When Czech Republic meets Scotland —  @Dmitri D. van Aken

Manoir MacMillan
Décembre 2029. Durant les vacances d’hiver.

Une énième soirée. Soupir — Lassitude éternelle d’un paraître à afficher à toute épreuve. Ce soir-là, elle se retrouvait seule, sans son fidèle acolyte. Azraël était parvenu à déserter la demeure pour l’abandonner à ce repas. Qui allait pouvoir la sauver de son ennui et du masque qui la consumerait une fois de plus ? Elle le détestait tout en l’enviant à la fois. Si elle avait pu, Isadora aurait fait de même. Soucis étant, elle n’était pas son frère, elle n’était pas capable, elle s’appliquait à rentrer dans un moule qui commençait à devenir trop étroit pour elle. Le regard vague, perdu dans un tourbillon de pensée, elle s’observait depuis un instant à travers le miroir qui trônait au-dessus de son lit, caprice d’enfant qu’on lui avait cédé. Elle ne se souvenait même plus de la raison qui l’avait poussé à le demander. Au fond, c’était sans importance, comme cette soirée qui s’annonçait déjà interminable. Elle avait déjà mal aux joues à l’idée de sourire.
Un elfe de maison l’alerta de l’arrivée des convives du soir : la famille Van Aken. Isadora était familière de ce nom dû à son feu professeur de potion, et parce que son père avait veillé à ce qu’elle sache exactement qui était les Van Aken. Illustre famille de sang-pur, réputé, tout ce que son père et son grand-père, adorait collectionner. Dégoût. Pourtant, ce soir, malgré la haine qu’elle pouvait éprouver pour son père, elle allait veiller à ne pas le faire rougir de honte. Elle serait une fois de plus irréprochable jouant comme toutes les personnes qui se baignaient dans cet environnement de fausseté. Modelée aux attentes de sa famille, Isadora avait conscience des cartes à jouer, car si sa haine était importante, sa peur elle envers son père, surplombait le courage de la griffonne. Enfant, tout cela n’était qu’un jeu pour elle, et petit à petit, elle s’était retrouvée prisonnière sans savoir ce qui finirait par lui arriver. Elle était loin d’être idiote, mais sa tête veillait à ce qu’elle reste dans son déni. Elle quitta sa tour, pour rejoindre le salon ou ses parents devaient déjà l’attendre. Ce soir, il n’y avait pas ses frères alors la voie était libre pour éviter le moindre travers. Bien qu’Ozwald était loin de faire tache sur le tableau familial. Azraël, c’était une autre histoire. Elle ferma ses yeux un moment en laissant un soupir s’échapper d’entre ses lèvres alors que ses frêles épaules s’abaissaient. La soirée risquait d’être longue et elle se permettait d’être encore loin de la vue de quiconque pour laisser l’émotion glisser sur son visage. Après, elle n’aurait pu le droit à l’erreur.

Isadora poussa la porte du salon pour rejoindre ses parents. Winnifred et Hector MacMillan. Ils étaient parfaitement vêtus pour ne pas faire honte à leur nom, au fond, c’était écoeurant de vouloir toujours paraître pour plaire. Isadora se contenta de leur adresser un sourire, s’adoucissant quand son regard croisa celui de sa mère. Cette dernière replaça une mèche de cheveux de la jeune sorcière alors qu’elle observait la tenue de sa progéniture. Isadora avait fait l’effort de porter une robe, avec un maquillage discret, venant contraster avec le noir souvent autour de ses yeux à Poudlard. Ici, elle ne pouvait pas, tout était bien trop différent.

La famille Van Aken arriva quelques instants plus tard, accompagnée d’un elfe de maison de la famille MacMillan. Isadora se tenait en retrait, derrière ses parents et scrutant de ses yeux bleus chaque membre de cette famille qu’elle ne connaissait que vaguement. S’il s’était déjà croisé à d’anciennes soirées mondaines, Isadora n’avait pas fait attention, toujours à traîner derrière son aîné habituellement. « Soyez les bienvenues, le trajet fut ? Je sais que la météo annonce de la neige pour cette fin de soirée. » Isadora n’écoutait déjà plus les politesses que son père venait lancer à l’égard des Van Aken. Sa voix venait effectuer un brouhaha incessant qui passa au second plan dans sa tête. Isadora se contenta de sourire poliment pour ne pas faire honte à ses parents. « Et je vous présente ma fille, Isadora. Elle étudie tout comme votre fils à Poudlard. » Elle s’avança quand Hector la présenta venant laisser entendre sa voix pour la première fois de cette soirée. « Enchantée de vous rencontrer » Et la discussion se poursuivit, et très rapidement elle s’effaça de nouveau. Elle réagissait uniquement au moment opportun. Disons que lorsque les salutations avaient dévié sur les mots "ministère de la magie", ça en était terminé pour elle. À la place, elle laissa son regard s’attarder un instant sur le jeune homme qui les accompagnait. Isadora n’était pas au courant que leur fils serait présent ce soir-là. Le visage ne lui était pas totalement inconnu. Après tout Poudlard, n’était pas si grand et bien qu’elle n’avait jamais pris la peine de discuter avec le jeune homme elle n’ignorait pas totalement qui il était. Les adultes s’éloignèrent pour prendre place autour de la table du salon qui avait été soigneusement décoré pour l’occasion. « Dmitri, c’est bien ça ? » Avait-elle demandé, peut-être n’avait il aucune idée de qui elle était. La réponse lui importait peu, à cet instant, ils se retrouvaient à devoir supporter ensemble cette soirée. À moins que ce dernier apprécie ce type d’ambiance ou l’importance du sang était la discussion principale. C’était quitte ou double cette soirée, soit elle parvenait à sympathiser avec Dmitri et son calvaire finirait par passer bien plus rapidement, soit la soirée allait la tuer à petit feu. Elle garda pour elle le soupir qui menaçait de s’échapper de ses lèvres.

When Czech Republic meets Scotland —  @Dmitri D. van Aken

Mascarade de la soirée, les rires des adultes en fond sonore. Tout sonnait faux à ses oreilles et pourtant, ils semblaient se complaire dans cette exagération grotesque. Les masques fièrement dressés sur leur visage, ne voyaient-ils pas la vérité ? Isadora, s’était souvent posé la question durant de nombreux banquets organisés pour entretenir les relations entre sang-purs. Pourquoi se forçaient-ils tous à entretenir des relations purement stratégiques ? Au fond, elle le savait. Dégoût d’une Gryffondor qui pourtant, tout comme ces adultes, passaient son temps à prétendre et mentir sans vergogne. Toutefois, les raisons n’étaient pas les mêmes. Elle roula des yeux, discrètement, en entendant son père prononcer le mot « Sang-de-bourbe », en évoquant un collègue de bureau. Discrète, car elle savait ce qui risquait de lui arriver si ce dernier la surprenait et sa mère en subirait sûrement le prix. Elle refusait. Isadora n’avait jamais prononcé clairement son opinion sur le sujet de la classe des sangs, ignorant les questions, les déviants, par manque d’intérêt. C’est sans doute ce qui lui avait valu cette réputation qui lui collait à la peau. Pour beaucoup, Isadora était une petite sang-pur, égocentrique, qui prônait les idéaux archaïques de sa famille. S’ils savaient à quel point la réalité était tout autre. S’ils savaient à quel point, elle mentait. L’origine du sang la laissait bien indifférente. Ce n’était qu’un prétexte, tout comme cette haine pour les moldus. Secret bien gardé au fond d’elle pour diverses raisons personnelles.

L'ennui commençait déjà à venir s'insinuer en elle. Elle n'avait aucune envie d'être ici, ce qui l'amusait autrefois n'avait plus le même goût. Sans doute parce que le chemin qu'elle empruntait inconsciemment la rapprochait de sa lignée, là où son frère avait su s'en éloigner. Au fond, elle l'avait fait pour ce dernier. Petite préférée, cela pouvait se voir quand son père posait son regard sur elle. Isadora brillait comme un bijou précieux pour cet homme, l'espoir d'une réussite, l'espoir d'une alliance. Pourtant, il ne l'aimait pas, ce n'était pas de l'amour qui se dégageait de ses yeux, mais un intérêt personnel. "Sois parfaite", lui avait-il si souvent répété enfant. Elle l'avait fait, naïve enfant, elle avait recherché autrefois l'amour de son père, mais c'était du passé. Quant à sa mère, elle l'aimait sincèrement, parfois quand elle l'observait, son regard se voilait d'une pointe de tristesse, consciente de ce qui l'attendait. Elle avait su la mettre en garde face à l'échéance qui la guettait. L'horloge tournait, fatalement. Et si Isadora restait désormais dans les rangs, ce n'était pas par plaisir, mais pour épargner à son frère cette vie qui ne lui ressemblait pas. Parce qu'aux yeux de la jeune fille, Azraël méritait bien mieux que cette famille qui ne savait l'apprécier à sa juste valeur. Elle surestimait peut-être ce grand frère qui l'avait lâchement abandonnée ce soir, mais elle l'estimait bien plus que le reste du clan MacMillan. — Il avait peut-être les yeux de leur père, mais le reste n'était en rien semblable. Et pour lui, elle était prête à tout. Vraiment tout.

Elle opina de la tête lorsque Dmitri répéta son prénom, énoncé un peu plus tôt par son paternel. À défaut, il semblait avoir une bonne écoute. Elle nota aussi l’accent qui venait rouler contre ses tympans, une douce petite mélodie, presque mignonne. Elle décida pourtant de ne faire aucune remarque à ce sujet, ça lui paraissait déplacé. Pourtant, elle espérait qu’il ne le perde jamais. « C’est exact, oui. » Elle lança un regard en direction des adultes qui, à première vue, ne semblaient pas pressés de les voir les rejoindre. Sentiment partagé par la jeune sorcière qui, tout comme eux, n'était pas pressée ; à vrai dire, elle n’avait pas du tout envie, mais n’était-ce pas ce qu’elle allait devoir faire ? Pour le moment, elle préférait perdre du temps avec le jeune homme. « Pas officiellement, je t’ai déjà vu lors d’un match de Quidditch opposant Serdaigle à Gryffondor. » Information futile, qui venait suivre la lancée de la conversation. Il ne devait pas se soucier de cette indication. Elle essaya de le jauger, prenant le temps d’étudier sa posture pour y trouver une brèche. S’il était le fils parfait, pro-sang-pur, la soirée risquait de l’ennuyer. Et pour l’instant, elle restait indécise, incapable de placer Dmitri dans une catégorie ou l’autre. Elle finirait par trouver et pour réussir, elle comptait bien user de ses mots. Les choisissant soigneusement au milieu de cette échange de politesse, sans grand intérêt. Comme toujours, c’était son frère qui venait subir, mais étant absent, il était le pion parfait à utiliser. « Sixième année, tout comme mon frère qui est parvenu à s’échapper ce soir. » Elle tenta une première ouverture, c’était assez léger. Toutefois, en fonction des réactions du jeune tchèque, beaucoup de choses pouvaient changer dans son comportement. Elle pourrait même trouver une excuse pour que l’ennui ne vienne pas officiellement les tuer. « Et toi ? Quatrième ou peut-être cinquième année, non ? » Elle fronça un de ses sourcils, soucieuse de deviner l’année du jeune garçon, plus pour tuer un peu l’ennui qui restait menaçant. Il n’était pas très grand, mais la taille chez les garçons ne voulait rien dire pendant l’adolescence.

When Czech Republic meets Scotland —  @Dmitri D. van Aken

Le cours de la soirée pouvait basculer d'un instant à l'autre, pourvu qu'ils soient sur la même longueur d'onde. Des secrets partageables auraient pu éclaircir les ombres qui les entouraient. Isadora avançait avec une prudence infime, distillant quelques mots soigneusement choisis, scrutant les réactions de son cadet. Elle n'était pas assez naïve pour exposer ouvertement une représentation honteuse à ses parents. Si elle se souciait peu de l'opinion des Van Aken, la colère de son paternelle lui inspirait une crainte légitime. Ayant déjà été témoin de sa fureur, même si jamais il n'avait levé la main sur elle, elle refusait catégoriquement de voir quelqu'un subir à cause d'elle. Au-delà des apparences, elle n’était pas mauvaise, c’était juste le masque qu’elle prenait soin d'aborder lorsqu’elle passait les portes de Poudlard, tout comme elle n’était pas non plus une enfant modèle. Elle se contentait juste de jouer des apparences au point où parfois elle-même venait s’y perdre. Elle avait grandi au sein d'une famille archaïque, où la place de la femme était définie par des limites strictes. Isadora avait pourtant été chanceuse d’avoir la faveur d’être la petite dernière et la favorite de son père et grand-père. Les raisons n’étaient pas très flatteuses, mais enfant, ça lui avait permis d’obtenir tout ce dont elle désirait et désormais, ça lui permettait de protéger Azraël. Ozwald, lui, n’avait pas besoin de sa sœur tant il rentrait dans les mœurs de la famille. Condamnée à briller en société, elle n'était perçue que comme un pion destiné à une future alliance, une réalité à laquelle elle commençait petit à petit, à être confrontée. Les sous-entendus de sa mère l'avaient mise en garde dès l'arrivée du Poudlard Express à la gare de King’s Cross. Il ne restait plus qu'à attendre le jour fatidique où elle découvrirait la vérité amère de son destin déjà tracé. Et ce jour approchait. Cependant, là où on lui avait enseigné à demeurer dans l'ombre, à briller sans trop s'exprimer, son frère avait su déjouer une partie des règles tacites. Isadora pouvait sembler être une jeune fille modèle, elle n’en demeurait pas moins qu’une façade, contrairement à Azraël qui se fichait bien de rentrer dans les cases.

Si Azraël avait été présent, la situation aurait été bien plus simple ; il aurait simplement souri et aurait extirpé la vérité de Dmitri. Il n'aurait pas hésité à exprimer son désaccord avec leurs parents, quelles qu'en soient les conséquences, au détriment de sa sœur. Jamais elle ne lui aurait reproché cela, car c’était lui. Alors elle veillait à limiter les problèmes que ce dernier semblait attirer comme un aimant. C’était ainsi que fonctionnait leur petit duo. Mais ce soir, alors qu'il s'était échappé, c'était à son tour de trouver une solution. L'image de la petite fille de sang pur la satisfaisait à Poudlard ; on l'évitait, mais en présence d'une autre progéniture, Isadora se montrait plus encline à montrer un autre visage. Elle appréciait de creuser plus en profondeur. Les repas étaient souvent monotones pour les mêmes raisons. Les sujets abordés étaient rarement nouveaux, sauf lorsqu'une famille tombait en disgrâce et devenait le nouveau sujet de critique. Alors, elle avançait à pas feutrés pour sonder le jeune homme sur la soirée à venir. Puis, sa curiosité désirait être rassasiée sur la façon de penser du jeune homme.

La flatterie semblait avoir un effet et, en son for intérieur, elle se réjouissait d'une satisfaction que son visage dissimulait. En quatrième année, il avait deux ans de moins qu'elle, et bien qu'ils n'aient probablement pas beaucoup de sujets en commun en raison de cette différence, Isadora lui laissait le bénéfice du doute. Après tout, il avait dû subir tout comme elle une éducation qui se voulait parfaite aux yeux de ses parents. Elle se contenta d’un hochement de menton, satisfaite aussi d’avoir deviné son année. Après tout, vu sa taille, il aurait pu être en troisième année, et cela ne l’aurait pas totalement étonnée.

« C'est exact, oui », murmura-t-elle, se retenant de marmonner bien que l’envie était présente. Parfois, elle se demandait si son amour envers son frère était mérité par ce dernier. Les pensées négatives qu'elle nourrissait à son égard étaient nombreuses et pourtant fausses, car au fond, elle était prête à tout pour lui. Toujours en douceur, elle marchait sur des œufs, ne voulant pas trop brusquer la brèche qu’elle commençait à entr'apercevoir dans les réactions du jeune garçon. « J’en ai un second, que tu n’as pas dû connaître », avait-elle dit, pensive, avant de demander poliment : « Tu es rentré de ta première année à Poudlard ? » Politesse d’un intérêt pourtant sincère qui lui était rare. Si Ozwald avait été présent, cette soirée, aurait été différente, contrairement à Azraël, il veillait à satisfaire leurs parents sans le moindre scrupule. Isadora avait récemment pris conscience qu’il serait capable du pire si elle commettait elle-même le moindre travers. Elle pinça ses lèvres.

Un sourire de la part de l’aiglon et une étincelle s’illumina au fin fond de ses pupilles. Était-il assez fourbe pour se jouer d’elle ? Isadora ne pouvait s’empêcher d’être méfiante un instant, alors qu'une goutte d’espoir venait se battre en duel contre son ennui. Dmitri semblait pencher du bon côté de la balance. Elle espérait ne pas se tromper et trouver un allié pour affronter ce qui les attendait ce soir-là. En guise de réponse, elle leva ses mains entrelacées, signifiant ainsi qu'elle était prise au piège de cette soirée, même si elle ne le formulait pas à voix haute. Elle aussi aurait préféré fuir n'importe où. « Et toi ? » Souffla-t-elle, curieuse alors que l’espoir venait briller. Une bonne réponse et elle pourrait prétexter une excuse pour s’éloigner des adultes. Les mensonges venaient déjà tournoyer dans sa tête, lui offrant de nombreuses possibilités pour venir satisfaire leurs deux familles et qu’ils échappent un peu à cette rigueur protocolaire.