Codage par Libella sur Graphiorum

( Le hasard fait bien les choses )

‎‎  ‎ Le hasard faisait bien les choses, peut-être, mais Jack les faisait certainement mieux encore. Aussi, bien décidée à ne jamais passer une seule Saint-Valentin en solitaire, elle avait jeté son dévolu sur ce bon vieux Wensley qui constituait un bon candidat ; habitué à son caractère, élégant et homme de goût – bref, un minimum de standing. C’était en outre un ami, doté d’une cervelle un tant soit peu intéressante et d’une culture appréciable. Ce n’était pas tout à fait son genre d’homme habituel, mais eh bien, il n’y avait que les idiots pour refuser un peu de nouveauté. De toute façon, ce n’était pas vraiment sérieux ; du moins, rien n’était jamais sérieux avec Jack Griffith. Elle ne se refusait rien, c’était tout. Elle n’éprouvait pas non plus de réticences particulières à l’idée de se rapprocher d’un collègue – s’il devenait trop collant ou mielleux, elle n’aurait qu’à le chasser et puis ce serait réglé. Parfois, tout le monde en faisait tout un foin, mais eh bien, ce n’était pas parce qu’on partageait une certaine intimité une fois qu’on devenait soudainement plus proches pour autant. Un événement isolé se limitait à ce qu’il était ; et, pour sa part, elle n’était pas particulièrement bouleversée à l’idée de côtoyer un collègue qui l’aurait vue nue. Un trou était un trou, comme elle l’avait si philosophiquement dit à Senna, pas de quoi fouetter un chat. (Elle ne méritait peut-être pas l’oscar de la meilleure mère, mais au moins n’était-elle pas fermée d’esprit.) La seule véritable réticence qu’elle entretenait encore demeurait pour Wensley, paradoxalement – c’était un ami, pas un simple collègue. Mais, eh bien, elle n’avait pas envie de passer une soirée miteuse avec un adulte coincé. C’est que ça ne courait pas vraiment les rues, par ici, les partenaires intéressants. Fergal avait un balai dans le cul, Veturia s’évanouirait probablement à l’idée de se retrouver seul avec elle, Bevans devrait sérieusement songer à revoir son hygiène personnelle et Alexander était à peine majeur ! Ne restait que Myrthilde, qui était non seulement très belle, mais aussi d’agréable compagnie. Cependant, Griffith n’était pas certaine que la jeune femme soit à l’aise à l’idée de dîner avec la doyenne de l’équipe.
‎‎  ‎ Au moins, la soirée promettait d’être agréable avec Wensley et il n’existait aucune attente particulière quant à son déroulé. Cela étant, un dîner de Saint-Valentin demeurait un rencart ; et en tant que tel, il méritait d’être honoré d’un tant soit peu de prestance. Aussi avait-elle pris soin de choisir une robe de circonstance – noire, fendue et vaporeuse –, quelques bijoux en or et un maquillage approprié. Les inévitables escarpins ne furent sortis que dix minutes après le début officiel de l’événement, mais Jack mettait toujours un point d’honneur à arriver en retard à tous ses rendez-vous  ; il fallait savoir se faire désirer. Elle ne nourrissait aucun doute quant au fait que son cher collègue patienterait le temps qu’il faudrait ; sa courtoisie était l’une des choses qu’elle appréciait beaucoup. Finalement, elle n’avait jamais perdu l’habitude d’être celle qui attirait tous les regards aux bals – entrée tardive, mais remarquée, parée de ses plus beaux atours. Griffith ne pourrait pas vivre sans au moins un peu d’admiration. Et puis, quand on était né avec un corps pareil, il fallait bien l’honorer, non ? Seules les idiotes se cachaient derrière leurs vêtements.
‎‎  ‎ C’est donc avec vingt minutes de retard que Jack pénétra dans la grande salle décorée pour l’occasion. Inévitablement, des têtes se tournèrent vers elle et elle étira un petit sourire tranquille ; à deux doigts de ronronner de contentement. D’un pas exagérément chaloupé, elle suivit l’elfe qui lui demanda de le suivre jusqu’à son box. Toujours curieuse, la quinquagénaire laissa ses yeux errer autour d’elle sur le chemin – repérant immédiatement la gueule d’ange du jeune Appleton, étonnamment attablé avec van Aken junior (qui n’avait malheureusement pas seulement hérité du nom de son aïeul, mais également de son épouvantable caractère). Quittant l’elfe sans se soucier de son couinement surpris en la voyant s’arrêter devant la mauvaise table, elle marqua une pause près du drôle de couple en croisant des bras amusés ; sourcils et commissures relevés. “Eh bien, vous me surprendrez toujours, M. Appleton. Passez une bonne soirée.” Et sur ces bonnes paroles, elle reprit son chemin – non sans un clin d’œil complice.
‎‎  ‎ Qu’elle ravala cependant bien vite en comprenant qu’il ne s’agissait pas d’un choix de la part de Kenneth et Dmitri, mais plutôt d’une désorganisation générale qui avait conduit à mélanger les invités. D’abord contrariée, Jack fit contre mauvaise fortune bon cœur en découvrant Jaimie assis à sa table. “Ça alors, Wensley ! Tu as sacrément rajeuni !” Sa plaisanterie termina en rire tandis qu’elle s’installait face au jeune professeur, non sans rajuster le décolleté de sa robe pour l’exagérer – embarrasser Alexander était l’un de ses plus grands plaisirs quotidiens, elle ne louperait certainement pas cette occasion d’en faire des caisses. Posant son menton dans sa main avec un petit sourire malicieux, elle laissa son regard étiré de longs cils noirs se promener sur la table – atterrissant sur une prétendue potion de révélation qui n’était probablement qu’une décoration grotesque. “Ils ont mis le paquet, cette année” fit-elle négligemment remarquer. Relevant les yeux vers Jaimie, elle s’appuya davantage sur la table afin que les pans vaporeux de sa robe en dévoilent un peu plus – c’était difficile de ne pas rire, mais ça en valait la peine. “J’ignorais que tu participais à la Saint-Valentin. Qui était censé être à ma place ?” l’interrogea-t-elle, sincèrement intriguée. “Je veux tout savoir.” Ronronnement de chat qui a mis la patte sur une souris particulièrement appétissante.

Tenue :

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( Le hasard fait bien les choses )

‎‎  ‎ Le convive surprise eut le bon goût se lever pour accueillir madame, dont le sourire s’étendit comme celui du chat du Cheshire. Bien dressé, le garçon. Il paraissait à peu près aussi enjoué qu’elle à l’idée de passer la soirée en sa compagnie improvisée ; cela leur faisait au moins un point commun. Elle aimait jouer, lui aussi ; qu’ils jouent, donc. Passant machinalement ses doigts dans ses cheveux, le cadet ne perdit pas son sourire après s’être rassis, choisissant plutôt de lancer directement la partie sans attendre qu’elle ne s’y engage. “Tu as toujours voulu franchir ma porte, Jack. Te voilà plus chanceuse, on dirait !” S’installant à son aise – sans doute trop –, la lionne embusquée n’en sourit que davantage. Elle avait toujours apprécié les impertinents. “Eh bien, on dirait que la porte est franchie. La question demeure : que vais-je trouver derrière ?” Interrogation pas vraiment sérieuse, qu’elle souligna en tapotant pensivement ses lèvres peintes de ses ongles parfaitement manucurés – un tour de force qu’elle devait à la magie, commode deus ex machina qui effaçait tout stigmate de son travail acharné de la terre.
‎‎  ‎ Son ravissement ne fit que grandir en constatant que les yeux du jeunot n’était ni timides ni inquiets de plonger dans le décolleté éhontément mis en valeur. Si elle avait un certain penchant pour la torture lente des effarouchés, jouer avec le feu restait l’une de ses activités préférées. “Oui, c’est plutôt réussi. Tout sauf la coordination des tables, j’imagine qu’on en entendra des masses demain. Si tu es ici, moi aussi, et Wen quelque part ailleurs ; ça laisse Caerwyn et Fergal pour gérer le chaos et les plaintes” évacua-t-il en haussant les épaules, à peu près aussi concerné par le hic que la doyenne l’était – elle s’en fichait comme de sa première dent de lait. Que Fergal-balai-dans-le-fion et Caerwyn-barbe-de-miséreux s’en occupent donc, ils avaient d’autres chats à fouetter ; et des nettement plus intéressants. “Oh, si tu savais comme je m’en fiche” gloussa-t-elle sans la moindre trace de remords. “Chacun son rôle, le mien est de m’amuser ce soir.” Affirmation ponctuée d’un haussement de sourcil parfaitement épilé. L’air de dire, et le tien ?
‎‎  ‎ La discussion se tourna vers des horizons plus croustillants aux yeux cristallins de la quinquagénaire : sur quelle personne Jaimie avait-il jeté son dévolu ce soir ? Était-ce sérieux ? Sans gêne aucune, le freluquet répliqua : “Avec Myrthilde. Qui finira probablement avec Wenceslas. Du moins, je leur souhaite ! Parce qu’il manquerait plus que ça soit des rencontres profs-élèves et on aurait des parents sur le dos.” Les paupières plissées d’un soudain intérêt, Griffith hocha la tête avec une petite moue satisfaite. Myrthilde, donc. Un choix de goût. Restait à savoir : dans quel but ? “Oh pitié, ne parlons pas des gosses” implora-t-elle avec un roulement d’yeux exagéré. “Myrthilde, alors ?” répéta-t-elle, commissures ourlées avec gourmandise. “Il se trame quelque chose entre vous ?” Noyant son appétit vorace dans son verre tristement rempli d’eau, Jack n’en quitta pas moins des prunelles le jeune homme. Elle avait toujours raffolé des ragots – défaut qui la rapprochait inévitablement de son cher Wensley, dont la présence plana à nouveau sur la tablée à demi-mots lâchés par le cadet, dont le regard se promena sur son aînée. “Tu es particulièrement radieuse, Jack. Le choix de la robe est particulière évocateur.” Comme si elle s’en étonnait, la directrice de Poufsouffle passa une main délicate sur sa robe légère, avant de repousser une mèche blonde derrière une oreille lestée d’or. “Évocateur de ?” le provoqua-t-elle en feignant une innocente minauderie. Elle aimait plaire, ce n’était un secret pour personne. Jaimie s’imaginait-il qu’elle avait sorti le grand jeu pour les beaux yeux de Wensley ? L’idée la faisait ricaner intérieurement.
‎‎  ‎ Elle se laissa cependant déstabiliser par la venue d’un nom déjà évoqué à deux reprises ; syllabes venues l’importuner comme une mouche agaçante – ou un cheveu sur la soupe. “J’ai pas le souvenir que Caerwyn ait préparé quelque chose pour la soirée.” La réflexion paraissait pensive, comme si ce que faisait ce pauvre vieux bougon enfermé dans ses cachots revêtait le moindre intérêt. “En même temps, on peut comprendre que personne n’ait envie d’inviter un homme dont la mise nous donne envie de lui glisser quelques gallions dans la poche en espérant que ça lui fasse tenir la semaine.” C’était cruel, moqueur et assassin ; tout ce qu’elle adorait. C’était encore mieux si le concerné en entendait parler. Pour le moment, elle n’avait pas vraiment d’ennemis à l’école, et elle s’ennuyait suffisamment pour chercher des noises au dernier arrivé qui semblait avoir un avis mitigé à son sujet pour une obscure raison. Peut-être était-il misogyne ; après tout, elle était la seule femme des quatre directeurs et loin d’être la dernière à se faire remarquer. Allez savoir !

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( Le hasard fait bien les choses )

‎‎  ‎ Pour son plus grand plaisir, Jaimie paraissait tout aussi déterminé qu’elle à s’amuser ce soir. Elle n’avait aucune idée du résultat de ce petit jeu, mais le mystère l’avait toujours séduite ; aussi n’éprouvait-elle aucune appréhension quant aux conséquences potentielles de ses titillements soigneusement étudiés. Si Griffith adorait charrier ses collègues et observer le résultat pour s’en délecter, elle ne disait jamais non à un bon divertissement partagé ; quelle que soit sa forme. La professeure avait peut-être une âme de joueuse, mais surtout celle d’une battante – elle n’était là que pour gagner, pas se laisser submerger (et surtout pas par un homme). Cette puérile volonté d’avoir sans cesse le dessus se mariait parfaitement avec les bras de fer verbeux auxquels elle se livrait volontiers avec tout ce qui respirait. Encore fallait-il qu’il y ait du répondant en face ; heureusement pour Alexander, cela semblait être son cas – faute de quoi, elle se serait très vite désintéressée de lui.
‎‎  ‎ Lorsque Myrthilde vint sur le tapis, impossible de ne pas chercher à creuser pour tirer les vers du nez au cadet de l’équipe ! Non seulement Jack était-elle friande de ragots, mais en plus de cela, elle ne pouvait qu’approuver les goûts de son collègue s’il se passait quoi que ce soit entre eux. Elle-même n’aurait pas dit non à lui croquer un bout de fesse si elle n’avait pas été si jeune. Jaimie, en revanche, paraissait surpris – peut-être même décontenancé. “Tu veux vraiment qu’on parle de Myrthilde, Jack ? Là, maintenant ? Je savais pas que tu aimais partager la vedette.” Dodelinant de la tête et haussant un sourcil, le jeune homme était dubitatif. Peut-être ignorait-il encore que la doyenne aimait autant les beaux hommes que les belles femmes. C’est donc avec délice que la directrice de Poufsouffle croisa les doigts pour y poser son menton en battant des cils, paupières à demi closes sur des yeux dangereux – surplombant un large sourire malicieux. “Tu serais surpris de savoir à quel point je peux être partageuse” ronronna-t-elle, en référence à peine voilée aux appétits dont elle ne se cachait pas. Un partenaire, c’était amusant ; deux, c’était décoiffant ! “Myrthilde est une très belle femme, en plus d’être érudite” ajouta-t-elle en penchant légèrement la tête, haussant à son tour un sourcil en miroir de son interlocuteur. “Alors, dis-moi tout.” Exigence plus que demande. Après tout, à quoi bon être coincés ensemble si ce n’était pas pour échanger des potins croustillants ? Jack n’était pas pingre ; encore moins avare d’anecdotes personnelles. Qu’il se sente libre de l’interroger à son tour, cela faisait partie du jeu – les proies trop faciles ne l’intéressaient pas le moins du monde.
‎‎  ‎ Se donnant des airs ingénus, la quinquagénaire s’empressa de saisir la perche tendue par son cadet au sujet de sa tenue évocatrice. “De tes attentes de fin de soirée ?” tenta son collègue, dont les prunelles ne se privaient pas du spectacle de chair gracieusement mis en valeur sous son nez. Un petit rire, aussi cristallin que ses iris, échappa à Jack ; c’était parfait. Elle n’aimait ni les timorés ni les guindés, alors cette franchise sans détour lui plaisait bien. En réalité, elle n’avait pas d’attentes spécifiques – elle aimait se sentir désirée, être satisfaite de son reflet dans le miroir ; c’était avant tout égoïste, avant de réfléchir à une quelconque séduction. Mais, eh bien, si on le la lui offrait au passage, c’était un bonus qu’elle ne dédaignait pas. “Et que penses-tu que j’attende de cette fin de soirée ?” lança-t-elle, sourire mutin hissé en pavillon pirate. “La même chose qu’avec Wensley ?” ajouta-t-elle, faussement pensive. Elle ignorait ce que Jaimie s’imaginait, mais elle ne refusait jamais de prêter l’oreille au portrait que l’on brossait d’elle sans son intervention. C’était un peu comme un nouvel épisode de sa série préférée ; parfois, la chute dépassait largement ses attentes !
‎‎  ‎ Étonnamment, la discussion dériva vers Caerwyn Bevans, le dernier arrivé dans l’équipe. Honnêtement, Jack se fichait bien de ce qu’il prévoyait ou non pour cette fête ridicule. Ainsi, elle ne se priva pas d’une petite pique de son cru ; provoquant une surprenante réplique séductrice de son compagnon improvisé. Ah, les hommes… Une paire de seins, et on les perdait ! Ce qui ne l’empêcha pas, bien sûr, de croiser les bras sous sa poitrine pour la mettre davantage en valeur. Si ce simple spectacle lui déliait la langue, eh bien, qu’il profite ! La pudeur n’avait jamais été un problème pour elle – et son corps n’était qu’un outil comme un autre duquel elle savait user avec sagacité. Les humains n’étaient que des animaux comme les autres, après tout. “Bien sûr que je suis ravie d’être tombée sur toi plutôt que sur lui” ronronna-t-elle en relevant une commissure charmeuse. “Il n’est pas du tout mon genre.” Jaimie ne l’était pas davantage – faute à la différence d’âge –, mais il n’était pas obligé de le savoir. Elle s’amusait trop pour décevoir ses espoirs tout de suite. “Oh, je ne dis jamais non à une bonne bouteille d’alcool, mais une conversation divertissante me fera tout autant plaisir.” C’était la stricte vérité, pour ce qu’elle valait. La porte entrouverte était toutefois trop tentante pour ne pas être complètement poussée. “Et toi, qu’est-ce qui te ferait plaisir, mon cher Jaimie ?” l’interrogea-t-elle en plongeant à nouveau ses lèvres dans l’eau fraîche, cils à demi baissés sur ses yeux de prédatrice embusquée. Sa réponse pouvait être très divertissante, en l’occurrence.

ft. @Professeur J. Alexander

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( Le hasard fait bien les choses )

‎‎  ‎ S’apprêtant à rejoindre la table indiquée par l’elfe de maison sans plus se soucier du drôle de couple formé par van Aken et Appleton, Jack se retourna toutefois en entendant la réplique acerbe du Serdaigle. Ses deux yeux cristallins se plantèrent dans le regard impertinent du petit con, sourcils blonds arqués en arcade d’aigle courroucé. “Elle ne sera pas même écourtée si vous agonisez, alors tâchez de transmettre vos dernières volontés avant de songer à vous entretuer.” Réplique aussi amène que son ton tranchant comme le dernier couperet – ce qui n’empêcha pas Kenneth de geindre en l’enjoignant de le tirer de ce mauvais pas. “Langage, Appleton” ordonna-t-elle aussitôt en entendant l’insulte destinée à son camarade, voix claquant comme un fouet. Il pouvait s’estimer heureux que Griffith soit si coulante avec ses Poufsouffles ; autrement, une bonne dizaine de points lui auraient été amputés. “Vous avez des jambes, servez-vous-en si c’est à ce point insupportable.” Il valait mieux pour les deux jeunes coqs maigrichons qu’ils ne la dérangent pas autrement que sous forme ectoplasmique – et encore.
‎‎  ‎ Enfin libérée de leurs chamailleries ridicules, Jack trouva Jaimie à la place de Wensley ; surprise qui ne gâcha pourtant rien de son plaisir, d’autant que le benjamin des professeurs paraissait plus que réceptif aux petits jeux de la doyenne. L’incursion de Myrthilde dans la conversation ne la ravit que davantage, quand bien même Alexander énumérait ses qualités personnelles d’un air entendu ; quoi, pensait-il qu’elle se mettait en compétition avec elle ? C’était bien mal la connaître. Elle hocha la tête d’un air appréciateur, petit sourire aux lèvres. “Oh non, je ne l’oublie pas. C’est précisément pour cette raison que cette chère Myrthilde est l’une des seules personnes que je respecte un tant soit peu dans ce château.” Et le voilà, à poursuivre sur sa lancée ; évacuant le sujet et les potins croustillants sans s’y attarder davantage. Les yeux de la directrice se levèrent au plafond. Quel rabat-joie, vraiment ! “Tant pis pour toi, j’aurai cette charmante discussion avec la concernée” soupira-t-elle avec une moue boudeuse, ennuyée par la discussion qui retombait à plat. Elle ne s’infligerait pas un dîner sage, si c’était ce qu’il planifiait. Elle préférait encore aller se couler dans un bon bain moussant sur un fond musical.
‎‎  ‎ Cependant, il lui proposa de livrer le fond de sa pensée contre les dessous de la relation qu’il entretenait avec la professeure d’histoire de la magie. Griffith haussa les épaules, l’air de peser le pour et le contre. “Tu serais surpris” répliqua-t-elle d’abord, faisant allusion à ce que Jaimie pensait savoir de Wensley. Rien de plus savoureux que de distiller le doute et la confusion parmi les rangs adverses ! Elle l’observa boire une gorgée de son verre, promenant ses doigts manucurés sur le bord du couteau qui lui était destiné. “Je n’attends jamais rien de plus d’une soirée qu’elle soit divertissante” lâcha-t-elle, commissures ourlées sur un sourire énigmatique. “Peu importe la forme qu’elle prendra, je suis ouverte à tout.” Qu’il s’agisse de finir sous les draps, prendre un bain de minuit, danser ivre sous la lune ou hurler de rire entre deux anecdotes avinées, tous ces dénouements l’enchantaient à égale mesure.
‎‎  ‎ Vraisemblablement de bonne composition, son cadet assura que la discussion serait divertissante ; avant de répondre que survivre au dîner serait déjà un bon point. Un rire échappa à Jack, qui s’attaqua au plat tout juste apparu dans son assiette jusqu’ici vide. “Je n’ai pas besoin de veritaserum pour faire cracher la moindre vérité.” Griffith obtenait toujours ce qu’elle voulait ; seuls étaient épargnés les inintéressants et les barbants. Le reste passait à la casserole un jour ou l’autre, c’était ainsi. On ne lui tenait pas tête, à moins de désirer tomber en disgrâce – sort assez peu enviable au regard du caractère explosif de la dragonne. “Rassure-toi donc, je m’éclipserai avant que cette conversation ne devienne ennuyeuse au point de songer à utiliser la moindre potion.” Elle étira un sourire de chat, sous-entendant mine de rien qu’elle le planterait là en plein milieu du repas sans le moindre remords si sa compagnie ne la satisfaisait pas.

ft. @Professeur J. Alexander, @Dmitri D. van Aken & @Kenneth D. Appleton

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( Le hasard fait bien les choses )

‎‎  ‎ Jaimie paraissait dubitatif quant aux capacités de Wensley à se montrer surprenant. Buvant pensivement, il finit par la relancer, presque déçu de ne pas en apprendre davantage sur le sinistre professeur de sortilèges – avançant qu’il aimerait pour cette fois obtenir une anecdote plus heureuse qu’un meurtre. Malheureusement pour le jeune homme, Jack n’était pas le moins du monde intéressée par la cession d’une seule information croustillante ; il lui refusait la pareille concernant Myrthilde, alors elle n’avait aucun intérêt à se montrer généreuse. Tant pis pour lui. “C’est entre lui et moi” minauda-t-elle, laissant son regard errer vers les box voisins en entendant deux voix se hausser. S’il s’agissait des deux jeunes idiots qu’elle avait envoyé sur les roses, qu’ils s’y complaisent et s’imprègnent d’épines ; elle ne lèverait pas le petit doigt. “Ce dîner va peut-être se montrer intéressant, finalement.” Pique passive-agressive lâchée sans le moindre remords – si Alexander n’était pas disposé à l’être, deux jeunes coqs prêts à s’entredéchirer feraient bien l’affaire. Enfin, pour le moment, elle se contenterait de rester sagement assise à attendre que quelqu’un ramasse les débris ; elle ne jetterait un œil qu’au clou du spectacle.
‎‎  ‎ Visiblement pas décidé à saisir les perches tendues par la doyenne, Jaimie commença à se montrer franchement désagréable. “Tu sais qu’ouverte à tout, c’est synonyme de pas difficile du tout ?” Griffith haussa un sourcil aigu en silence, toisant le jeunot avec une indifférence glaciale. “Être ouvert ne veut pas dire tout accepter.” Le ton avait perdu son charme enjôleur, refluant comme la marée laissant les galets coupants rouler sous les talons imprudents. Pensait-il vraiment qu’elle en avait quoi que ce soit à faire d’être traitée de salope ? Sa scolarité l’avait complètement immunisée à ce genre de pseudo-pique, bonne uniquement pour les imbéciles et les frustrés. “Je sais parfaitement ce que je veux” ajouta-t-elle, croisant ses couverts sur son assiette à peine entamée. “M’amuser et ne pas m’attacher. Les hommes sont toujours décevants dès qu’on creuse un tout petit peu.” Et Jaimie en faisait une démonstration très honorable. Qu’il fustige donc Wensley, toujours était-il que ce dernier s’était invariablement montré parfaitement charmant avec elle et connaissait sa place, ainsi que les limites de l’effronterie. Le jeune chien fou n’avait pas une once de sa classe et de son charisme – ou de sa maîtrise délicate de l’humour caustique.
‎‎  ‎ Elle laissa le jeune directeur de Gryffondor observer la fiole de potion mystérieuse et se délasser, tandis qu’elle s’occupait de repousser son assiette pour se redresser. “Eh bien, mets-toi à l’aise. Je te laisse en tête-à-tête avec ton plat.” Un bon verre de vin et un bain bien chaud feraient une bien plus agréable compagnie que cet apéritif déceptif. Se redressant sans un regard en arrière, elle quitta le labyrinthe des box sans même jeter un coup d’œil à la rixe pathétique entamée par les deux crétins qu’elle avait pourtant avertis. “Les hommes” soupira-t-elle en levant les yeux au ciel. Toujours prêts à illustrer leur bêtise avec une gratuité scandaleuse. Qu’ils se débrouillent tous sans elle, ses plantes chéries lui tiendraient compagnie pour cette Saint-Valentin.

ft. @Professeur J. Alexander

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