Après un cours de Potions sous l’égide du très sévère professeur van Aken, puis un cours de Sortilèges avec le tout nouveau et tout sévère — mais tout canon — professeur Aylmer, Rosalie était à deux doigts de mourir de stress. Les deux enseignants n’y allaient pas de main morte, qu’il s’agisse de la pression pour les BUSES ou des exercices pratiques qu’ils imposaient à la classe. D’autant plus que, en ce qui concernait les potions, la jeune fille se faisait un devoir de ne pas être trop nulle. Il fallait qu’elle obtienne une assez bonne note pour pouvoir poursuivre les cours l’année prochaine, sinon sa mère allait être déçue et son papa aussi, même si ce serait dans une moindre mesure. Tous les deux potionnistes de talents — quand bien même l’un des deux dédiait son don à faire des savons bios — ils seraient bien évidemment ravis que leur fille unique excelle dans le même domaine qu’eux. C’était particulièrement stressant et particulièrement fatigant. Heureusement, elle pouvait compter sur ses deux meilleurs amis pour la soutenir. Encore plus avec le projet de potions de cette année qui allait leur demander un travail de groupe constant.

La tête pleine, un acouphène désagréable qui ne voulait pas quitter son oreille gauche, Rosalie quitta la salle de classe dans les derniers. Ses pensées désordonnées l’avaient emmenée dans une rêverie bien lointaine et ses affaires étaient loin d’être rangées quand il avait fallu quitter les lieux. Heureusement qu’elle pouvait compter sur Artemis pour lui noter les devoirs, sinon, elle aurait retardé encore plus tout le trio. Ils se dirigeaient tous les trois en direction du prochain cours, au cinquième étage, quand une tornade vêtue d’une écharpe rouge et or déboula et se jeta sur sa Préfète. Ses paroles rapides soulevaient un problème d’une importance capitale qui poussa la blonde à jeter un regard désespéré à ses deux meilleurs amis. « J’dois m’en occuper… » Et sans perdre une seconde de plus, elle demanda à la première année ce qu’il se passait exactement et si elle pouvait lui montrer le cœur du problème.

Dix minutes plus tard, le crapaud qui lui barrait le chemin pour aller aux toilettes avait retrouvé son propriétaire et Rosalie grimpait les étages en direction du cours de Métamorphose. Sérieusement, qui avait eu l’idée de la nommer préfète ? L’insigne dégageait quelque chose d’appréciable et c’était plutôt flatteur d’être un nom connu de tout Poudlard, mais est-ce que les responsabilités étaient vraiment obligatoires ? D’autant plus que, eux, ils n’avaient même pas le droit à une tour toute entière et à des privilèges supplémentaires, contrairement à la Brigade. Brigade qui n’avait pas accepté l'inséparable trio en son sein. Rosa arriva dans la salle de classe alors que le professeur s’avançait pour refermer la porte. Elle se glissa, formula quelques excuses tandis que ses yeux dorés parcouraient les lieux à la recherche de la place que ses meilleurs amis lui avaient forcément gardée. Sauf que les tables étaient disposées deux par deux et que, au regard désolé que lui jeta Haley, toutes étaient prises à proximité. Dépitée, elle suivit le geste de l’enseignant qui désigna un siège libre au troisième rang… à côté de Hayden.

Résignée autant que déçue, Rosalie se glissa sur sa chaise et déballa un parchemin ainsi que sa plume. Tandis que l’enseignant se lançait dans des recommandations concernant les examens et dans quelques précisions quant aux examens, les pensées de la blonde volèrent vers d’autres horizons. Elle ne revint à elle qu’au moment où il leur demanda de se pencher sur leur manuel pour en lire une page. Sauf que Rosa ne l’avait pas, son manuel. D’ordinaire, elle jetait un regard suppliant à son meilleur ami, accompagné d’un bonbon ou deux en guise de compensation, et ils suivaient tous les deux sur le même ouvrage. Ses yeux dorés se posèrent sur la silhouette du Serpentard avant de revenir du côté de son demi-frère. « J’ai pas mon livre… » fit-elle à contrecœur, sachant par avance qu’il n’allait pas manquer de lui faire une remarque ou simplement se montrer aussi détestable qu’à l’accoutumée. Néanmoins, il fallait bien qu’elle la lise, cette page, et c’était le seul moyen.

Ainsi donc, il s’agissait de transformer une chouette en jumelles. C’était quand même se compliquer un peu la tâche, non ? Pourquoi ne pas acheter directement des jumelles ? Elle pensa presque aussitôt à Michaela qui allait ful-mi-ner. L’enseignant fit une démonstration une fois que tout le monde eut terminé de lire la petite histoire du sortilège, ses effets et tout ce qui allait avec. La blonde se mit à douter de toutes ses forces. Sa baguette n’était pas la plus coopérative et son manque de concentration lui avait déjà joué des tours : elle n’avait pas vraiment envie de faire exploser l’un des hiboux qui attendaient dans un coin de la salle de classe. « Euh… C’est pas possible de faire sur autre chose ? Genre une plume ou une chaise… ? » demanda-t-elle au moment où le professeur Tyrell passait à côté de leur table.

@Hayden W. Lynch

( Pando )

Non seulement, c’était la course à cause d’un service à rendre à un première année paniqué mais, en plus, Rosalie arriva en cours de Métamorphose dans les bons derniers, constatant au moment où elle passait le pas de la porte que sa place habituelle, aux côtés de ses meilleurs amis, était prise. Dépitée — et un peu déçue qu’ils n’aient pas mis plus de cœur à l’ouvrage que ça pour lui garder un siège de libre —, elle se dirigea vers la chaise que lui pointait du doigt le professeur Tyrell et qui lui offrait comme camarade… son demi-frère. La première réaction de ce dernier fut de la repousser, arguant que c’était la place de Michaela et non la sienne — pourquoi ses meilleurs amis n’avaient-ils pas fait la même chose, hein ? —, transformant le regard fatigué de la blonde en y ajoutant quelques lueurs agacées. Il croyait que ça lui faisait plaisir, à elle, de venir à ses côtés ? Avant même que le moindre mot ne franchisse ses lèvres, Hayden s’était ravisé et avait tiré la chaise pour lui permettre de s’installer. Fatiguée avant même que le cours ne commence, Rosalie s’y laissa tomber. Elle sortit rapidement ses affaires et constata qu’il lui manquait son manuel de cours. D’ordinaire, ce n’était pas un problème : coincée entre Artemis et Haley, elle avait l’embarras du choix, mais là… Pas le choix. Son demi-frère consentit à décaler son livre pour le placer au milieu mais pas à épargner l’Écossaise de ses remarques désagréables. « Un sourire ? De la bonne humeur ? J’sais pas mais rien que je te demanderai, à toi. » bougonna-t-elle, tournant son visage vers l’enseignant, bien décidée à ignorer cet insupportable Hayden pour tout le reste du cours.

Son esprit vagabonda bien rapidement vers des contrées lointaines qui lui offraient, de temps à autres, un bref aperçu sur le cours. Pour l’instant, le professeur ne faisait que raconter l’histoire du sortilège et Rosalie, sa tête posée dans sa main, observait sans les voir les hiboux enfermés dans des cages. Les minutes passèrent et la blonde ne s’extirpa de ses songes qu’au moment où Tyrell donna le top départ de la partie pratique. C’est pas qu’elle n’avait pas envie, mais la Métamorphose, c’était pas si simple que ça, et elle n’était pas certaine d’avoir envie de tuer un animal juste pour obtenir une paire de jumelles. C’était pas tip top. Alors, elle demanda à l’enseignant si ce n’était pas possible, à tout hasard, d’utiliser autre chose. Il s’accroupit devant elle et lui expliqua ne pas avoir compris sa question. Rosalie entrouvrit la bouche pour la lui reposer mais il était déjà en train de continuer, la poussant à ne rien en faire. « C’est avec la chouette que j’ai peur que ce soit désastreux. » souffla-t-elle, réticente à faire vivre ça à un pauvre animal qui n’avait rien demandé. Décidément, Michaela déteignait sur elle plus que jamais. Un sourire crispé souligna la suite du petit discours de l’enseignant. Elle n’avait pas peur d’échouer et elle n’avait pas besoin qu’il lui dise que c’était normal, elle le savait bien : elle échouait à peu près quatre-vingt pourcent du temps. Non, c’était pas ça le problème.

Mais déjà Tyrell était appelé par un autre élève qui était justement son voisin de gauche. S’il continuait de se déplacer ainsi, il allait choper une crampe. Ce fut la seule remarque intelligente que parvint à formuler Rosalie, pour elle-même, avant que le professeur ne se lance dans un discours qui la largua complètement. Il afficha même une formule au tableau qui allait très certainement hanter ses cauchemars pour les prochaines semaines. Ses yeux dorés glissèrent sur Hayden — avait-il la moindre idée que sa question allait provoquer un tel séisme d’informations ? — puis sur Haley et Artemis — avec une lueur désespérée. « Z, T, V, » récita la blonde dans un murmure paniqué en reposant son regard sur le tableau. Le cauchemar. « Pensez-y, pensez-y… » poursuivit-elle sur le même ton, quittant machinalement son banc en même temps que le reste des élèves pour récupérer une cage et une chouette.

Non mais elle n’avait aucune envie de devenir une meurtrière. Bon, les autres années, c’était pas ça qui la préoccupait le plus, mais il n’était jamais trop tard pour s’intéresser aux combats importants, non ? Personne n’avait encore eu le temps de commencer sa pratique que la meilleure amie de Rosalie posa une nouvelle question. D’un côté, ça retardait l’échéance, de l’autre… Un gémissement inaudible s’échappa d’entre les lèvres de la Gryffondor. Pitié, pas encore des explications de trois kilomètres… Trois kilomètres plus tard, le regard vide de la Préfète tentait de raccrocher des wagons qui avaient sombré depuis belle lurette. C’est la voix de Michaela qui la ramena sur terre. Elle rouspétait en revenant à sa place, arguant qu’on pouvait tout aussi bien acheter des jumelles. C’était vrai, ça, pourquoi s’embêter à leur donner des cours alors qu’on pouvait aller au Chemin de Traverse et gagner un temps considérable, hein ? Vraisemblablement agacé, le professeur répliqua d’un ton un peu plus froid. « Oui mais justement, Mika elle refuse d’utiliser les ingrédients animaux, » lâcha Rosalie, sans savoir si sa voix était parvenue jusqu’au professeur. C’était peut-être pas plus mal parce qu’il avait l’air franchement mécontent. Il planait comme une aura de révolution dans sa salle de classe et ça ne devait pas lui faire plaisir. Rosalie, elle, sentait son cœur battre un peu plus vite. Elle croisa le regard de sa meilleure amie et lui adressa un grand sourire : ils n’allaient pas se laisser faire !

Mûe par cet encouragement silencieux, ou par autre chose, allez savoir, Haley éleva derechef la voix. Ses arguments étaient bons, très bons : c’était décidément pas sa meilleure amie pour rien. Le visage de Tyrell était presque un peu pâle, comme si l’inconfort de ses élèves lui donnait envie de pleurer. Ou était-ce le sort qui attendait ces chouettes ? Peut-être les deux. Il expliqua alors, sans que Rosalie ne comprenne pourquoi, que lancer un sortilège de métamorphose sur son animal de compagnie avait plus de chance de réussite que sur un animal lambda. Un hoquet craintif lui échappa alors qu’elle s’imaginait devoir pratiquer la magie sur Haggis. Non, c’était hors de question, elle ne ferait plus rien, rien du tout. Du coin de l'œil, elle avisa Michaela qui parlait à son volatile et une exclamation surprise passa sur son visage au moment où elle le libéra. Mais oui ! Plus de chouettes, plus de sortilège, c’était simple comme bonjour ! Ni une, ni deux, Rosalie bondit hors de sa chaise, avec sa cage dans les bras, et ouvrit la fenêtre la plus proche pour rendre toute sa liberté à sa chouette. Quand elle se retourna, le regard du professeur était fixé sur elle, lui donnant l’impression d’être une statue de pierre incapable de bouger. Oups.

( Pando )