[NOTE : ce cours se déroule en mai]

Le cachot du maître des potions, autrefois considéré comme l’une des salles les plus lugubres du château, avait été débarrassé de toutes ses torches et de la plupart de ses étagères à ingrédients qu’on avait reléguées dans la réserve qui lui était adjacente.

A la place, sur les murs avaient été accrochés une douzaine de grands portraits à taille humaine, représentants divers paysages bucoliques ou intérieurs feutrés, ce qui donnait l’étrange impression que la pièce était trouée d’autant de portes qui donnaient chacune sur un espace différent. Cinq sur le mur de droite, cinq sur le mur de gauche et deux dans le fond de la salle. Seul l’espace derrière le bureau du professeur van Aken en était dépourvu mais il comportait un grand tableau noir pour écrire, ce qui donnait le sentiment désagréable qu’il s’agissait d’une treizième peinture ne représentant que l’obscurité et qu’à tout moment la silhouette de quelque personnage inquiétant allait s’y découper dans les ténèbres.

Aujourd’hui, la plupart des tableaux étaient occupés chacun par trois ou quatre individus, bien installés, silencieux et attentifs, au point qu’il semblait qu’une petite foule bigarrée, vêtue de manières souvent datées voire franchement historiques, était là à observer le cours des 4ème années comme on viendrait au spectacle. De fait, le professeur van Aken semblait assez satisfait de lui-même, à voir la manière dont il se tenait dressé dans son fauteuil comme un prince sur son trône.

Il arborait toujours l’espèce de sourire léger et conciliant qui ne le quittait pas, et suivait des yeux les élèves s’installer chacun à la place qui serait la sienne pour le reste de l'année.

- En voila un qui est fort laid, dit soudain une petite sorcière fripée qui se tenait debout sur une souche de bois, dans un paysage bucolique.

Son voisin directe, un sorcier affublé d’une proéminente moustache noire hocha la tête à ses propos mais le troisième occupant de leur tableau, une jeune femme qui ne devait pas avoir plus de la vingtaine leur lança à tous deux un regard noir.

- Maman, enfin !

La petite sorcière haussa les épaules et péta en signe de dédain, ce qui fit râler le moustachu et la jeune fille qui s’en allèrent dans un tableau voisin, provocant un certain bazar lorsqu’il fallut leur trouver de la place.

Van Aken avait suivit cette petite affaire du coin de l’œil, haussant parfois légèrement le sourcil, mais ne fit aucun commentaire. De l’autre côté de la salle, un monsieur très grand commença à se plaindre qu’un monsieur très petit mais très gros venait de lui marcher sur le pied. Le gros, qui portait un plastron brillant et semblait tout droit sortit d’un film de chevalerie tira son épée d’un air menaçant, l’enjoignant à ne pas lui manquer de respect, mais le grand se contenta de ricaner et sortit de son veston un pistolet de duel qu’il pointa sur le crâne de son adversaire. Celui-ci pâlit un peu, grogna quelque chose sur la lâcheté de cette époque moderne et à son tour quitta le tableau pour un autre, bousculant tout un tas de sorciers au passage qui se plaignirent bruyamment.

- Silence.

La voix de van Aken n’était pas très forte, mais c’était la seule qui sonnait réelle à côté des bavardages des peintures et de fait, elle suffisait à couvrir l’agitation grandissante dans la salle. Même si les personnages des tableaux n’étaient qu’en deux dimensions, ils étaient facilement deux fois plus nombreux que les élèves ce qui procurait à la pièce un côté étouffant, comme si bien trop de monde s’y était tenu pour l’espace disponible.

- Le cours commence, silence.

Le vieux professeur lança un regard soudain un peu courroucé à ses élèves, comme si c’était eux qui étaient la principale cause du désordre. Dans les tableaux, un certain calme était revenu, attentif.

- Vous n’aurez pas manqué de remarquer que nous avons un certain nombre d’invités pour ce premiers cours. J’aimerai vous dire que mes ancêtres sont curieux de faire votre connaissance, bien sûr mais ce serait entretenir quelques faux espoirs et…

Il s’interrompit. Dans un tableau à se gauche, une très jolie sorcière qui semblait avoir vécu à l’époque victorienne au vue de sa coiffure, lançait des œillades appuyées à Cameron Brown, ponctuées de clins d’œil. De l’autre côté de la salle, deux jeunes sorciers avaient commencé à se battre pour savoir lequel aurait l’honneur de déclarer le premier un poème à Sasha. Enfin, la sorcière qui pétait avait quitté son tableau et s’était rapproché de Misha.

- Quel votre nom, jeune cosaque ? Saviez-vous que j’ai moi-même été une contemporaine et amie de Raspoutine, à l’époque ? Un homme charmant, il vous ressemblait un peu, et infatigable, au lit c’était un vrai…

Van Aken toussa bruyamment.

- Du calme, j’ai dit… cette fois-ci son regard se posa explicitement sur la vieille sorcière avec dureté. Ne m’obligez pas à vous bannir de cette salle.

La menace sembla faire effet car les portraits agités calmèrent un peu leurs ardeurs, bien que la jeune fille qui semblait très intéressée par Cameron ait tout de même pris le temps de lui donner rendez-vous dans un couloir du troisième étage à la fin du cours.

Van Aken leva les yeux au ciel et reprit.

- Je disais donc, le cours auquel vous allez assister aujourd’hui est assez particulier puisqu’il est couplé avec l’enseignement que vous recevrez en sortilège. Il me semble important, à ce stade de votre éducation, de revenir sur une notion souvent négligée : révéler les propriétés des ingrédients que vous utilisez au quotidien.

Soudain, van Aken se leva brusquement et brandit sa canne vers l’un des portraits.

- Baneo pictura !

Une sorcière qui tirait les cheveux d’une autre poussa un petit cri et s’enfuit précipitamment, mais quand elle passa les limites de son cadre, elle ne réapparu pas dans le voisin. Elle avait quitté la salle.

- Veuillez excuser cela. Tout le monde n’a pas eu la chance de mourir vieux et sage, certains ont été fauchés dans la fleur de l’âge et leur peinture garde les séquelles de leur candeur passée.

Il fronça les sourcils et reprit.

- Je disais donc… les propriétés des ingrédients, oui, à présent vous avez l’âge et les bases pour commencer à expérimenter un peu de votre côté. Mais pour cela, il est primordial de connaitre parfaitement les ingrédients que vous employez. Heureusement pour nous ont été inventé, pour certains d'entre-eux, des sortilèges dédiés et nous allons en apprendre un aujourd’hui.

Tapotant le sol de sa canne, un chaudron s’approcha de lui. Il était trop haut pour que les élèves puissent en voir le contenu aussi van Aken lui intima d’aller se poser sur une table du premier rang. A l’intérieur se trouvait un épais liquide rouge sombre. Van Aken s’approcha, plaça sa canne au dessus de la mixture et annonça :

- Genealogis.

S’élevant soudain du chaudron, d’épaisses volutes de fumées rouges se formèrent, s’épaissirent et soudain, prirent la forme distinctive d’un grand animal cuirassé, crachant le feu.

- Sang de dragon. Commenta placidement le professeur. Le charme de genealogis est très efficace pour identifier le sang d’un animal, mais vous constaterez qu’il a également des propriétés utiles appliqué au sang… humain.

Il avait dit cela l’air de rien, sans variation de ton, mais c’était quelque chose dans son regard qui semblait annoncer qu’il en disait moins qu’il n’en pensait. Toujours sans se départir de son petit ton calme, il fixa la classe avec un grand sérieux. Dans leurs cadres, les portraient n’osaient faire un bruit, attentifs, passionnés.

- J’aurai besoin de trois volontaires pour une petite illustration de mes propos. Un sang-pur, un sang-mêlé et un né-moldu…

Le ton de sa voix, à ce dernier mot, trahissait bien plus clairement une légère forme d’amusement pervers, comme l’on raconterait une bonne blague. Dans leurs cadres, quelques sorcières s’échangèrent des sourires en coin.

- Bien sûr, quelques gouttes suffiront, et naturellement j’accorderai 5 points de maison aux volontaires. Également, je ferai couler un peu du mien, car il n’est de bonne pédagogie qui ne mette la main à la pâte, comme on dit.

@Joanne Griffith

@E. Jade Shepherd
@Misha A. Bradford

@Blaze H. Mansfield
@Cameron Brown
@Mallory Brown

@Bluebell E. Sherwin
@Hans Miller
@Sasha L. Vicenzo
@Skyler P. Mills
@Vivian K. Knuth

S'il y avait bien une chose sur laquelle les jumeaux étaient d'accord depuis des années, c'était bien le fait que le troisième trimestre était le plus pénible. La saison de Quidditch était terminée, les beaux jours revenaient, ce qui donnait plus envie de passer du temps dans le parc qu'à la bibliothèque et les grandes vacances approchaient, rendant pénible le fait de se concentrer sur des devoirs alors que chacun se projetait sur des projets d'été. A cause de ça, Mallory savait que l'an prochain serait encore plus compliqué à cause des BUSES.

Quoi qu'il en soit, c'est résignée qu'elle se présenta au cours de potions et s'installa à côté de Cameron à leur endroit habituel. Après avoir sortit ses affaires, Mallory regarda distraitement les nombreux tableaux qui avaient pris la place des habituelles étagères d'ingrédients. Les tableaux étaient peuplés et bruyants, certains personnages se permettant de faire des réflexions. Mallory avait l'impression d'être observée de toute part et ça ne lui plaisait guère, même si l’ensemble enlevait nettement le côté austère des cachots. Elle allait partager son sentiment avec son frère mais elle aperçut ce dernier, tassé au fond de sa chaise et la main en visière, comme s'il voulait se cacher. Elle remarqua alors cette très jolie jeune fille dans le tableau juste à côté... elle sembla avoir des vues sur Cameron qui était rouge comme une pivoine. Mallory fronça les sourcils et tendit le cou pour observer la peinture de plus près.

"Dégage." souffla-t-elle à la jeune fille sans que cela n'ait toutefois beaucoup d'effet. Se réinstallant sur sa chaise, elle regarda de nouveau Cameron mais fut tentée de pouffer de rire. Se faire draguer par une peinture, ce n'était quand même pas commun. Quoi que Misha semblait être tombée sur un cas moins romantique. Cette fois franchement amusée, Mallory se mordit les lèvres pour se retenir de rire alors que le prof, un vieux moche, demandait le silence. Ainsi donc tout ce public dissipé était des ancêtres du prof ? Intéressant. Ou pas. Elle ne voyait pas l'intérêt d'amener son arbre généalogique en cours de potion à moins que le prof aime simplement avoir un public devant lequel se pavaner.

Haussant les épaules pour laisser ces considérations de côté, Mallory écouta le début du cours. Connaître la provenance et la propriété des ingrédients... ça lui rappelait Casey qui avait fait un truc similaire sur les potions de Blaze à l'infirmerie. Ça devait être ça. La Serdaigle nota Genealogis sur son parchemin. Cependant, le suite du cours l'intrigua et à voir la réaction de ses camarades, elle n'était pas la seule. Et une fois n'est pas coutume, Jade posa une question intelligente. Encore fallait-il qu'il existe des potions avec du sang humain et elle était à peu près sûre que ces potions-là relevaient de magie noire et donc pas du programme de quatrième année.

Avec son raffinement habituel, Misha se proposa de donner son sang en tant que sang-mêlé, suivi de Cameron.

"Cam' !" souffla-t-elle, surprise. Elle n'aurait jamais pensé qu'il se porte volontaire. Cependant, elle retira la main qu'elle avait instinctivement posée sur lui pour le retenir. Vu la réplique qu'il venait de faire au prof, il était parfaitement conscient de ce à quoi il s'exposait. Quant à elle, elle ne le lâcherait pas des yeux parce que là... elle ne voyait pas où tout ça allait mener ni en quoi ça avait un rapport avec les potions.

Même si ce n'était clairement pas sa matière préférée, Joanne aimait bien les potions. Couper des trucs, broyer des machins, touiller, jouer un peu avec les flammes du chaudron et suivre une recette, ça lui donnait juste l'impression de faire de la cuisine et c'était drôle. D'autant plus que certaines potions avaient des propriétés fabuleuses mais qui étaient souvent très compliquées à réaliser. Pour celles-là, mieux valait faire un tour au Chemin de Traverse pour en acheter des toutes prêtes.

C'est accompagnée de sa meilleure copine qu'elle entra dans la salle de cours des cachots. A la place des étagères où il y avait d'habitude des tas d'ingrédients un peu glauques, il y avait à la place tout plein de tableaux avec des tas de gens à l'intérieur qui se bousculaient et parlaient fort. Du coup, la salle de cours semblait vraiment plus grande avec tous ces décors rajoutés. Mais pour une raison qu'elle ignorait, les personnages étaient passablement agités et l'un d'eux en vint même à insulter Jade qui répliqua vertement. C'était à la fois drôle et bizarre. Il y avait même une vieille sorcière fripée qui semblait vraiment très mal élevée, ce qui la fit beaucoup rire. Jo repéra un garçon dans un autre décor et lui fit un signe de la main auquel il répondit. Ah pour sûr c'était mieux d'avoir une animation comme ça plutôt que des bocaux remplis de formol et de bestioles mortes.

La petite galloise s'installa à côté de Jade qui elle-même s'était assise à côté de Sasha avec qui sa meilleure pote traînait pas mal ces derniers temps. Elle sortit ses affaires au moment où le prof demandait le silence à tout le monde. Mais les gens des tableaux étaient visiblement difficiles à calmer, ce qui était amusant. C'est ravie que Jo apprit que le cours serait en relation avec les sortilèges parce qu'elle aimait beaucoup les sortilèges. Elle écouta attentivement le début du cours et admira non sans une exclamation fascinée la volute qui prit une forme de dragon, ce qui indiquait que la potion contenait du sang de dragon. Sur quoi le prof enchaîna en précisant que le charme de genealogis marchait également avec le sang humain. Pour une faire une démonstration, il demanda trois élèves de différentes origines. Misha et Cameron se portèrent volontaires et le regard de Joanne croisa celui de Jade avant qu'elle ne pose une question au prof.

Jo leva à son tour la main et prit la parole pour compléter le questionnement de sa copine.

"Professeur ? Il existe des potions avec du sang humain ? Si oui elles font quoi ? C'est pas illégal ? Et vous avez dit tout à l'heure que ce qu'on allait apprendre permettrait de connaître les propriétés des ingrédients. Mais là le sort de genealogis a juste montré qu'il contenait du sang de dragon, mais ça n'a pas expliqué ses propriétés. Et s'il y a plusieurs ingrédients dans une potion, ça montre tous les ingrédients ou que quand il y a du sang ? Et la formule genealogis, ça un rapport avec un arbre généalogique ? C'est pour ça que vous avait ramené vos ancêtres ?" demanda-t-elle en rebaissant enfin son bras.

Cela faisait bientôt une année entière que van Aken avait obtenu le poste de maître des potions à Poudlard et il lui semblait que les 4ème années n'avaient rien appris. Oh, ils avaient appris en potion, bien sûr, tous n'étaient pas complètement demeurés, mais question discipline, rien n'y faisait. Il lui avait suffit de terminer sa petite présentation pour que l'agitation et les bavardages reprennent et ce n'était pas que de la faute des nombreux portraits accrochés aux murs. Quoique le professeur soit prêt à concéder que ceux-ci n'aient rien arrangé.

Le seul avantage à cette constance dans l'indiscipline, c'était que l'on savait à quoi s'attendre. Il était tout à fait prévisible qu'évoquer pour ce dernier semestre la question des différences de sang provoquerait à coup sûr du remue-ménage. L'école avait son passif, les élèves leur caractère. Aussi, stable sur ses appuis et sa canne, van Aken se contenta de silencieusement observer les réactions.

La petite Jade fut la première. Van Aken attribuait son impétuosité au sang de bête qui coulait dans ses veines, la pauvre n'était pas responsable de toutes les bêtises que lui faisaient proférer sa langue, plus prompt que son esprit. Le vieux professeur posa son regard sur elle, l'air de dire "croyez vous vraiment que je ne vais pas répondre à cette question ?" la patience était décidément une vertu rare, comme la jugeote.

- Miss Sheperd, une démonstration vaut mieux qu'une longue explication. Tenez vous droit à présent. Miss Mills, cessez de bavarder. Mansfield, retournez vous.

Puis son regard se posa sur le petit Bradford. Un autre cas compliqué, indiscutablement, qui ne manquait pas d'esprit d'initiative mais n'avait pas le sens pratique pour le faire fructifier. Au demeurant, van Aken n'appréciait guère ce genre de caractères va-t-en guerre, qui pensaient pouvoir sauver une préparation alors même qu'ils n'étaient même pas fichus d'en comprendre le sens profond. Au moins, comme la Sheperd, ne pouvait-on pas leur reprocher de manquer d'impétuosité, quoiqu'il faille souvent attendre leur bon vouloir pour qu'elle se manifeste. Du reste, il n'appréciait pas Misha. Vulgarité, morgue, violence et sans doute pour ne rien arranger il était le rejeton de cet imbécile de Bradford à qui il vouait une profonde antipathie. Van Aken n'était pas assez sot pour le faire savoir à l'adolescent, mieux valait lui laisser croire qu'il n'avait pas sa place dans la petite tempête qui se jouait entre son oncle et son professeur. L'avenir le jetterai dans la tourmente bien assez tôt.

- Bradford, votre langage. Vous perdez immédiatement les 5 points qui vous étaient du. Mais je salue néanmoins votre collaboration.

D'un claquement de langue il jeta un mauvais regard à Sasha qui s'agitait un peu puis son attention se reporta sur le jeune Brown qui venait d'intervenir, visiblement à la stupéfaction de sa sœur, assise à côté de lui. Comparés aux Sherwin ou aux Sorensen, les jumeaux Brown étaient l'exemple clair des tares qu'apportaient la corruption du sang dans le monde des sorciers. Aucunes manières, aucune classe, aucun respect de rien et aucun talent.

Dans des tableaux, plusieurs portraits eurent des réactions indignées.

- Petit sot ! Comment vous adressez-vous à un professeur ! De mon temps on vous aurait pendu par les pieds pour cela.

Van Aken n'était pas très friand des châtiment corporel, quoique qu'il ne se refuse pas un petit coup de canne parfois, mais en entendant son ancêtre s'exprimer, il ne pu s'empêcher d'envisager un instant de demander à les rétablir.

- Le "racisme" est un concept moldu qui n'a pas sa place dans ma classe, monsieur Brown. Votre impertinence vous coute également vos cinq points mais, tout comme Bradford, je suis satisfait de vous voir enfin participer de manière productive à ce cours. Il ne nous manque plus que le sang-pur...

Lorsqu'on demandait des sacrifices et des volontaires, il fallait s'attendre à ce que les plus sots se manifestent les premiers. Le courage était souvent une vertu bien trop surestimée, qui ne conduisait qu'à la ruine. Il laissa ses yeux se promener sur la salle, décidé à attendre encore quelques instants son dernier volontaire. Que des né-moldus, que des sang-mêlés, les vieilles familles se faisaient de plus en plus rares, il le constatait amèrement.

Dans un tableau de côté, la jeune fille qui tournait autour de Cameron jeta un regard noir à Mallory avant d'assurer au jeune homme que ça ne faisait rien s'il était né-moldu, que cela lui donnait un côté exotique, suite à quoi elle reçu une taloche derrière le crâne d'une sorcière plus âgée.

Rompant l'espèce de mauvais silence qui s'installait, ce fut la jeune Griffith qui leva la main. Malgré son statut de sang, van Aken l'aimait bien, celle-ci. Elle était volontaire, curieuse et avait un peu plus de jugeote que ses questions niaises ne le laissaient penser au départ. Néanmoins, elle parlait trop vite et trop longtemps. Beaucoup de questions en une seule tirade, le professeur hocha la tête quand elle eut fini et interrogea la classe dans l'espoir de la faire participer autrement qu'en râlant. Mansfield proposa une réponse qui n'était pas complètement sotte non plus, bien qu'il reconnaisse dans son intervention l'esprit un peu trop fantasque du jeune homme.

- Il existe en effet des potions utilisant du sang humain. En général, dans deux cas de figure. Les premières sont les potions dites "personnelles", c'est à dire qui se préparent et réagissent pour un seul individu à la fois. Dans ce cas là, ajouter un peu de sang permet bien souvent de se faire reconnaitre et d'adapter en amont le liquide à notre corps.

Il fonça les sourcils.

- Eh bien ! Prenez des notes, je ne parle pas dans le vide. Les autres cas de figure touchent à la magie noire, aussi n'en parlerons nous guère, mais parfois certaines formes de magie exigent des sacrifices plus ou moins symboliques. Un peu de sang versé est souvent moyen de payer un tribut au sortilège ou à la préparation qu'on compte effectuer. De fait, si vous lisez un jour une recette exigeant ce genre d'acte, méfiez vous toujours et demandez conseil avant de la réaliser.

Son regard se reporta de nouveau sur la petite Joanne, avec un amusement froid.

- A quoi vous attendiez-vous, mademoiselle ? A ce qu'apparaisse dans la fumée une liste détaillée des effets du sang de dragon ? Si vous apprenez suffisamment bien vos cours, vous saurez les propriétés de tel ou tel sang, l'identifier sera alors suffisant. Mais pour continuer à vous répondre, en effet, le sort de genealogis ne fonctionne que sur le sang et la sève si on la présente sous forme suffisamment liquide.

Il décida ensuite d'ignorer le reste des interrogations de Joanne, quand c'était trop idiot ça avait tendance à le fatiguer.

- En ce qui concerne l'utilisation pratique, monsieur Mansfield a raison, c'est une sortilège qui peut avoir son utilité lors de procès en guise de preuves. Mais cela reste rare. Il est toutefois utile aux magizoologistes lorsqu'ils cherchent à identifier par exemple le sang d'une bête blessée.

Il marqua une pause.

- Enfin, les vampires s'en servent souvent, dit-on. Si le sujet vous intéresse, je vous suggère de questionner le prochain que vous croiserez. Bien !

Il frappa sur le sol de sa canne et six petits pots plats ainsi que trois petites fioles sortirent d'un tiroir de son bureau pour venir se déposer, deux pots et une fiole devant Misha, deux pots et une fiole devant Cameron et le reste resta en suspend dans les airs près de van Aken. Ce dernier frappa une seconde fois et trois petits couteaux très fins et long d'après cinq centimètres suivirent le même chemin jusque devant les deux jeunes gens.

- Messieurs Bradford et Brown, ne perdons pas de temps. Je n'ai besoin que d'une goutte, n'allez pas dire que je vous maltraite. Le pot brun contient un léger anesthésiant si vous êtes douillets, le pot rouge est un cicatrisant.

Puis il se tourna de nouveaux vers la classe et son regard se posa sur Maxton Sherwin. Est-ce qu'une espèce de vieux réflexe l'avait poussé à ne choisir que des garçons pour verser un peu de leur sang ? Sans doute.

- Monsieur Sherwin, vous êtes volontaire. Merci de votre contribution.

Et les deux pots et le couteau restant volèrent jusqu'à l'adolescent.

- Pendant que vos camarades font don de leur corps pour le bien commun, j'aimerai que le reste fasse un peu travailler son esprit pour répondre à une simple question : à votre avis, comment sont inventés les sortilèges ? Et en quoi s'agit-il d'un processus différent de celui de l'invention d'une potion ?

Pendant qu'il continuait à disserter sur la formule de genealogis, van Aken suivit du coin de l’œil ses trois "volontaires" chacun à leur tour s'entailler qui le doigt qui la paume et déverser une goutte de liquide rouge dans la fiole qu'il leur avait fournit pour cela. Il entendit bien Bradford râler dans son coin sans pour autant percevoir distinctement la teneur de ses propos, mais ne s'en formalisa pas. Qu'ils se plaignent donc, geindre n'avait jamais fait avancer quoi que ce soit. Seule la dernière partie, qui lui était adressé lui parvint aux oreilles mais le vieux professeur se contenta d'adresser au russe un regard froid. Que Bradford se rassure, van Aken n'avait que faire du sang-mêlé.

Un petit coup de canne fit de nouveau léviter les fioles vers lui et il les saisit au vol.

- Bien. Qui aura l'honneur de commencer ?

Van Aken laissa un peu trainer son regard sur ses élèves mais sa question n'appelait pas de réponse et il se saisit finalement de la fiole qu'il savait appartenir à Cameron Brown.

- Monsieur Brown, vous ferez l'affaire. Je vous parlais tout à l'heure des différences qu'il peut exister entre les sangs, ma démonstration tenait au fait que le sortilège de genealogis réagit à la magie. Le dragon étant une créature fantastique, vous l'avez-vu apparaitre dans le feu, mais pour des individus dont les ancêtres n'ont pas reçu le don...

D'un geste souple il laissa tomber la goutte de sang du serdaigle dans son chaudron puis passa sa canne au dessus du récipient.

- Genealogis...

Comme la première fois, d'épaisses fumées commencèrent à s'élever de la potion mais contrairement au dragon qui était apparu en début d'heure, rien de distinct ne s'y forma cette fois, deux simples formes humanoïdes que l'on ne pouvait reconnaitre et qui s'effacèrent rapidement.

Placidement, van Aken dispersa la fumée et son regard se posa sur les Brown.

- Pas de magie. Pas de figure. Vous comprenez à présent que le sortilège ne montre en réalité pas le propriétaire du sang, mais ceux qui l'ont engendré. Il s'agit moins d'identifier une personne en particulier qu'une espèce, ou une lignée. Malheureusement l'espèce des moldus était quelque peu... méprisé par le créateur de ce sort, en son temps. Vous êtes hors du champ de son expertise monsieur Brown.

Puis il s'empara de la seconde fiole, celle qui appartenait à Misha et sans un mot la versa dans un second chaudron.

- Genealogis.

Contrairement à Cameron, les fumées prirent cette fois tout de suite une forme plus distincte et en l'espace de quelques secondes apparut le visage d'Howard Bradford. Il observa un peu les alentours avec curiosité et son regard embrumé se posa finalement dans celui de son fils. Ce fut à ce moment que van Aken le dissipa d'un geste de la main. A la place une autre figure se reforma, celle du grand-père de Misha, le père d'Howard. A nouveau van Aken disperça la fumée mais cette fois, d'un coup de canne, le sort cessa.

Posant son regard dans celui de Misha, il commenta tranquillement.

- Un parent sorcier, un visage. Et le sort remontera votre arbre généalogique si vous ne l'arrêtez pas. C'était une formule très utilisé au temps du Seigneur des Ténèbres afin de comparer et d'identifier les lignées les plus pures, vous pourrez vous renseigner auprès de madame Hatwell si le sujet vous intéresse.

L'heure s'approchait de la fin mais il restait encore un dernier sang à tester. Le professeur laissa trainer son regard sur la salle.

- Des questions ?