Dire que ma vie est un enfer serait un doux euphémisme. Sans exagération, cela fait dix-neuf ans que je tente de retrouver le droit chemin. Mon identité de Mangemort - du moins ex-Mangemort – n’est plus un secret pour personne. Même si j’ai fuis la bataille finale et ainsi que j’ai refusé de voir mon ennemi de toujours mourir entre les bras du plus grand des monstres qu’il ait été donné de voir dans la communauté magique, cette marque, ce sceau des ténèbres, restera à jamais gravé sur mon avant-bras gauche. En fait, la vérité c’est que je ne détestais pas tant Harry Potter que cela. Je le jalousais, c’est tout. Il n’avait rien, j’avais tout. Matériellement parlant, bien sûr. Mais humainement… Il avait tout ce que j’ai toujours rêvé d’avoir : la renommée. L’admiration. L’adoration… Moi, qu’est-ce que j’avais de tout cela, hein ? Alors j’ai joué à l’imbécile, je m’en rends compte aujourd’hui. J’ai tout fait pour pouvoir le surpasser, et ce dans toutes les matières. Et puis Père m’a un jour d’été 1996 pris entre quatre yeux pour me dire qu’il était temps que j’obéisse aux lois et aux ordres du plus grand des sorciers qu’Albus Dumbledore n’y ce Potter ne seront jamais : Lord Voldemort. Ils ont fait de moi un Mangemort, et aujourd’hui je peine à recouvrer une identité et une réputation qui soient saines et non plus ternies par mes actes passés. J’ai quarante-quatre ans déjà, et fortune familiale oblige, j’ai heureusement eu de quoi me retourner car je suis resté longtemps sans travail. Merlin sait que j’aurais aimé enseigner à Poudlard, seul endroit au monde où je me sentais à ma place, et à vrai dire je ne sais même pas dans quelle matière, mais peu importe. Le problème est qu’avec mon passé et ce qu’il se passe à l’heure actuelle, je suis encore un paria. On me soupçonne allègrement de comploter sous le joug de Menesis Blackman. Ce qui est entièrement faux, mais comment le prouver ? Ma réputation est salie, mais je tente de protéger la dernière personne que j’ai sur cette Terre : mon fils, Scorpius. J’étais éperdument amoureux de sa mère, Astoria, mais elle est décédée il y a quelques années, me laissant seul avec ce grand adolescent que je tente de protéger de tout mon être. Et aujourd’hui, les choses sont bien trop complexes pour que je puisse prétendre à séduire à nouveau. En fait, la vérité c’est que moi qui en avait tant, je n’ai aujourd’hui plus confiance en moi-même. Et encore… Non, c’est un mensonge : je n’ai jamais eu absolument confiance en moi. En fait, je voulais être comme le « saint Potter », mais je ne lui arrivais pas à la cheville. Moi, j’étais simplement un gamin au sang aussi pur que l’on puisse le rêver, et à la réputation familiale qui s’étend dans le monde des sorciers. Qui ignorait après tout qui était la famille Malefoy ? Non, personne. Mais hormis cela, je n’étais rien. J’étais très intelligent, certes, mais à quoi bon être un cerveau quand une moldue du nom de Granger passe son temps à vous ramener plus bas que terre ? Oui, j’ai encore du mal à accepter les moldus dans notre univers, mais « je me soigne », dira-t-on. J’essaie de les accepter, et j’y arrive, même si parfois en voir autant me donne la nausée. En fait, j’ai peur qu’ils n’étouffent la suprématie des sang-purs. Idée peut-être un tant soit peu stupide, mais c’est ce que je ressens. Néanmoins je les supporte, je leur parle, même, et ce même si je sens bien qu’ils ont peur de moi. Et voilà enfin trois ans que je travaille en tant que professeur d’Histoire de la Magie. Ce travail me passionne, et avec lui cette sensation jubilatoire d’être craint et respecté à la fois. Bien sûr, je ne suis pas idiot : je sais que l’appréhension de mes élèves résulte de mon passé dans le côté obscur, mais j’ai d’un autre côté ce que je voulais : des regards qui se posent sur moi et un certain statut que je n’échangerai pour rien au monde.

Je viens d’une longue lignée qui n’est inconnue à aucun sorcier digne de ce nom. Concernant les Moldus présentant des pouvoirs magiques, ils vont vite apprendre qui je suis, c’est certain. Je suis fier de mes racines, et notamment de la plus proche que sont mes parents : Lucius et Narcissa Malefoy. Comme tous les Sangs Purs, ils ont été enrôlés par le Seigneur des Ténèbres, mais comment leur en vouloir ? Le chantage qui pesait sur nos têtes nous avait forcés à tous les trois à rejoindre ses rangs. Ainsi, mon père a voulu que je devienne également un Mangemort, au prix de nos vies à tous les trois si je refusais et/ou échouais dans la mission qui m’incombait, à savoir celle de faire rentrer ses sbires dans l’enceinte de l’école.
Aujourd’hui, j’ai perdu mon père et ma mère. Mais je ne me retrouve pas seul, en tant qu’héritier d’une famille de si grande renommée. En effet, il y a mon fils Scorpius, mon joyaux, la chair de ma chair, le sang de mon sang. Astoria, sa mère, est morte il y a quelques années à présent, et je suis certaine que de là où elle le regarde à présent, elle est aussi fière de lui que je le suis. Et même si je suis actuellement et toujours célibataire, et c’est inutile de vous préciser combien cela me pèse. Je donnerais cher pour avoir une femme et un ou une héritière. Serait-ce trop demandé ? Je l’ignore. Je croise simplement les doigts pour ne pas finir tel un vieil homme rabougri que la vie n’a décidément pas gâté. Et je suis prêt à faire des efforts pour plaire, c’est certain. Mais qui serait sensible à ce que je suis, sachant qui je suis ?

Le silence se fit aussitôt dans la Grande Salle lorsque Neville Londubat évoqua mon nom et le poste que j’occupais dès à présent dans Poudlard. Professeur d’Histoire de la Magie, ça sonne bien, non ? Oui, mais personne n’ignorait qui j’étais, à part ces fout… ces Moldus qui ne savaient encore rien sur les détails de mon implication dans la Grande Guerre opposant Lord Voldemort et ses sbires auxquels j’appartenais, et les autres sorciers au sang impur, ou qui n’avaient pas désirés rejoindre ce monstre. A présent, c’était donc officiel : le monde sorcier m’avait pardonné, même si les cicatrices laissées derrière ne s’étaient pas encore refermées. Alors doucement des murmures s’élevèrent, et tous ces yeux braqués sur moi évitèrent soigneusement mon regard lorsque je les posais sur eux. Moi qui avais toujours désiré être crains, voilà qui semblait être chose faite. Et est-ce que c’était agréable ? A vrai dire, pas réellement. Je voulais que l’on me respecte, mais pas à cause de ce que j’avais pu faire de mal. Juste pour ce que j’étais, rien de plus, mais rien de moins non plus.
Le banquet se termina une bonne heure plus tard, et commença la visite du château par les préfets. Je rejoignais quant à moi mes appartements, hâtif de commencer les cours dès le lendemain matin avec les Cinquième Année. Je m’endormis non sans mal, comme toujours depuis ma naissance car j’étais bien trop cérébral pour pouvoir cesser de cogiter dès que j’en ai besoin. Après une courte nuit de sommeil et un réveil relativement douloureux, je me lavais et me préparais avec soin avant de traverser les couloirs de mon école tant aimée, et de rejoindre la Grande Salle pour le petit déjeuner. Lorsque celui-ci fut pris, je pris la direction du premier étage m’arrêta devant le célèbre tableau qui avait mené l’ancien Professeur Binns à sa classe. Je réajustai le nœud de ma cravate, lissai le pan de ma veste de costume pour être parfaitement impeccable en apparence, et toussotai légèrement. J’étais prêt, et de toute mon apparente froideur glaciale naturelle je laissais le tableau s’écarter pour pénétrer dans la salle de cours. Le silence s’installa aussitôt. Et c’était… aussi agréable que gênant. Depuis que ma confiance en moi s’était littéralement dissipée après l’attaque des Mangemorts et que j’ai été traité en paria durant de nombreuses années et encore aujourd’hui par certains, j’essayais d’en imposer par mon allure et ma prestance naturelle.

« Il ne me semble pas vous avoir encore dit de vous assoir. » Leur dis-je d’un ton aussi calme que sévère.

Des regards s’échangèrent et aussitôt tous les élèves m’obéirent. Mon regard gris comme l’acier se posa sur chacun d’entre eux, et je déclarai au bout de quelques secondes faites d’un silence mortuaire :

« Faites. Asseyez-vous. »

Je pouvais ressentir la crainte palpable qui flottait dans la pièce, et au moins, me disais-je, je n’aurai ainsi aucun mal à me faire respecter. Et à présent, il s’agissait de donner les bases :

« Pour le bon fonctionnement de ce cours, il va de soi que les règles que je vais vous présenter seront à respecter sous peine répressions sévères. Vous vous installerez en silence chaque matin à votre place respective, et vous lèverez dès lors que vous me verrez apparaître. Je ne veux aucune intervention spontanée. Vous ne parlerez en effet que lorsque je vous en aurez donné la permission. Il se peut également que des devoirs surprise vous attendent. Ainsi, mon cours devra être soigneusement appris quotidiennement si vous souhaitez avoir une moyenne dont vous n’aurez pas honte. Des questions ? »

A nouveau, mon regard sévère et mon visage n’affichant, lui, aucune émotion, balayèrent la salle.

« Aucune ? Bien, nous pouvons commencer. Ouvrez votre grimoire page vingt-six. »