Il avait réussi à jeter Dmitri au sol, mais n’en tirait pas de sentiment de supériorité. Si son adversaire avait été Anglais, peut-être alors, mais le jeune homme était un expatrié tout comme lui et Nikita ressentit seulement la satisfaction nerveuse d’une victoire méritée. A Koldovstoretz, il n’avait pas toujours été le plus fort, à Poudlard non plus, sans doute, où ses sortilèges avaient terriblement tendance à échouer au plus mauvais moment. C’était bien simple, il n’avait remporté aucun duel de sorcier, mais ses bagarres, il les avait toutes gagnées.

Les deux coups consécutifs portés à son visage avaient l’air d’avoir sonné l’aiglon. Ce-dernier entreprit de se masser la mâchoire, un liquide rouge lui ensanglantait la lèvre inférieure. Blessure de guerrier.

- Tu n’as pas encore gagné.

Nikita fronça les sourcils. Si Dmitri n’était pas capable de comprendre que ce tour au moins était terminé, alors sa fierté – ou sa bêtise – l’aveuglait. Nikita était encore frais, n’avait reçu aucune blessure hormis celles qu’il s’était infligé tout seul aux poings, tandis que son adversaire allait avoir besoin d’une minute ou deux pour retrouver son équilibre.
Il se redressa malgré tout et, presque à la surprise du Russe, Dmitri le chargea. Un peu trop facilement, Nikita fit un bond de côté et vint sonner de nouveau le visage de Dmitri d’un revers de la droite. Il jouait avec le feu, c’était évident, le frapper n’avait plus d’intérêt.

Dmitri fut repousser par le coup, manqua de s’écrouler en jurant, mais réussit malgré tout à saisir un pan de la chemise de son adversaire qui, au prix d’en faire craquer les coutures, lui permit de rester debout. Nikita lui saisit le col pour l’obliger à lâcher prise, et aussi lui éviter de tomber.

- Arrête !

Il aimait frapper les gens mais n’avait pas le goût de l’humiliation. Dmitri avait eut le courage de relever le gant, il ne méritait pas d’être écrasé pour autant. Il finit d’ailleurs par reconnaître sa défaite, ce qui fit hocher la tête à Nikita.

- Tu as la tête haute, répondit-il dans une approximation linguistique. « Ce n’était juste pas ton jour. »

Mensonge, il se savait plus fort, mais la modestie ne coûtait rien au vainqueur. Il croisa les bras et observa Dmitri qui, maintenant adossé au mur, reprenait ses esprits. Au moins pouvait-on espérer que la douleur lui suffirait à penser un peu à autre chose qu’à son deuil.

- Ce n’était pas mal, bavarda Nikita pour meubler le silence. « Cela m’a rappelé des bons souvenirs, à Poudlard les gens ne savent pas se battre, ils deviennent tout mou au premier coup de poing. »

Il avait quasiment réduit Silas à l’état de poupée de chiffon en quelques secondes et le reste de ses camarades semblaient préférer utiliser leurs magies en cas de compte à régler que d’en venir aux mains. Dès lors, il était facile de prendre l’ascendant sur eux.

Nikita avisa les lieux. « Nous pourrions peut-être remettre ça ? Je ne peux pas te priver d’une revanche. »

Dmitri était un garçon indéniablement fier et buté. Il n’aimait pas perdre, fusse à l’abris des regards indiscrets, et la perspective d’abandonner si vite le combat ne l’enchantait guère. Il voulait tant prouver qu’il était capable de se battre, qu’il n’était pas aussi faible que ce que l’on pouvait supposer en voyant sa taille négligeable ou son allure fine et guindée. Pourtant, il dut bien admettre sa défaite lorsque le Russe l’attrapa par le col, lui évitant une chute déshonorante tout en le sommant d’arrêter de lutter. Il avait perdu, c’était indéniable... mais lorsqu’il renonça à reprendre le dessus sur Yaga, il ne se sentit pas aussi abattu qu’il l’aurait cru. Face à ses frères, le moindre échec lui valait un mélange de colère et de honte qui lui était difficile d’oublier... mais pas ce soir. Il se sentait simplement vide. Se battre – ou plutôt prendre des coups – lui avait fait penser à autre chose qu’à l’enterrement et il ressentait finalement une forme de soulagement bienvenu.

Reprenant peu à peu ses esprits, adossé contre le mur, il opina sobrement du chef quand, à son tour, le gryffondor nota la faible qualité des combattants de l’école britannique sans insister sur les propres failles de Dmitri. Tous n’auraient pas eu cette élégance, il fallait lui reconnaitre ça.

- Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas vraiment battu avec un adversaire digne de ce nom.

D’un geste de la main, il effaça le sang qui perlait légèrement au coin de sa lèvre, laissant sa peau rougie à vif. Un petit coup de baguette suffirait sans doute pour effacer la trace de ce combat mais il n’était pas vraiment en état pour le faire actuellement.

L’aiglon se redressa, délaissant le mur pour étirer lentement ses muscles groggys.

- Une revanche, ça ne se refuse pas. Il se fendit d’un sourire. « Cette école gagnerait à avoir un club de boxe. »

Mine de rien, s’il n’était pas trop affecté d’avoir perdu, son égo avait besoin de corriger le tir. Plus en forme, mieux préparé, il pouvait le vaincre. Et ça n’était finalement pas une chose désagréable que de se défouler un peu sur quelqu’un qui savait donner des coups. Un adversaire digne et qui avait la délicatesse de ne pas s’enorgueillir à l’excès de sa réussite. Vraiment, il ne comprenait pas qu’il puisse être ami avec un rustre comme Appleton.

- Je pense qu’on devrait éviter de rentrer en même temps... si on est vu par un professeur, ils auront tôt de faire le lien entre tes poings et mon visage.

Ses esprits pleinement retrouvés, Dmitri retourna chercher ses affaires, glissant sa baguette dans la poche et ses bagues aux doigts.