Pendant toute la semaine passée loin de Poudlard, quoique les distances depuis l’île des Hébrides étaient toutes relatives, Dmitri avait cru devenir fou. La mort de son aïeul n’avait été une surprise pour personne et surtout pas pour lui, qui avait été le voir peu de temps avant qu’il ne sombre dans son ultime sommeil, mais elle n’en demeurait pas moins dure à appréhender. Jamais il n’avait vu le manoir occupé d’autant de monde ; ses grands-parents étaient venus, suivis de ses parents et de quelques autres membres de la famille. La population montait vite avec six oncles tous pères, et certains eux-mêmes déjà grands-pères. Heureusement l’imposante famille n’avait été réellement réunie que pour les funérailles, un moment privé, réservé aux innombrables van Aken qui, pour beaucoup, connaissaient à peine Alexander. Tous étaient vites retournés chez eux, à l’exception d’Arthus, Maxmilian et Helena, et de leurs plus jeunes enfants, Izidor, Sofia et Krystof. Ceux-ci avaient obtenus de Durmstrang de pouvoir s’absenter quelques jours, comme si eux aussi étaient en deuil... et de cela, Dmitri s’en remettait mal. Il se sentait spolié de sa tristesse et du deuil d’un grand-oncle dont il était réellement le seul à avoir des souvenirs. Inévitablement, il avait fui la présence de ce morceau de la fratrie, s’isolant dans des endroits de l’île où il ne savait que personne ne viendrait l’en déloger en rêvant de retrouver un semblant de normalité. Il y avait trop de monde dans le manoir, trop de vie qui lui rappelait à chaque fois l’absence de son aïeul.

Il avait rêvé de retourner à Poudlard, de laisser derrière lui cette bâtisse chargée de souvenirs, sa fratrie énervante, ses parents et son grand-père qui prévoyaient l’après Alexander... mais lorsque vint le soir de son retour dans l’école écossaise, pourtant, il se mit à traîner les pieds. Ses frères et sa sœur étaient déjà retournés dans leur établissement, il ne restait plus que lui et il n’était plus tout à fait certain de vouloir refouler si vite le sol du collège de sorcellerie. Dans un élan de générosité qui ne lui ressemblait que peu, Maxmilian avait accepté de retarder son départ de quelques heures, lui épargnant le banquet du soir, mais il n’eut guère plus de passe-droits et fut finalement laissé aux bons soins du @Professeur M. Grant qui, une fois de plus, avait été chargée par le directeur de l’accueillir. Escorté jusqu’à sa salle commune, il n’y resta que très brièvement ; la simple idée de rester dans son dortoir et d’y voir Silas, revenant sûrement d’une incursion dans la chambre de Dashiell, suffisait à l’irriter et il préférait la solitude de salles délaissées à l’effervescence trop joyeuse de l’antre des serdaigles.

Allant à courant contraire dans les couloirs, affrontant les élèves vêtus de leurs uniformes qui remontaient tous vers leurs salles communes, il descendit jusqu’au rez-de-chaussée puis bifurqua machinalement vers les cachots ; désormais rare silhouette à s’aventurer dans les profondeurs de l’école, il ralentit son pas pour s’assurer de laisser loin devant lui les quelques serpentards qui tardaient à rejoindre leur antre. Les mains glissées dans les poches de son pantalon de ville, tout de noir vêtu, il se fondait plutôt bien dans l’obscurité. Malgré l’humidité et le bruit de ses pas qui résonnait contre la pierre, l’endroit paraissait agréable pour l’aiglon : une fois n’était pas coutume, l’absence de tableaux sur les murs était rassurante, comme si dans cet endroit inhospitalier, il pouvait pleinement faire fi de tout ce qui lui rappelait le manoir, son oncle ou le portrait aux bois de cerf.

Sans s’en rendre compte, ses pas l’avaient guidé jusqu’au cachot où, plusieurs semaines auparavant, il avait organisé une soirée avec le concours de Dashiell, Teddy et Silas. Quelques débris de bouteilles en verre traînaient encore sur le sol et le vieux canapé n’avait pas bougé mais les portraits qui avaient joués de la peinture avaient déserté le grand tableau qui trônait encore contre le mur du cachot. Le Tchèque se laissa tomber dans le fauteuil qui grinça sous son poids et sortit sa baguette d’une poche, la triturant d’un air distrait sans trop savoir quoi en faire. L’idée de passer la nuit ici, plutôt que dans le dortoir avec Silas, était assez séduisante, pourvu qu’il parvienne à raccommoder un peu le canapé. Peut-être pouvait-il appeler Frimord... après tout, l’ordre d’Alexander de le pendre au plafond ne devait plus avoir court, à présent qu’il n’était plus de ce monde.

En quelques coups de baguette, il s’alluma quelques bougies et se mit à jouer avec le bout de la baguette, transformant encore et encore le bout en pinceau, changeant la taille ou l’épaisseur des poils qui la recouvraient. La magie opérait un peu moins bien que d’accoutumée, comme si elle non plus n’avait guère le moral et rechignait à faire ce pourquoi on la réquisitionnait. Plus il s’en rendait compte, plus la colère grandissait en lui ; réagissant à cette montée d’adrénaline furieuse, le bout de sa baguette se mit à chauffer contre ses doigts si soudainement qu’il la lâcha, la laissant choir au sol.

- Kurva ! jura-t-il sans s’inquiéter de faire du bruit.

Il porta le pouce et l’index à ses lèvres, humidifiant légèrement la peau douloureuse... et se figea après quelques secondes, surpris par les pas qui résonnaient dans le couloir, juste à côté de l’entrée du cachot. Il était trop tard pour vraiment se cacher – par ailleurs, le seul endroit qu’il avait à disposition pour ça était un placard dans lequel il était hors de question pour lui de pénétrer – aussi préférait-il se lever d’un bon, délaissant sa baguette au sol, les poings et la mâchoire serrés dans l’expectative, et se rua contre le mur du cachot, juste à droite de l’entrée. Il ne savait trop ce qu’il attendait ou escomptait faire, mais pris au piège par une arrivée impromptue, il préférait pouvoir se donner la possibilité de se jeter sur le nouvel arrivant en le prenant par surprise plutôt que de rester immobile face à l’entrée.  Un élève de serpentard ? Un préfet peut-être... ou le nouveau maître des potions ? Avaient-ils seulement trouvé un remplaçant ? Cette idée l’emplissait d’une autre forme de colère, plus violente, mais la silhouette qu’il aperçut dans la pénombre était trop petite pour être celle d’un professeur et sans plus réfléchir, porté par ce besoin de se défouler, il tenta de refermer son bras droit autour de la nuque de l’arrivant, le gauche cherchant à se refermer pour former une clef de bras. C’était comme si soudainement, il était revenu plusieurs années auparavant, lorsque le moindre prétexte suffisait à déclencher une bagarre entre ses frères et lui.

Depuis quelques semaines, les sorties nocturnes après le couvre-feu avaient ouvert un nouveau champ d’expérimentation à Nikita. Si on l’avait laissé relativement tranquille pendant le mois de septembre, le jeune homme savait qu’il n’échapperait pas, un jour ou l’autre, à des excursions plus poussées dans Poudlard dont certains des secrets ne semblaient se révéler que de nuit. La chose lui était finalement tombée dessus presque à l’improvise : un soir, alors qu’il remontait les escaliers de la tour de Gryffondor, il avait croisé son chat lové dans l’alcôve d’une meurtrière. Un instant interdit, Nikita lui avait fait une caresse pour donner le change et, alors que l’animal frottait sa tête contre la paume de sa main, sa voix s’était insinué dans son esprit, avec autant de facilité qu’on pousse une porte ouvert.

- Ce soir, après le couvre-feu.

Il n’en fallait pas beaucoup plus mais Nikita sentit ses tripes se serrer un peu. Son comportement n’avait pas été aussi exemplaire que voulu, jusqu’alors, et malgré une implication active dans les activités de l’école, la fondation d’un club et la participation à tout ce qui relevait de la sociabilité estudiantine, il y avait récemment eut cette bagarre avec le Serdaigle, Silas Jorgensen, qui avait beaucoup trop attiré l’attention de l’administration sur lui. Etait-ce vraiment le bon moment pour une sortie nocturne ? Si on l’attrapait, que se passerait-il ? A Koldovstoretz, la désertion de l’école et l’absence de tableaux enchantés aux murs rendait les excursions nocturnes faciles, au point qu’on ne prenait même plus vraiment la peine de les interdire, seulement fallait être dans son lit quand, au matin, le surveillant venait battre le rappel du petit déjeuner. Ici c’était assez différent et les enseignants comme le directeur avaient bien tous insisté que se retrouver dans les couloirs après 20h pouvait vous valoir des ennuis.

Mais on ne discutait pas les plans du Kot Baioun, aussi avait-il enfilé ses vêtements les plus sombres et, une fois ses camarades dans leurs lits, faufilé hors de la salle commune. Il n’était pas complétement certain de la façon dont il était censé passer inaperçu, avec tous ces tableaux aux aguets, mais à la vérité, la plupart semblaient simplement dormir. Et il avait le Baioun avec lui. L’animal ne pouvait le rendre invisible, mais il faisait un excellent éclaireur et offrait à Nikita d’ouvrir la voie pour lui, afin de les tenir éloignés des vigiles.

La première nuit, ils explorèrent un couloir supposément interdit, que le chat trouva fort intéressant, mais où Nikita ne réussit à déceler que de la poussière et des toiles d’araignées. Plus tard dans la semaine, l’animal exigea d’explorer un passage secret qui nécessitait une présence humaine. Soit que Nikita ne soit pas si humain que ça, soit que le passage ait été refermé, ils ne réussirent pas à en trouver l’entrée.
Le lundi suivant, les pas du jeune homme le menèrent plus loin qu’il n’était jamais allé, traverser toute l’école pour explorer les cachots.

- Pars à droite, je vais à gauche, avait dit le chat au premier embranchement. Retrouvons nous ici dans une heure.

Aussi mystérieusement puissant que soit l’animal, certaines choses lui demeuraient inaccessibles et il avait besoin d’un sorcier avec lui pour, au hasard, tourner les clefs dans les portes, lorsque la magie lui interdisait de s’aplatir comme une feuille pour se glisser par-dessous. Il y avait aussi une grille dont les barreaux, bien que séparés les uns des autres d’une dizaines de centimètres, ne pouvaient être franchis par le chat. « Un sort. » avait-il expliqué sans entrer dans les détails, et Nikita avait été obligé de déverrouiller la serrure pour le laisser passer.

Le jeune homme se retrouvait seul à cet instant, toutefois. Il avait abandonné l’idée d’employer un sortilège de lumière pour éclairer son chemin, trop visible, et allait avec une chandelle qui n’éclairait pas grand-chose, mais il n’y avait pas grand-chose à éclairer. Des murs de pierre froide, humides pour certains couverts de mousses, et plus du tout de tableaux. A l’occasion, le tricotage furtif des griffes d’un rat rappelait que les lieux étaient habités, mais pas par les hommes, non.
La peur, aussi, allait avec lui. Tout le courage du monde ne peut tenir éloignée l’angoisse que procure un dédale obscure et abandonné, dans les caves d’un château millénaire. Un rapide coup d’œil dans certaines salles révélaient des meubles oubliés, couverts de toiles d’araignées et, dans d’autres, une paire de menotte et un sommier de pierre. Ici on avait dû enfermer des élèves, ou des ennemis.

Lorsqu’il fallut tourner de nouveau, Nikita opta pour la gauche. Il avait l’impression de vaguement reconnaître le couloir et au bout d’une minute, réalisa que c’était celui emprunté pour se rendre à la petite fête clandestine où il avait retrouvé Kenneth sur le tard. Le souvenir lui attira un vague sourire et il raffermit sa prise sur le bougeoir. Les lieux étaient soudain un peu moins effrayant.
Dix mètres plus loin, il reconnu la pièce où avait eu lieu le crime. Il n’y avait rien de très intéressant là-dedans, il le savait, mais il poussa la porte malgré tout. Les lieux n’avait pas vraiment été nettoyés, il s’en rendit compte au premier coup d’œil, sa flamme n’éclairait pas bien loin, assez cependant pour discerner l’ombre du canapé et des cadavres de bouteilles de bière vides.

Curieux, il fit un pas de plus lorsqu’un mouvement d’air à sa gauche lui fit tourner la tête, puis tout se déroula très vite. Nikita sentit un bras lui passer autour de la gorge, cherchant à l’étranger, et une main tenter de lui attraper le poignet gauche pour le ramener dans son dos. C’était une manœuvre d’immobilisation connue aussi lâcha-t-il son bougeoir de la main droite, pour tenter de se dégager de la prise.

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1 = Nikita a été bien entrainé, il retourne la force de Dmitri contre lui pour prendre l'avantage
2 ; 3 = si Dmitri a pour lui l'effet de surprise, Nikita est plus fort, aucun des deux ne parvient à prendre l'avantage et l'empoignade devient chaotique
➤ 4 ; 5 ; 6 = l'effet de surprise et l'expérience du Tchèque font que Nikita se retrouve immobilisé
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Le jeune homme tenta bien de ruer autant que possible mais son agresseur avait l'avantage de se trouver derrière lui et d'avoir assuré sa prise, il eut beau s'agiter son bras gauche se retrouvait tordu dans son dos et sa gorge prise dans un étau. Il fallut bien reconnaitre sa défaite, aussi humiliante soit-elle, au risque de se voir casser l'os. A quoi avait-il affaire ? Un démon ? Un fantôme ? Une vengeance pour l'agression de Silas ? Dans l'obscurité quasi complète de la pièce, maintenant que sa bougie gisait éteinte au sol, et dans l'impossibilité de voir ce qui se trouvait dans son dos, il ne pouvait que spéculer. La pensée que le Baioun devait se trouver quelque part dans les parages le rassura, mais l'animal n'était pas omniscient et il pouvait s'écouler encore un long moment avant qu'il ne réalise sa disparition.

- Отстань от меня, ублюдок! ragea-t-il avant de réaliser que son adversaire ne devait sans doute pas connaitre le russe « Lâche moi bâtard ! T’es qui ? » traduisit-il.

Il tenta bien de ruer une fois de plus pour la forme, mais force était de constater qu'il n'arrivait à rien.

Le cachot, froid et humide, n’avait rien de bien accueillant, et pourtant quelques semaines plus tôt, Dmitri l’avait trouvé plutôt agréable. L’alcool avait dû y jouer son rôle, l’aidant à faire abstraction de toutes ces choses qui rendaient les lieux inconfortables. La chaleur humaine lui avait toujours laissé une impression de dégoût et l’odeur de tant de personnes dansantes, faisant la fête et buvant de l’alcool sans se soucier de l’après, avait de quoi faire fuir toute personne saine d’esprit. Il y était pourtant resté assez longtemps et ne s’était guère trop énervé de cette promiscuité, à l’époque... mais aujourd’hui, il ne parvenait à retrouver une once de la satisfaction qu’il avait eue, ce soir-là. Les vestiges de la soirée lui laissaient un goût amer en bouche, comme un souvenir trop joyeux et insouciant pour ce qui le taraudait actuellement. En si peu de temps, il lui semblait que sa vie avait complètement changée ; et pourtant, quand il marchait dans les couloirs de Poudlard ou regardait les murs nus de ce cachot, tout était finalement identique. Peut-être aurait-il mieux valu que le changement soit drastique, si fort qu’il ait pu se focaliser dessus pour ne penser à rien d’autre.

Incapable de lui fournir une distraction digne de ce nom, sinon une plus grande colère en constant qu’il ne parvenait à lancer un sort simple sans mal, sa baguette termina sa course au sol, avec les quelques cadavres de bouteilles comme compagnons, tandis que lui rouspétait contre elle, contre lui-même, contre la brûlure qui recouvrait son doigt. Il le sentait bien, son corps était partagé entre l’idée de pleurer ou de frapper, s’acharner contre quelque chose qui viendrait le délivrer un peu de cette frustration et de ce trop-plein d’émotions. Sans doute aurait-il fini par succomber à l’une ou l’autre des options s’il n’y avait eu du bruit pour attirer son attention ; ou plutôt aurait-il sûrement pleuré un instant, faute d’avoir de quoi déverser sa colère sur quelque chose. Mais à présent qu’une potentielle cible approchait, il n’était plus tenté de laisser couler quelques larmes ; l’adrénaline avait remplacé le reste, un soupçon de crainte accélérant son rythme cardiaque tandis qu’il se plaçait en embuscade, près de la porte. La nuit, les cachots n’étaient pas accueillants. Il n’y avait bien qu’accompagné, pour rejoindre une fête clandestine, guidé par une banale copie de peinture, que la majorité des élèves s’aventuraient ici. Les serpentards n’avaient pas à passer de ce côté-là pour rejoindre leur dortoir – et c’était bien la raison pour laquelle ils avaient choisi ce cachot précisément pour la soirée – et seuls quelques professeurs ou préfets un peu trop zélés trouvaient utiles de s’aventurer jusqu’ici. Quoiqu’à l’approche d’halloween, quelques groupes trouvaient amusant de se lancer des défis, mais il était encore trop tôt pour ça... l’heure n’était de toute façon plus aux suppositions. Un autre jour, Dmitri se serait sûrement contenté de toiser le nouvel arrivant depuis le canapé miteux du fond de la pièce, comme s’il ne craignait pas celui qui pouvait entrer, qu’il soit professeur, élève, elfe ou une quelconque autre option plus effrayante et peu probable. Une façade pour garder la face et satisfaire un peu son égo. Mais aujourd’hui, il ne se sentait pas de jouer les garçons désinvoltes et le destin venait de lui offrir sur un plateau d’argent de quoi déverser sa colère sans être surpris en train de pleurer.

Il ne s’était à vrai dire pas attendu à prendre si facilement le dessus. Au fond de lui, il avait même cru que la tentative d’assaut serait un échec total et qu’au mieux, il finirait par se cogner contre le mur tandis que l’intru l’évitait. La surprise avait joué en sa faveur, aussi étrangement que cela puisse lui paraître... la silhouette était après tout plus grande et un peu plus épaisse. C’était celle d’un adolescent plus âgé ou doté d’une croissance plus avantageuse que celle du Tchèque, et sans doute également d’une personne plus habituée aux efforts physiques que lui. L’intru en avait laissé tomber sa bougie au sol pour tenter de riposter, mais il ne parvint qu’à faire décoller légèrement les pieds de Dmitri quelques secondes. Cette sensation de puissance était si grisante que le jeune van Aken laissa échapper, entre deux râles de lutte, un ricanement satisfait. Sa proie le sermonna dans une langue aux accents rugueux qui, sans lui être familière, ne lui était pas tout à fait étrangère. Lorsqu’il reprit en anglais, l’aiglon savoura l’insulte comme une victoire supplémentaire ; se défouler sur autrui et prendre le dessus, fournir des efforts pour maintenir sa prise malgré les ruades de l’autre garçon, tout ça le défoulait et le soulageait un peu de cette peine qui l’avait menacée de larmes, quelques minutes auparavant.

- Tu t’es perdu, Yaga ? lâcha-t-il finalement tout en raffermissant sa prise.

Il n’était pas bien compliqué à reconnaître, malgré l’obscurité, seul Russe de cette école et unique autre locuteur slave. Nul autre qu’eux deux ici n’avaient l’accent âpre des contrées plus à l’est. Et comme nouveau, il s’était bien fait remarquer en débarquant parmi les élèves de première année. Le Tchèque avait eu vent de sa bagarre avec Silas – difficile à louper puisque les deux serdaigles partageaient une chambre – mais de cela, il s’en moquait à vrai dire pas mal. Son camarade de dortoir était un grand garçon, il n’avait besoin de l’aide de personne pour se défendre et Dmitri ne se sentait guère habité d’une quelconque velléité de lui faire vengeance. Jusqu’à présent, à vrai dire, il n’avait guère trouvé de reproches à faire au gryffondor, si ce n’était qu’il l’avait vu traîner avec ce crétin d’Appleton, ce qui n’était pas rien dans l’esprit revanchard et colérique du benjamin. Peut-être était-il un peu jaloux de la popularité ridicule du poufsouffle et le voir s’acoquiner des nouveaux l’irritait.

- Si tu cherches ton prince charmant, la salle co’ d’Appleton est au 1er étage, souffla-t-il entre deux ruades du garçon.

Il fanfaronnait, savourant cette sensation de puissance, mais il ne pourrait pas tenir très longtemps : Yaga était clairement plus grand et plus fort, et Dmitri s’épuisait rapidement dans cette prise d’étranglement. À mesure que les secondes passaient, il sentait ses muscles faiblir. Il tenta bien de resserrer un peu ses bras autour de l’autre garçon, mais en vain ; il ne lui suffit que d’une nouvelle ruade pour que le bras de l’aiglon ne perde son appuie et glisse, laissant le Russe se libérer avant qu’il ne puisse riposter.

Dé:

Ce genre de coup-fourrés, Nikita les connaissait. S’il n’en avait heureusement jamais été victime lui-même, les élèves de Koldovstoretz avaient, faute d’assez de personnel pour les encadrer en permanence, pris l’habitude de régler leurs comptes sans rien demander à personne. Les bagarres étaient fréquentes, mais les règlements de compte à l’abri des regards, plus encore. C’était facile de prendre quelqu’un par surprise, lorsqu’il dormait ou rentrait de classe, vous postiez deux gars costauds à chaque bout de couloir et le piège se refermait comme la mâchoire d’un fauve. Trop jeune et réservé pour véritablement être initiateur d’actions, il y avait cependant participé au titre de guetteur, et un de ses amis était tombé dedans. Sale quart d’heure, heureusement sans autres conséquences qu’une nuit à l’infirmerie.

Aussi, saisit par derrière, dans l’obscurité d’un cachot, il ne fallut pas longtemps au jeune homme pour assembler dans son esprit les pièces du puzzle tandis que l’air menaçait de lui manquer, sa gorge pris en étau au creux du bras de son agresseur. Il avait cassé la gueule à Silas et Silas avait sûrement des potes désireux de lui rendre la monnaie de sa pièce. C’était logique, il fallait juste croiser les doigts pour que ça ne dure pas trop longtemps et que les autres se lassent vite de lui cogner dessus. Une chose cependant, ne collait pas avec ce scénario. A mesure que passait les secondes, Nikita n’aperçut aucune autre forme se détacher dans l’ombre, venir lui saisir le bras gauche ou lui coller un coup dans le ventre, ce qui achèverait de le mettre à terre. En fait, l’agresseur semblait seul.

- Tu t’es perdu, Yaga ?

Cette voix lui disait vraiment quelque chose, marquée par un accent d’Europe de l’Est.

- Si tu cherches ton prince charmant, la salle co’ d’Appleton est au 1er étage.

Difficile d’avoir les idées claires alors qu’on se débattait, mais un éclair de lucidité lui fit comprendre l’évidence. Dmitri van Aken. Il était le seul élève de l’école qu’il ait croisé avec un accent slave, et de surcrois, il était colocataire de Jorgensen. Tout collait. Le ton triomphant du garçon ne lui plaisait pas, cependant, et il était hors de question de lui faire le plaisir de répondre tant qu’il ne lui aurait pas fait lâcher sa prise. Contrairement à d’autres dans l’école, Dmitri semblait savoir à peu près quoi faire de ses deux mains quand il s’agissait de bagarre et Nikita dû ruer de nouveau pour sentir, enfin, la prise du tchèque se desserrer. Il avait sa taille pour lui, cinq ou peut-être dix-centimètres de plus, et plus de carrure aussi, ce qui n’était pas difficile. A termes, il pouvait le contraindre à céder.

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➤ 1 = alors que la prise de Dmitri se desserre, Nikita parvient à lui coller un bon coup de coude dans le plexus solaire ce qui coupe le souffle à l'adolescent
2 ; 3 = profitant que la fatigue gagne Dmitri, Nikita prend le large en le repoussant avec violence contre la porte
4 ; 5 = se libérer ne signifie pas nécessaire prendre le dessus, il faut d'abord reprendre son souffle
6 = dans la précipitation à se libérer, Nikita perd l'équilibre et s'éclate par terre
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Malheureusement pour le Tchèque, Nikita savait encore à peu près garder son sang froid. Sentant que son bras échappait à la clef du garçon, il pivota légèrement sur lui même et, de son bras libre, asséna de toute ses forces un coup de l'arrête du coude, dans le ventre de Dmitri. L'effet fut immédiat, l'obligeant à relâcher complètement sa prise sur son cou et le faisant se plier en deux, le souffle coupé. Pas le temps de tergiverser, malgré le noir presque total, il fallait reprendre l'avantage pendant que son adversaire tentait de respirer.

Nikita le saisit à la gorge et le repoussa de tout son poids contre le mur de brique.

- Pourquoi tu es seul ? cracha-t-il.

Ça ne correspondait tout simplement pas au scénario qu'il avait en tête, si Dmitri avait voulu se venger, venir ici sans aide était absurde.

- C'est à cause de Jorgensen, c'est cela ? Vous auriez dû venir ensemble.

Simple bon sens, mais la colère lui fit resserrer sa prise sur le cou du garçon. Il détestait s'être fait avoir par surprise, surtout par une demi portion comme van Aken.

- Il est caché où ? Réponds !

La surprise avait été à l’avantage de Dmitri, mais en quelques minutes, il sentit sa prise se défaire et Yaga, luttant à corps et à cri, s’en défaire d’un coup, prenant l’aiglon au dépourvu. Ivre de cette première impression de puissance, il avait sous-estimé la force d’un garçon pourtant plus grand et trapu que lui. Il n’eut pas le temps de se ruer à nouveau vers lui, ou même de s’écarter pour aller attraper sa baguette, qui gisait au sol quelques pas plus loin, que le Russe lui assénait un puissant coup de coude dans le ventre. Il sentit l’air s’échapper de son corps dans un râle douloureux et, par réflexe, se plia en deux, les bras se refermant à l’endroit de l’impact comme pour se protéger d’un autre coup. Si celui-ci vint bel et bien, sans qu’il n’ait l’occasion de le voir arriver – la faute à l’obscurité ambiante et à la douleur qui remplissait son regard de quelques étoiles désagréables – ce fut d’une façon qu’il n’avait pas du tout anticipée. Pris au dépourvu en même temps qu’à la gorge, il se sentit pousser en arrière, bloqué contre le mur, le cou écrasé par les muscles de son adversaire.

- Kurv...

Son juron fut étouffé avant d’être entièrement prononcé. Nikita cracha quelques paroles qu’il ne comprit pas, plus parce que ses oreilles étaient assourdies par le battement erratique de son cœur qu’autre chose. Dmitri se força à respirer bruyamment, sa glotte buttant contre les mains du gryffondor.

- C'est à cause de Jorgensen, c'est cela ? Vous auriez dû venir ensemble.
- Tu avais déjà deux neurones avant ou c’est fréquenter Appleton qui t’as rendu si con ? persifla-t-il, le souffle trop court pour cracher son venin avec tout l’aplomb dont il aurait aimé faire preuve.

Le Russe resserra sa prise sur le cou du Tchèque, coupant encore un peu plus le souffle du plus petit qui devait fournir des efforts supplémentaires pour trouver un peu plus d’oxygène. Ainsi piégé, il lui était difficile de trouver de la force pour lutter.

- Il est caché où ? Réponds ! asséna une nouvelle fois Nikita.

À défaut d’avoir suffisamment d’air pour lui rire au nez, il se para d’un sourire mauvais et moqueur, le genre de rictus qu’il avait appris à afficher même lorsqu’il n’était pas en très bonne posture. Il avait eu bien des occasions de s’entraîner avec ses frères pour le perfectionner et garder un peu de prestance malgré la situation peu avantageuse.

- Le monde ne tourne pas autour de toi, Yaga.

Les deux mains refermées sur le bras du Russe, qui le maintenait fermement contre le mur, il tenta bien de le repousser en prenant appui sur les briques, mais pris entre la corpulence du gryffondor et la dureté de la paroi, il n’avait pas de quoi prendre suffisamment d’élan pour lutter.

- J’en ai rien à faire de ta bagarre avec Silas... Il inspira profondément, haletant difficilement pour reprendre son souffle. « Et si on avait voulu faire quoi que ce soit... » Il marqua une pause pour respirer. « On aurait pas attendu que tu viennes par miracle dans un putain de cachot, blázen ».

Sa tirade lui avait demandé plus d’efforts qu’il ne l’aurait cru et l’air commençait sérieusement à lui manquer. À l’environnement sombre et humide du cachot s’ajoutait désormais un léger voile blanchâtre sur sa vue, et sa peau nacrée perdait progressivement de ses couleurs. Il se sentait soudainement ridiculement faible. Et démuni. Contre ses frères, il y en avait toujours un pour mettre fin à la bagarre, lorsque ce n’était pas leur père. Ici, dans ce cachot, il était seul, bloqué contre un mur par un garçon plus grand et au moins aussi teigneux que lui... l’espace d’un instant, l’idée d’appeler Frimord et par son biais d’appeler au secours son aïeul traversa lui traversa l’esprit.

- Lâââche-moi ! cria-t-il... ce qui dans la pratique donna un gémissement, certes ferme, mais bien loin du cri puissant et impératif qu’il aurait aimé donner à sa voix.


1-2. Il remonte d’un coup son genoux, trouvant les bijoux de famille de Nikita suffisamment fort pour le forcer à le lâcher.
3-4. Il frappe du pied l’une des jambes de Nikita, pas assez fort pour le faire lâcher mais au moins pour affaiblir sa prise et respirer un peu plus.
5-6. C’est un échec total, son pied ne frappe que l’air.

Luttant de toutes ses forces, et dans un ultime élan de liberté, le Tchèque lança son pied droit contre le genou de son adversaire pour le faire lâcher prise. Il sentit les muscles de Nikita se tendre et son corps vaciller légèrement, mais Dmitri n’eut pas la force pour profiter de cet instant de faiblesse pour s’extirper de sa prise. Il sentit en revanche l’air affluer, baignant son esprit d’une sensation nouvelle ; jamais il n’avait été aussi heureux de pouvoir humer l’air.

- Lâche-moi, le parano ! cracha-t-il, ragaillardi par cette (si) petite victoire. « T’as gagné, kujón, laisse-moi respirer... »

Son égo en prenait un certain coup mais son désir de violence et toute envie de se défouler avaient été réduits à néant par ce moment de panique, parce que privé d’air, certes, mais sans doute encore plus parce qu’il découvrait cette peur nouvelle : la solitude. Pour la première fois de sa vie, il était seul ; il n’avait plus d’insupportables frères, plus de parents pour lui sauver la mise, plus son grand-oncle pour réparer ses conneries. Le réaliser lui ôtait toute envie de se battre, toute hargne. La mâchoire serrée pour ne pas succomber à cette envie de pleurer qui l’étreignait de plus en plus – plus encore que la prise du Russe – il abdiquait.

A la guerre, le péché d’orgueil était sans aucun doute le plus dangereux : oh comme l’issue du combat pouvait, sur un mauvais coup, un instant d’inattention, se retourner soudain ! Cela valait pour Dmitri comme pour Nikita, aussi se dernier avait-il raffermit sa prise sur la gorge du garçon, bien décidé à ne pas lui offrir l’opportunité de s’échapper.
La compression de sa gorge semblait désagréable et pour un peu, s’il avait serré plus fort, il aurait pu l’étouffer complétement. Ce n’était évidement pas le but, mais le Russe en sentit malgré tout une certaine excitation, cocktail malsain d’adrénaline et de revanche. Son traquenard, ses insultes et sa clef de bras, le Tchèque allait les payer.

- Le monde ne tourne pas autour de toi, Yaga.

- Réponds, rasséna Nikita.

Il n’était pas d’humeur à jouer la passe d’arme sémantique. Déjà l’anglais n’était pas sa langue maternelle, ce qui le rendait maladroit, et puis il n’avait jamais été très doué à ces petits jeux là. Silas l’avait d’ailleurs appris à ses dépends mais si la leçon avait malgré tout du mal à entrer, il pouvait la recommencer autant de fois que nécessaire.

A moitié suffocant, son camarade semblait enfin décider à répondre, même si c’était encore sans se départir de cet éternel ton narquois. Il faisait vraiment la paire avec Silas, deux crétins arrogants, qui n’avaient pas le bon sens de s’écraser pour s’éviter le pire.
Ses arguments toutefois, n’étaient pas complétement dénués de sens, et pourtant le Russe avait du mal à y croire. D’accord il était effectivement étrange que Dmitri ait pu anticiper sa venue dans les cachots, mais il était tout aussi étrange de l’y croiser, et pourquoi s’en être pris à lui s’il ne s’attendait pas à le voir ? Non, quelque chose ne collait pas.

- Tu me dis que tu montes des guet-apens au hasard dans les cachots Dmitri van Aken ?

Difficile à avaler, surtout que, de mémoire, si le jeune homme se débrouillait assez bien avec sa baguette, il était trop petit et malingre pour faire une petite brute convenable, en témoignait que Nikita était parvenu à reprendre le dessus assez vite, malgré l’effet de surprise.

- Si tu veux jouer les mafieux, il te faut dix centimètres de plus et du muscle, commenta-t-il sans relâcher sa prise.

Il allait lui demander de nouvelles explications, se fendant d’une plainte en cherchant de l’air, le Tchèque parvint à lui porter un coup au genoux qui l’obligea à faire un pas en arrière. Nikita maintint la prise cependant et lui aurait fait payer ce coup-bas en lui enfonçant ses phalanges dans le ventre, si le garçon n’avait déclaré sa défaite. Quelque chose dans son ton s’était étonnement éteint, dépourvu de triomphalisme, presque vide. Revenait-il à la raison ? Nikita hésita un instant, il aurait aisément pu écarter brutalement le garçon de lui, l’envoyer jeter sur le canapé pour mettre une distance de sécurité entre eux, mais il craignait que ce faisant, l’autre ne sorte sa baguette et, par sa magie, ne reprenne l’avantage. Tant qu’il ne saurait pas ce que le Tchèque avait en tête, la nature méfiante du Russe lui intimait de ne pas baisser sa garde.

De sa main gauche, il alla saisir attraper sa propre baguette et la colla contre la gorge du garçon.

- Pas bouger.

Puis il la descendit vers le torse du jeune homme et annonça :

- Заключение.

---------------------
1 ; 2 ; 3 = des liens s’échappent de la baguette de Nikita, venant ligoter solidement Dmitri
4 ; 5 = des liens s’échappent de la baguette de Nikita, mais les nœuds sont moins solides qu’il n’y paraît et il sera aisé de se délivrer
➤ 6 = des liens s’échappent de la baguette de Nikita… et les ligotent tous les deux ensemble !
---------------------

Ne sachant pas à quoi s'attendre de la part de Dmitri, Nikita prévoyait de le tenir ligoté quelques minutes, le temps de rallumer son bougeoir et vérifier qu'il n'y avait effectivement personne d'autre d'embusqué dans la pièce. Puis, il aurait eu le champ libre pour éclaircir la situation. C'était sans compter son inaptitude pathologique à réussir ses sortilèges en situations de stress. Là où des cordes auraient dû filer s'enrouler autour du Tchèque, elles s'en allèrent bel et bien lui nouer le bras... mais ne s'arrêtèrent pas là. Remontant le long du propre bras de Nikita qui eut un mouvement de recul, par surprise, il sentit les nœud se contracter autour de son coude, le liant solidement à celui de son adversaire.

- Чума, jura-t-il dans sa langue, ce n'est pas ce que je voulais faire, se sentit-il contraint de préciser.

Il ne devait pas en oublier qu'il ne savait toujours pas pourquoi Dmitri l'avait agressé, même si la corde qui lui enserrait l'avant-bras était un sacré soucis, le danger venait toujours du Tchèque.

- Pourquoi m'as tu attaqué ?

La colère était une mauvaise amie et un bien piètre guide ; Dmitri en avait fait le constat de nombreuses fois durant sa courte vie et malgré tout, il la laissait à chaque fois reprendre les rênes, se laissant séduire par cette promesse de défouloir. Le bref sentiment de puissance, si satisfaisant et confortable pour un garçon qui avait peu à peu l’impression de perdre le contrôle, avait vite été soufflé, sûrement expulsé par le même coup de poing qui avait un instant privé l’adolescent de son oxygène. Il n’avait fallu que de quelques secondes, d’un seul moment d’égarement pour que d’un coup, Nikita ne prenne le dessus et ne referme sa prise sur lui. Il n’en perdait pas pour autant sa fierté, raillant celui qui pourtant avait la force et l’avantage pour lui, ce qui n’améliorait guère la situation. Le Russe n’était en fin de compte pas bien différent de ses frères ; plus grand et fort que lui, et méprisant à souhait – mais de cela, Dmitri n’en avait rien à envier.

Trop occupé à trouver sa respiration tout en luttant contre la prise du gryffondor, il ne prit pas la peine de répondre à sa nouvelle question, au demeurant assez inutile. Il ne trouva la force de riposter que lorsque sa taille fut amenée sur le tapis, sujet au combien sensible pour le Tchèque. L’insulte lui donna juste suffisamment de hargne pour frapper le genou du plus grand, fragilisant la prise qu’il avait sur lui mais trop peu pour reprendre le dessus. Le constat de cet échec acheva d’éteindre ce qu’il restait de colère et de force.

Libéré d’une des mains de Nikita, Dmitri put inspirer profondément, reprendre sa respiration et tousser lamentablement un morceau de ses poumons, juste avant de sentir la baguette du Russe se planter contre sa gorge.

- Ça va, calme toi... soupira-t-il en lâchant le bras qui le maintenait encore contre le mur, par prudence.

Il ne savait pas trop à quoi s’attendre avec le gryffondor mais les échos de sa bagarre avec Silas suffisaient pour qu’il s’en méfie. Il n’avait pas l’air de faire dans la dentelle. La gorge nouée, il le regarda descendre sa baguette et lancer un sort en russe, des cordes apparaissant autour de l’un de ses bras pour venir progressivement chercher le second. Instinctivement, il se mit à lutter contre les lianes qui se refermaient autour de ses poignets mais sans grand succès ; il avait au moins réussi cette partie du sort, enfermant correctement le Tchèque avant que les liens ne remontent jusqu’aux bras du Russe, les enserrant tous deux dans une même prison de corde.

Le regard de Dmitri passa de leurs bras enfermés au visage de Yaga.

- Ce n'est pas ce que je voulais faire, se justifia-t-il.
- Sans blague... Un rictus moqueur fendit le visage de l’aiglon. « J’ai connu des moldus plus doués en magie que toi. »

Ce qui était bien entendu parfaitement faux ; il ne connaissait pas de moldu. Il ne pouvait pas s’empêcher de se moquer de lui, compte tenu de la situation... en quelques minutes, les forces étaient passées entre toutes les mains, pour qu’à la fin, aucun d’eux n’en ressorte réellement gagnant. Son égo, qui en avait pris un coup certain avec la bagarre, savourait de voir qu’à défaut d’avoir la taille et les muscles, il avait bien des atouts dont le gryffondor semblait complètement dénué. Comme quoi, le choixpeau avait eu raison de l’envoyer chez les rouges et or ; tous dans les muscles, rien dans la tête et sûrement pas dans la baguette.

- T’es sérieux ? File-moi ta baguette, que je nous sorte de là, je n’ai pas envie de rester accroché à toi toute la nuit dans ce cachot.

Son regard se perdit un instant en direction de sa propre baguette, quelque part du côté du canapé branlant. Avec l’obscurité, il n’était pas capable de la distinguer de là où ils étaient et la chercher à tâtons tout en étant lié au Russe semblait pour le moins improbable. Il avait déjà assez peu d’espoir pour que celui-ci accepte de lui prêter la sienne – et à sa place, il hésiterait très certainement – mais Dmitri ne lui faisait absolument pas confiance pour réussir à annuler ce sort sans commettre une nouvelle catastrophe magique.

- Ce n’est pas spécialement toi que je voulais attaquer, obtempéra-t-il finalement, puisqu’ils semblaient de toute manière bloqués ici un certain temps. « J’ai juste entendu du bruit, ça m’a pris par surprise... » Il tira un peu sur les cordes. « J’étais énervé et j’avais envie de me défouler, c’est tout. »

À nouveau, ses lèvres se recourbèrent en un sourire mauvais.

- Comme je le disais, le monde ne tourne pas autour de toi. Ce n’est même pas comme si je pouvais me sentir menacé par quelqu’un qui rate des sorts si simples.

Il reprenait un peu de contenance à mesure que les minutes filaient, bloqué dans cette étreinte désagréable avec celui qui, quelques instants plus tôt, l’avait mis à mal. Sa vengeance, il la savourait doucement par chacune de ses moqueries.
Dmitri ouvrit la paume de la main droite, pivotant difficilement celle-ci vers l’adolescent qui lui faisait face, en attendant sa baguette. Les cordes lacérèrent un peu la peau de son poignet, laissant une marque légèrement rosâtre là où elles avaient le plus frottées.

Le rictus moqueur qu’afficha Dmitri face à l’échec de son sortilège donna envie à Nikita de l’étrangler de nouveau. Il se retint toutefois, considérant qu’écraser la trachée de son camarade n’aurait pas pour conséquence de l’aider à mieux répondre à ses questions.

- La ferme, se contenta-t-il de lui rétorquer rageusement, la propension des élèves de cette école à faire les malins quand ils étaient en mauvaise posture l’impressionnait autant qu’elle l’agaçait. Soit les Anglais étaient particulièrement courageux, soit particulièrement idiots. Je ne te filerai pas ma baguette. Réponds aux questions. »

Ça au moins, c’était sûr. Et puis quoi encore ? Un pistolet chargé ? Dmitri s’était jeté sur lui par surprise et pour l’instant, il le tenait encore à peu près à sa merci, mais tant que le jeune homme n’aurait pas expliqué le fin mot de cette agression, il était hors de question de le relâcher. En tout cas pas sans solides garanties.

La réponse de Dmitri semblait trop simple pour être honnête et pourtant, quelque chose chez Nikita voulu y croire. Peut-être parce que c’était quelque chose qu’il aurait lui-même pu faire ? taper au hasard sur le premier venu pour passer sa colère et sa frustration ? Sans doute, oui. Il suffisait de voir comment il avait réagi aux crachats de Silas, malgré ses précautions et son travail sur lui-même pour rester stoïque, il avait les nerfs à fleur de peau et le petit défonçage de gueule du Serdaigle lui avait fait pas mal plaisir, il fallait bien l’avouer.

- Comme je le disais, le monde ne tourne pas autour de toi. Ce n’est même pas comme si je pouvais me sentir menacé par quelqu’un qui rate des sorts si simples.

Cet excès d’arrogance lui fit grincer des dents et dans la quasi-obscurité, il foudroya son prisonnier du regard.

- Baisse d’un ton van Aken, tu n’es pas en position de faire le malin.

D’autant moins que le Baioun devait rôder dans les parages, même si seul le Russe en avait conscience. Le chat démon avait croqué des sorciers autrement plus coriace que ce bout de brindille de van Aken et son sang-pur n’aurait un goût que plus savoureux dans la gueule du chat.

Tout en ego, il brandit rageusement sa baguette et la pointa sur son bras.

- Finite.

-------------------
1 ; 2 = le sort se déploie comme l'avait voulu Nikita, les cordes le lâchent pour venir ligoter Dmitri
➤ 3 ; 4 = les cordes se relâchent et tombent à leurs pieds
5 = rien ne se passe, c'est la honte
6 = échec critique, les liens s'animent pour les ligoter solidement l'un à l'autre
-------------------

Les cordes tombèrent mollement à leurs pieds, au soulagement discret du Russe. AU moins ne subirait-il pas l'humiliation d'un second échec et avec sa baguette en main, il avait toujours l'avantage.

Il recula d'un pas, prudent, ce qui suffit à presque le faire disparaitre dans les ténèbres opaques du cachot.

- C'est à cause de ton grand-oncle que tu es en colère ? demanda-t-il sans une once d'empathie. Mes condoléances, il était grand sorcier. »

C'était la moindre des politesses que de les lui présenter, après tout le nom des van Aken n'était pas inconnu en Russie, la proximité de la branche Tchèque avec son pays en avait fait un patronyme identifiable. Accessoirement, des traitres qui s'étaient très vite rangés du côté de l'Occident dès le début des hostilités. Nikita le toisa.

- Je peux te casser la gueule si besoin de te défouler, à la loyal. Seule règle : tu ne vas pas pleurnicher après, j'ai pas envie d'avoir encore des problèmes.

Il rangea d'ailleurs sa baguette dans sa poche - pour l'usage qu'il en faisait, de toute façon... et croisa les bras en fixant le jeune homme.

- Sinon tu dégages tu vas emmerder quelqu'un d'autre j'ai pas du temps à perdre avec toi.

Il en fallait beaucoup pour que Dmitri perde de sa verve, ou plutôt il suffisait de peu de choses pour qu’il la retrouve et ne recommence à se gausser de son adversaire. Voir le Russe échouer en magie avait un quelque chose de très agréable pour lui qui venait non seulement de perdre la face dans une lutte qui lui était initialement favorable, mais qui en outre s’était vu moquer sur sa taille et son allure chétive. Il compensait ses complexes pour cette appétence pour la moquerie et la fanfaronnade, car s’il n’était effectivement pas aussi bien fourni par la nature pour un duel à main nu contre Yaga, au moins avait-il un talent que ce dernier n’égalait pas. Fort de ce constat, il daigna même lui expliquer ses motivations, non sans se départir d’un petit sourire en coin ; de toute façon, puisque le gryffondor refusait de lui donner sa baguette, ils n’avaient pas grand-chose de mieux à faire.

- Baisse d’un ton van Aken, tu n’es pas en position de faire le malin.

À nouveau, il sentit l’envie de ricaner ostensiblement monter en lui mais se tint malgré tout de le faire. Moqueur, il l’était sans aucune doute, mais peut-être pas au moins de pousser à bout le seul des deux à tenir une baguette, quand bien même il avait à peu près autant de talent magique que Dmitri de connaissances en mœurs moldues.

Il retint quelques secondes son souffle en le voyant brandir sa baguette, d’abord un peu méfiant de ce qu’il pourrait tenter avec, puis curieux de le voir échouer à nouveau... mais les cordes tombèrent finalement au sol, libérant les deux garçons, à leur grand soulagement. Ç’aurait été drôle quelques secondes de le voir une nouvelle fois faire face à un échec, mais l’idée de rester ficelé à Nikita ne l’enchantait pas plus que cela. Le Tchèque se massa pensivement le poignet gauche dans un réflexe somatique de confirmer qu’il était libre, l’autre élève s’éloignant de lui, baguette toujours en main. Il ne voyait désormais presque plus les traits de son visage, distinguant les contours et devinant ses iris dans l’obscurité sans pouvoir deviner s’il souriait ou fronçait des sourcils... c’était aussi rassurant de savoir qu’il n’était plus à porté pour l’étrangler qu’inquiétant d’avoir conscience qu’à tout moment, il pouvait à nouveau lui lancer un sort. Il avait beau se moquer, il n’était pas complètement gauche non plus avec sa baguette et Dmitri était désarmé.

Un bref instant, le silence s’installa entre eux, chacun toisant l’obscurité qui entourait l’autre. Le Russe fut le premier à rompre ce calme d’un ton sans émotion, pour exprimer la dernière chose que l’aiglon avait imaginé entendre de sa bouche à un pareil moment. Sa prosodie rendait presque les condoléances comiques.

- On peut dire ça, oui... confirma-t-il avec calme en s’efforçant de garder la voix le plus neutre possible. « Merci. »

Rien ne l’obligeait à lui dire ça, encore moins après l’échauffourée qu’ils venaient d’avoir, d’autant plus que Nikita n’avait en fin de compte que peu connu son aïeul comme professeur. Le Tchèque sentait bien qu’il y avait une forme de politesse habituelle, un réflexe d’une éducation qui ne devait pas être bien différente de la sienne... ils étaient après tout deux adolescents issus de familles sorcières slaves, des sang-purs de surcroît.

- Je peux te casser la gueule si besoin de te défouler, à la loyal. Seule règle : tu ne vas pas pleurnicher après, j'ai pas envie d'avoir encore des problèmes.

Il s’en fallut de peu pour que Dmitri ne se mette à grincer des dents. Pour qui se prenait-il ? Ça n’était pas parce qu’il avait remporté la première manche qu’il pouvait se pavaner comme un gladiateur ayant vaincu chacun de ses adversaires. Cette simple provocation suffit à l’aiglon pour ignorer le reste des paroles de Yaga. À ce petit jeu-là, il était très doué, la faute aux conflits fraternels qui avaient rythmés son enfance.

- Je ne pleurniche pas... répondit-il d’un ton sec. « Et encore moins à des profs, si ça peut te rassurer. Ça ne les regarde pas. »

De toute façon, il n’avait pas vraiment une bonne réputation auprès de ceux-ci, surtout lorsqu’il était question de violence. S’il n’y avait eu le cas de Silas, largement humilié par les coups du gryffondor, il n’aurait guère pu se présenter comme victime des coups de son camarade sans qu’on ne le suspecte d’être l’instigateur de tout.

- Je tiens à te signaler que c’est toi qui est venu traîner dans mes pattes, pas l’inverse. À son tour, il croisa les bras ; par pur esprit de contradiction, il n’escomptait pas lui laisser ce plaisir de décamper pour le laisser dans le cachot. « Qu’est-ce que tu fais ici, d’ailleurs ? »

Après tout, si le Tchèque était déjà loin de son dortoir, c’était sans commune mesure avec l’autre garçon qui avait dû descendre une tour et huit étages avant d’arriver ici. Il agissait presque comme s’il avait de grandes affaires ici-bas, ce qui était pour le moins improbable, à moins qu’il ne vienne batifoler avec quelqu’un de serpentard. Ça n’était, en tout état de cause, pas pour demander au maître des potions de quelconques éclaircissements sur le dernier devoir... et il était bien placé pour le savoir, puisque l’enseignant avait élu domicile dans un caveau quelques jours plus tôt.

Décroisant les bras, l’aiglon s’avança finalement, non pas vers son interlocuteur mais en direction du canapé, dont il distinguait les contours dans la pénombre, et surtout en direction de sa baguette.

- Je ramasse juste ma baguette, prévint-il avant de se baisser vers l’endroit où elle gisait encore. « Pas besoin de paniquer, je ne compte pas l’utiliser contre toi. »

Peut-être en profitait-il un peu pour se moquer, sans trop en avoir l’air, de leur différence de niveau en matière de magie... ça n’était que pure justice, après tout ! Pour faire bonne mesure, toutefois, il rangea celle-ci dans sa poche, comme l’avait fait son interlocuteur juste avant lui. Ça n’était peut-être pas très malin, compte tenu de leurs avantages respectifs, mais Dmitri était bien déterminé à montrer qu’il était capable de tenir tête à Nikita sans l’aide de la magie.

- J’accepte le combat... à la loyale. Et ça reste entre nous. Pas de profs, ni d’élèves. Il plongea son regard azuréen dans celui du Russe. « Si je t’humilie, même Jørgensen ne saura pas que quelqu’un s’est chargé de toi... Il marqua une pause. Si c’est l’inverse, tu n’en parles pas non plus. »

Mine de rien, il préférait assurer ses arrières dans l’hypothèse, probable, où il perdait. Le Tchèque avait son égo et il n’avait pas spécialement envie de savoir que des gens comme Appleton – dont il savait qu’il traînait parfois avec Yaga – apprenne ce qui s’était passé dans les cachots.

Pour sceller leur accord, il tendit la main d’un air un peu cérémonieux qui tranchait avec la nature de la promesse.

Taper sur quelqu’un ou quelque chose le démangeait pas mal depuis qu’il était arrivé à Poudlard. Le cassage de gueule de Silas avait été un trop court moment de satisfaction et d’oubli, et même s’il avait ensuite fallu en assumer les conséquences, Nikita gardait un souvenir très satisfaisant de son poing s’écrasant encore et encore sur le visage du Serdaigle. A croire que cette maison aimait se faire taper dessus, peut-être faudrait-il rajouter la mention de « masochiste » sous leur devise ?

Van Aken en donnait en tout cas l’impression, assurant dans un sursaut de fierté qu’il n’irait pas se plaindre auprès des enseignants. C’était aussi honorable qu’idiot, pour dire la vérité, Nikita ne voulait plus d’ennui avec le corps professoral, la simple idée de se retrouver de nouveau dans le bureau du directeur était une épée de Damoclès assez effrayante pour abandonner le combat avant même de l’avoir commencé. Ceci dit, si son camarade s’engageait à garder tout ça secret, il était prêt à se laisser tenter.

- Je tiens à te signaler que c’est toi qui est venu traîner dans mes pattes, pas l’inverse.

Il leva les yeux au ciel.

- Les cachots ne sont pas ta propriété. Si tu ne voulais pas me voir il suffisait de le dire ou de te cacher, j’aurai passé mon chemin.

N’empêche que ça tombait plutôt bien. Passé l’instant de frayeur quand le Serdaigle l’avait attaqué dans le dos, Nikita avait senti remonter en lui des instincts de chiot, désireux de mordre autant pour jouer que démontrer sa valeur. Depuis qu’il était arrivé à l’école il enchaînait les déboires en sortilèges et tabasser Silas avait été l’une de ses rares opportunités pour rappeler aux autres élèves qu’il ne fallait pas trop l’emmerder. Recommencer ce soir, même dans le secret, aurait ainsi le mérite de panser son ego blessé, et aussi de le défouler un peu. Comble de sa frustration : il n’était pas très bon au quidditch non plus.

- Qu’est-ce que tu fais ici, d’ailleurs ?

- Et toi, qu’est-ce que tu fais ici ?

Il n’avait pas confiance, toujours laisser l’autre se dévoiler le premier. « Tu fais des embuscades pour le plaisir ? »

Bras croisé, suspicieux, il ne lâcha pas du regard Dmitri alors que celui-ci s’en allait prudemment récupérer sa baguette. Nikita savait qu’une fois celle-ci ramassée l’aiglon aurait sans conteste l’avantage, mais il se croyait malgré tout assez vif pour le désarmer d’un coup de poing si nécessaire. Ce n’était sans doute pas très digne d’un duel de sorcier, mais c’était efficace. Si Dmitri essayait à nouveau de lui faire un coup bas, il ne le laisserait pas s’en tirer une seconde fois à si bon compte, et tant pis pour ce qu’en diraient les professeurs.

- J’accepte le combat... à la loyale. Et ça reste entre nous. Pas de profs, ni d’élèves. Si je t’humilie, même Jørgensen ne saura pas que quelqu’un s’est chargé de toi... Si c’est l’inverse, tu n’en parles pas non plus.

Nikita hocha la tête. Le garçon avait du cran, au moins pouvait-on lui reconnaître ça. Le sang slave ne mentait pas, ce n’était pas un hasard si la seule personne à lui offrir un peu de résistance jusque là vienne d’Europe de l’Est. Il eut une pensée brève pour Gwendolyne mais la balaya. Cela ne comptait pas.

- Soit. J’accepte ces termes. Aussi, on ne vise pas les yeux.

Il se saisit de la main du garçon et la secoua deux fois avant de la relâcher, puis laissa traîner son regard aux alentours. « Ici ? »

Il y avait encore des morceaux de verre par terre. Nikita n’avait rien contre les bagarres sauvages, mais un rien de noblesse lui répugnait à se rouler volontairement dans la poussière et les déchets. La pièce, presque entièrement plongée dans le noir, n’avait rien d’un ring de boxe.

L’égo de Dmitri en avait pris un sacré coup en trouvant face à lui un adversaire de taille, capable de le maîtriser malgré l’avantage stratégique qu’il avait un instant eu sur lui, et l’exutoire n’avait été que de courte durée, trop courte à dire vrai. La scène lui laissait un goût amer tout juste compensé par les échecs magiques du Russe et un nouveau besoin grandissait en lui ; il ne s’agissait plus seulement de se défouler, mais de défendre sa stature. Il n’était pas un petit garçon sans défense, qui pleurait et capitulait si facilement ; au fond, sans doute était-ce avant tout à lui-même qu’il avait des choses à prouver.

Et mine de rien, depuis qu’ils échafaudaient leur plan de bagarre, l’aiglon en oubliait de se morfondre ; il avait mieux à faire et un objectif immédiat qui divertissait son esprit.

- Les cachots ne sont pas ta propriété. Si tu ne voulais pas me voir il suffisait de le dire ou de te cacher, j’aurai passé mon chemin.

À court de répartie, l’adolescent se contenta d’hausser des épaules d’un air dédaigneux, préférant l’attaquer sur les raisons de sa présence dans les cachots. Après tout, à cette heure avancée de la soirée, il n’avait pas de raisons de venir s’attarder ici-bas, pas plus que Dmitri d’ailleurs, mais le garçon aimait à vagabonder et les cachots étaient devenus, avec le temps, un endroit étrangement familier et réconfortant. Ils n’étaient pourtant ni confortable, ni accueillant, et il n’avait aucune visibilité sur l’extérieur, mais aucun tableau ne posait un regard inquisiteur sur son dos et même les professeurs patrouillaient moins ici, comme s’ils s’accordaient pour laisser un semblant de jardin secret aux élèves, un endroit où ils pouvaient venir festoyer la nuit sans craindre d’être trop vite pris la main dans le sac.

Yaga lui retourna la question sans y répondre, dans une esquive formidable mais relativement peu discrète ; il n’y avait pas besoin d’être particulièrement malin pour comprendre qu’il évitait de répondre et bottait en touche dès que ça le concernait. Mais à ce petit jeu-là, le Tchèque n’était pas le dernier des imbéciles et il était surtout très buté. S’il ne voulait pas répondre, très bien, mais ça n’était pas Dmitri qui franchirait le premier pas.

- Oui, c’est ça. J’ai une passion pour attaquer les Russes dans le dos. On nous apprend ça dès le plus jeune âge, à Prague, tu ne le savais pas ? ironisa-t-il, un sourire carnassier étirant ses lèvres sur son visage nacré.

À ces mots, il alla récupérer sa baguette, qu’il n’escomptait pas laisser traîner là plus longtemps, sous le regard suspicieux du gryffondor. S’il était vrai que le jeune van Aken avait des problèmes de confiance, il paraissait presque naïf et confiant à côté de Nikita.

Le plan était finalement posé et leur accord scellé d’une poignée de main, après un échange des quelques règles élémentaires nécessaires. Le retournement de la situation était assez surprenant, quoique bien heureux, si tant est que la violence puisse être qualifiée d’heureuse... mais pour Dmitri, elle l’était en partie. C’était une façon de s’exprimer comme une autre et celle-ci était universelle.

- Ici ?

À l’unisson avec son camarade, son regard balaya l’environnement sombre du cachot, où les vestiges d’une soirée qui lui paraissait désormais si lointaine gisaient encore au sol. Il y avait de ces endroits, dans le château, où le monde se rendait suffisamment peu pour que chaque passage reste comme gravé dans le marbre. Un lieu où nul elfe de maison ne pensait à se rendre pour effacer les traces. Cela avait le mérite de rappeler quelques souvenirs plus doux qu’une mise en bière mais n’était pas tout à fait adapté pour accueillir un duel à mains nues.

- Tu as une meilleure suggestion ? Je proposerais bien la salle des duels, c’est plutôt à-propos, mais on risque de croiser un prof ou un fantôme avant d’y arriver...

Les tableaux ne l’effrayaient plus trop, désormais.

- On peut toujours aller dans un autre cachot moins... Il bougea du pied un bout de verre. « Sale. Quelque chose me dit qu’il y a peu de chance qu’on se fasse attraper par le maître des potions. »

Il avait parlé d’un ton plat, comme s’il ne se contentait que d’énoncer un fait ou de réciter d’un air automatique une leçon bien apprise.

Il devait bien y avoir quelques cachots mieux entretenus, où il ne leur resterait plus qu’à allumer quelques lumières – avec leurs baguettes, rien de plus simple. Cela instaurerait un cadre sûrement assez intimiste, cela dit. Pas nécessairement très confortable, mais ils ne s’engageaient pas dans un projet qui augurait un grand luxe.

Nikita balaya l’ironie de son adversaire sans y répondre. Si Dmitri ne voulait pas lui révéler ce qu’il faisait si tard dans les cachots, alors le Russe n’avait aucune raison de ne pas en faire autant. Que chacun garde ses secrets et c’était aussi bien comme ça. D’ailleurs, les causes qui les avaient amenées tous deux dans cette situation, Nikita s’en fichait bien. Le Kot Baioun avait été rangé dans un coin de sa mémoire, comptant pour bien peu de choses par rapport à la perspective d’une bagarre. C’était difficile à expliquer mais il avait envie, de taper sur quelque chose et a fortiori sur quelqu’un. Dmitri ferait l’affaire, il était teigneux et n’avait pas froid aux yeux même si, du point de vue de Nikita, le combat allait être déséquilibré à cause de leur différence de gabarit.

Au moins avait il assez de bon sens pour convenir que le sol pour moitié couvert de tessons de bouteilles ne ferait pas un excellent ring de boxe. Tout intéressé par le combat que soit Nikita, la perspective de se rouler dans la crasse et les déchets le tentait moyennement.

- Trop loin, répondit-il au sujet de la salle de duel. Et il ne pouvait pas quitter les cachots en laissant son chat derrière lui. « Un autre cachot fera l’affaire. »

Il prit une poignée de seconde pour observer le visage neutre du garçon, à peine discernable dans l’obscurité. Nikita n’avait jamais perdu de proche, ses grands-parents étaient des sorciers de la forêt, redevenus à moitié sauvages avec l’âge, mais bien vivants, retirés du monde dans leur cabane à pattes de poule. Difficile dès lors de compatir au deuil de Dmitri, sinon formellement, par des condoléances. Mais il les lui avait déjà présenté.

- Cela te fera du bien de te défouler, conclue-t-il d’un ton également neutre avant de se diriger vers la sortie.

Dans le couloir, le flamboiement lointain d’une torche permettait d’avancer sans percuter les murs et Nikita avança d’une porte à l’autre, poussant la première qui se présentait devant lui, passant à la suivante si la serrure était fermée.

-------------------- ils se battront dans...
➤ 1 ; 2 = une cellule de prison, glauque avec des chaînes
3 ; 4 = une salle de bal abandonnée, grande et un peu intimidante
5 ; 6 = l'ancien cabinet de toilette de Serpentard
-------------------

Il venait d'enchaîner déjà deux portes closes quand la troisième déboucha sur une petite pièce exiguë. Nikita mit quelques secondes à s'habituer à l'obscurité puis discerna finalement ce qui semblaient être les barreaux d'une grille. De l'autre côté se trouvait une cellule, petite, avec un rebord où se blottir pour dormir et une vieille paire de menottes accrochées au mur du fond. Le Russe fit la moue, guère intimidé.

- C'est littéralement une cage. Cela te convient ? demanda-t-il à l'adresse de Dmitri avant de passer de l'autre côté des grilles. « Le sol est propre au moins. »

Il s'en alla jusqu'au rebord et tranquillement, retira sa veste sur laquelle il déposa sa baguette, ainsi qu'une petite boite sertie de joyaux, et la chevalière qu'il gardait dans sa poche, en attendant d'avoir grandi assez pour pouvoir la porter au doigt. Au moins ne risquaient-ils pas de se blesser avec un objet pointu.
Sa préparation achevée, le jeune homme fit un pas de côté et se plaça en garde face à Dmitri.

Du genre réservés et avares en révélation, les deux garçons n’étaient pas très bavards ; la discussion s’essouffla vite, ne laissant plus que le projet prometteur d’un combat à mains nues dans les règles de l’art. Malgré un besoin manifeste de se défouler, Dmitri n’était pas dupe : il était plus petit et fin que le Russe, ce qui constituait un désavantage certain, mais il ne cherchait pas tant la victoire que la possibilité de prendre sa revanche sur leur première altercation. Et puis ils étaient dans des cachots, à l’abri des regards ; même en cas de défaite, il n’aurait pas à subir une honte similaire à celle de Silas.

L’aiglon opina du chef, autant pour donner son accord quant au lieu du duel que pour le défouloir. Ça, il pouvait lui accorder. Petit, il avait toujours eu pour coutume de se battre avec ses frères ainés – et perdait souvent – pour tout un tas de raisons ; il avait toujours évacué la frustration ainsi et s’était affirmé avec les poings. Ça n’était finalement pas une mauvaise chose et si sa fratrie ne lui manquait pas vraiment, il ressentait parfois son absence avec peine. Finalement, ce qui lui avait fait défaut jusqu’à présent n’était pas la présence de ses frères mais simplement celle de personnes comme lui ; les Anglais étaient plus faibles, trop doux pour lui, alors que Nikita était rugueux, comme tout slave.

Lui emboîtant le pas, les deux garçons venus de l’est trouvèrent après quelques tentatives infructueuses un cachot ouvert ; c’était un peu glauque, à dire vrai. Les sous-sols de Poudlard semblaient cacher une histoire plus sombre qui n’avait pas grand-chose à envier aux pédagogies parfois plus fermes de Durmstrang, ou sûrement de Koldovstoretz.

- Un endroit charmant, on ne pouvait pas rêver mieux, ironisa-t-il en passant à son tour la grille.

Au moins, ils pouvaient être certains que le lieu n’était pas souvent visité ; la poussière régnait en maîtresse incontestée depuis ce qui semblait être une bonne décennie, sinon plus. Quelques années plus tôt, l’endroit aurait pu l’intimider mais il avait grandi, désormais, et ne s’inquiétait plus d’une petite cellule et de menottes rouillées au mur.

Profitant de la préparation du Russe, Dmitri retira lui aussi sa veste, glissant à l’intérieur sa baguette, avant de remonter les manches de sa chemise noire pour dégager ses avant-bras. Il hésita un instant mais parce qu’il était bon joueur, il retira les bagues qui sertissaient ses doigts pour les ranger dans sa poche de costume. Cela lui éviterait en outre d’avoir à les nettoyer si d’avenir ils en venaient à faire couler le sang.

- Prêt ? demanda-t-il à tout hasard à son adversaire qui, pour réponse, se mit en garde.

Sans plus attendre – il n’allait tout de même pas lui laisser la primeur de l’attaque – le Tchèque ferma son poing droit et frappa, visant la mâchoire du Russe. Il était déjà nul en sort, s’il ne pouvait plus parler, ça ne changerait pas grand-chose. Plus léger que son adversaire, toutefois, il se laissa emporter par la force de son coup, peinant à rectifier la trajectoire lorsque la cible l’évita. Il était passé à un cheveux de faire mouche. Littéralement. Tout ce qu’il parvint à faire fut d’arracher une mèche de la tête de Yaga. Avec un peu de chance, ça lui avait fait mal, mais rien qui ne soit suffisant pour le blesser.

- Kurvo ! jura-t-il en se retournant dans l’espoir de le frapper à nouveau avant qu’il n’ait le temps de réagir.

Ce satané dé me déteste:

- Ce sont les cachots, philosopha-t-il, pas un ring de boxe. Mais les vrais combats sont souvent sales.

Après tout, leur petite altercation l’avait bien prouvé, le danger pouvait survenir à n’importe quel moment, même le plus improbable. Alors il fallait se tenir prêt à réagir et tant pis si cela impliquait de se taper dessus au milieu des araignées et des tessons de bouteille. Juste, à choisir, autant éviter.

Il disposa ses affaires sur le côté – inutile de risquer de déchirer sa veste ou de perdre ses biens précieux – et attendit que Dmitri ait fait de même pour lui faire face, les poings relevés au niveau de sa figure.

- Prêt.

Le Tchèque ne perdit pas de temps, il assassina la distance entre eux pour l’atteindre et lui décocha vivement un coup vers le visage. Mauvais choix, jugea Nikita dans un coin secret de sa cervelle, son camarade était rapide mais il lui manquait quelques centimètres d’allonge qu’une cible un peu plus élevée que lui lui faisait perdre. Le Russe recula son buste et décala son visage, les phalanges de son adversaire lui frôlant la joue, arrachant au passage une mèche de cheveux et une grimace de douleur à Nikita.
Pas question de se laisser impressionner, l’élan du coup de Dmitri lui offrait une ouverture qu’il comptait bien exploiter. Il avait l’avantage de la taille, s’il faisait chuter le garçon au sol celui-ci ne pourrait pas se relever de sous son poids et y serait à sa merci.

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1  = Dmitri est déstabilisé et Nikita le fait tomber par terre et l'y maintient
➤ 2 ; 3 = Dmitri est déstabilisé et Nikita le fait tomber par terre mais sans l'immobiliser
4 ; 5 = Nikita manque de précision et s'il repousse Dmitri, ce n'est que pour remettre la balle au centre
6 = Dmitri anticipe l'attaque et lui colle un coup de poing (réussi cette fois) dans le visage en retournant son élan contre lui
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Le Russe se plaça en biais et alors que son adversaire tentait de reculer, le percuta d'un coup d'épaule de toute ses forces, lui faisant perdre l'équilibre et tomber sur les fesses. La position toutefois ne permettait pas à Nikita de se jeter franchement sur lui pour le rouer de coups, comme il l'avait fait avec Silas et il tenta de se saisir du garçon pour le plaquer par terre et exposer son visage à ses poings.

Se débarrassant de ses effets superflus, Dmitri ne put retenir une moue dubitative, mue par un vague regain de raffinement. Un ring de boxe pour les accueillir dans les règles de l’art n’aurait pas été désagréable plutôt que ce cachot mal éclairé et poussiéreux. Enfin, il était venu ici en premier lieu pour y trouver un réconfort solitaire, non pour le luxe célèbre des sous-sols de l’école.

Fin prêt et son adversaire en garde, le Tchèque opta pour une approche frontale mais vive ; il n’avait pas l’avantage de la carrure mais ce qu’il n’avait pas en taille, il l’avait en vitesse et en agilité. Mauvais choix stratégique sans doute, à moins qu’il n’ait juste péché par égo en sous-estimant un peu trop Yaga. Le coup le frôla mais sans faire mouche, le laissant dans une situation plus inconfortable.

La riposte ne se fit pas attendre et le gryffondor le percuta d’un simple coup d’épaule, le faisant vaciller et tomber sur le sol froid du cachot. La chute n’était pas très digne mais cela aurait pu être bien pire. Plus bas que Nikita, quoique ça n’était pas tout à fait inhabituel, il pouvait faire peser tout son poids sur le plus jeune mais Dmitri n’était malgré tout pas complètement démuni : il avait encore ses jambes pour lui asséner de rudes coups, d’autant qu’avec l’appui du sol, il avait de quoi frapper fort. De toute ses forces, il donna un coup de pied en visant le tibia du plus grand mais ne parvint qu’à battre l’air ; son adversaire l’ayant vu venir, il eut le temps de reculer, évitant l’impact. Le Tchèque serra des dents de frustration : jusqu’à présent, il semblait plus se battre avec la poussière qu’avec le Russe, c’en devenait ridicule. Mais au moins, il avait forcé l’autre adolescent à reculer, lui laissant l’opportunité de se redresser sur ses deux jambes sans craindre de prendre un revers.

Lorgnant Yaga en se massant le côté où il l’avait frappé – il aurait sûrement un hématome – il se para d’un sourire provocateur mais attendit son attaque. Il avait retenu la leçon : plus petit, son allonge laissait à désirer et la distance entre eux était clairement à l’avantage du plus trapu. Dmitri avait plus de chance de s’en sortir en le laissant prendre l’initiative ; s’il parvenait à l’esquiver, là il pouvait espérer avoir une occasion de prendre clairement le dessus.

Le dé, définitivement soudoyé par Nikita:

Dmitri n’était peut-être pas à son avantage dans le combat mais ça ne l’empêchait d’y prendre un certain plaisir coupable et de savourer cette occasion d’évacuer sa colère. Se dépenser physiquement lui faisait tout oublier : il ne pensait même plus à l’enterrement, au manoir, à son père qui parlait de faire venir ses frères et sa sœur à Poudlard. Seul l’instant présent comptait. Nikita était en meilleure posture, certes, mais l’aiglon n’avait pas encore dit son dernier mot et, à défaut d’être très musclé, il était tenace et habitué à prendre des coups. Ça n’était pas quelques revers qui allaient le mettre au sol si facilement.

- Toi non plus, rétorqua-t-il plus par réflexe qu’autre chose. « Les Anglais ne savent pas se battre, j’ai fini par me rouiller un peu. »

C’était un fait : le Russe n’avait pas encore réussi à le mettre au tapis malgré sa carrure plus imposante, ce qui aux yeux de l’aiglon représentait déjà une petite victoire. Sûrement mis en confiance par son avantage, le gryffondor ne perdit pas plus de temps en palabres et se rua sur lui, poing fermé. À trop prendre la confiance, le Tchèque en oublia sa garde et se vit prendre de vitesse, un premier crochet venant le saisir en dessous de la mâchoire. Ses dents s’entrechoquèrent douloureusement, sa tête vibrant d’une sensation désagréable et avant qu’il ne puisse réagir, un deuxième coup le frappa au niveau de la joue, le projetant en arrière. Son buste toucha en premier le mur du cachot, non loin derrière lui, puis ce fut au tour de son crâne de frapper la pierre glaciale dans un choc violent qui le laissa un peu sonné.

Dmitri passa sa main le long de sa joue et de sa mâchoire endolorie, massant légèrement l’impact pour en atténuer la douleur. La pommette, rougie, était légèrement éraflée et le piquait quand ses doigts passaient dessus. La voix à l’accent rude de son adversaire résonna dans le cachot, mais le jeune van Aken n’y prêta guère attention. Le sang, qui affluait dans ses oreilles, l’assourdissait un peu et son souffle se faisait plus haletant, résonnant dans ses tympans. Il releva les yeux vers le Russe qui le regardait, l’air d’attendre quelque chose...

- Tu n’as pas encore gagné.

Cela ressemblait à une promesse faite à l’autre garçon... ou peut-être à lui-même ? Il l’avisa, profitant de cet instant de répit pour reprendre son souffle et ses esprits. Il était encore un peu sonné quand, voulant profiter de la garde baissée de Yaga, il se rua droit vers lui, à la manière d’un bélier, pour le saisir à bras le corps et le plaquer au sol. Qu’il ait été trop confiant, trop naïf ou trop affaibli par le précédent impact, qu’importe, le résultat restait le même : Nikita n’avait nullement détourné son attention et le vit arriver suffisamment tôt pour l’esquiver et lui décocher un revers, le frappant une énième fois au visage.

- Kur... !

Sa voix s’éteignit alors que le coup éveillait en lui une vive douleur. Les yeux légèrement embués de larmes, la mâchoire serrée, il manqua de trébucher et de s’écraser au sol, ne parvenant à se redresser qu’à la faveur d’une prise sur le vêtement du Russe. Il tenait encore debout mais n’était pas à ce point têtu qu’il ne savait reconnaître une défaite quand elle s’imposait à lui. Le gryffondor était en bien meilleure forme là où Dmitri ne parvenait plus qu’à tenter vainement des attaques inefficaces.

- Ok... je crois que tu as gagné, haleta-t-il, laissant son dos cogner contre la première paroi du cachot qui vint à lui.