Dry January

Killian & @Fergal Armitage

Les vacances n’avaient pas été si terribles compte tenu des circonstances. Raccourcies, mais pas déplaisantes. Notre arrivée à Londres tombait le jour de mon anniversaire et pour la première fois de la vie, j’ai été traité comme un roi. Malgré les évènements, malgré l’ébullition que ça devait être au Ministère, Daphné a pris le temps de me faire mes mets préférés et Bailey est revenu les bras chargés de cadeaux. Pour la première fois de ma vie, je me suis senti à ma place. Voulu. Pour célébrer mes 20 ans, j’ai eu le droit à un nouveau balai, des bouteilles des meilleurs whisky, un nouveau costume taillé sur mesure avec mes initiales mais surtout une chevalière avec l’emblème Knight. Moi qui n’avait jamais aimé mon anniversaire, l’évènement a pris une toute nouvelle tournure cette année et j’ai du me faire force pour ne pas laisser l’émotion s’emparer de moi. Heureusement, l’elfe de maison a choisi ce moment pour lancer le mini feu d’artifice maison qui a ravi Lenora et rempli la pièce de rire joyeux. Un tableau auquel jamais je n’aurai pensé participer.

Et une semaine plus tard, les vacances sont déjà finies et il faut retourner à Poudlard. Vu l’ambiance morose dans laquelle j’ai quitté l’école, l’excitation d’y retourner n’est pas forcément au rendez-vous. J’ai été interrogé, comme tout le monde, et je ne fais clairement pas parti des suspects, mais d’après les nouvelles, le pseudo empoisonnement n’a pas encore été résolu. Ce qui n’annonce pas un climat des plus joyeux. Mais j’étais quand même loin de me douter de ce qui allait nous attendre à l’arrivée. Pas un mot n’a été soufflé. Personne n’était au courant. Pas même nous, les préfets. Personne ne nous a informés que la rentrée allait se dérouler comme ça. Que nos affaires allaient être fouillées et que la pratique de la magie allait être formellement interdite en dehors des salles de cours. C’est quoi ce bordel. Parce que le Ministre a été visé, on doit nous infantiliser et nous retirer ce qui fait de nous des sorciers ? En soit, peu m’importe, je m’adapte très bien à la vie de Moldu. C’est juste que je déteste quand on m’impose des restrictions et qu’on me donne des ordres. C’est l’effervescence dès que je mets un pied sur le quai de Pré-au-Lard. La rumeur court comme quoi ils ouvrent nos sacs et qu’une fille s’est vue confisquer des bonbons et un magazine photo. Je me fige, conscient de ce qui se trouve dans mon sac. Je suis dans la merde. Même si les bouteilles sont tranquillement enroulées pour éviter tout fracas ou bruit suspect, je ne suis pas sûr que ça passera inaperçu. Toujours immobile, j’ai la furieuse envie de faire demi-tour et de m’enfuir, mais le gars qui se trouve derrière moi me pousse à avancer. Je n’ai donc d’autre choix que de suivre les moutons et de me greffer dans une file à attendre qu’on ouvre mon sac et que la sentence ne tombe.

Nous avançons un par un, comme des bovins à l’abattoir et c’est bientôt mon tour. Je suis accueilli par le concierge, paradoxalement le directeur de notre maison également, qui est bien plus jovial que moi. C’est à contrecœur que je pose ma besace en cuir face à Armitage. Le regard fixé sur ses doigts qui s’affairent à ouvrir mon sac, je ne prends même pas la peine de répondre à son accueil chaleureux. Il déplace quelques affaires et sa main doit tomber sur l’une des bouteilles. Je blanchis tandis que son expression se modifie immédiatement. Envolées la sympathie et la bienveillance. Je me contente d’hocher la tête lorsqu’il m’indique qu’il gardera le sac dans son entièreté et que je peux rejoindre le reste de mes camarades en oubliant pas de lui rendre une petite visite une fois que les bagages auront été vérifiés. En d’autres termes, si je lis entre les lignes, pendant le repas. Super. Quelle rentrée de merde. Ceci dit, j’imagine que je suis bien tombé. Armitage a eu la délicatesse de ne pas faire un scandale. Les autres ont vu mon sac se faire confisquer mais un regard noir de ma part aura suffi pour les retenir de poser des questions. En attendant ce soir, je n’ai plus qu’à jouer le parfait petit préfet.

Après avoir escorté un petit groupe de première année jusqu’au dortoir et attendu l’heure fatidique, je laisse mes camarades descendre jusqu’à la Grande Salle tandis que je me rends sans grande conviction un peu plus loin dans le bureau destiné à notre Directeur de Maison. Joie. Ca faisait longtemps que je n’avais pas été convoqué par ici tiens. Je n’avais pas prévu de l’être cette année. Entre mes visites régulières à l’infirmerie et essayer de tenir le rythme des cours, ça me laissait peu de marge de manœuvre. D’autant plus que sans grande surprise, je n’ai pas trop la tête à faire des conneries cette année. J’ai déjà bien suffisamment de chose à gérer. Je m’arrête quelques secondes devant la porte en bois massif, fermant les yeux pour prendre une profonde inspiration. Je ne peux plus faire marche arrière de toute façon. J’imagine qu’Armitage décidera de mon sort. J’aurai l’air fin si je me faisais renvoyer 6 mois avant les ASPICS tiens. Tous ces souvenirs de bonheur d’il y a quelques jours pourront désormais me passer sous le nez. Adieu la gentillesse de Daphné, elle me verra de nouveau comme un renégat. Un moins que rien. Quelle idée de fouiller les sacs sans prévenir aussi. Résolu, je frappe à la porte et attend sa réponse avant de rentrer. Je pénètre dans la salle, sérieux. « Vous vouliez me voir Monsieur. » Je demande poliment d’une voix grave avant que mon regard ne glisse sur mon sac qui trône fièrement sur le bureau. Est-ce qu’il l’a complètement ouvert ? Fouillé ? Combien de bouteilles a-t-il trouvé ? Une ? Deux ? Les quatre ? Quel sort me réserve-t-il ? Nerveusement, je caresse machinalement sans m’en rendre compte mon nouveau tatouage qui orne le tour de mon poignet, comme à la recherche de réconfort, comme pour me dire que ça va aller. Que ça aussi, je m’en remettrai.

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Le ton du directeur de ma maison est de nouveau cordial. Passé la surprise, il a eu le temps de se remettre de ses émotions et de décider de mon sort, contrairement à moi qui continue allègrement d’imaginer les pires scénarios. Je déteste être dans cette position. C’est loin d’être la première fois, mais aujourd’hui tout est différent. Je ne peux pas essayer de m’en sortir avec quelques cabrioles amusées sans m’inquiéter des conséquences. Aujourd’hui, les enjeux sont différents. Je ne peux pas tout foutre en l’air pour des conneries. Et pourtant, c’est ce que je suis en train de faire on dirait. J’ai comme un talent inné pour ce genre de choses, même quand ce n’est pas l’effet recherché.

Je sais d’avance que je ne vais pas passer un moment agréable. D’une façon comme d’une autre. Je doute sincèrement qu’Armitage ferme les yeux sur ça, pas alors qu’il a la double casquette de concierge et de directeur de ma maison. Je sens déjà les questions arriver et je me prépare, me blindant au maximum. Son premier geste est de pousser le sac dans ma direction. Je le regarde sans réagir. Je n’ai pas besoin d’avoir un regard à rayon X pour comprendre qu’il a été lesté de quelques bouteilles et probablement des cigarettes à rouler que j’avais glissé dedans. Ce serait trop beau si il avait oublié ne serait-ce qu’une chose. Mais à la découverte de la bouteille, il a dû passer mon sac au peigne fin. Et lui a le droit d’utiliser la magie… Contrairement à nous, comme nous venons de l’apprendre à notre retour. Le verdict commence à tomber. Les bouteilles ont été trouvées, je vais faire perdre des points à ma maison et je vais avoir des retenues pour un certain temps. Au moins, je n’ai pas l’air d’être renvoyé, ce qui est déjà une source de soulagement en soit. Mais ce soulagement est vite balayé par une vague d’inquiétude. Si l’alcool m’est confisqué, comment est-ce que je vais faire pour tenir le coup ici moi ? Pour dormir ? Pour calmer la douleur et mes sautes d’humeur ? La prochaine sortie à Pré-au-Lard n’est pas avant un mois au moins … C’est encore pire que de ne pas pouvoir pratiquer la magie en fait ! Je suis privé de tout ce qui me faisait tenir en fait !

Je me raidis lorsqu’il me dit qu’il veut entendre mes explications et mon cerveau se met en branle à toute vitesse. Dans ma projection de la fin d’année que je me suis faite, à aucun moment je comptais révéler mon secret à d’autres personnes. J’avais fait le plus dur après tout, sans m’attirer trop de soupçons et en parvenant avec succès à éluder les questions des plus curieux. Mon regard se plante dans le sien tandis que je soupèse mes options. En soit, je ne suis pas obligé de lui dire quoi que ce soit. Après tout, je connais déjà ma punition. Il n’irait quand même pas jouer de sa position pour me faire cracher le morceau ? De toute évidence, j’ai une fois de plus la preuve que Jane a tenu parole et n’a pas été éventer au corps professoral les maux dont je suis touché. Juste le strict nécessaire tel que la directrice qui est bien trop occupée pour aller raconter à qui veut ce qui m’est arrivé. Je pourrai donc lui mentir, lui cacher volontairement la vérité en inventant un mensonge parfaitement plausible comme je sais si bien faire. A croire qu’il lit sur mon visage ce qui se passe dans ma tête car au même moment il me demande de parler avec honnêteté. Ma mâchoire se serre. Plus on me pousse, moins j’ai envie de parler de moi. Plus j’ai envie de faire l’exact opposé même si je le regretterai. Ce qui est certain en tout cas, c’est qu’à défaut de lire dans ma tête, il lit sur mon visage la fatigue et le dépit qui s’est abattu sur moi dès le moment où le sac m’a été retiré. Décidé, mon poing se serre fermement sans que je ne m’en rende compte. Résolu, retenant d’avance tous les manques et toute la violence que le retrait de la boisson pourrait faire surgir en moi, je prends enfin sur moi pour lui répondre le plus calmement possible, comme si ses questions étaient dans le fond parfaitement banales. « Les nuits n’ont pas été des plus reposantes avec les fêtes de fin d’années et les diverses célébrations, Monsieur. » Ce qui n’est pas tout à fait faux, soit dit en passant et c’est quelque chose de parfaitement concevable, n’est-ce pas. En revanche, la partie la plus difficile va commencer maintenant. Il faut que j’arrive à le convaincre que tout va bien et faire en sorte qu’il ne creuse pas plus. Le problème, c’est qu’il n’a pas l’air d’être prêt à me lâcher aussi facilement. Un challenge de taille donc. « Je n’ai pas vraiment d’excuses, j’en ai conscience. C’était mon anniversaire pendant les vacances et j’ai reçu des alcools excellents en cadeau. Je voulais tirer parti de ma majorité et faire profiter mes amis en les faisant passer en douce. J’ignorai que nous allions être fouillés. » Une fois encore, il y a une grande part de vérité dans tout ce que je dis. J’omets simplement de dire que 3 bouteilles sur 4 m’étaient destinées … « Qu’allez-vous en faire ? » Je demande alors d'une voix aussi neutre que possible, le lâchant enfin des yeux pour regarder autour de moi, à la recherche des bouteilles familières. Même si je n’ai plus le droit de faire de la magie, je pourrai trouver un moyen de venir fouiller le bureau en son absence pour en récupérer au moins une. Il en va en quelque sorte de ma survie après tout. Peu m’importe les sanctions ou les points, il me faut juste de quoi tenir.

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Armitage m’écoute avec attention sans laisser aucune expression s’échapper de son visage de marbre. Je comprends sans mal que mes semi explications ne suffiront pas avec lui et qu’il ne s’agit pas de la réponse qu’il espérait. Je suis pas sur de très bien comprendre ce qu’il attend de moi. Il essaie de me faire cracher le morceau ? Ou essaie-t-il d’être une figure paternelle dans cette école sur laquelle sa maison pourrait s’appuyer ? Je ne le connais pas encore suffisamment bien pour pouvoir tirer les bonnes conclusions. Depuis le début de l’année, j’ai tout fait pour avoir le moins avoir à faire avec le corps professoral et pour ne pas attirer l’attention sur moi. Du coup, je n’ai pas vraiment fait l’effort de l’analyser pour comprendre dans quel camp il pourrait vraiment se situer. Aussi je me méfie.

Finalement, il pousse un profond soupire et se passe la main sur le visage quand j’en ai terminé. Automatiquement, je me blinde, comme si j’allais recevoir une vague de reproche ou une engueulade. Vieux réflexe des temps passés j’imagine. Pourtant, ses paroles ne sont pas celles que j’attendais. Il dit faire preuve de franchise et m’indique qu’il a remarqué mon air de plus en plus fatigué depuis le début de l’année, signe qu’il s’intéresse à moi. Est-ce parce que je suis préfet ? Est-ce qu’il prête autant d’attention à tous mes autres camarades ? Dans tous les cas, il ne se laisse pas berner par mon excuse des fêtes de fin d’année. Il m’a pris la main dans le sac mais il met le doigt sur un problème qu’il a perçu depuis plusieurs semaines déjà et qu’il compte vouloir creuser. Sauf que j’ai pas envie qu’on creuse moi. Je ne veux pas qu’on s’intéresse à moi. Je veux juste qu’on me foute la paix. Je fronce légèrement les sourcils, sur la défensive dans le cas où il me poserait des questions plus personnelles. C’est exactement le genre de situation que je voulais éviter depuis le début de l’année. Attirer les soupçons de mes camarades ou des professeurs. Malheureusement, en trouvant les bouteilles dans mon sac, l’ancien Gryffon a maintenant suffisamment de billes pour prouver que quelque chose cloche chez moi. Et je n’ai pas l’impression que feindre la normalité fonctionnera sur lui.

Il capte mon regard qui cherche avec espoir une trace de mes bouteilles dans son bureau pour m’informer qu’il compte les faire disparaître. Je ne comprends pas très bien ce qu’il entend par là et ça ne me donne aucune indication quant à leur localisation précise. Mais comme je ne suis pas vraiment en position de négocier pour avoir plus d’information, je me contente d’un micro hochement de tête indiquant que je comprends. Un petit silence s’installe et j’espère assez naïvement que la conversation s’arrêtera là. Bien entendu, pas du tout.

La voilà la tirade paternaliste et donneuse de leçon. C’est donc ça, il veut se faire passer pour le gentil, pour celui qui veut m’aider après avoir vu que je n’allais pas très bien. Pour le sauveur même qui n’a pas été alerter les Aurors ou la directrice. La bonne blague. Faudrait que je sois reconnaissant j’imagine ? Soit disant il ne me force pas à raconter ma vie, pourtant on dirait bien qu’il essaie de me tirer les vers du nez. Ce n’est pas réellement du chantage, mais je comprends bien le message caché. Je ne serais tranquille que si je crache le morceau. Est-ce que ça en vaut la peine ? Comment est-ce qu’il réagirait de toute façon ? Qu’est-ce qu’il pourrait faire. Je sens une espèce de colère qui commence à monter en moi mais très vite elle se mêle à du doute. Me revient en mémoire mon tête à tête avec Prudence. Ma crise de douleur en sa compagnie. Depuis le début je suis convaincu que ne rien dire est ce qui sera le plus facile pour moi, que les gens n’ont pas besoin de savoir, que de toute façon ils ne peuvent pas m’aider. Malheureusement, j’ai aussi compris que ne rien dire m’éloignait des gens. Je suis coincé en fait. Coincé entre mon orgueil et la transparence. Je suis persuadé que ne rien dire est la bonne solution, mais est-ce que ça l’est vraiment ? Jane, Carla et Prue m’ont prouvé que non pourtant.

« Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur, je doute sincèrement que vous puissiez réellement m’aider, d’autant plus que vous venez de me confisquer la seule chose qui me soit vraiment d’une grande aide jusqu’à présent, soit dit en passant. Madame Gray est au courant de ma condition et fait déjà son possible. Mais ce n’est pas assez pour régler… Ce qui ne va pas chez moi. Donc si elle ne peut rien faire, je ne vois pas qui pourrait faire quelque chose d’autre. » Ma voix est au final dénuée de colère. Elle est juste résolue, presque robotique. J’énonce les faits. C’est ce qu’il voulait non ? Il a bien compris que mon trouble était lié à ma santé, pas la peine de prendre de détour. « Je ne pense pas avoir besoin de leçon ni de coup de pied au cul. Il s’agit de mon problème, à personne d’autre, et je fais du mieux que je peux pour le gérer malgré tout ce que ça engendre. Mais ça ne disparaît pas comme ça en un coup de baguette. Mes camarades ne sont pas au courant, vous savez. Je ne veux pas que ça se sache, parce que je ne veux pas que le regard des gens sur moi change. » J’explique, mais j’ignore si Armitage y comprend vraiment quelque chose. J’ai l’impression de lui donner un flot d’informations sans pour autant citer mon véritable problème. Poussant un soupir las, je finis par relever maladroitement ma manche après une légère hésitation pour révéler mon bras droit et la brûlure qui démarre de mon poignet. J’aurai fini par en arriver là de toute façon, non ? Ce qu’il ne sait pas, c’est que mon dos en est couvert également. J’attends quelques secondes avant de faire retomber ma manche et de fixer le concierge d’un regard sombre. « Quand aura lieu ma première retenue ? Et de quoi sera-t-elle faite ? » Autant se préparer psychologiquement à l’avance.

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Je ne sais pas trop à quoi m’attendre lorsque je finis mes explications. Une réaction proche de la pitié ou alors du dégoût face à ma peau cloquée et meurtrie. Quelque chose qui me conforterai dans ma résolution de ne rien raconter à personne. Quelque chose qui me démontrerai que les gens ne sont pas prêts à m’aider à porter mon fardeau. Et pourtant, il n’en est rien. Il me remercie de lui avoir raconté mes problèmes, comme si il était prêt à être une épaule sur laquelle je pourrai me reposer. Il admet même qu’effectivement il ne peut rien faire pour moi. Du moins, pas au niveau de ma blessure. Il n’essaie pas de me baratiner avec de faux espoirs ou de fausses illusions et pour ça déjà, je sens comme un poids se retirer de ma poitrine. Et je l’en remercie intérieurement. En revanche, je ne peux me retenir de lever légèrement les yeux au ciel quand il insiste sur le fait que je dois arrêter de boire. Au moins la pitié ne fonctionne pas sur lui, mais ça m’aurait presque arrangé qu’il en est suffisamment pour me retourner un peu de cette liqueur qui me permet de perdre pied. « Partager ? Comment ça ? » Je relève, tiquant sur sa façon de poser le problème. C’est comme si il sous entendait qu’il allait arrêter avec moi. Alors quoi, notre Concierge est un alcoolique, c’est ça qu’il est en train de me dire ? Dans tous les cas, je suis assez soulagé à l’idée que ce soit notre petit secret et que personne d’autre n’ai besoin d’être au courant. Comme il dit, au pire je passerai pour un ado cool qui s’est juste fait choper avec de la tease aux yeux de mes camarades. Rien de bien méchant et rien qui ne puisse réellement entacher ma réputation. « Merci. » Je souffle tout bas, ayant un peu de mal à exprimer à voix haute ma reconnaissance. Parce que là, à ce rythme, je vais devoir le remercier pour pas mal de choses. Et je sais pas si j’aime vraiment ce sentiment d’être redevable.

Vient alors le sujet de ma punition. Je sais d’avance qu’elle n’aura rien d’agréable. Aussi, je demande de quoi elle sera composée pour me préparer au moins psychologiquement. J’ai plus grand-chose pour m’aider à tenir alors autant préparer mes nerfs en amont. Je serre la mâchoire pour contenir mon mécontentement. Ca commencera dès le lendemain ? Il faut croire qu’Armitage n’aime pas perdre de son temps. En tout cas, il semble avoir préparé son coup car il a déjà prévu que je passe du temps en sa compagnie après les cours et sans que cela n’empiète sur les entraînements de Quidditch. C’est un nouveau soulagement en soit car je connais plus d’un prof qui s’est amusé à me faire payer en me faisant rater des entrainements. Si je comprends qu’il est loin d’être malintentionné à mon égard, en revanche je ne comprends pas son plan. Remplacer mes bouteilles ? Comment ça ? « Je ne suis pas sûr de comprendre Monsieur. » Je demande sur mes gardes. Mais de toute évidence, je n’aurai pas la réponse aujourd’hui et je devrai patienter jusque demain. « Vous allez me faire regagner des points ? » Ok, il est Directeur de notre Maison, il a un peu le droit de le faire. Mais c’est légal ça ? Enfin je veux dire, à quel moment je mérite de récupérer des points ? Et surtout, à quel moment j’ai commencé à en faire gagner à ma maison ? J’imagine qu’il n’est jamais trop tard. En soit, j’aurai réellement une tonne de questions à lui poser. Qu’est-ce qu’il compte faire de moi au juste ? Est-ce que c’est une sorte de test ? De seconde chance ? Comment est-ce que je suis supposé dormir ce soir ? Ou tenir à ma journée de demain sans vivre avec la crainte de devoir subir une nouvelle crise de douleur ? Mais outre tout ce qui me touche, il y en a une en particulier qui m’importe plus que les autres et que j’ai besoin de poser. « Est-ce que les Knight, je veux dire ma famille, sera mise au courant ? » Je n’imagine même pas la déception de Bailey et la déconvenue de Daphné si ils venaient à l’apprendre. En réalité, c’est même la seule chose que j’ai besoin de savoir pour l’instant. Le reste, je pourrai éventuellement le gérer.

« A demain, Monsieur. » Après ces mots, autant dire que j’ai passé une salle soirée. J’ai sauté la case repas pour me réfugier dans mon lit et ce n’est que sur les coups de 5h du matin, après que Shadow ait essayé de me bercer et de m’apaiser des heures durant de son ronronnement, que je suis parvenu à somnoler jusqu’à l’heure du réveil. Je me suis fait l’impression d’un zombie toute la journée et mes camarades ont vite compris que c’était une journée où il ne fallait pas me parler. Entre le manque de l’alcool et l’ombre de la punition qui plane au-dessus de moi, mon humeur n’est pas au beau fixe. Bien évidemment, avec un cours de Vol finissant à 15h, je n’arrive qu’à 15h10 devant le bureau d’Armitage, en sueur, haletant et n’ayant pas eu le temps de me changer. Je galère à retrouver ma respiration. Je dois être beau à voir tiens. Le temps que les petites étoiles qui dansent devant mes yeux disparaissent, je réalise que la porte du bureau est déjà ouverte. Armitage doit m’attendre. Forcément, je suis en retard. Mais c’est pas de ma faute aussi ! Le Terrain de Quidditch c’est loin. « B… Bonjour … Mon… Monsieur. Pa… Rdon pour le … retard. » Je parviens à dire péniblement, totalement essoufflé et au bout de ma vie. J’ai plus les poumons et le cœur d’un athlète, allez dire ça au Feudeymon et à ma descente aux enfers hein.

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Je le regarde avec deux soucoupes à la place des yeux lorsqu’il me propose, prévenant, quelque chose à boire. Je suis supposé être en retenue à laquelle je suis en retard et Monsieur Armitage me demande si j’ai soif ? Alors comme ça, notre concierge bourru n’est pas aussi renfrogné que son apparence, et les quelques rumeurs qui courent, laisse entendre. Il me faut quelques secondes pour me remettre de mon choc et évaluer la situation tout en essayant de reprendre mon souffle. « Une citronnade… Ne sera pas de refus. Je vous remercie. » J’ignore si ma phrase est réellement compréhensible, je suis encore tellement essoufflé que j’ai l’impression que mes poumons vont me lâcher. Je fais de mon mieux pour ne pas m’écrouler sur la chaise désignée mais mes jambes ne semblent plus capables de me tenir comme il faut. Au moins, le sentiment de vertige commence à s’éloigner. J’étais vraiment à deux doigts de carper ! C’est dingue comme ma condition physique s’est dégradée. C’est assez déprimant quand on y pense vraiment. Est-ce que je vais vraiment réussir à tenir sur mon balai et faire les matchs de la saison ? Ca va être comique tient.

Dans sa grande bonté, Armitage semble attendre que je retrouve mes esprits et une respiration à peu près normale avant de rentrer dans le vif du sujet. D’un vague geste de la main, il me montre une plume et un parchemin et me signale que je peux commencer. Donc finalement, je vais quand même devoir écrire des lignes ? Super original comme retenu. Je ne vois pas trop en quoi c’est supposé me soutenir dans mon envie de boire. N’est-ce pas ce qu’il m’avait dit hier ? Qu’il serait un « référent » qui me « soutiendrait » ? Il trouve que c’est du soutien ça, des lignes ? Mon incompréhension doit se lire sur mon visage et son explication ne me rassure pas pour autant. Il veut vraiment que je couche sur un papier mes secrets et mes envies ? « Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? » Je demande, peu réjouis à l’idée de devoir réaliser cet exercice. Devant son regard imperturbable, je finis par me saisir à contre-cœur de la plume et je ramène le parchemin vers moi. Cet exercice m’angoisse déjà. Je sais où est-ce que ça va nous mener. C’est un truc psychologique pour me faire affronter mes démons. Comme si je ne les connaissais pas, mes démons. Je regarde le parchemin vierge un bon moment, refusant de laisser mes pensées s’orienter vers la tragique soirée. Je sais pertinemment que c’est par là qu’elles vont finir mais j’essaie de les retenir le plus possible. Je refuse de boire parce que je ne veux pas revoir les flammes, je ne veux pas revivre cette soirée. Ni dans mes pensées, ni dans mes rêves. Mais ça, personne ne peut le comprendre si ils ne l’ont pas vécu. Tous autant qu’ils sont. Ils me demandent de tenir et d’aller de l’avant comme si de rien n’était, mais ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’il en est véritablement. Je sais qu’ils ne pensent pas à mal. Mais je sais également qu’ils pensent à eux. Bailey et Daphné par exemple. Ils veulent que ce soit comme avant. Ils ne veulent plus penser aux séquelles physiques et psychologiques. Ils veulent classer l’affaire. Faire comme si rien ne s’était passé. Eux, ils ont juste perdu une maison en Australie. Moi, j’ai perdu bien plus.

Penser à mes parents adoptifs me fait repenser à ce qu’a dit le concierge hier. Si je fais un effort, ils ne sauront rien de mes problèmes d’alcool. Je sais que Jane n’irait rien dire, je lui fais bien assez confiance pour cela. Toutefois, je ne connais pas encore assez le directeur de ma maison pour tirer ce genre de conclusion. De ce que j’en sais, il pourrait être capable de tout. Et moi, je voudrais juste être un maximum tranquille et éviter que les Knight ne s’inquiètent pour rien. Je me saisis de la plume et la trempe dans l’encre. Ca me paraît être un effort convenable pour un peu plus de tranquillité non ? Je m’essaie donc à l’exercice. Pendant de longues secondes je reste la plume levée, perdu dans mes pensées, indécis. Par où commencer au juste ? Le doute me saisis suffisamment longtemps pour qu’une goutte d’encre finisse par venir tâcher le haut du parchemin. Je me décide alors pour écrire ce que je me retiens d’écrire depuis toute à l’heure. 5 lignes seulement, écrites à la va vite, comme si je voulais m’en débarrasser. Je dépose alors la plume, pousse le parchemin vers Armitage et croise mes bras sur mon torse, regardant partout sauf vers les lettres tracées à l’encre noire. « Je pense pas qu’il y ai besoin de rajouter quelque chose. » Je grommelle, signifiant au passage que je n’ai aucune envie de les revoir dans le détail ou de les expliquer. J’espère de tout cœur que ce n’est pas ce qu’il comptait faire.

Oublier
Douleur
Blessures
Insomnies
Revivre la nuit de l’incendie

sobade.

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Docile, je réalise ce que je considère être une punition. Lister les moments qui me donnent envie de boire. Je sais ce qui m’attend derrière : qu’on me mette face à ce que je viens d’écrire pour me démontrer que je n’ai pas besoin d’alcool pour les surmonter. Une psychologie à deux balles en soit. Mais je n’ai pas le choix. Techniquement, je suis en retenue. Et refuser de faire ce que demande un prof en retenue est passible de plus de retenues et de plus de contraintes. Alors autant le faire une bonne fois pour toute et s’en débarrasser. Je finis par me lancer et je ne prends même pas la peine de m’assurer que ce que j’écris est lisible. En lui tendant le papier, je lui fais comprendre qu’il n’y a rien à rajouter. Sous-entendu, toutes les explications se tiennent en 5 pauvres lignes griffonnées à l’arrache sur ce bout de parchemin. Mais bien entendu, Armitage ne l’entend pas de cette oreille-là. Lorsqu’il m’annonce qu’il va me poser quelques questions je ne peux me retenir de lever les yeux au ciel. Pitié, tout mais pas ça. Il nuance en disant que je ne suis pas obligé de répondre si je ne le veux pas. Ca me fait une belle jambe tient. Si j’avais envie qu’on me pose des questions, je serai allé voir le psy de l’école.

La première question tombe et elle me surprend. Parce que je crois que je suis incapable de lui répondre. Ce n’est même pas que je le veuille ou non, c’est qu’en fait je ne sais pas si j’en ai véritablement parlé. Je l’ai mentionné à Carla et à Jane, j’ai expliqué les raisons de mon acte à Carla, mais est-ce que j’ai décrit ne serait-ce qu’une fois ce qu’il s’est passé dans la baraque ? « Euh … Je ne crois pas. Du moins je ne m’en souviens pas. J’ai parlé de l’avant et de l’après, mais pas du pendant. » Je lâche, confus, oubliant déjà que je ne voulais pas répondre à ses questions pour commencer. « Mais je ne vois pas en quoi revivre cet évènement et le raconter à quelqu’un m’aiderait. Je ne veux imposer ce souvenir à personne et je préfère tout autant l’oublier. » Je réponds, vrillant mon regard dans celui du concierge et gardant fermement mes bras croisés sur ma poitrine.

La question suivante n’est pas une question trop personnelle et j’estime que je peux lui donner une réponse sans que cela puisse me porter préjudice. Secret médical ou pas, je n’ai rien à cacher à ce niveau-là. Je ne sais d’ailleurs pas comment vraiment prendre sa question. Est-ce qu’il pense vraiment que je n’ai pas été suivi ou est-ce qu’il veut savoir où j’ai été pris en charge ? « J’ai été pris en charge au St Vincent Hospital de Sydney avant d’être transféré à Sainte Mangouste pour revenir en Angleterre. » J’explique d’un ton neutre, haussant un sourcil, curieux de savoir ce qu’il pourrait bien faire de cette information. Enfin, il me pose une question sur mes insomnies et de nouveau je fronce des sourcils. Il veut vraiment qu’on parle de mes nuits là ? Sérieusement ? Bon, ok, je les ai écrites sur le papier et j’aurais dû voir venir la question mais quand même. Surtout qu’en soit, j’en sais rien. Ca me frustre quand j’arrive pas à dormir, je pense pas forcément à regarder l’heure. « Je ne comprends pas, Monsieur, en quoi toutes ces questions sont supposées m’aider. Nous avons besoin de mon profil psychologique et nocturne pour remplacer mes bouteilles ? » Je demande, un brin sarcastique. Après tout, c’est ce qu’il m’avait dit hier. Qu’on allait établir un plan. Répondre à ses questions me gonfle. J’ai vraiment l’impression d’être de nouveau face à un médecin. Sauf qu’aux dernières nouvelles, il est concierge, pas toubib.

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Killian & @Fergal Armitage

Bras croisés, je n’apprécie pas particulièrement le moment que je suis en train de passer. Heureusement que la retenue du jour n’est supposée durer qu’une heure. Mais si il s’agit d’une heure complète de questions, je ne sais pas si je vais le supporter. J’ai déjà eu mon content depuis l’accident. Entre suivi médical et psychologique, j’ai pas particulièrement besoin que le concierge de l’école s’y mette également. Oui, je picole. Et alors ? Ca devrait être mon problème, pas celui des autres. J’ai encore du mal à comprendre pourquoi il s’est lancé dans une telle quête pour m’aider. Y a encore des trucs que je capte pas trop. Je n’ai pas l’habitude qu’on s’intéresse à moi avec la volonté de m’aider, donc forcément je reste un peu sur la défensive et sceptique.

Sa première question me déstabilise et je réponds de manière assez confuse. Pour moi, partager cette nuit dans tous ces détails signifierait partager mon fardeau avec mes proches. Et j’estime qu’ils n’ont pas besoin de ça. Personne ne mérite ça. Nous avons chacun nos traumatismes. Une grande partie d’entre eux nous ont été infligés à Poudlard justement et implique entre autre de la maltraitance, de l’humiliation, des attaques à répétition, des créatures mortelles mais également un Feudeymon. Je ne vais pas leur en rajouter une couche avec mes propres problèmes alors qu’ils doivent déjà gérer les leurs. Toutefois, ce n’est pas l’avis d’Armitage. Selon lui, refuser d’en parler ne revient qu’à emprisonner le souvenir dans mon cerveau, l’empêcher de s’en libérer. Mais pour l’évacuer, il faudrait le revivre vividement une fois de plus. Me projeter de nouveau dans cette soirée qui a tout changé. Et sincèrement, j’ai pas envie de m’infliger ça. « Vous avez fait des études en psychologie Monsieur ? » Je demande sarcastique, me resservant au passage un verre d’eau citronnée. Demander à un concierge son niveau d’étude pourrait passer pour de la moquerie. Pourtant, ce n’est pas l’objectif de ma remarque. Il me pose des questions, je ne vois pas pourquoi je n’aurai pas le droit d’en faire autant pour évaluer si ses questions sont vraiment pertinentes. Ou juste pour gagner du temps sur la réflexion et pour faire le tri dans mes pensées qui me donnent l’impression d’être un puzzle un peu trop bien mélangé. « Et pourquoi est-ce que je ne pourrai pas juste m’extraire de la tête ce souvenir sans m’infliger de le revivre ? Y a pas mal de gens qui font ça, non ? Ils utilisent des Pensines et peuvent revoir leurs souvenirs quand ils veulent. » Je réfléchis à voix haute. Cette solution ne me semble pas si mauvaise dans le fond. Je pourrai me libérer d’une partie du problème le temps d’accepter les marques physiques et psychologiques qui m’ont été laissées et je pourrai le réaffronter le jour où je serai vraiment prêt. Au moins, je n’aurai déjà plus le problème des insomnies et je pourrai me concentrer sur un problème à la fois. Moi ça me semble être une alternative assez alléchante. Mais je ne sais pas si c’est de l’avis de tous. « Vous pensez que ça s’apparenterait à fuir le problème pour l’instant ? » Je demande d’une voix neutre, ne sachant pas vraiment si l’avis du concierge m’importe tant que ça pour l’instant. Je ne sais pas encore si je peux lui faire confiance ou non. Une part de moi a envie d’essayer. Il semble vouloir se montrer compréhensif. Il ne m’a pas balancé avec mes bouteilles et ne cherche visiblement pas à m’enfoncer. Au contraire même. Son discours d’hier laissait plutôt sous entendre qu’il voulait m’aider à me relever. Je ne sais pas trop comment et c’est pas ses questions qui me donnent une piste, mais à voir.

Je réponds également sans aucune animosité dans la voix quand il me questionne sur les hopitaux. Je ne sais pas trop ce qu’il va bien pouvoir faire de cette information et j’attends presque curieusement la façon dont il va rebondir dessus. Je suis presque déçu lorsqu’il se contente de me remercier et passe à la suite. Le sujet de mes insomnies en revanche ne me plaît pas plus que ça et je lui fais comprendre. Le sarcasme prend le dessus, m’aidant à me protéger d’une certaine façon en prenant un recul suffisant pour me moquer de l’approche. Répliquer avant de se faire bouffer, je sais bien faire ça. Je m’attends presque à énerver mon interlocuteur avec mon comportement, mais celui-ci se contente de me répondre calmement. Il m’explique que si il me demande ça, c’est en réalité pour voir si des rencontres nocturnes peuvent-être envisagées pour m’empêcher de penser à l’alcool. Surpris, je hausse les sourcils, me départissant de ma mauvaise volonté. « Vous êtes en train de me proposer qu’on passe nos soirées ensembles ? » Je demande, déconcerté. L’image qui s’impose dans mon esprit est celle d’Armitage et de moi, bavardant dans les couloirs au milieu de la nuit et rigolant comme deux amis, et je la trouve carrément dérangeante. Mes lèvres frémissent quand il dit qu’il dort pendant que nous sommes en cours. Franchement, y a certains cours, j’aimerai bien dormir pendant aussi. Cette réflexion qui n’était sans doute pas destinée à me dérider me fait laisser derrière moi ma mauvaise humeur et je réponds presqu’honnêtement à sa question. « Bah j’sais pas trop quoi vous dire. Vous m’avez retiré le seul truc qui me semblait vraiment utile. Je ne vois pas trop ce qui pourrait le remplacer et m’aiderait à me focaliser sur autre chose, à gérer les crises ou encore m’aiderait à pioncer. À moins que l’épuisement pur et simple soit au programme du sevrage. » En soit, je me serai pas plongé dans l’alcool si j’avais déjà envisagé d’autres possibilités. Et si je suis ici, c’est que le concierge lui-même estime que je touche le fond.

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Dry January

Killian & @Fergal Armitage

Je me fais force pour retenir un sourire amusé suite à sa réponse. J’aurai pensé qu’il aurait mal pris ma question sur ses études, comme si j’avais essayé de l’insulter lui qui n’est que concierge à Poudlard. Mais au contraire, il prend cela à la légère, m’indiquant même qu’il préfère passer la serpillère. Je comprends donc sans mal qu’il n’est pas un grand fan des hôpitaux et des psychomages. Une mauvaise expérience pour lui ou pour un de ses proches, j’imagine. Toutefois, je n’aurai pas la curiosité de demander. Nous ne sommes pas potos à ce que je sache. J’essaie encore de savoir si je peux lui faire confiance, je vais pas lui demander de me raconter son histoire. « Pas de problème, je m’en souviendrai. » Je souffle en pinçant les lèvres pour éviter de dévoiler mon amusement tandis que je fais tourner le citron de plus en plus rapidement dans mon verre. En arriver là serait assez comique, mais pas franchement respectueux. En même temps, c’est lui qui m’a invité à le faire.

De suspicieux, je passe à pensif. Le concierge n’est en rien ce à quoi je m’attendais. Je pensais que comme beaucoup d’enseignants, il allait se contenter de me faire la morale avant de me punir avec une corvée bien reloue à souhait. Pourtant, ce n’est pas du tout ce qui est en train de se passer. Il cherche plutôt à me comprendre, comme si il souhaitait vraiment m’aider. Et plutôt que de s’énerver quand je me braque, il cherche à détendre l’atmosphère. Définitivement, cette entrevue n’est en rien ce que j’avais imaginé. Plutôt que de continuer à me braquer, je me permets donc de me détendre un petit peu. J’ai bien compris qu’il ne comptait pas me forcer à faire quoi que ce soit. Il se contente de me faire des suggestions par rapport à sa vision des choses qui n’est en rien médicale. Il me l’a bien fait comprendre : il n’est pas un grand fan des psy ou des médecins. Même si ses questions peuvent se rapprocher de celles que le corps médical m’a posé par le passé, les intentions ne sont pas les mêmes. Il n’est pas habilité à me donner de traitement ou à me dire précisément quoi faire, ce n’est pas son métier. En revanche, il peut m’aider à aborder la chose autrement. Et c’est justement ce qui me fait penser à la Pensine. J’ai déjà vu des gens le faire, alors pourquoi pas moi ? J’expose l’idée à voix haute, réfléchissant à mesure que je parle. Je jette un coup d’œil au concierge, et je suis presque soulagé de constater qu’il n’est ni en train de me juger, ni sur le point de me couper dans mon idée. Il se contente de me regarder, attentif. Ce n’est que lorsqu’il est certain que j’ai terminé qu’il me répond. Il me rassure immédiatement. Ce n’est pas parce que je voudrai opter pour ça que je fuierai le problème. Fuir, c’est ce que je fais de mieux depuis la rentrée scolaire. C’est ce qui m’a fait m’éloigner de certaines personnes, mentir à mes meilleurs amis et c’est ce qui a déclenché la dispute avec Prudence. Je l’ai bien compris. Fuir ne résoudra pas tous mes problèmes, alors autant arrêter. Il me prévient tout de même qu’il n’a pas la moindre idée de l’effet qu’aurait réellement le transfert du souvenir. Il me propose de continuer de réfléchir à la question, mais ma réflexion est déjà toute faite. « Je pense que ça vaut la peine d’essayer, ne serait-ce que pour voir si ça aide vraiment. Je crois savoir que c’est sans danger donc autant tester pour voir si ça peux aider ou non. » Je dis, résolu. Je n’ai pas grand-chose à perdre après tout et bien plus à gagner. Même si rien n’est sûr, on peut toujours tester pour être fixé.

Je suis un petit perplexe face à sa nouvelle proposition : passer des nuits et des rondes ensembles. Bien entendu, je ne le prends pas comme une suggestion ambigüe (bien qu’une partie de mon cerveau soit en train de s’esclaffer avec ses idées mal placées), mais l’idée reste en soit un peu gênante. En gros, plutôt que de faire des rondes seul ou avec un autre préfet, je resterai avec le concierge ? C’est pas banal ça ! Armitage s’empresse d’effacer tout potentiel malentendu et m’explique ce qu’il a vraiment en tête. Il parle d’endorphine, et cela fait étrangement écho à ce que m’avait dit Jane lors de notre première consultation à Sainte Mangouste. L’objectif est simple : profiter de ces temps de ronde pour faire passer ma frustration dans des exercices physiques plutôt que de m’apitoyer sur mon sort. J’arbore une moue de plus en plus abattue par ses exemples d’exercices jusqu’à ce qu’il parle de Quidditch. C’est vrai que mes performances pour le premier match n’étaient pas folichonnes. J’avais presque du mal à tenir suspendu sur mon balai alors que c’est quelque chose que je faisais avant simplement. De la même façon, je finissais essoufflé au bout de 10 minutes d’entraînements alors que je n’avais jamais rencontré ce genre de difficulté. De toute évidence, mes facultés sportives en avaient pris un coup. Je me renfrogne à cette idée. J’adore le Quidditch. J’ai toujours été ravi de faire parti de l’équipe et j’ai été plus que fier lorsqu’on m’a demandé de reprendre le rôle de Capitaine l’année dernière. J’ai trouvé que j’avais fait du bon travail. Alors forcément, je ne peux m'empêcher d'être déçu face à cette dégringolade.

Voyant que je ne réagis pas verbalement, le concierge continue d’expliquer sa bonne pensée. Il me fait comprendre qu’il ne veut que mon bien et qu’il est prêt à tout pour m’aider à aller mieux. Je sens honteusement les larmes monter et je m’escrime à les effacer en me concentrant sur les petits ronds du citron dans mon verre d’eau. Je ne peux pas montrer ma faiblesse aussi facilement. Ce qui me met dans tous mes états c’est que c’est la première fois de toute ma vie que quelqu’un me propose aussi sincèrement de l’aide. Et à me dire que je peux surmonter tout ça, parce que je suis déjà fort. Ca m’impacte plus que je ne le voudrais. Mais je n’ai jamais eu personne dans ma vie pour m’épauler. Je ne laissais pas les gens s’approcher de moi. Je n’ai jamais eu de parents vraiment affectueux et ce n’est pas forcément dans la politique de Bailey ou de Daphné de me traiter comme ça non plus. Je suis supposé être leur héritier. Je suis supposé être fort et ne pas montrer mes faiblesses. Mais là, le concierge me donne l’impression que j’ai le droit d’en avoir des faiblesses. Il ne veut pas que je reste seul à broyer du noir, à tel point qu’il me propose d’être acolyte de soirée pour m'aider à surmonter tout ça. Il me propose même de m'aider à m'entraîner pour retrouver la forme ! Pourtant, il doit avoir tellement d'autres choses à faire. « C’est vrai que mes performances au Quidditch en ont pris un coup. J’ai pas mal perdu avec l’accident et la rééducation. Ca pourrait peut-être ne pas me faire de mal, même si la perspective de souffrir ne m’attire pas trop. M’enfin, vous avez bien vu dans quel état j’étais quand je suis arrivé à votre bureau ? Je peux plus vraiment me qualifier de sportif là. Et ce que je sais, c’est que j’arriverai pas à me motiver tout seul. » J’essaie de dire ça d’une voix détachée en contrôlant les faiblesses dans ma voix. Pour autant, je n’arrive pas à le regarder en face. J’ai encore du mal à faire le tri dans mes pensées et dans mes sentiments. « Si je comprends bien, vous êtes en train de me proposer d’être coach de vie et coach de sport ? C’est bien ça ? Présenté comme ça, c’est clair que j’ai certainement plus à y gagner mais vous. Qu’est-ce que vous avez à y gagner en retour ? » Je demande alors subitement, trouvant enfin le courage de le regarder dans les yeux pour évaluer son honnêteté. J’ai besoin de comprendre pourquoi est-ce que quelqu’un comme lui ferai une telle chose pour quelqu’un comme moi.

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