du tout à recevoir quelque chose d’aussi immonde. Charlie pose le verre sur la table de nuit entre lui et l'autre élève pâle comme un linge.

"Bordel vivement qu'on se tire d'ici..."

Les élèves se réveillent les uns après les autres, Charlie les observes paniquer puis se souvenir de ce qu’il s’est passé et finalement accepter (ou non) la situation depuis son lit qu’il ne pouvait jusqu’ici pas quitter. Un médicomage a prit soin de refaire son bandage, lui permettant enfin de voir à quoi ressemble sa blessure après avoir avalé tout un tas de potions contre son gré. Elle n’est plus qu’une longue cicatrice rouge et gonflée d’une bonne vingtaine de centimètres qui traverse le côté droit de son abdomen, pas jolie à voir mais assurément plus présentable qu’à son arrivée. Charlie a réalisé en découvrant l'étendue des dégâts que cette fois-ci, il a échappé de peu à un destin tragique. Le médicomage a tartiné son ventre avec baume orange malodorant puis l’a de nouveau saucissonné avant de s’en aller, le laissant seul avec son malaise causé par l’idée qu’il ait frôlé la mort. Le personnel médical n’est visiblement là que pour les soigner physiquement, l'état psychologique des élèves est secondaire, personne ne se préoccupe de savoir si l’un d’eux souffre de séquelles traumatiques. Heureusement pour lui, Charlie est solide, mais si lui a eu le temps de s’endurcir, les plus jeunes étudiants à Poudlard vivent leur première expérience malheureuse ici. C’est dommage que les psychomages n’aient pas été mobilisés, c’est quand même le béaba de s’assurer que personne ne pète un câble dans une mise en quarantaine. Le Serpentard grimace en sentant le baume s’infiltrer à l’intérieur de sa blessure, la brûlure est aussi soudaine qu’éphémère, il se replace correctement sur son matelas tout en appuyant sa main contre son bandage. En relevant la tête, son regard croise celui d’une jeune fille qu’il met quelques secondes à replacer dans sa mémoire. Elle hésite puis le rejoint, initiative qui surprend Charlie, d’habitude les gens y réfléchissent à deux fois avant de s’approcher de lui. Mais pas la jolie Gryffondor, elle s’installe au bout de son lit, pas le moins du monde gênée, que ce soit par son torse nu ou le fait qu’ils ne se soient jamais parlés avant aujourd’hui. A vrai dire, cette audace plaît assez à notre Londonien qui n’en reste pas moins méfiant.

“Tout le monde est perdu, répond t-il en la détaillant de ses yeux saphirs. Je pense qu’on nous a mis en quarantaine, certains élèves devraient déjà être sortis d’ici depuis longtemps hors les médicomages continus de venir nous examiner chacuns à notre tour. Ils doivent craindre quelque chose.”

Bien qu’il ne l’admettra jamais, Charlie se sent soulagé de pouvoir discuter avec quelqu’un. Être enfermé ici sans savoir pour combien de temps, c’est un coup à devenir chèvre. Encore une fois le Serpentard ne comprend pas les méthodes de moins en moins humaines mises en place par le ministère. A croire qu’ils sont des animaux, pas un mot, pas un encouragement, rien. Et ce n’est pas Londubat qui risque de prendre une décision avisée, peut-être même qu’il juge la tournure que prend cet événement favorable comme nouveau moyen de les entraîner à devenir des machines de guerre.
La Gryffondor pâlit brusquement, Charlie la voit porter la main à sa bouche et par réflexe, il attrape la bassine qu’une infirmière à posé sur la table de nuit près de lui (Sur toutes les tables de nuit d’ailleurs au cas où quelqu’un se sentirait mal) et la pose devant elle par mesure de précaution. Même si elle n’est pas malade, le Serpentard préfère être prudent, il n’aimerait pas avoir à dormir dans du vomis jusqu’à ce qu’il puisse quitter son lit. S’en suit des remerciements qui mettent Charlie particulièrement mal à l’aise et auxquels ils n’auraient pas su quoi répondre si la jeune fille ne lui avait pas parlé de sa mère. Ceci n’a absolument aucun sens. C’est à ce moment là qu’il commence sérieusement à s’inquiéter pour elle (sisi il a une conscience des fois je vous jure).

“Tu es sûr d’être en état de te lever ? Demande t-il soucieux. Tu ne devrais peut-être pas trop forcer, tu étais bien amochée quand je t’ai trouvé toi et ton ami… D’ailleurs, c’est moi qui vous ai pris en charge et pendant tout ce temps, je ne me souviens pas avoir vu ta mère. C'est d'ailleurs peu probable qu'elle ait été là, à moins qu'elle soit professeure à Poudlard !?”

Charlie n’est pas stupide, il sait pertinemment que si elle s’est installée sur son lit à lui alors qu’il est sûrement la dernière personne qu’on pense à venir trouver après avoir vécu un événement tragique, c’est parce qu’elle non plus ne tient pas à rester seule. En revanche, il s’en voudrait de la voir s’écrouler sans avoir essayé d’empêcher ça. Il jette un coup d’oeil sur sa gauche où se trouve un lit vide, son propriétaire l’ayant quitté il y a déjà plusieurs minutes pour rejoindre ses amis puisqu’il ne souffrait que d’une morsure bénigne. Le Serpentard se penche, satisfait de voir que sa blessure est beaucoup moins douloureuse, il attrape le rebord du sommier et le rapproche du sien (sans l'y coller non plus). Et là, la Gryffondor confirme les craintes de Charlie. Il reporte son attention sur elle et désigne le second lit du menton.

“Installe toi là, ordonne t-il le plus gentiment qu’il le peut. Il n’y a personne ici de toute façon… Je crois que tu souffres d’hallucinations, tu n’es pas la première que je vois délirer depuis que je me suis réveillé. Il n'y a aucun croup ici, pas plus que ta mère dans la salle de duel. Ça va passer, je reste près de toi si tu veux en attendant mais allonge toi.”

C’est décidé, jusqu’à nouvel ordre, il gardera un oeil sur elle. Il n’a pas la moindre idée d’où lui vient cet élan de gentillesse mais sur ce coup là, c’est bien le cadet de ses soucis.

“Au faite, je m’appelle Charlie."

Prudence… un prénom qui visiblement, ne sied pas du tout au caractère de cette jeune fille. Charlie la trouve même plutôt imprudente, quelle ironie. Le Serpentard profite de la douleur de son abdomen qui s’amoindrit pour relever l’une de ses jambes engourdie par l’inactivité, dieu merci les infirmières lui ont au moins laissé son jean. Il fait une chaleur épouvantable dans l’infirmerie, trop d’élèves y sont entassés depuis ce qui leur paraît être des jours tellement le temps s’écoule lentement. Charlie repousse sa couverture avec son pied libre, ça ne change pas grand chose niveau température mais il se sent plus libre de ses mouvements désormais. Il tourne la tête vers Prudence qui s’est glissée sous les draps du lit qu’il lui a proposé, elle grelotte. Il fait au moins quarante degrés là-dedans et elle a froid… C’est carrément surréaliste. Charlie se penche vers elle et pose une main sur la sienne, il fronce les sourcils en constatant qu’effectivement, sa peau est fraîche. Il attrape sa propre couverture qui ne lui sert plus à rien et la recouvre. Lorsqu’il réalise la portée de son geste, interloqué, le Serpentard retire ses mains et s’adosse à son oreiller mal à l’aise. Que lui arrive t-il ? Pourquoi est-ce qu’il se sent responsable de cette fille ? Ils se connaissent à peine, pourtant Charlie est protecteur avec elle. Il n’a jamais eu envie de prendre soin de qui que ce soit. Est-ce son entrain ou son impulsivité qui lui plaît assez pour attiser le peu de compassion dont il est capable ? Ou peut-être simplement le fait qu’elle soit venue vers lui quand bien même il ne soit pas le genre de personne jugée fréquentable à Poudlard ? Charlie se mord la lèvre, geste qui ne laisse aucun doute sur le conflit qui règne à l’intérieur de sa tête. En général il n’est pas méchant avec les gens doté d’une naïveté naturelle, mais jamais encore il ne s’était senti obligé de s’occuper de leur état de santé. Les réflexions du Serpentard sont soudainement interrompues par un cri, il lève les yeux, une fille à peine réveillée, une Serdaigle visiblement, se redresse dans son lit l’air affolée. Charlie ne réagit pas avant qu’une silhouette familière ne se précipite vers elle. Ces cheveux platines, comment aurait-il pu les oublier ? Le jeune homme hésite, il ne peut décemment pas aller la voir maintenant, au chevet de son amie, ce serait gênant pour tout le monde. Autant attendre qu’elle retourne dans son lit, ou qu’elle s’isole un peu. Pendant ce temps, Charlie reporte son attention sur Prudence.

“Comment te sens-tu ? Demande t-il en posant le revers de ses doigts sur son front. Tu as de la fièvre…”

Il soupire, ça ne va pas aller en s’améliorant si elle ne prend rien pour faire baisser sa température. Un médicomage passe près de lui, il lève un bras pour l’interpeller mais celui-ci l’ignore superbement. Le londonien serre les dents, il ne doit pas s’énerver, même si l’envie de lui écraser la tête contre la barre en métal au pied de son lit le démange. Charlie grogne une litanie d’insultes incompréhensibles en se hissant sur le rebord de son matelas. Il est encore un peu faible, il se lève en titubant, main posée sur son bandage et reste debout comme ça quelques secondes, le temps que la pièce cesse de faire des montagnes russes. Une fois ses esprits retrouvés, Charlie prend la direction d’une armoire à potions ouverte, sans en demander la permission bien sûr.

“Ne bouge pas ! Ordonne t-il à Prudence. Je reviens, essaye de te reposer.”

Le Serpentard balaye les étagères du regard à la recherche d’une potion contre la fièvre, les médicomages et les infirmières sont bien trop occupée à courir partout pour faire attention à lui. La fiole trouvé, Charlie s’apprête à faire demi tour lorsque la vision de sa sauveuse blonde enfin seule apparaît à quelques mètres de lui. Le jeune homme hésite une seconde, oscille entre la Gryffondor mal en point et celle à qui il doit la vie. Finalement, il pare au plus pressé et rejoint Prudence non sans avoir fait un signe discret à l’autre jeune fille pour lui signifier qu’il souhaite lui parler. Charlie s’assoit sur le bord du lit de la rouge et or et lui tend la potion contre la fièvre.

“Tiens, ça va faire baisser ta température...”

Il lui sourit, du moins pour le peut qu'il sait sourire.

"C'est presque une bonne chose qu'on se soit rencontré de cette manière, en temps normal, crois moi, tu ne m'aurais jamais adressé la parole."