Le serpent qui rêvait de voyager à dos d'aigle

À SAVOIR Arrivé(e) le : 19/06/2022 Parchemins rédigés : 221 Points : 2

Myrthilde avait profité d'une journée de septembre ensoleillée pour se promener à la lisière de la forêt. Elle avait emmené avec elle Ijoro, se disant qu'il appréciait la promenade en dehors de son terrarium. Le reptile s'était fait à température locale, non sans quelques réserves. Le retour d'Afrique était toujours une transition désagréable pour lui. Une fois acclimaté, il sortait avec plaisir du terrarium ensorcelé pour profiter de la chaleur dégagée par Myrthilde plutôt que celle des pierres chaudes. Mais cela prenait toujours quelques semaines.

Étrangement il ne profitait pas de sa permission de sortie pour s'éloigner trop loin de son humaine de compagnie. Il chassait un peu, bronzait dans un rayon de soleil, mais par un moyen ou un autre restait toujours dans le périmètre de la professeur, était-ce son odeur ou les vibrations de ses pas? Toujours était-il qu'elle n'avait pas vraiment à s'inquiéter de le perdre dans les méandres sylvestres.

La rentrée s'était passée dans un calme relatif, l'alchimie entre les élèves étant somme toute particulière explosive cette année. La jeune femme ne s'en plaignait pas, elle utilisait son temps pour approfondir ses recherches ou effectuer des expertises pour des collègues. La jeune femme avait actuellement une statuette précolombienne à examiner. Son collègue avait évoqué les Mayas, mais elle soupçonnait même les olmèques. Elle sourit en pensant qu'elle se remettrait bientôt au travail sur l'objet. Elle tapota rapidement du pied pour prévenir Ijoro de son départ. L'animal serpenta jusqu'à elle, se lovant dans sa chevelure pour profiter du transport. Bien qu'elle ne se fasse pas trop d'illusion sur l'affection que lui portait Ijoro, elle appréciait cette proximité, leurs petites habitudes. Ijoro était avec elle depuis ses 8 ou 9 ans, et bénéficiait de la longévité propre aux familiers de sorcier.

L'animal veillait sur ses nuits, chassant par on ne savait quel mécanisme les rêves serpentesques ou du moins lui permettant un réel repos malgré eux que la jeune femme faisait en réaction au venin de runespoor. Sa mère avait été mordu durant la grossesse, c'était la marque que Myrthilde avait gardé de l'épisode. Une chance ou une malédiction, personne n'avait jamais réussi à trancher, mais la jeune femme était habituée.

Alors qu'elle réfléchissait aux détails à observer concernant la statuette qui l'attendait à son bureau, elle ne remarqua pas immédiatement que son serpent avait pris la poudre d'escampette alors qu'elle arpentait le château. Ce n'est qu'une fois installée et prête à le déposer de son imposante coiffure à son panier qu'elle constata que sa tête était vide.

Elle soupira et fit marche arrière. Elle craignait toujours qu'il dévore le crapaud d'un élève ou se fasse attraper par un des rapaces qui livraient le courrier au château. Assurément de mauvais présages.
"Bon sang Ijoro où t'es-tu fourré ?" Murmura-t-elle.

Elle commença méthodiquement, remontant le couloir de cheminée en cheminée, ponctuant sa marche des tapotements habituels. Le sol était trop froid pour qu'il s'aventure bien loin des flammes.
Elle prit la direction d'une alcôve, où elle entendit le sifflement caractéristiques d'Ijoro…et un autre. Est-ce que les philothamnus étaient bagarreurs?
Elle tapa du pied un peu plus fort. "
Wa lori ọmọ, o to akoko lati lọ si ile*"

La professeur retient un souffle de surprise en apercevant une silhouette humaine converser, siffler avec son serpent. Elle reste en retrait, interdite. Peut être l'instant de la chercheuse, la curiosité qui la retient d'interrompre cette scène étrange.

*Allez gamin, c'est l'heure de rentrer à la maison

@Dmitri D. van Aken

Les tableaux du manoir des Hébrides rapportaient de temps à autre à Dmitri quelques échos de l’état du maître des potions mais il les soupçonnait d’édulcorer la situation pour le ménager. Il savait bien qu’à Prague, Arthus et ses fils avaient été mis au courant de la santé fragile de l’aîné des van Aken. Désormais, il ne se faisait plus d’illusion : nulle décoction ne suffirait à remettre sur pied le vieil homme. Le portrait de Patricia lui avait bien assuré qu’il était sous bonne garde et qu’il se reposait, qu’il n’y avait nulle raison de s’inquiéter et qu’elle le préviendrait s’il s’avérait que l’état d’Alexander empirait, mais ces paroles n’avaient en rien contribué à le rassurer. Il peinait à se concentrer sur ses cours et ses devoirs, et en avait d’ailleurs rendu plusieurs en retard, ce qui n’était pas dans son habitude. Celui d’histoire de la magie en était un de ceux-là. Avec les cours de potions, il s’agissait traditionnellement de la discipline qu’il travaillait le plus. Il aimait bien la matière... et l’enseignante avait su se faire apprécier de lui, sans qu’il ne sache trop si c’était simplement grâce à ses enseignements ou s’il appréciait de temps à autre la distraction que le serpent pouvait lui offrir. Toujours était-il qu’il se montrait inhabituellement distrait et désintéressé par son cours, son esprit voguant vers d’autres sujets que ceux afférents aux guerres entre sorciers et gobelins.

Lors du précédent cours d’histoire de la magie, il n’avait même pas noté la consigne et s’était éclipsé en coup de vent, si bien qu’il avait pris du retard et se retrouvait désormais à devoir terminer un parchemin qu’il aurait dû rendre la veille. Il avait récupéré son manuel et un livre à la bibliothèque avant d’aller s’installer dans une pièce plutôt tranquille du troisième étage, une sorte de grande alcôve octogonale qui s’avançait dans le vide ; l’endroit était très lumineux, grâce à ses multiples fenêtres qui garnissaient les différents côtés de la petite tour géométrique, et suffisamment isolé pour ne pas être dérangé par le passage de trop de monde. Il n’était d’ailleurs vraisemblablement pas le premier à trouver le lieu propice au travail ou au repos, puisque des petits malins y avaient installé des coussins colorés, certains semblants d’ailleurs provenir de la salle commune de poufsouffle. Il y faisait plutôt chaud, grâce aux efforts combinés du soleil qui tapait sur les vitres et la cheminée non loin, dont l’âtre réchauffait les pierres du troisième étage.

Il n’y avait pas vraiment de porte pour l’isoler du reste du monde, mais un simple renfoncement qui masquait une petite partie de la pièce de la vue du couloir. Du reste, il n’avait guère besoin d’intimité, le passage dans ce coin du château étant un peu plus rare que dans les couloirs principaux. Ici, seuls ceux qui devaient se rendre dans quelques salles de cours ou cherchaient à remonter vers l’aile ouest passaient de temps à autre, sans que Dmitri n’y prête trop attention. Il était affairé sur l’écriture de son devoir, perché sur l’épais rebord de la fenêtre, un coussin glissé entre lui et la pierre. Son pied battait dans le vide, percutant de temps à autre le mur dans un rythme lent et régulier qui pourrait presque évoquer une marche funèbre.

Il était là depuis un certain temps mais n’avait pourtant guère avancé la rédaction de son devoir. La moindre distraction était une occasion pour lui de quitter des yeux son parchemin, fredonnant un air de musique ou dessinant sur un coin de son manuel. Il tâchait de ne plus prêter d’attention aux élèves qui passaient dans le couloir mais lorsqu’un sifflement parvint à ses oreilles, portant une étrange mélodie quelque peu envoutante, il ne put que succomber à la tentation de reposer le livre qu’il tenait pour poser son regard vers l’entrée de l’alcôve où un serpent s’approchait de lui... ou plutôt de la chaleur agréable de l’âtre. Il était petit et facile à louper pour qui n’y prêtait pas trop attention mais l’aiglon était comme naturellement envouté par le chant atypique du reptile.

Mu d’une curiosité nouvelle, le Tchèque glissa lentement le long de la pierre pour descendre de son perchoir, sifflant les paroles d’un opéra-ballet qui lui rappelait les sorties mondaines avec sa mère, à ceci prêt qu’il en reprenait les paroles en fourchelang. L’exercice était d’autant plus simple que, fixant des yeux le reptile, sa langue lui venait le plus naturellement du monde... et que les paroles des Indes Galantes lui avaient toujours parues très sifflantes, faute de parler français.

« Dans nos retraites,
Grandeur, ne viens jamais
offrir de tes faux attraits!
Ciel, tu les as faites
pour l’innocence et pour la paix. »

Sifflait-il approximativement en regardant l’animal se mouvoir doucement au rythme des vibrations de l’air.

- Tu es le serpent du professeur Grant ? ajouta-t-il dans un même souffle, toujours en fourchelang.

La sensation que procurait la langue des reptiles était toujours un peu étrange ; il savait qu’il ne parlait ni dans sa langue natale ni dans celle de Shakespeare mais sans toutefois réellement entendre de différence... les vibrations de la glotte lui paraissaient naturelles et instinctives, presque inaudibles à ses oreilles s’il ne se concentrait pas suffisamment, et pourtant parfaitement accessibles à l’ouïe de n’importe quel sorcier. Lui, en revanche, les comprenait sans même avoir besoin de les entendre.

- Son compagnon... siffla l’animal, non sans que Dmitri ait l’impression de capter une forme d’agressivité... ou peut-être plutôt une vexation à l’idée d’être simplement le reptile de compagnie. « Le gardien de ses rêves. »

Fasciné et curieux, l’aiglon s’assit en tailleur sur la pierre, face au serpent.

- Je ne voulais pas te vexer.

Les reptiles étaient-ils aussi fiers que l’étaient réputés ceux de la maison de Salazar ? Les légendes présentaient souvent ces animaux avec orgueil, personnifiant les spécimens les plus proches des sorciers et leur conférant bien des pouvoirs et des intentions différentes. Celui-ci se remit à se mouvoir doucement sur la pierre, comme pour réchauffer un peu ses écailles, sans plus s’offusquer des paroles du Tchèque. Un bruit – ou plutôt des vibrations – semblaient d’ailleurs avoir attiré son attention ailleurs. Un élève, sûrement, qui marchait dans le couloir et provoquait quelques tremblements dans le sol.

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Le serpent leva la tête en direction de Myrthilde. Il reconnaissait son pas, son appel entre mille et pour une fois, il fut…tenté de ne pas y répondre. Ce n’était pas tous les jours que l’on rencontrait un humain qui parlait. Bien sûr, son humaine savait le comprendre, à force d’observation, tout comme il pouvait lire les signes que son corps voulait bien lui transmettre, qu’elle en ait conscience ou non. Mais le chétif garçon s’adressait à lui. Oui, c’était bien différent, et la curiosité l’emporta. Ses mots avaient du sens et pourtant ils étaient étranges et mystérieux. Il tourna lentement sa tête vers Dmitri et poussa quelques sifflements.

Myrthilde regarda interloquée Ijoro l’ignorer. Elle aurait presque cru, que d’un signe de tête, il lui confirmait avoir vu sa présence, mais ne pas en faire grand cas. Etait-il réellement en grande conversation avec le serdaigle ? C’était fascinant. Elle ne connaissait personne parlant le fourchelang, là où elle avait vu des transformations humaines en serpent. Mais c’était…différent, la métamorphose avait lieu chez des adolescents, qui étaient encore en apprentissage. Cela signifiait qu’ils découvraient aussi le comportement animal, et Ijoro ne s’était jamais vraiment intéressé à eux.

La posture que le serpent avait eu l’intriguait vraiment, il s’était laissé charmé par les sifflements du jeune garçon, avant lui semblait-il, de se rebiffer un peu, comme lorsqu’elle-même le dérangeait alors qu’il était assoupi. Son altesse avait-elle perçu une parole malheureuse ? Visiblement ce n’était pas suffisant pour le décourager, puisqu’une fois l’adolescent installé, Ijoro l’avait ignorée pour se rapprocher et répondre.

Myrthilde aurait voulu continuer à observer cela depuis un trou de souris, sans rien interrompre, mais elle se fit la réflexion que ce n’était probablement pas très équitable. Ijoro l’avait reconnue, mais Dmitri n’avait pas même levé la tête dans sa direction. Seul le serpent semblait attirer son regard. Elle s’éclaircit la gorge, espérant ne pas trop surprendre l’élève. « Bonsoir. Je vous laisse continuer… Je me demandais juste où Ijoro était passé. » dit-elle simplement, sans néanmoins faire mine de quitter le couloir.

S’ils continuaient, il faudrait faire avec elle dans les parages. Ijoro n’était pas venimeux ni même d’un quelconque danger pour les humains, mais elle devait reconnaître qu’elle n’était pas à l’aise à l’idée de ne pas l’avoir dans son champ de vision. Elle espérait que sa présence ne découragerait par l'Aiglon.

Dmitri était toujours curieux face aux serpents, séduit par cette possibilité qu’il avait de converser avec eux, de les comprendre comme s’ils n’étaient en fin de compte pas bien différents des humains. Il n’avait pourtant que rarement l’occasion d’en profiter et les reptiles comme celui qui accompagnait le professeur Grant était d’autant plus intéressant qu’il n’était pas un simple serpent. Il était un compagnon de sorcier, un animal doté de caractéristiques quelques peu différentes, une intelligence plus grande, des intérêts plus importants. Jusqu’à présent, il n’avait jamais eu l’occasion de le croiser sans que l’enseignante et ses camarades ne soient là, aussi pour la première fois il avait l’impression d’être libre de regarder le reptile dans le blanc des yeux... en quelque sorte. Il était si petit que ses pupilles ressortaient aisément des écailles, deux perles noires et jaunes sur cette robe verte, deux iris hypnotiques qui scrutaient tour à tour le garçon et les alentours. Il était aux aguets, percevant bien des vibrations qui demeuraient inconnues à l’humain.

- Tu ne m’as pas vexé, répondit le serpent, visiblement satisfait de l’effet qu’il faisait à l’adolescent. « Je ne suis pas un banal animal de compagnie. »

S’il en comprenait les paroles, il peinait à distinguer la signification de ses mouvements. Sans doute cachait-il beaucoup de choses derrière ces lentes variations dans sa position et effectivement, lorsqu’un raclement de gorge derrière lui interrompit cette inhabituelle discussion, seul Dmitri sembla réellement surpris. Machinalement, il se retourna vivement pour voir la personne qui l’observait : la maîtresse – ou le compagnon, c’était selon – du reptile. Le regard de l’aiglon passa du professeur à l’animal, jaugeant ce dernier d’un air vaguement frustré. Il avait dû sentir l’arrivée de l’adulte bien avant qu’elle ne se manifeste au van Aken.

- Bonsoir. Je vous laisse continuer… Je me demandais juste où Ijoro était passé.

Si le Tchèque avait eu un doute quant à ce qu’elle avait pu entendre ou voir, il n’en avait désormais plus beaucoup ; elle n’avait pas pu louper la discussion en fourchelang. Au moins pouvait-il à présent mettre un nom sur le reptile.

- Je ne... commença-t-il, ses joues légèrement rosées par la gêne soudaine. Vous êtes là depuis longtemps ? demanda-t-il finalement tout en lançant un regard à Ijoro qui voulait dire quelque chose comme “ tu aurais pu me dire qu’elle était là ”.

Est-ce qu’elle avait écouté ce qu’il se disait entre eux ? Rien de bien important, mais il ressentait toujours une forme d’intimité en parlant fourchelang ; c’était une chose privée, qui ne se faisait bien que dans la tranquillité d’une pièce sans témoins... il était un peu gêné de savoir qu’elle l’avait pris au fait, comme s’il avait été surpris la main dans le sac à commettre une infraction au règlement. Et sans doute avait-elle compris ce qu’il se disait ; il partait après tout du principe qu’un adulte qui se pavanait avec un serpent devait forcément en parler la langue quand bien même c’était toujours assez étonnant de voir des gens l’assumer si ouvertement à Poudlard... les Anglais avaient toujours eu un complexe particulier à ce sujet.

- J’imagine que vous avez entendu ?

Il n’avait pas vraiment besoin de préciser ce qu’il y avait à entendre.

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Alors qu’elle avançait vers Dmitri et Ijoro, elle ne put s’empêcher d’être fascinée par la scène qui se jouait devant elle. Les sifflements qui s’échappaient de la bouche du garçon étaient en tous points semblables – si ce n’était pour le timbre, un peu comme la voix – à ceux du serpent. Le langage corporel de l’animal différait de ce à quoi il était habitué. Il semblait hésiter à continuer ce qu’il était en train de faire ou répondre à son appel. Mais tout comme Myrthilde trouvait cette situation… peut être vraiment au cœur de ce qu’on pouvait appeler la magie, Ijoro préféra saisir l’opportunité.
Elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle aurait fait de même, si un serpent c’était mis à parler anglais devant elle. « Suffisamment pour avoir entendu. » dit-elle avec un sourire embarrassé. « Mais je n’ai pas la chance de comprendre. » Le jeune garçon avait l’air aussi gêné qu’elle d’être pris en flagrant délit. « Excusez-moi, j’aurais dû signaler ma présente plus tôt. »

La professeur jeta un œil sur le serpent et tapota doucement du pied, il vint s’enrouler autour de sa cheville quelques instants, avant de se laisser glisser à sa place initiale, observant Dmitri. Il siffla quelque chose qu’elle ne comprit pas à l’attention du garçon. C’était comme si l’animal avait voulu l’assurer de sa présence, tout en lui indiquant qu’il avait d’autres chats à fouetter. Elle ne chercha pas à le faire revenir. Après tout, personne ne risquait rien et il semblait bien trop occupé pour se mettre à la recherche d’un crapaud domestique à dévorer.

La jeune femme prit le parti de ne pas être trop indiscrète et de ne pas demander le contenu de la conversation, même si elle en mourrait d’envie. « C’est un bien joli talent que vous avez là.» Elle était envieuse de cette capacité, sans que cela revête un caractère négatif. Malheureusement, l’intoxication au venin de Runespoor ne conférait pas de pouvoir magique, n’en déplaise aux moldus amateurs de ce genre de rebondissement dans leur littérature de gare. « J’imagine que l’occasion de l’utiliser ne se présente pas tous les jours. » Il n’avait pas connaissance d’élèves possédant un serpent à Poudlard, mais ce n’était pas impossible, dans la mesure où une jeune gryffondor avait bien un chien. Du genre baveux et imposant.

« Est-ce que…vous souhaitez continuer votre conversation ? » Elle doutait que le serpent ne raconte des choses compromettantes à son sujet. Elle doutait d’ailleurs qu’un serpent s’intéresse réellement aux affaires humaines. Oh bien sûr, il pouvait évoquer ses rêves serpentesques, c’était un peu étrange, mais explicable. Peut-être sentait-il également lorsqu’elle prenait de l’elixir de triple vue, à cause du venin de runespoor contenu dans la préparation. Il semblait à la jeune femme que le comportement du serpent variait légèrement, mais cela pouvait aussi bien être du à ses propres perceptions améliorées. « Il n’a pas vraiment l’air de vouloir rentrer avec moi. » dit-elle visiblement amusée.

Il y avait un quelque chose de fascinant à mener une conversation avec un serpent, même pour un fourchelang. L’idiome était intrinsèquement magique, porté par des choses qui le dépassaient largement mais pour lesquelles il nourrissait une curiosité particulière ; qui ne le serait pas, à sa place ? Parler anglais ou tchèque était une chose, mais la langue des reptiles en était une autre bien différente qui le raccrochait à une part de son histoire familiale, un héritage slave qu’il appréciait savourer.

- Suffisamment pour avoir entendu. Mais je n’ai pas la chance de comprendre, indiqua l’adulte d’un ton calme, laissant Dmitri coi, stupéfait par la révélation. « Excusez-moi, j’aurais dû signaler ma présente plus tôt. »

Il haussa des épaules ; c’était chose faite, il ne comptait pas revenir dessus... et à vrai dire, savoir qu’elle n’avait pas compris ce qu’il avait pu dire – quand bien même nulle parole n’avait été réellement compromettant – le rassurait un peu.

- Vous avez un serpent... sans parler fourchelang ? demanda-t-il finalement, le ton dans la voix laissant transparaître toute la surprise qui était la sienne.

Il n’avait jamais envisagé que cela puisse être le cas. Pour une raison qui lui échappait un peu, il avait toujours perçu comme évident que les possesseurs de serpents – plutôt rares en ces lieux – savaient également maîtriser leur langue... mais après tout, il avait un hibou sans pour autant être à-même de le comprendre, à l’instar de tous ses camarades. N’empêche que cela demeurait quelque peu surprenant et atypique, particulièrement chez les Anglais qui avaient une vision beaucoup plus négative des reptiles et des sorciers capables de converser avec eux. En Tchéquie, les choses étaient quelques peu différentes, quoique le don de fourchelang soit également associé à une forme de magie noire.

Le professeur tapota du pied au sol, attirant par ces vibrations le serpent qui la rejoignit un instant, mais sans jamais pour autant délaisser l’élève de son attention, comme s’ils étaient au fond tous les deux attirés à l’autre.

- Je ne siffle pas avec les gens de ton espèce, d’ordinaire... chanta le reptile, comme s’il menait lui aussi la conversation avec les deux humains. « Nous ne sommes pas faits pour cohabiter avec vous. »

Le regard du garçon passa un instant de la créature à sa maîtresse, un moment de doute vite chassé par la posture du professeur ; elle ne semblait ni pressée ni dérangée par la situation. À sa place, Dmitri aurait sûrement été un peu jaloux, frustré de voir quelqu’un se lier d’une façon qui lui était inaccessible avec l’animal, mais pas elle. Ou du moins n’en montrait-elle rien.

- Pourtant, tu restes avec une humaine. rétorqua-t-il en fourchelang, curieux de voir la réaction du serpent.
- Oui, fut sa seule réponse, agrémentée d’une légère danse reptilienne qui devait être une forme d’approbation, comme un hochement de tête. « Elle n’est pas tout à fait comme tes congénères. »

L’aiglon ne put masquer son étonnement ; elle ne parlait pas sa langue, mais il lui trouvait quelque chose d’atypique, à tout le moins de suffisamment séduisant pour qu’il demeure à ses côtés.

Le temps où il s’inquiétait de l’état de son grand-oncle semblait désormais loin ; pas disparu mais simplement éclipsé par cette scène atypique. Avec une autre enseignante, peut-être se serait-il plus vite laissé tenter par l’idée de s’éclipser ; parler dans la langue des reptiles était assez intime pour lui. Cela ne se faisait pas devant n’importe qui... mais à l’instar de l’animal qui lui trouvait un intérêt différent, le Tchèque lui accordait une considération particulière. Il quitta des yeux Ijoro pour reporter son regard sur l’adulte qui venait de complimenter son talent.

- Non, pas souvent, lui concéda-t-il. « La plupart des serpents fuient la présence humaine, même des fourchelangs. »

Ceux à l’état sauvage, en tout cas. Les serpents de sorciers semblaient plus « sociaux » mais étaient rares et étaient plus souvent les compagnons de personnes capables de les comprendre.

- Est-ce que…vous souhaitez continuer votre conversation ? Il n’a pas vraiment l’air de vouloir rentrer avec moi ajouta le professeur tandis que Dmitri lançait une nouvelle œillade en direction du reptile.
- Sans doute parce que lui non plus n’est pas habitué à parler avec des humains expliqua-t-il, crevant l’évidence. « Même s’il a l’air de dire que les humains ne l’intéressent pas, d’ordinaire. »

Le jeune van Aken avisa l’animal, mu par une curiosité sans nul doute accrue par son désir de passer outre ses inquiétudes actuelles. Parler du serpent avec sa maîtresse et avec le serpent lui offrait une bonne échappatoire.

- Depuis combien de temps tu es avec elle ? finit-il par demander en fourchelang, les yeux rivés sur la créature. Dans ce sens, le dialecte était facile à adopter, là où pour alterner avec l’anglais, il se devait de ne pas regarder l’animal et de se concentrer un peu plus pour que les idiomes ne se mélangent pas.
- Longtemps. Plus d’années que tu n’en as jamais connues siffla-t-il. « Je me nourrissais déjà de ses rêves avant que tu ne viennes en ce monde.

La formulation le fit froncer des sourcils. Dans un dialecte normal, comme l’anglais, il aurait cru à une interprétation hasardeuse, une mauvaise traduction, mais avec le fourchelang, la magie faisait une partie du travail ; c’était à bien des égards plus simples pour lui que de comprendre la langue de Shakespeare, quand bien même il l’avait apprise très jeune.

- Il n’est... pas tout à fait comme les autres serpents que j’ai croisés finit-il par lâcher, trahissant ce sentiment étrange qui étreignait son cœur. Il n’avait pas beaucoup d’expérience en la matière, et c’était la première fois qu’il parlait réellement à un reptile qui ne soit pas l’un de ces vulgaires serpents qui foulaient le sol des forêts et prairies, aussi découvrait-il ce qui le différenciait réellement des autres animaux de son espèce.

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La jeune femme s’étonna de la surprise du serdaigle. Ce n’était pas très courant de parler Fourchelang… Mais elle répondit obligeamment : « Non, je n’ai malheureusement pas ce don. » Elle savait bien entendu, qu’il était d’ordinaire associé à la magie noire, surtout en occident. Mais si elle n’avait aucune appétence pour les arts occultes, elle aurait payé très cher pour comprendre ce qu’il se disait dans les profondeurs de son crâne la nuit. Peut-être aurait-elle pu le faire en parlant la langue des serpents ? « C’est assez rare. » dit-elle avec un air appréciateur.

Myrthilde n’avait pas vraiment besoin de parler fourchelang pour comprendre Ijoro, elle maîtrisait son langage corporel…Ce qui ressemblait à de l’affection – autant que pouvait en démontrer un serpent, les gestes et rythmes qu’il appréciait. Sa réprobation, ses limites. Et le serpent faisait de même avec elle. Elle se demanda un instant si ses camarades d’école l’avaient soupçonnée de parler fourchelang, d’être un mage noir quand elle était à Poudlard. Ou si le simple fait d’avoir des traits africains lui conférait un totem d’immunité en termes de bizarrerie.
Ce n’était d’ailleurs pas forcément hors de propos. Le serpent portait plutôt une aura positive en Afrique. Fécondité, régénération mais surtout, plus intéressant, on les considère comme des messagers des ancêtres et des esprits. Raison pour laquelle, on avait essayé de comprendre les rêves de Myrthilde plutôt que de les supprimer. Certains sorciers participaient à des rituels dans l’espoir d’être possédé par un serpent et de recevoir une prophétie. La professeur d’histoire de la magie n’avait jamais rien reçu de tel, ou ne l’avait pas compris. Certaines tribus croyaient même que les femmes enceintes ont un serpent dans le ventre, donc l'esprit d'un ancêtre, qui s'occupe de l'embryon pendant tout le processus le conduisant à la vie. Certains hommes-médecines avaient d’ailleurs considéré que le venin de Runespoor n’était pour rien dans les rêves de l’enfant, mais simple un esprit d’ancêtre refusant de quitter son poste.

Myrthilde s’était faite à l’idée de n’avoir probablement jamais de réponse à la question. Des suppositions et pas de certitudes. Tant qu’Ijoro dormait dans la même pièce qu’elle, son sommeil parvenait à être réparateur, ce qui était déjà beaucoup, quand on avait connu l’épuisement et la peur.
Elle sourit quant à sa remarque : « C’est vrai ? Je ne me rends pas compte. Une partie de ma famille vit dans une réserve de Runespoor. Nous les côtoyons donc d’assez près. » A y songer, il lui semblait d’ailleurs que le chef des soigneurs étaient un changeur serpent ou un fourchelang. Il faudrait qu’elle questionne Nihahsah à ce sujet. « Disons que nous nous croisons sans nous éviter, sans pour autant interagir sans raison. » A moins qu’un runespoor n’en fasse la demande donc. Ce qui arrivait rarement, à moins d’une blessure, ou d’une prophétie à révéler. Parfois pour signaler la présence d’un braconnier.

Myrthilde acquiesça : « Je lui parle peu. Ou plutôt pour moi-même puisque je ne sais pas exactement ce qu’il perçoit de ma voix. Ça doit être une expérience intéressante pour lui aussi. » Après tout, elle ne voyait pas pourquoi l’animal ne serait pas curieux. Tout dans sa posture sous entendait qu’il était tiraillé entre les deux humains. La jeune femme relâcha tout à fait sa posture, le laissant converser à sa guise avec l’élève.
L’historienne le regarda avec curiosité alors qu’il avouait trouver Ijoro différent : « C’est le seul et unique serpent qui ait vécu avec moi et c’est un bon gardien. » Il n’était peut être pas judicieux de raconter sa vie à un élève dans les couloirs, surtout ce genre de choses. « Est-ce que vous sauriez dire en quoi il diffère ? » demanda-t-elle sans retenue. « Nous pourrions, peut-être continuer cette conversation dans mon bureau ? » dit-elle prudemment cette fois. Après tout, elle n’avait aucun moyen de savoir ce qu’il se passait entre le Fourchelangs et le reptile, et il n’était peut être pas idiot d’avoir à s’expliquer sans témoins, qu’il soit de chair ou de peinture.

La surprise passée de savoir que l’enseignante n’était pas fourchelang, Dmitri se contenta d’opiner pensivement du chef en l’entendant évoquer la rareté de ce don comme explication. Il était singulier, sans nul doute, tantôt considéré comme précieux, tantôt rattaché à la magie noire et aux sorciers à la morale discutable... une vision en réalité très anglo-saxonne, dans laquelle l’aiglon avait certes un peu grandi, mais qui l’impactait finalement assez peu, tant il était également imprégné de ce que pouvaient en dire les mages tchèques. Le professeur Grant ne semblait, elle non plus, pas très méfiante ; question d’éducation peut-être... ou parce qu’ayant un serpent, elle abordait les choses sous un regard différent ? Sa façon de le considérer jouait sans aucun doute sur la manière dont Dmitri s’était rapidement détendu malgré la gêne qu’il avait ressentie au début. À présent, il arrivait presque à alterner entre les sifflements de l’animal et les mots bien anglais de l’adulte sans trop de souci ; c’était un sentiment étrange mais pas désagréable que d’être celui qui entendait et comprenait tout, et pouvoir expérimenter le dialecte des reptiles l’apaisait curieusement. Il n’avait pas souvent l’occasion de s’y atteler, faute de serpent qui s’y prêtait volontiers... et jusqu’à aujourd’hui, il n’avait jamais osé entamer une conversation avec celui de l’enseignante. Il lui avoua d’ailleurs à demi-mots, soulignant le caractère solitaire ou craintif – sûrement un peu des deux – de ces animaux. Il n’était à vrai dire pas un expert en la matière, lui le citadin qui n’était pas bien proche des créatures magiques, et ne parlait que de sa maigre expérience. Expérience qui ne semblait d’ailleurs guère être partagée par son interlocutrice.

- Ça doit être étrange de vivre dans une réserve de serpents... fit-il d’un ton pensif et un peu envieux. « J’ai grandi à Prague, les serpents, ça ne court pas les rues, là-bas. »

Son visage se fendit d’un sourire amusé et, peut-être, un peu nostalgique. Sur l’île des Hébrides non plus, il n’en avait jamais vu ; peut-être y en avait-il mais ils se cachaient bien. Outre des volatiles, il n’avait jamais trop prêté attention à la présence d’autres créatures sinon bien sûr des poissons dans l’océan... mais depuis les plages, ça n’avait sans doute pas grand intérêt.

- Je lui parle peu. Ou plutôt pour moi-même puisque je ne sais pas exactement ce qu’il perçoit de ma voix. Ça doit être une expérience intéressante pour lui aussi.

Il opina du chef, sans répondre. Bien sûr, elle lui parlait comme beaucoup de monde devait parler à leur animal de compagnie ; une forme de dialogue unilatérale et solitaire, sans pour autant être totalement seul. Ça n’était pas réellement une chose que Dmitri faisait avec son hibou, qui passait par ailleurs le plus clair de son temps à la volière, mais il était trop habitué à être entouré de tableaux capables de lui répondre pour qu’il y trouve réellement un sens.

- C’est ce que j’ai cru comprendre, oui... confia-t-il après la confidence de l’adulte. « Il m’a dit qu’il était avec vous depuis longtemps. » Et puis, il y avait ce curieux choix de mots. Les deux parlaient de gardien, à leur manière, comme si finalement ils avaient pu s’accorder sur cette relation.

En écho à ses pensées, le professeur Grant le questionna un peu plus, le forçant à réfléchir quelques secondes en scrutant l’animal pour mieux mettre des mots sur ce sentiment... mais avant qu’il ne réponde, ou même qu’il ait une réponse satisfaisante à lui offrir, elle lui proposa de rejoindre son bureau. Sans doute était-ce pour le mieux ; plus intime, moins indiscret. Le Tchèque se sentirait d’ailleurs sûrement plus à l’aise pour discuter avec le serpent que dans un couloir.

- Si vous voulez, répondit-il finalement.

Il avisa du regard le reptile, mais il ne semblait pas avoir eu besoin d’une quelconque parole pour comprendre ce qui se tramait entre les deux humains. Il était indéniable qu’Ijoro, puisque tel était son nom, lisait dans les mouvements de sa maîtresse bien des choses qui échappaient à la compréhension des hommes. Ou au moins de Dmitri. S’ils étaient ensemble depuis longtemps, ça n’était pas bien surprenant.

Ils n’étaient pas très loin du bureau de l’enseignante ; c’était la première fois que l’aiglon y allait, non seulement depuis qu’elle l’occupait mais également avant elle, à l’époque du professeur Hatwell. Cela étant, compte tenu de son passif, aller dans l’antre de cette dernière n’aurait sûrement guère présagé de bonnes choses... à vrai dire, il passait assez rarement du temps dans le bureau des autres enseignants. Il connaissait celui du concierge comme sa poche, pour avoir passé beaucoup de temps en retenue avec les différents détenteurs du poste, et celui du directeur assez bien pour avoir eu également le droit à des passages indésirés là-bas, mais c’était plus rare pour des professeurs – à l’exception d’Alexander. Peut-être même son lien avec ce dernier avait-il joué un rôle là-dedans...

- Dans le couloir, tout à l’heure... vous avez dit qu’il était un bon gardien, hasarda-t-il au bout de quelques minutes, alors que la porte du bureau s’était refermé sur eux pour isoler les deux humains et le serpent du reste de Poudlard. « Pourquoi... gardien ? »

Cette question le taraudait ; ce même choix de vocabulaire – si tant était que l’on puisse réellement parler de vocabulaire s’agissant du fourchelang – entre le reptile et sa maîtresse était peut-être anodin, mais aux oreilles du Tchèque, il devait représenter quelque chose. Peut-être y avait-il une compréhension entre eux qui dépassait la simple barrière de la langue ?

- Lui aussi s’est décrit comme un gardien, un peu plus tôt, expliqua-t-il finalement. Indéniablement, s’il devait expliquer pourquoi le serpent lui paraissait différent d’un banal reptile, il commencerait sûrement par ça.

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La professeur sourit… « Ce n’est pas plus étrange que de vivre à Prague quand c’est ce que l’on connait. J’ai passé mon enfance entre Cambridge et le Burkina Faso, il m’est aussi familier de protéger mes biscuits des écureuils que de faire du bruit en marchant pour éloigner les serpents. » La normalité était une variable changeante, et la jeune femme de part son métissage n’était jamais vraiment sur la ligne. Anglaise par bien des aspects, elle ne pouvait renier les habitudes et superstitions transmises par sa mère, syncrétisme de tradition du Burkina et du Burundi… 9]]« Mais effectivement, j'imagine qu'à Prague les serpents ne courent pas les rues et préfèrent les forêts. Il y en a quelques-uns ici » [/b]ajouta-t-elle en faisant référence à la Forêt Interdite « mais c’est sans commune mesure avec la densité de population à la réserve. » Ce qui n’était pas plus mal et permettait d’organiser régulièrement des visites pour les touristes dans une ère dédiée de la réserve. C’était une idée débattue au sein des équipes, mais les chiffres avaient parlé : au-delà des financements bienvenus, cela évitait surtout que des abrutis finis se précipitent dans la réserve sans autorisation et ne nécessite secours, quand ce n’était pas les runespoor qui en faisait les frais. Ne restait plus qu’à s’occuper des vrais problèmes : les braconniers.

Dmitri semblait pensif, encore un peu sur la réserve. Et sur ce point, Myrthilde concèderait volontiers que la situation était étrange, incongrue. Ce n’était peut être pas le lieu idéal pour discuter avec un serpent. Aussi, lui proposa-t-elle de migrer vers son bureau. Il hésita mais acquiesça. Elle espérait qu’il le faisait de bon cœur. Elle tapota du pied pour inviter le serpent à leur emboîter le pas. Sur le chemin, elle lui confirma la présence du serpent avec elle depuis bien des années maintenant : « je devais avoir six ans quand je l’ai adopté. »
Elle ouvrit la porte du bureau, attrapa le serpent pour le déposa dans un panier en osier qui trônait sur la table, et fit signe à l’aiglon de s’installer.

- Lui aussi s’est décrit comme un gardien, un peu plus tôt

La question était légitime Myrthilde n’hésita pas vraiment à y répondre . Après tout, elle avait consciemment choisi un endroit plus intime pour discuter, c’était bien qu’elle s’attendait à devoir faire quelques révélations. C’était une sensation étrange, elle n’avait ne serait-ce même évoqué la question avec ses collègues. Mais ses collègues ne comprenaient pas les serpents. Dmitri lui, pourrait peut être révéler des clés de compréhension si Ijoro était en mesure de les lui communiquer. Cette expérience avait quelque chose d’hors du commun et il lui paraissait inconcevable ne pas saisir l’occasion au nom d’une certaine distance à maintenir entre professeur et élève. « C’est intéressant qu’il se voit ainsi lui aussi. » dit-elle en jetant un regard empreint de tendresse et de respect au reptile. « C’est à la fois simple et complexe, comme toutes les bonnes histoires. » dit-elle à la manière des conteurs de sa voix grave et mélodieuse. « Quand ma mère était enceinte, elle a été mordre par un Runespoor. A première vue… cela n’a pas eu d’incidence ni sur sa grossesse, ni sur le fœtus, puis le bébé que j’étais. » A première vue seulement, puisque la réalité était tout autre. J’étais un bébé qui ne dormait pas très bien, du moins, pas comme il aurait dû. Je dormais par tranche de quelques heures, parfois les yeux ouverts. Mais si ce n’est une certaine fatigue, cela n’avait pas vraiment de conséquence sur mon développement. « Quand j’ai commencé à pouvoir m’exprimer, j’ai fini par expliquer que je rêvais de serpent. J’ai couru tous les marabouts, sorciers et médicomages que ma mère a pu trouver. Don, malédiction, envoûtement ? » D’un geste de la main elle chassa ses propositions. « Rien de tout ça, juste un effet secondaire du venin. Je vois le monde à travers les yeux des serpents, ou je suis parmi eux. Des sortes de rêves lucides. Ce qui est problématique : ce n’est pas un vrai repos. Et personne n’a jamais trouvé d’antidote. » dit-elle d’une voix grave. « Jusqu’à ce que je réclame un runespoor comme animal de compagnie. Evidemment, je n’ai pas eu un runespoor, mais Ijoro. Quand il veille sur mon sommeil, je profite d’un vrai repos. » dit-elle simplement. Elle rêvait parfois encore de serpent, mais ce n’était pas aussi vivant et clair que lorsqu’Ijoro quittait son chevet.

- Ce n’est pas plus étrange que de vivre à Prague quand c’est ce que l’on connait.

Dmitri opina du chef. Il pouvait lui concéder cette remarque sans mal ; bien que du haut de ses 14 ans, il s’estimait riche d’une certaine expérience grâce – ou à cause – de ce déracinement inopiné, mais sans doute n’était-ce rien à côté de sorciers issus de cultures si différentes du Royaume-Uni que l’était le Burkina Faso. La Tchéquie et l’Écosse avaient beaucoup de choses qui les opposaient, mais aussi tant d’autres semblables ; peut-être y en avait-il quelques différences culturelles de taille, mais pour ce qu’il en savait, elles touchaient plutôt à aux opinions sorcières et à la culture qu’à la faune.

Malgré tout, il restait un citadin qui, mis à part quelques excursions dans la campagne tchèque ou sa vie sur l’île des Hébrides, n’était guère un adolescent très coutumier de tout ce qui relevait de la vie sauvage. Peut-être qu’un compatriote issu d’une ville plus reculée aurait une autre expérience que la sienne.

- J’aimerais bien aller là-bas... au Burkina Faso. Ça doit être sympa de voir autant de serpents.

L’aiglon ne se qualifierait pas comme quelqu’un de particulièrement doué avec les animaux et il n’était, de manière générale, que peu intéressé par eux. Son hibou existait dans son quotidien principalement pour transmettre le courrier et il n’imaginait pas un seul instant le faire venir dans son dortoir, chose que faisaient bon nombre de ses camarades... il trouvait ça sale et passablement désagréable d’avoir un animal qui volait partout et diffusait son odeur bestiale dans toute la pièce. Il s’estimait déjà grand prince à supporter la présence de Bane, qui était infiniment plus propre et discret qu’un volatile.

Garçon d’une nature plutôt réservé sur sa personne, sitôt que les discussions de convenance, Dmitri laissa un instant le silence planer avant de concéder finalement à poursuivre leur conversation dans le bureau du professeur. La curiosité l’emportait aisément sur sa pudeur et la proposition de rejoindre un endroit plus intime et approprié pour ce genre de conversation avait fini par éliminer les ultimes hésitations de l’adolescent. Docile à sa maîtresse, le serpent la suivi comme son ombre. Une ombre fine et discrète, qui se mouvait d’une façon différente, mais qui n’en restait pas moins fidèle à l’être qu’elle accompagnait. Observant du coin de l’œil ce ballet atypique, ou à tout le moins qu’il n’avait pas souvent l’occasion de rencontrer, le jeune van Aken ne put retenir une légère pointe de jalousie naître en son for intérieur ; il lui enviait cette capacité à se lier à un être sans même pouvoir lui parler, à le comprendre sans pour autant maîtriser le même dialecte. Il y avait là une relation particulière, peut-être un peu magique, qui animait en lui un curieux désir.

- Je devais avoir six ans quand je l’ai adopté, lui confia-t-elle en l’invitant à entrer dans le bureau.

Cela expliquait sûrement une partie de l’attachement de l’animal au professeur Grant. Il avait déjà compris, au travers des quelques paroles du reptile, qu’ils étaient ensemble depuis bien longtemps mais sans doute qu’une relation qui prenait vie dans l’enfance avait-elle un quelque chose de plus fort. Un lien qui valait bien de se qualifier de gardien...

- C’est intéressant qu’il se voit ainsi lui aussi. C’est à la fois simple et complexe, comme toutes les bonnes histoires.

Sur l’invitation de l’adulte, Dmitri avait pris place dans l’un des fauteuils sans trop y réfléchir ; il était déjà pleinement entré dans la conversation, oubliant un peu ses premières réticences au profit d’un intérêt somme toute très légitime. Ça n’était pas tous les jours qu’il avait l’occasion de discuter avec un serpent et sa maîtresse. Cela avait totalement éclipsé le reste de ses préoccupations, parmi lesquelles caracolait en tête les dernières nouvelles de son aïeul alité au large de la mer des Hébrides.

Il resta silencieux, comprenant au ton qu’il n’était pas nécessaire de quémander ladite histoire pour se la voir conter. C’était assez surprenant de rentrer ainsi dans l’intimité de l’enseignante et de commencer à comprendre un peu ce qui se cachait derrière les mots sifflés par le reptile ou cette présence quasi systématique de l’animal aux côtés de la dame. Il était rare que l’un de ses cours se fasse sans l’animal qui, parfois, s’était même prêté un peu aux expérimentations pour répondre aux questions des élèves. L’aiglon se souvenait encore de cette fois où Ijoro avait dansé au son d’un instrument, hypnotisant le fourchelang l’espace de quelques secondes. Lorsque la voix du professeur Grant s’éteignit, à la fin de l’histoire, Dmitri porta un regard le serpent. Un regard nouveau, empreint d’une curiosité grandissante. Il savait que ces animaux passant beaucoup de temps avec les sorciers n’étaient que rarement des créatures normales, comme si la magie attirait la magie... ou peut-être que la fréquentation de sorciers finissait par toucher les âmes animales, celles-ci venant à s’imprégner d’un peu de leurs pouvoirs.

- Vous voyez à travers les yeux des serpents ? répéta-t-il en reportant ses iris sur l’adulte en face de lui. « Mais... c’est réel ? Ou des sortes d’hallucinations causées par le venin ? »

La curiosité grandissait, si bien qu’il en oubliait presque sa pudeur habituelle.
Depuis toutes ces années, elle avait bien dû se poser la question ; ou peut-être n’avait-ce jamais été sujet à réflexion. Après tout, le Tchèque n’avait pas de cours en soins aux créatures magiques et ne connaissait les runespoors qu’au travers des quelques enseignements donnés par sa grand-mère lorsqu’il était petit. C’était bien insuffisant pour comprendre l’effet que leur venin pouvait avoir et encore plus s’il s’agissait de comprendre comment la présence d’un serpent pouvait servir le sommeil d’un humain.

- Vous savez comment il fait pour... Il hésita quelques secondes. ... calmer vos rêves ? s’enquit-il finalement.

Il regarda le reptile quelques secondes, fronçant légèrement les sourcils dans une expression curieuse. Ijoro était-il attiré par ses rêves, se nourrissant de cet univers imaginaire comme d’une nourriture spirituelle ? Et si c’était le cas, comment faisait-il ? D’un coup, il voyait dans ce serpent un intérêt plus grand encore : l’artiste en lui, qui peignait des tableaux vivants imprégnés de souvenirs, voyait dans la perspective d’une influence des rêves sur l’animal une forme intéressante d’action – de magie ? – qu’il était avide de comprendre, voire de maîtriser.

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Myrthilde sourit,, ce n’était pas une phrase qu’elle entendait souvent. Bien sûr, les gens s’intéressaient à l’école où elle avait enseigné, aux animagus et à la magie sans baguette, deux sujets qu’elle ne maîtrisait pas vraiment puisqu’elle avait grandi au Royaume Uni et fait sa scolarité à Poudlard. Mais la vie à la réserve, les traditions ancestrales et tout ce qui s’apparentait à une magie moins codifiée n’intéressait que peu les sorciers civilisés. Du moins…la plupart du temps. Elle avait pu constater que les adolescents, en tout cas à Poudlard, ne s’offusquait pas lorsqu’elle s’éloignait un peu du programme en faisant danser les serpents ou en évoquant des objets qui n’étaient pas utilisés sur le continent européen. Le jeune Williams appréciait aussi la discipline. Mais il n’avait jamais évoqué l’envie de voir plus de serpents.

« Vous pourriez suggérer l’idée au Directeur, il me semble que par le passé, les voyages ont déjà eu lieu à l’étranger, y compris dans une réserve pour les dragons ? » si elle se souvenait bien de ce que lui avait raconté Jaimie. « Mais oui, nul doute que ce serait très enrichissant pour vous d’aller dans une réserve ou une forêt plus accueillante pour les reptiles. J’en déduis que vous ne possédez pas de serpent ?» Après tout, il n’en avait visiblement pas un à Poudlard, mais ce n’était pas impossible qu’il ait un animal de compagnie chez lui. Elle doutait néanmoins que l'idée plaise à ses camarades, elle avait été obligée de tempérer son enthousiasme à laisser le serpent visible pendant les cours, certains élèves étant particulièrement phobique.

L’aiglon l’accompagna sans mot dire jusque dans son bureau, où elle accepta de raconter l’histoire de l’adoption d’Ijoro. Le jeune homme semblait captivé tant par le récit que par l’animal qui était installé au côté de Myrthilde. Elle n’avait raconté cette histoire à personne au château. Malheureusement, elle n’avait pas beaucoup de choses concrètes à mettre sous la dent du jeune curieux : « Je ne sais pas si c’est réel. En tout cas, les spécialistes que j’ai consulté ne lient pas ça à un quelconque don de voyance ou ce genre de choses. Ce ne sont pas vraiment des hallucinations non plus car, je sais très bien que je dors et que c’est un rêve. Et le venin est dissipé depuis si longtemps… » Elle hésita un instant avant de poursuivre : « Je ne saurais probablement jamais si c’est le cas, mais j’ai plutôt l’impression d’avoir à faire…à une sorte de base de connaissances communes ? Je n’ai pas l’impression d’avoir à faire à la vision d’un seul invidivu, mais plutôt que je navigue dans une masse. » Comme si elle pouvait à l’infini passer d’un regard à l’autre, sans toutefois maîtriser le voyage. Ni bien comprendre ce qu’elle voyait de si important pour un serpent.
Machinalement, elle passa ses doigts derrière la tête d’Ijoro, le gratifiant d’une gratouille qu’il ne repoussa pas. « Je ne sais pas exactement non. Quand j’étais enfin, j’étais persuadée qu’il mangeait mes rêves. Peut-être simplement vit-il le rêve à ma place ? Il n’a pas de pouvoir magique, en tout pas comme certaines créatures, mais quand il est là, le fait est que je dors normalement. » Enfin ce qui se rapprochait le plus de la normalité pour quelqu’un comme Myrthilde. Son sommeil était plus réparateur et moins agité. « Dans…la tradition africaine, le serpent a une symbolique plus positive qu’en occident. On le considère comme un esprit sage, pas comme un ennemi. » Ajouta-t-elle, comme pour expliquer pourquoi elle avait fini par vivre plus ou moins en paix avec ces incertitudes.

Un bref instant, Dmitri fut réellement attiré par la perspective de proposer la réserve comme destination pour un voyage scolaire ; ça ne coutait rien de demander, après tout, et il préférait largement ça à Durmstrang, quand bien même la réserve de dragon avait été une visite plutôt attractive... quoique parmi les dragons, il y avait eu Thorstein.

- Je suis pratiquement sûr que si je propose ça au directeur, il ira partout sauf là-bas répondit-il en affichant un sourire moqueur. « Je ne suis pas vraiment dans les bonnes grâces de la direction. »

Avec un dossier disciplinaire long comme le bras, il ne pouvait pas vraiment s’en étonner, ceci dit. Sans la présence de son grand-oncle parmi les professeurs, sans doute aurait-il connu plus d’ennuis... et même s’il ne voulait pas se l’avouer, il avait conscience que cette protection était vouée à bientôt disparaître.

- Non, je n’en ai pas. À vrai dire, avant que vous n’arriviez avec Ijoro, j’étais persuadé que c’était impossible d’en apporter ici.

Les Britanniques étaient très tatillons avec ces animaux, sinon craintifs ; les légendes et l’attrait du Seigneur des Ténèbres pour ceux-ci y jouaient un rôle indéniable, mais l’aiglon avait toujours trouvé cette méfiance ridicule. Biens des criminels et mages noirs avaient d’autres animaux de compagnie, pour autant ils ne s’inquiétaient pas des hiboux, rats ou crapauds qui les avaient sans aucun doute accompagnés. Voir le professeur Grant avec un serpent avait toutefois ouvert quelques perspectives mais il n’avait jamais osé en demander un à son aïeul, d’autant qu’il connaissait son amour très limité pour les animaux. Quant à son père, il lui aurait rétorqué qu’il devait d’abord obtenir l’autorisation d’Alexander, ce qui revenait à lui demander.

Arrivés dans le bureau de l’enseignante, celle-ci lui conta l’histoire qui la liait au serpent. Pas un seul instant il n’envisagea de l’interrompre, buvant ses paroles avec un intérêt non dissimulé. Depuis qu’ils s’étaient installés dans l’antre de l’adulte, il se sentait un peu plus à ses aises et sans s’en rendre compte, il se détendit un peu, allant jusqu’à lui poser des questions plus intimes.

- Dans…la tradition africaine, le serpent a une symbolique plus positive qu’en occident. On le considère comme un esprit sage, pas comme un ennemi.
- Chez nous, les serpents ne sont pas vus comme un ennemi se défendit-il, presque vexé que l’on puisse envisager que les Tchèques partageaient une vision commune avec les Anglais. « Je n’ai jamais compris pourquoi ils ont choisis le serpent comme emblème pour une maison, vu qu’ils ont l’air de détester tout ce qui s’en rapporte. »

Il scruta un instant Ijoro, qui se laissait paisiblement gratouiller la tête par sa maîtresse.

- Le runespoor, c’est le serpent qui a trois tête, c’est ça ?

Le Tchèque n’était pas un grand connaisseur en la matière ; il ne suivait d’ailleurs pas le cours de soins aux créatures magiques mais il avait le souvenir d’histoires pour enfants qui impliquaient ces créatures polycéphales et ses cours de runes évoquaient le runespoor comme symbole du chiffre 3. L’une de ces têtes était celle qui rêvait : il était assez aisé de faire un lien entre ce venin et les révélations de l’adulte... peut-être trop, d’ailleurs.

Soudain, le visage de l’adolescent s’éclaira, son regard passant du serpent à l’adulte :

- J’imagine que vous n’avez encore jamais eu l’occasion de lui demander comment sa présence impacte vos rêves ?

Elle n’était pas fourchelang, mais lui, si. Il aimait ce sentiment de puissance qui montait en lui ; il avait un atout dont elle ne bénéficiait pas, un savoir unique qui pouvait lui être utile... et il en tirait vanité, sans chercher à le cacher. Après tout, la fierté était l’apanage des serpentards ; ça n’était pas pour rien que le choixpeau avait longuement hésité à l’envoyer dans leur maison.

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Professeur Grant n’était pas vraiment surprise d’entendre que Dmitri n’était pas un petit chouchou du directeur. Le serdaigle était plutôt du genre turbulent du moins quand il ne s’agissait pas de son cours. En effet, le garçon était toujours de bonne volonté en histoire de la magie, ce qui lui changeait de la plupart de ses camarades. « Je pourrais toujours faire la suggestion, mais je crains de ne plus jamais être dans les petits papiers du directeur de la réserve si je lui apporte une horde d’adolescent. » plaisanta-t-elle. Merlin, imaginer un trio maléfique Appleton-Dashner-Van Meissen à proximité d’un runespoor lui donnait des sueurs froides. Leurs trois neurones combinés parviendraient probablement à créer la plus grande catastrophe jamais connue en ces lieux.

La professeur acquiesça en prenant le chemin de son bureau. Les serpents n’étaient pas vraiment les bienvenus à Poudlard, mais dans son cas, un certificat médical avait suffi. «Oui, le règlement est très strict concernant les animaux. Mais on peut faire une demande spéciale pour raison médicale par exemple. » Après tout, Septimus avait bien obtenu d’amener deux lapins, ce qui pouvaient en devenir 25 très rapidement sans le contrôle adéquat.

Une fois arrivée, elle conta son histoire avec Ijoro au jeune homme qui fit preuve de la même concentration qu’en cours. C’était touchant quelque part, cette curiosité. Peut-être que cela se retournerait contre elle à un moment ou un autre, mais elle décida de laisser sa paranoïa galoper au fond de sa poche plutôt qu’au bout de sa langue. Dmitri se défendit d’avoir la même culture que les Anglais, ce qui arracha un sourire à Myrthilde. Décidément, bien des nations ne portaient pas la sienne dans son cœur. « Disons que Salazar Serpentard n’est pas le sorcier le plus aimable de l’histoire de la fondation de Poudlard et que ça n’aide pas à rendre le serpent sympathique. » dit-elle avec une moue. Elle ne ferait pas la leçon au serdaigle, il avait déjà dû lire le chapitre de la fondation une demi douzaine de fois depuis son arrivée à Poudlard. « Je n’ai moi-même aucun attrait pour les basilics. » ajouta-t-elle en plaisantant mais également pour souligner qu’elle ne souscrivait pas à cette vision de l’école qui impliquerait d’éliminer les né-moldus de l’équation.

La conversation revint naturellement vers des animaux plus fréquentables : « Oui, des créatures vraiment fascinantes si vous voulez mon avis. Une tête qui décide du chemin à prendre, l’autre qui rêve, et la troisième qui a une morsure venimeuse, c’est aussi elle qui juge les décisions des deux autres. » Il était d’ailleurs étonnant que le venin ne provienne pas de la tête aux songes. Mais personne ne comprenait vraiment ce qui c’était joué pour Myrthilde, aucun autre cas n’avait été recensé ou décrit. Alors elle restait avec ses questions et ses suppositions.
La jeune femme observa le visage de l’adolescent alors qu’il réalisait ce qu’impliquait son pouvoir. Un certain émerveillement, mâtiné d’une fierté qui le fit grandir sur sa chaise. Avec un certain sarcasme, mais sans moquerie elle répondit : « Oh, lui demander ce n’est pas le problème, mais voyez-vous, nous avons un petit problème de traduction ! » Elle reprit son sérieux : « Mais si vous voulez lui poser la question, je serais bien entendue très curieuse d’entendre la réponse. » Il faudrait être idiote ou particulièrement égotique pour manquer une occasion comme celle-là, et si Myrthilde n’était pas du genre à copiner avec les élèves, elle aimait en revanche obtenir des informations et résoudre les mystères. Surtout lorsqu’ils la concernaient.

Une moue un poil déçue traversa le visage du garçon. Une horde d’adolescent dans une réserve de serpents, ça n’était effectivement pas une idée particulièrement jouasse pour le directeur de ladite réserve. Les dragons, c’était une chose : plus gros, plus effrayant, leur seule présence suffisamment à calmer les plus idiots. Mais les reptiles en étaient une autre : rares étaient ceux qui les comprenaient vraiment, beaucoup nourrissaient à leur égard du dégoût ou de la peur... il n’imaginait pas un seul instant qu’un ignare comme Appleton puisse savoir apprécier la visite sans causer du souci autour de lui.

- Ça ne serait peut-être pas très plaisant pour les serpents, c’est vrai...

N’empêche qu’il était assez déçu. C’eut pourtant été tellement plus intéressant que ce qu’ils avaient réellement pu faire jusqu’à présent en voyages scolaires.

En route vers le bureau de l’adulte, Dmitri se laissa peu à peu séduire par les propos de l’enseignante. Il y avait après tout plusieurs élèves qui disposaient d’animaux de compagnie différents, pour des raisons ou d’autres, pourquoi lui ne pourrait-il pas en demander un aussi, un jour ? Bien entendue, la direction de Poudlard n’était pas l’unique obstacle, mais il pouvait bien se permettre d’y rêver un peu. Ne serait-ce pas formidable d’avoir un reptile capable de le comprendre mieux que n’importe quel autre animal, voire humain ? L’histoire que lui contait le professeur Grant témoignait de ce lien atypique qui éveillait en l’aiglon bien des désirs semblables.

- C’est vrai... concéda-t-il lorsqu’elle évoqua l’histoire de la création des quatre maisons. Comme tout élève de Poudlard, il avait déjà entendu des milliers de fois cette histoire mais il n’en faisait que peu de cas. « C’est un peu encombrant, le basilic, de toute façon » ajouta-t-il, très terre à terre. « Et les plus petits sont plus beaux. »

Plus passionnants également. Il y avait quelque chose d’assez extraordinaire à se dire que certains reptiles à l’aspect si frêle et inoffensifs pouvaient terrasser un sorcier bien portant d’une simple morsure. Le runespoor n’était pas en reste : la description que lui en dressa l’enseignante éveilla chez le Tchèque une curiosité toute particulière. Plus elle en parlait, plus il se sentait le désir d’en voir un, un jour... mais il s’imaginait mal demander à son aïeul de lui en offrir un pour son anniversaire, et encore moins d’aller voir le directeur pour expliquer qu’il voulait ramener dans son dortoir un reptile tricéphale. À défaut de pouvoir assouvir ce désir au moins pouvait-il se rabattre sur le serpent du professeur d’histoire de la magie ; en apparence, il était plus simple, mais ce qu’elle lui avait confié le rendait presque aussi passionnant.

La fierté grandissante à mesure qu’il réalisait ce qu’il pouvait apporter d’unique, le jeune van Aken se sentit soudainement valorisé comme il ne l’avait jamais été que par l’apprentissage de la peinture avec son grand-oncle. Un sourire fendit son visage ; nulle arrière-pensée ne traversa son esprit lorsqu’il posa à nouveau ses iris céruléennes sur l’animal, sinon le plaisir – difficile à cacher – d’être indispensable. Il prit quelques secondes à le contempler, se concentrant pour être sûr de bien parler dans le bon idiome ; mine de rien, ça n’était pas encore toujours très naturel pour lui et il peinait parfois à jongler entre les différentes langues.

- Qu’entendais-tu quand tu disais être le gardien de ses rêves ?

En entendant l’étrange sifflement sortir de la bouche du serdaigle, Ijoro se redressa légèrement, scrutant de ses pupilles noir et jaune l’adolescent.

- Je me nourris de ses rêves, siffla-t-il après un court silence. « Je les garde... précieusement. »

Le Tchèque attendit quelques instants, sentant venir d’autres paroles.

- Ces rêves ne sont pas les siens, mais ceux de mes pairs. Ils sont tous liés entre eux... et elle avec eux. Le reptile eut un mouvement un peu étrange du chef en direction de sa maîtresse. « Tant que je demeure près d’elle, nous sommes liés aussi. »

Le fourchelang releva les yeux vers l’adulte, hésitant. Traduire lui demandait un effort plus important que ce qu’il avait cru : comprendre et parler dans la langue du serpent était une chose mais mettre des mots anglais dessus était tout autre. Fermant les paupières le temps d’effacer l’animal de ses rétines, comme pour mieux se concentrer sur la langue de Shakespeare, il mit quelques secondes à ordonner ses idées.

- Il dit que vous êtes... liés, je dirais ? Liés aux runespoors. Et que lui est lié à vous. Il conserve vos rêves quand il est à vos côtés. Il secoua légèrement le chef. « Pas vos rêves, pardon. Il semble dire que ce sont les rêves des runespoors... je crois ? »

Tout était assez confus ; plus il y réfléchissait, plus il réalisait que les deux idiomes étaient diamétralement différents. La langue des serpents ne fonctionnait pas comme l’anglais, le tchèque ou même le vieux norrois.

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Myrthilde eut un sourire amusé. Les runespoors n’étaient pas des animaux particulièrement agressifs, mais l’une des têtes avaient malgré tout des crochets venimeux, dont il valait mieux se tenir loin. Si les adolescents se montraient désagréables selon leurs critères, personne sur la réserve n’iraient les plaindre de s’être fait croquer. On n’était pas loin de la vénération. Alors autant éviter les drames. Elle se tût un long moment, jugeant la situation et l’air déçu du jeune homme, se demandant si elle devait laisser courir l’idée qui traversait son esprit ou la saisir. Van Aken n’était pas un petit angelot, bien qu’il aime les serpents et l’histoire de la magie. Il pouvait même être une sacrée épine dans le pied de certains de ses collègues. Néanmoins… il était difficile de ne pas encourager une curiosité commune. Avec sérieux, elle finit par lâcher :
« Je peux très certainement vous obtenir une autorisation de visite cette été, si vos parents le souhaitent. Eviter d’alourdir votre dossier scolaire si le Directeur de la réserve me le demande. Et prenez bien note que le règlement là-bas, est bien plus strict. »
S’il faisait n’importe quoi, personne ne pourrait bien pour lui, les animaux étaient sacrés, et la manne économique que le commerce de leurs œufs représentait encore plus. Rien qui pouvait mettre à mal le confort de ces créatures ne serait toléré. Et Myrthilde se ferait taper sur les doigts d’avoir introduit un perturbateur.

La jeune femme n’avait pas vraiment d’avis sur la beauté des serpents, elle avait une préférence pour ceux de couleur rouge ou ocre, mais le lien qui l’unissait à Ijoro était au-delà de tout autre aspect. Il y avait des espèces plus belles, plus majestueuses, mais c’était lui son compagnon. Et il présentait l’immense avantage de n’être dangereux pour personne dans cette école. Elle était bien plus curieuse de ce que le dit compagnon pouvait penser. C’était la beauté de la magie, de se dire que quelqu’un pouvait réellement l’entendre ou le comprendre.

C’était peut être un peu déplacé d’avoir cette conversation avec un élève, mais Myrthilde se laissa aller toute entière à la curiosité. Elle laissa Dmitri parler à son serpent, dans cette langue si étrange dont elle ne comprenait pas un son. Visiblement, Ijoro lui savait quoi en faire, puisqu’il se redressait, son attention portée sur le jeune serdaigle.

Le compte rendu de Dmitri lui était précieux, un frisson d’excitation parcouru son échine. Alors ainsi, le seul lien n’était pas la morsure et un sommeil déplorable, mais une vraie connexion ? Quand elle raconterait ça à la réserve…A moins qu’il ne vaille mieux éviter…Mais si Dmitri acceptait l’invitation, peut être que la conversation pourrait avoir lieu avec les runespoors eux-même ? Comprendre ce dont il s’agissait. « Ce ne serait donc pas… des effets secondaires du venin. Mais une réelle connexion. C’est incroyable mais…cela aurait presque du sens. Je ne comprends rien à ce que je vois quand je rêve, mais cela aurait du sens pour eux. » C’était véritablement passionnant ! « Alors, quand Ijoro est là, il peut avoir les rêves des runespoors à ma place ? » Machinalement, elle laissa courir ses doigts le long des anneaux du serpent, dans une légère pression. Pour le remercier. « C’est très aimable de sa part. » dit-elle avec le sourire légèrement gâteux des propriétaires d’animaux. Néanmoins, elle se demandait ce qu’il avait réellement à y gagner. « Je vous remercie pour vos éclaircissements, c’est…très instructif et soulève autant de questions que ça n’apporte de réponse. » dit-elle en riant.

La déception peinte sur le visage, Dmitri laissa la perspective de visiter un jour une réserve de runespoor s’envoler au loin, partie aussi vite qu’elle était arrivée dans son esprit, mais cette idée fut finalement saisie au vol par l’enseignante, la forçant à revenir au sol avec une proposition qui chassa la désillusion pour colorer à nouveau son regard d’une excitation enfantine.

- C’est vrai ? Ce serait super ! s’excita-t-il, chassant la question de son dossier scolaire avec dédain pour se concentrer sur ce qui l’arrangeait le plus : « Je serais irréprochable dans la réserve, je vous en fais la promesse ! »

Quand il y trouvait un intérêt, il pouvait être aussi sage qu’une image moldue. Quant à ses parents... eh bien s’il pouvait douter de l’autorisation pour certaines requêtes, celle-ci ne l’inquiétait guère. Ils n’avaient pas vraiment de raison de lui refuser de découvrir une réserve de serpents et il pourrait toujours demander à son grand-père maternel de plaider en sa faveur : il était toujours favorable à ce qui touchait aux fourchelangs.

Ragaillardi par la proposition du professeur Grant, le Tchèque porta toute son attention sur le reptile qui accompagnait la femme. Converser avec lui dans sa langue était à la fois si simple et si complexe : son esprit lui traduisait naturellement chaque sifflement, presque comme s’il lui parlait dans le dialecte slave de son enfance, mais parler lui demandait de se concentrer sur l’animal ; plus encore, la traduction n’était pas aisée, tant il n’était pas habitué à le faire. Les efforts payaient toutefois et malgré quelques hésitations, il releva un regard vers l’enseignante empreint d’une certaine fierté sitôt les explications transmises.

- Le venin vous fait partager le rêve des runespoors... confirma-t-il mettant des mots plus précis et assuré sur ce qu’il avait compris des propos sifflés d’Ijoro.

Dmitri laissa quelques instants la question de l’historienne sans réponse, reportant ses iris sur le reptile pour lui transmettre ses paroles.

- Tu vois les rêves des runespoors à sa place ?

Le serpent eut un léger mouvement qui pourrait presque paraître pour un hochement du chef avant de lui répondre par l’affirmative :

- Tant que je suis à côté d’elle... oui. Mais ils ne me sont pas accessibles pour autant. Je ne suis pas comme eux.

L’aiglon inclina légèrement la tête sur le côté en l’écoutant puis reprit à l’adresse de l’adulte, non sans siffler ses premiers mots en fourchelang par erreur.

- C’est ç... Il secoua le chef comme pour chasser le dialecte d’Ijoro de ses pensées. « Pardon. Oui, tant qu’il est à côté de vous, il rêve à votre place mais il ne comprend pas pour autant ce qu’il rêve. »

En guise de remerciement, Ijoro eut le droit à une caresse qui sembla le satisfaire tandis que les deux humains reprenaient le cours de la discussion comme si l’un d’eux n’avait jamais conversé avec un animal.

- Avec plaisir, répondit-il en haussant des épaules. « Ça n’est pas tous les jours que j’ai l’occasion de parler avec un serpent. »

Ça n’était pas une expérience déplaisante, ce qui renforçait son désir de mettre les pieds dans une réserve de runespoor : ce devait être si fascinant que d’être entouré d’autant de ces créatures reptiliennes magiques. Si seulement Alexander n’était pas en convalescence, il aurait sûrement accouru auprès de lui pour lui conter les évènements.

À SAVOIR Arrivé(e) le : 19/06/2022 Parchemins rédigés : 221 Points : 2

Si le jeune van Aken s’imaginait s’en sortir par une telle pirouette, c’était mal connaître son enseignante. Elle n’était pas du genre à se contenter d’approximation. « Ça, je n’en doute pas un instant. Mais il faudra l’être aussi pour accéder à la réserve. Je ne me porterai pas garante de votre présence sans engagement de votre part. » Il n’était pas question d’un petit tour par la porte réservée au touriste, mais de vivre quelques jours au rythme de la famille de l’enseignante, sa tante, sa mère, des gens pour qui elle avait la plus haute estime travaillait là. Myrthilde ne présenterait pas un sauvageon bon à nourrir les crocodiles. Ce serait la honte. Soit Dmitri faisait un effort sur son comportement au château, soit il attendrait d’avoir la maturité nécessaire pour arpenter la réserve qui avait quelque chose de sacré pour bien des sorciers d’Afrique. Autant mettre les choses au clair tout de suite.

Néanmoins, elle laisserait le temps à l’idée de cheminée dans la jeune caboche du serdaigle, se concentrant à présent sur une activité plus plaisante et accessible à ses envies de turbulences. Discuter avec Ijoro. La scène était fascinante, il aurait fallu qu’elle puisse en faire une peinture. Il y avait de la beauté dans cet échange à n’en pas douter. Elle n’y comprenait rien, tant que le garçon ne faisait pas la traduction, mais elle voyait la danse de son serpent, entendait les inflexions de la voix, tant de choses à étudier sur l’art de converser entre espèce. Elle sourit en entendant Dmitri fourcher, c’était le cas de le dire, sur les premiers mots en anglais… « C’est le risque quand on parle plusieurs langues, si ukuri ? *» poursuivit-elle en kirundi…Après tout, l’anglais, le tchèque et le fourchelang, c’était plus que nombre de sorciers anglophones. « Je vois, lui et moi rencontrons donc le même problème. » dit-elle avec un sourire amusé. « J’espère que ça ne le fatigue pas trop. » Il était libre de dormir toute la journée, aussi elle doutait qu’il pâtisse réellement de ce petit changement de rythme, mais si c’était le cas, elle pourrait sûrement se passer de sa présence quelques nuits par semaine.

Avec chaleur, la jeune femme encouragea son élève : « Vous êtes le bienvenu quand vous en avez envie. Ce n’est pas désagréable à écouter, cela ne m’empêchera pas de travailler pendant que vous discutez. » Car même s’il était passionnant d’observer ces deux-là, Myrthilde restait une travailleuse acharnée, et ne pouvait pas vraiment se permettre de se laisser distraire à chaque bavardage.

* pas vrai?

L’esquive de Dmitri était presque parfaite mais l’enseignante ne se laissa pas le moins du monde duper par cette tentative et précisa une nouvelle fois sa condition, ne laissant plus aucune échappée pour le Tchèque. Pour un garçon qui se savait turbulent et dont le caractère fougueux le portait facilement à aller au-devant de problèmes, une telle promesse ressemblait autant à quelque chose de désagréable qu’à une parole lancée en l’air pour l’unique satisfaction de celle qui l’écoutait. Pris au pied du mur, et un peu malgré lui, il opina du chef.

- Je vais faire un effort.

C’était déjà un bon début, non ? Il n’avait pas la prétention d’affirmer plus, conscient que de toute façon, on ne le croirait sûrement pas ; mieux valait ne jamais trop s’engager sur l’avenir pour ne pas être pris en porte-à-faux. Pour le bien de la proposition de l’adulte, sans aucun doute pouvait-il faire quelques efforts... et de toute façon, s’il ne se faisait pas prendre, son dossier restait intact !

Happé par la discussion avec Ijoro, l’aiglon en oublia bien vite la question de la discipline ; le serpent avait un pouvoir presque hypnotique sur le garçon dont les iris ne le quittaient que rarement, lorsqu’il devait traduire les mots sifflés à la maîtresse de l’animal. Outre la pure considération de politesse, qui imposait de regarder son interlocuteur, il était tout simplement incapable d’alterner entre anglais et fourchelang s’il se focalisait trop sur le reptile. Et même ainsi, il avait parfois quelques ratés qui trahissaient son manque d’expérience. Il n’avait pas pour habiter de jouer les interprètes, après tout. Grant lui accorda un sourire, terminant sa tirade de quelques mots dans un dialecte qui lui était inconnu mais pour lequel il pouvait aisément comprendre l’idée générale.

- J’imagine... mais je trouve que c’est un peu différent avec le fourchelang. Ça n’est pas comme passer de l’anglais au tchèque, expliqua-t-il, quoiqu’incapable de réellement exprimer plus clairement ce qu’il trouvait de si inhabituel. Il s’agissait avec tout d’un sentiment latent et difficilement qualifiable.

À nouveau, l’adolescent se tourna vers Ijoro pour lui traduire l’ultime question de l’enseignante en un sifflement un peu plus bref que les précédents. Sa réponse pouvait se priver d’une quelconque interprétation du fourchelang, le serpent se contentant de se tourner vers sa maîtresse, l’air de secouer du chef avant de se glisser sous sa main. Si tant était que c’était fatiguant pour lui, il ne l’exprimait guère... ou trouvait au moins assez de temps pour récupérer pendant les cours de la femme.

Le moment venu de prendre congé de ce bien étrange duo, l’adulte lui laissa la possibilité de revenir converser avec le reptile. La proposition était attentionnée de sa part, peut-être intéressée, aussi l’aiglon opina du chef en répondant :

- Merci, j’y penserais.

En réalité, il n’était pas encore tout à fait certain de trop oser, quand bien même était-elle la membre du personnel avec lequel il avait le moins de mal à parler, appréciant autant ses cours que sa personnalité paisible et peut-être moins professorale. Il était un garçon très pudique et qui n’aimait pas dépendre de la générosité d’un adulte... d’un autre côté, s’il comptait aller dans la réserve dont elle lui avait parlé, sans doute mieux valait-il prendre un peu sur lui pour se rappeler à son bon souvenir au moment voulu. Sifflant un dernier remerciement au serpent pour cette étrange discussion, il se leva de son fauteuil.

- Bonne journée, professeur.

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