Flagrant délit (Zey et Timus)

Il avait suffit de quelques phrases pour mettre à mal une fois encore ma relation avec Dmitri. Pas grand-chose. Un aveu. Des secrets. Un serment qui nous rongeait, qui faisait palpiter notre sang sous des lignes entrelacées. J’en étais presque venu à la conclusion que je pouvais m’entendre avec certains sangs-purs et même que je pouvais avoir un avenir avec l’un d’eux. J’aurais pu mettre de côté, au moins partiellement, ma haine. Mais tout avait de nouveau volé en éclat et une nouvelle dispute venait de rompre le fragile équilibre que j’avais construit avec le jeune aiglon. Peut-être que nous nous réconcilierons. Mais je n’étais pas une femme de peut-être, de suppositions, d’avenir. Je n’allais pas réfléchir à un moyen de régler le conflit, ni même me souvenir que toutes les fois d’avant cela s’était résolu. Dans ce genre de situation, seule comptait la colère, cette colère explosive qui pouvait me faire commettre le pire, qui m’avait pousser à casser une jambe, qui avait failli me faire revendiquer un attentat.
Aujourd’hui, je ne voulais pas me lancer dans un tel coup d’éclat. Je n’en avais ni la force ni les moyens. J’aurais voulu être triste plutôt qu’énervée mais à défaut les sangs-purs paieraient, même si ce n’était que des mots, même si ce n’était rien. Un tag, une inscription. Quelques lettres rouges à l’encre. Une menace de mort. Un cri de désespoir. Et le concierge qui passait par là.
J’avais toujours revendiqué mes actes donc sa présence n’était même pas un problème. Il me punirait évidemment. Il était à la solde des sangs-purs de toutes façons, cela se lisait dans son regard. Il faudrait peu de temps que d’autres l’apprennent. Le directeur évidemment. M. Armitage ne m’aimait pas, cela datait de l’époque de Sorensen au moins. Ma directrice de maison aussi. Elle serait peut-être triste de perdre des points. Et moi, malgré tout, j’étais fière de mes idées.

@Septimus Veturia

( Flagrant délit )

‎‎ ‎ Ces derniers temps, Septimus nageait dans le bonheur. Bien sûr, tout n’était pas exactement parfait – être concierge, c’était accepter de mettre les mains dans le cambouis toute la journée et de repasser derrière les élèves inconséquents, mais au fond, il aimait ça. Avoir la sensation d’être utile, d’apporter un peu au reste du monde ; rien qu’un tout petit peu. Et puis, il y avait ses lapins ; et il y a avait surtout Fergal. Une relation aussi improbable qu’imprévue qui avait basculé dans la plus écœurante des romances – dans le bon sens du terme. Il se savait niais en sa présence, mais c’était ce genre de niaiserie qui plaquait un large sourire sur la face pour le reste de la journée ; ce genre de niaiserie qui faisait s’envoler des papillons dans le ventre ; ce genre de niaiserie qui rendait heureux, tout simplement. Si naturellement, le trentenaire était quelqu’un de plutôt sympathique, il redoublait de gentillesse ; distillant sa propre joie partout autour de lui à grands renforts de sourires solaires et de bienveillance attentive. Aussi ne s’attendait-il pas le moins du monde à ce qui allait lui tomber sur le coin du bec lorsqu’il tourna à l’angle du couloir, apercevant une élève de Poufsouffle qu’il connaissait encore mal près du mur vraisemblablement tout juste tagué.
‎‎ ‎ Allons bon ! Aux dernières nouvelles, celle qu’il croyait être Zeynep Özdemir n’était pas vraiment du genre à dégrader les biens de l’école. Du moins, pas à sa connaissance. Il espérait à tout le moins que le graffiti était drôle. Espoir qui fut vite réduit en poussière lorsqu’il parvint enfin à hauteur de l’adolescente. Étonnamment, elle n’avait pas cherché à fuir ; ce qui était plutôt un bon point, au moins n’aurait-il pas à lui courir après. Il s’était donc contenté d’approcher d’elle en écartant les bras, l’air de dire “Mais enfin !” (Les remontrances n’avaient jamais été le fort de Veturia.) Néanmoins, lorsque ses yeux se posèrent sur le tag en question, un froid mordant s’insinua dans ses veines, pénétrant le moindre de ses os tandis que son visage perdait toutes ses couleurs d’un seul coup. Mort aux sang-purs. Le choc le disputa longtemps à l’horreur dans ses grands yeux trop clairs écarquillés, le laissant muet de stupeur. Son cœur lui faisait l’effet d’un minuscule oiseau affolé près de faire une attaque. Des borborygmes sans queue ni tête furent les seuls sons qu’il put émettre, foudroyé sur place par la violence des mots. C’était impossible. Ça ne pouvait pas être cette enfant qui avait écrit une atrocité pareille !
‎‎ ‎ Ses yeux exorbités se posèrent enfin sur Zeynep, qu’il dévisagea comme une inconnue. “C’est… C’est toi qui as fait ça ?” Il ne pouvait pas s’empêcher d’espérer que non. C’était inconcevable ! Tant de haine dans une si jeune personne, c’était… “Mais pourquoi ?” couina-t-il, ravalant péniblement les larmes qui lui montaient aux yeux. C’était terrible ! Comment pouvait-on en arriver à souhaiter la mort d’inconnus partageant une simple caractéristique biologique ? Démuni et désorienté, Septimus sentait à peine le tremblement de ses mains qu’il tordait frénétiquement pour canaliser l’horreur qui le contaminait seconde après seconde. Il avait besoin de comprendre.

ft. @Zeynep J. Özdemir

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« C’est toi qui a fait ça ? »
J’avais envie de répondre que c’était le pape. Mais ce n’était peut-être pas du meilleur goût. Ni la meilleure chose à faire dans l’immédiat. En même temps, la question était stupide, il fallait bien l’admettre. Et la suite ne valait pas beaucoup mieux. Certains diraient que c’était bien l’apanage des concierge de poser des questions débiles. Après tout, ce n’était pas un métier qui nécessitait de grands diplômes ni de capacités intellectuelles particulièrement developpées. Alors tous ceux qui se voyaient déjà auror ou responsable de la coopération magique n’avait sans doute que mépris pour un simple concierge. Moi ce n’était pas cela qui me posait problème. Avec un père maçon et une mère aide-soignante, mon avenir aurait dû être bien plus proche de concierge que d’une responsable quelconque, même si j’étais bonne à l’école. Poudlard et mes pouvoirs avaient tout chamboulé mais je n’avais pas oublié d’où je venais.
Les remarques du concierge me paraissaient débiles mais parce qu’elles occultaient des siècles d’oppression. Qui se demandait encore d’où pouvait venir ma haine ? Il y avait la mienne, ma vie, les actes qui m’avaient personnellement concernés, les grades aciers, la mort de mon frère, la cicatrice dans mon dos. Et puis il y avait cette haine qui devrait jaillir de l’âme de chacun des nés-moldus. Cette haine contre le mépris latent, les humiliations, le favoritisme, les secrets. Cette seconde haine n’existait pas encore, ou trop peu. Alors, c’était de mon devoir de la faire naître.
D’un ton le plus neutre possible, je déclarai :
« Je suppose que vous êtes au courant des morts causés par les sangs-purs ces dernières décennies. Eh bien il est largement temps que la peur change de camp vous ne croyez pas ? Ou alors vous êtes avec eux ? »

( Flagrant délit )

‎‎ ‎ L’horreur et la stupéfaction déformaient les traits du concierge ; tant et si bien que ses yeux écarquillés paraissaient trembler comme des flaques d’eau troublées par une rafale de vent impitoyable. Comment en venait-on à écrire de telles atrocités sur les murs d’une école ? Pourquoi ? Et surtout… si jeune ! C’était invraisemblable ; c’était un cauchemar. Comment était-il censé réagir face à tant de violence débridée ?
‎‎ ‎ En complète opposition avec son interlocuteur, Zeynep demeurait parfaitement calme ; l’air tout juste agacé par les questions de l’adulte. Et les mots, oh les mots ! qui sortirent de cette bouche juvénile, si atrocement sereine… L’innocente adolescente paraissait soudain parée d’une aura terrible et terrifiante, assenant des propos d’une radicalité politique inouïe pour une si jeune personne. Les yeux déjà ronds de Septimus ne firent que s’agrandir davantage, la bouche entrouverte sur un borborygme apoplectique. Que la peur change de camp ? Ou alors il était avec eux ? Cillant pendant plusieurs secondes qui semblèrent une éternité, Veturia finit par retrouver le chemin de la parole malgré ses mains brusquement agitées de tremblements nerveux. Était-ce un cauchemar ? Une plaisanterie ? Oh, Merlin, faites que ça soit une blague de mauvais goût ! “Avec eux ?” répéta-t-il d’une voix blanche, secouant la tête dans un petit rire incrédule qui n’avait rien d’amusé. “Qui ça, eux ? De quel camp parles-tu ?” Déglutissant péniblement, le concierge se mit à frotter ses paumes l’une contre l’autre dans une vaine tentative de canaliser sa nervosité grandissante. “Tu… Je suppose que tu veux parler des atrocités commises par les sang-purs extrémistes ? Ceux qui prônent la pureté du sang ?” Était-il vraiment en train d’avoir cette conversation lunaire ?
‎‎ ‎ Il lui fallut un soupir et une grande inspiration pour reprendre ; pour tenter de comprendre ce qu’il avait sous les yeux, ce qui bouillonnait dans le miroir qui lui faisait face. ‎‎“Je suis désolé que tu en aies visiblement souffert…” C’était la seule explication, n’est-ce pas ? Répondre à la terreur par la terreur, c’était forcément quelque chose de ce goût-là. “Mais tous les sang-purs ne cautionnent pas cette idéologie nauséabonde. C’est…” Il désigna l’inscription murale offensante d’un doigt tremblant. “C’est stigmatisant et surtout… Enfin, Zeynep, on ne menace personne de mort ! C’est extrêmement grave, ce que tu as écrit là, peu importe à qui ce message est destiné.” Son ton dérailla dans les aigus du désespoir incrédule, tandis qu’il levait deux bras impuissants comme s’il cherchait à prendre pour témoin n’importe quelle divinité pour invoquer un peu de bon sens dans cet échange catastrophique.

ft. @Zeynep J. Özdemir

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