Je mentirais si je disais que je savais réellement comment s'est passé ma naissance.
Je suppose que Mère était soulagée que je continue à me développer hors de son corps, tandis que mon paternel devait pleurer dans un coin. Je suppose que, même sous l'émotion, tout est resté très formel, et cette photo prise quelques minutes après ma naissance ne m'évoque absolument rien. Après tout, ça n'a rien d'exceptionnel, tout le monde naît à un moment donné, dans les larmes et au cœur de sa famille.

Je n'ai pas vraiment de souvenir de mon enfance. J'ai toujours vécu dans la propriété des Sevenoaks, qui, il y a quelques siècles, était la première propriété du village devenu aujourd'hui ville ; autant dire que celle-ci parait vieillote et branlante malgré qu'elle soit bien entretenue. Je n'ai rien à reprocher à ma propriété, elle a toujours été mon refuge, elle a toujours su poser des barrières entre moi et les autres, elle a toujours su garder mes secrets enfouis dans le jardin, sous la pergola, dans le grenier, ou encore, sous les lattes du plancher dans ma chambre. J'étais un petit garçon vivant, joyeux et naïf qui a découvert la vie à la manière Sevenoaks : moins vivante, moins joyeuse, moins naïve. Dans ma famille, mon crétin de père n'avait jamais eu son mot à dire. Ma mère était un tyran, mais elle était juste avec moi. Elle ne me donnait pas d'amour, mais elle m'a fourni tout le reste : un toit, de la nourriture, des exercices pour développer mon intelligence. Depuis tout petit, elle m'enseigne la loi des plus forts, les jeux en enjeux du pouvoir et de la politique, et à garder un œil sur mes alliers davantage que sur mes ennemis. Elle s'est tout de même faite bernée par le paternel. Il a mis les voiles au nom de l'amour, laissant au naufrage sa réelle famille et la carrière politique montante de sa femme. Une vraie honte pour un Sevenoaks. En écoutant ses parents, il a toujours été un raté, et ce n'est pas étonnant que même en l'ayant marié à une femme forte et intelligente, il ait réussi à se dérober. Après le reni de leur fils, leurs santés se sont dégradés rapidement, et ils sont partis en moins de trois mois. Leur enterrement fut un événement énorme. Des sorciers des quatre coins du monde ont envahi leur propriété pour un bal honorifique, qui se reproduit chaque année - avec de moins en moins de monde - pour honorer la mémoire des défunts. Je ne les ai pas vraiment connus. Je me rappelle vaguement de leurs vêtements excentriques et des idées arrêtées dont ils faisaient preuve, mais ceux-ci vivaient par le souvenir des centaines d'invités que j'avais pu rencontrés au fil des années. À l'âge de neuf ans, mon paternel est revenu au Château, la queue entre les jambes. D'après moi, Mère aurait dû le laisser à la rue, mais elle m'a donné une leçon, dans la semaine où mon paternel a réapparu : sa carrière politique était relancée. La famille Sevenoaks faisait la première page de la Gazette du Sorcier tandis que la longue interview détaillait les idées que Madame Sevenoaks avait ressassées durant de nombreuses années, pour sortir un programme de politique magique intéressant et travaillé. Il ne restait plus qu'à faire parler d'elle, et attendre la prochaine erreur de l'actuel ministre.

Mon paternel de retour à la maison, je dois avouer que mon refuge s'était rétréci. Ma chambre était devenue mon refuge, avec la bibliothèque familiale, dans laquelle je passais le plus clair de mon temps à lire des livres de stratégie de guerre, des travaux sur l'alchimie vivante, des recherches qui décortiquent la magie, des manuels scolaires, des livres de stratégie d'échecs et d'autres jeux de réflexion et des essais sur la psychologie humaine. La bibliothèque familiale était mon fort, où je venais me ressourcer. Il m'arrivait bien évidemment de croiser l'indésirable, mais je me contentais de l'ignorer à la maison, là où notre complicité était forcée en public. Ce jeu d'apparences ne m'a jamais réellement repoussé. J'ai toujours aimé porter des masques, qui permettaient de cacher mes intentions véritables, mes fascinations, ou au contraire, mon dégoût. J'ai appris à jouer des apparences, mon physique charmant et mes bonnes manières faisant mouches auprès des adultes, intriguaient et impressionnaient les plus jeunes. Je n'ai jamais été intéressé par les enfants, malgré que j'ai toujours eu l'obligation de les côtoyer. Tu dois te faire des amis, Mère disait. Elle voulait que je m'insère dans leurs vies, pour gagner leur confiance, pour apprendre à les connaître, et pour pouvoir - si l'un voulait continuer sur la voie de la politique - être au plus proche et au plus au courant. Je l'ai évidemment fait, j'entretiens toujours de bonnes relations avec certains autres adolescents aux idées un peu louches. Je ne mettrais pas ma vie entre leurs mains, parce que je le sais, ils sont comme moi, ils n'écoutent que leurs parents, cherchent à se faire une place dans ce monde également, je n'étais pas dupe. C'est au cours d'une soirée mondaine que mes pouvoirs magiques sont apparus. Alors que je disputais une partie d'échecs face à une fille de sept ans au cerveau exceptionnel, j'ai vu mon paternel mettre une main aux fesses d'une autre femme que ma mère et ça m'a rendu fou qu'il puisse se conduire de la sorte. Du haut de mes neuf ans, j'ai enflammé le plateau de jeu où j'admettais perdre la partie. J'ai fixé mon père avec une telle haine dans les yeux avant de me reprendre lorsque la foule m'a applaudi, enthousiasmée à l'idée d'avoir assisté à ma première manifestation magique concrète. J'a conservé mon attitude familiale et concernée, mais en réalité, je n'ai jamais été aussi haineux pour quelqu'un. Je le lui ai dit, bien évidemment, et je n'ai plus jamais adressé la parole à celui qui méritait juste qu'on l'ignore jusqu'au restant de ses jours.

Mon arrivée à Poudlard était une réelle bouffée d'air frais, loin des tensions de la maison. Mais au bout de quelques mois, il est évident que la propriété des Sevenoaks me manquait, avec la tranquillité, la maturité et des solutions à l'ennui. Les cours étaient intéressants, et il faut dire que je me surpassais tant dans la théorie que dans la pratique. J'évitais d'user de ma salive, en cours, mais me prêtais sagement aux jeux d'adolescent pendant mes temps libres. J'ai évidemment des amis, quelques ennemis et des connaissances qui me serviront ou non pour plus tard. À vrai dire, il est étrange de se sentir à part dans cette école. Je n'ai pas l'impression d'appartenir à une quelconque maison, ni à un quelconque groupe d'activité ou d'amitié. J'ai seulement l'impression de m'appartenir à moi-même, ce qu'autour de moi, tout le monde semble chercher avec une réelle appréhension. C'est adolescence, m'a-t-on dit. J'ai plus l'impression que c'est de l'immaturité mal placé et un profond sentiment de non-contrôle de soi-même, mais je suis heureux d'être en désaccord.

La venue des néos-mangemorts à Poudlard ne fut pas une réelle surprise pour moi. Après leur tentative de prise de l'école il y a quelques années, Mère s'attendait à ce qu'ils retentent le coup, avec un plan plus poussé et plus intelligent. Elle attendait avec impatience cette seconde attaque pour faire valoir ses idées et grimper à la tête du Ministère de la magie. Autant dire que lorsque Joshua Gates parût comme le nouveau Ministre de la Magie à la Gazette du Sorcier, j'ai directement essayé de contacter Mère pour avoir les lignes directives à suivre quant à mon attitude à toute cette histoire. Me faire petit, n'être ni dans un camp, ni dans l'autre, seulement dans le mien - et dans le sien. Il faut dire que je suis inquiet des enjeux actuels au-dehors. Les nés-moldus sont tristement enfermés aux sous-sols, mais si vous voulez, ce n'est qu'une facette du plan des mangemorts, et pas la facette la plus intéressante, le plus gros devant se jouer au Ministère. Je suis simplement déçu de ne pas pouvoir prendre plus de hauteur et de distance que pour observer la situation de loin et voir les pièces de l’échiquier géant se déplacer sur la scène, pour essayer de deviner où ils veulent en venir ... Dans ma déception, j'avoue que je m'ennuie. Alors, mon but est de me divertir en essayant de connaître de nouvelles personnes qui restent silencieuses sur les nouveaux événements, de comprendre les personnes qui se réjouissent de cette situation, d'écouter les plus jeunes pour comprendre les mécanismes de notre cerveau à la survie, à la douleur, à la peine. Je ne ressens pas vraiment toutes les choses qu'ils tentent de m'expliquer, mais au moins, je les comprends, et je l'utiliserai si cela m'est utile. Je ne nie pas être une personne intéressée. J'avoue également jouer de mon charme, même si les demoiselles ne m'intéressent vraiment pas. Les frivolités de l'amour ne m'intéresse pas. J'ai vu l'effet que ça avait sur mon paternel, sur les adolescents, sur les familles qui se déchirent, sur les dégâts que ça laisse chez les enfants. Mère essaie de me trouver une fiancée, qui sera à la fois de sang-pur, à la fois ambitieuse, carriériste et intelligente, bref, à son image. Je n'ai pas trop d'inquiétudes à avoir, j'ai toute confiance en elle sur ce point, je ne pense pas qu'elle reproduira la même erreur que dans son propre mariage. Maintenant, j'ai beau vouloir contrôler ma vie, mon apparence, mes fréquentations et mes émotions, je sais qu'il y aura toujours des événements incontrôlables qui bousculeront mon quotidien. Le tout est de savoir y faire face et de se montrer opportuniste.

Cassandre Sevenoaks, le tyran de la famille : Il respecte sa mère. Elle est jeune, mais sa volonté de fer et son ambition débordante l'ont fait la propulser aux devants de la politique anglaise. Son poste hautement convoité de Directeur du Département de la Justice fait des jaloux, mais elle défend son environnement contre les agressions extérieures ainsi que les complots en interne. Son secret ? Être intouchable, irréprochable, et bien entourée. Sa carrière politique avait été stoppée pendant quelques années, à cause de son idiot de mari, mais elle est redevenue récemment aux devant de la scène pour pousser sa campagne politique. Elle n'est pas vraiment proche d'Andrea, pourtant, Andrea se sent redevable d'avoir une aussi belle vie. L'argent, l'influence, l'ascendance, le pouvoir, il a toutes les cartes en main pour bénéficier d'un avenir brillant, et de la rendre fière. Jouer la famille parfaite devant les médias ne le dérange pas, il se délecte de cette attention à son égard. Il se sent très à sa place, très à l'aise dans cette parade superficielle où tout le monde cherche à tirer son épingle du jeu et se prendre au jeu. Et il apprend aux côtés de sa mère, à observer, à deviner les intentions, à étendre son influence, choisir les personnes de confiance. Quand il parle à sa mère, on ne voit pas les barrières qu'elle a dressées entre eux, on ne voit pas l'amour qui les lie, on voit seulement une loyauté sans faille et une relation mère-fils exemplaire et parfaite. On pourrait les jalouser devant ce tableau parfait. Mais ne jamais oublier qu'en politique, il ne faut pas s'intéresser aux apparences.
Rosalind Franklin, crapaud de laboratoire : Quand sa mère lui a demandé quel animal il voulait emmener à Poudlard, Andrea n'avait pas réfléchi longtemps avant d'annoncer qu'il n'en voulait aucun. Quelques années plus tard, Andrea avait besoin d'un cobaye sur lequel s'entraîner et expérimenter, Franklin est devenue son crapaud de laboratoire. Si elle survit encore à l'heure actuelle, c'est qu'au final, il apprécie la compagnie de cette petite bête coassante plus qu'il ne l'avouerait.
Anatole Sevenoaks, le maillon faible : Sa mère aurait dû castrer son père avant qu'il n'aille voir ailleurs. Il avait déjà un enfant parfait, pourquoi vouloir un deuxième d'une autre femme sans importance ? Il a réussi, dans son rôle de faible, à détruire une famille, une carrière, une aspiration, ses deux femmes et ses deux enfants. Et même s'il était revenu à la raison en les choisissant, Andrea ne pourra jamais lui pardonner. Il préfère de loin mettre de la distance par rapport à tout ce que son père est et se définit : la médecine et le quidditch. Et ça l'énerve de s'éloigner du domaine médical dans lequel il est pourtant intéressé.
Harrison Matrim Newton, la tête à claques : Ils ont de l'ADN en commun, et ça s'arrête là. Les gênes de son père, il n'en veut pas. Il n'est pas de la famille, il n'est qu'une simple ordure en plus, en trop. La haine qu'il ressent à son égard, elle est sensée toucher Harrison à chaque fois qu'Andrea lui adressera la parole, de l'attention, ni plus, ni moins. L'infirme veut jouer au fort, mais sa tête est faible. Il ne s'aide pas non plus en choisissant mal ses amis. Tant pis pour lui, ça sera plus facile, plus rapide, de l'écraser dans un coin, en silence.

Ma valise était bouclée depuis deux jours. Ce n'est évidemment pas moi qui m'en suis chargé, mais bien ma gouvernante, d'un coup de baguette magique. Je ne suis pas particulièrement proche de cette grosse dame au visage rieur qui me prenait pour un enfant de dix ans normal, mais je ne peux pas lui en vouloir. Je sais que je suis en avance sur les autres enfants. J'ai eu des cours à la maison sur la magie, l'histoire de la magie et j'avais un contrôle de moi hors norme. Ma robe de sorcier noire était déjà enfilée alors je descendais les marches à l'extérieur de la propriété pour accéder à la voiture. De l'extérieur, cette dernière avait l'air simple d'apparence, mais une fois que l'on passait les portes arrières, une salle de réception sobre à la lumière tamisée était accessible grâce à un sortilège d'extension. J'entrai avec habitude dans le véhicule, simplement excité à l'idée de me lancer dans cette grande aventure. Malgré que je ne tenais pas en place, je savais que je devais me plier à la règle de ne pas faire de faux pas. Être parfait, se contrôler, ses mots, ses gestes et ses attitudes. Je me taisais, un sourire large sur les lèvres, les jambes se balançant inconsciemment au rythme d'une musique de fond des Creaturs, un groupe composé uniquement de créatures magiques qui faisait un tabac dû à la diversité et à l'originalité de leurs membres. Mère avait posé sa main sur mon épaule à la sortie du véhicule. Elle n'était pas réellement une mère maternelle, mais elle avait tendance à montrer davantage son affection en public - je ne savais pas si elle était jouée ou réelle - qu'à la maison. Néanmoins, si ce geste pouvait signifier la responsabilité qui me pesait, je l'ai pris comme un signe d'encouragement et de soutien.

Les adieux ont été brefs, solennels. J'ai serré Mère dans les bras, j'ai fait un signe simple en direction de mon paternel et la gouvernante m'a pris honteusement dans les bras avant qu'ils se retirent pour que je puisse voler de mes propres ailes. Après avoir monté mes deux valises dans les filets de mon compartiment, j'ai attendu que les autres élèves de toutes années montent à bord du Poudlard Express pour m'installer confortablement dans mon siège, apprenant à découvrir les élèves qui s'étaient incrustés dans mon compartiment. J'étais à première vue sympathique. Petit blondinet au sourire béat et aux yeux vifs, je scrutais chacun de mes camarades avec attention, les laissant discuter calmement en m'intéressant de près à la valeur qu'ils pourraient représenter pour moi. Ce premier cap passé, les discussions sur Poudlard, les quatre maisons, les alentours de Poudlard, les cours, les professeurs et les fantômes qui hantaient le Château s'enchaînèrent de bon train. Au moment où j'ai avancé mon nom de famille, le prénom de Mère est évidemment tombé et eut l'effet d'admiration escompté. C'est modestement que je me suis créé un personnage, une attitude, qui me valait le respect et l'admiration de mes camarades. Je ne comptais pas les décevoir, je ne comptais pas faire valoir mes intentions et annoncer échec et mat dès la première année d'étude. Cette première année était surtout une année d'observation, pour pouvoir prendre mes marques, me faire des amis, me situer au niveau scolaire et me mettre la bibliothécaire dans la poche pour recevoir des faveurs sur les livres que l'on pouvait ou non emprunter, surtout pour un enfant de onze ans.

La descente du Poudlard Express à Pré-au-Lard fut mémorable. Je me souviendrai toujours des lanternes qui brillaient sur le lac noir. Cette image du majestueux Château éclairé et grossissant m'avait fait perdre un peu le contrôle sur moi-même, mais devant l'émerveillement des autres élèves, c'était évidemment passé inaperçu. Lorsque le professeur McGnum - qui a pris sa retraite il y a maintenant quatre ans - les a rassemblé dans le Hall d'Entrée pour leur résumer le but de la Répartition et leur expliquer les caractéristiques des quatre maisons, j'avais écouté d'une oreille attentive même si je connaissais déjà la réponse. Néanmoins, j'imaginais que pour les nés-moldus, ça devait être utile de leur expliquer la situation, et lorsque j'aperçus deux élèves un peu plus perdues que moi, je leur affichai un sourire compatissant qu'elles me rendirent aussitôt. Je levai les yeux au plafond, me délectant de l'architecture des pièces, des détails des armures, des défauts des statues sculptée dans la pierre et de la vue que l'on avait des environs de Poudlard quand on regardait simplement par l'une des fenêtres. L'entrée dans la Grande Salle fut accompagnée de la chorale de l'école. Les gros crapauds coassant dans les bras de leurs maîtres étaient impressionnants, et je ne pus ôter mon émerveillement devant le plafond magique, les quatres longues tables, les robes somptueuses et brillantes des professeurs. Lorsque tous les élèves de première année s'étaient rassemblés autour de l'estrade où se tenait l’emblématique Choixpeau Magique, j'écoutai son discours avec attention, excité de pouvoir déjouer et découvrir les double sens de son texte travaillé. Chaque élève appelé se levait et se faisait répartir dans leur maison, certains avec plus de facilités que d'autres. Je pensais à Mère, qui avait été répartie dans l'illustre maison de Salazar Serpentard. Sevenoaks Andrea. Je m'avançai sans faiblir, très à l'aise avec les centaines de paires d'yeux posées sur moi. Je m'assis sur le tabouret, le cœur battant, attendant le verdict. Mes pensées se dirigeaient vers la maison de mon paternel, celle de Rowena Serdaigle, et j'eus un petit sentiment de malaise. Pas Serdaigle. Serpentard, mais pas Serdaigle !