A window to the past (Caerwyn & Wen)

Ceci est un flashback
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Quelques grains vert s’élevèrent du sablier, défiant la gravité pour retrouver le sommet. Wenceslas était posé là, perché sur la rampe en pierre de l’escalier, une clope au bec, observant le ballet régulier des perles colorées qui montaient et descendaient dans les quatre récipients gigantesques. C’était une vision assez hypnotique qui avait toujours su l’apaiser, même dans les pires moments. Depuis la rentrée, il se rendait si souvent au rez-de-chaussée pour regarder les points s’ajouter et se retirer qu’il n’en serait pas surpris de constater que le verre des sabliers s’était abimé à force d’être regardés. Celui de sa maison était le moins vivace, comme si par vengeance pour l’année précédente, plus personne n’osait accorder des points à ceux qui avaient supposément participés aux horreurs du monde sorcier. Des élèves s’étaient même arrogé le droit de s’en prendre aux serpents en prenant pour prétexte de défendre la veuve et l’orphelin. Cela avait été le déclencheur de la colère du septième année ; le né-moldu au regard las et fatigué, le visage encore creusé de la détention, avait pour la première fois depuis son altercation avec Benjamin Duncan levé le ton contre quelques élèves. Depuis, c’était comme si une discrète flamme – peut-être juste une étincelle – s’était allumée en lui. Il avait toujours été un homme distant et discret, qui vivait à Poudlard en aspirant n’attirer aucun ennui à lui, mais ça n’avait servi à rien. À présent, il savait combien il avait été idiot de croire que la discrétion lui vaudrait d’être tranquille.

Wenceslas souffla une volute de fumée à l’instant où une fine silhouette aux couleurs de serdaigle passa la porte qui menait au couloir latéral de l’école. Il connaissait le garçon de vue ; un autre sang de bourbe de quelques années son cadet mais juste assez vieux pour avoir connu l’impensable.

Le serpentard se laissa glisser de son perchoir, tirant une nouvelle fois sur sa cigarette d’un air nonchalant. Il avait découvert ce vice en sortant d’Azkaban, rare plaisir qui l’aidait à détourner son esprit de tristes vagabondages. Le geste régulier et désormais familier l’apaisait et le parfum lui retirait le souvenir de l’odeur des geôles. Depuis la fin de la guerre, les professeurs étaient moins regardants sur ces choses ; un vent de clémence s’était comme installé dans les couloirs de l’école, particulièrement à l’égard de ceux qui en avaient le plus pâti, lui laissant tout le loisir de terminer sa cigarette sans s’inquiéter d’être aperçu par qui que ce soit. Et puis, l’on ne pouvait lui reprocher de mettre en danger sa vie.

Il fronça les sourcils le temps de se remémorer le prénom de l’adolescent, cherchant dans sa mémoire les souvenirs datant d’avant la rafle. Cela lui semblait être une éternité. Une autre vie. Le nom s’était perdu avec tant d’autres choses ; avec celui de ceux qui avaient péris. Ou de ceux qui n’étaient jamais revenu.

- Je ne pensais pas que ceux de ton âge reviendraient un jour à Poudlard, déclara-t-il finalement, faisant fi de ce satané prénom qui ne daignait lui revenir. « Les nés-moldus qui en ont encore la chance feraient peut-être mieux de quitter ce monde à jamais. »

Il devait avoir l’air bien sombre et inquiétant en arrivant ainsi pour lui compter ses pensées moribondes.

- Est-ce du courage, ou de la bêtise ?

Pour lui, la réponse était simple : il était trop tard, trop vieux, pour revenir en arrière. Le monde moldu n’était déjà plus le sien et si celui des sorciers peinaient encore à l’accueillir, il n’en demeurait pas moins le seul qui ait encore quelque chose à lui offrir. Mais le serdaigle était jeune. Il avait le choix.

@Professeur C. Bevans

ANAPHORE

A Window to the Past

Flashback feat. Bébou @Professeur W. Aylmer

Caerwyn était tiraillé entre la peur et la colère depuis qu’il était revenu à Poudlard. Il n’avait jamais voulu revenir ici. Les murs le hantaient, il avait l’impression d’entendre à nouveau le rire des Mangemorts raisonner sur les pierres de couloir. Il refusait catégoriquement de passer proche de la tour d’Astronomie, encore moins à son pied. Le souvenir du cadavre de Dumbledore était encore bien trop vif dans sa mémoire. Les professeurs avaient bien essayé de le faire parler un peu mais il s’était muet dans un silence qui ne semblaient pas inquiéter les adultes. Ils avaient bien d’autres choses à penser et au moins, Caerwyn avait la paix ainsi. Il regrettait son année de collège moldu, même s’il ne s’y était pas fait beaucoup d’amis pour ne pas dire aucun. Cela ne changeait pas grand-chose de Poudlard de toute façon. Mais qu’importait, il appréciait largement sa solitude.

Il passa alors dans le hall d’entrée, déterminé à fuir ses murs et à prendre l’air. Peut-être dessiner un peu l’orée de la Forêt Interdite. C’est alors qu’un adolescent bien plus âgé que lui vint à sa rencontre, une cigarette aux lèvres. Caerwyn grimaça à l’odeur mais ne dit rien avant de porter son visage à celui qui osait le déranger. Il reconnut alors Wenceslas Aylmer, un Serpentard de septième année qui avait bien changé en une année. Il était devenu encore plus pâle, plus décharné. Son apparence surprit et inquiéta l’adolescent de treize ans. Il savait que son aîné était un Né-Moldu comme lui, que diable lui était-il arrivé l’année dernière ?

Il fronça alors un peu plus les sourcils lorsque Wenceslas ouvrit la bouche, ne comprenant pas trop de quel monde le grand dégingandé voulait parler. Venait-il de lui dire qu’il aurait mieux valu qu’il meurt plutôt qu’il revienne ici ? Quelque peu horrifié mais se disant qu’il avait certainement mal compris, il le regarda quelques secondes. Puis les mots firent sens finalement. Bien sûr qu’il parlait du monde sorcier tout simplement. Pourquoi un Né-Moldu parlerait ainsi à un autre ? À moins qu’il eut le cerveau lavé durant l’année précédente. Un doute subsistant, il répondit finalement :

— Crois-moi, j’aurai préféré rester au Pays de Galles… Mes parents ont voulu que j’y retourne parce que « c’est une chance, tu es le seul de la famille ». J’aurai préféré ne jamais être sorcier.

Il soupira profondément et replaça son sac dont la bandoulière ne cessait de glisser sur son épaule frêle.

— Mais toi aussi t’es revenu. Pourquoi ?

Il releva ses yeux d’un bleu plus sombre que celui de Wenceslas, n’ayant aucune joie dans son regard, toujours cette colère et cette frustration latentes.

Trapped

ANAPHORE

La surprise était facilement lisible sur le visage du benjamin. La méfiance aisément compréhensible. Était-ce juste l’aspect décharné de Wenceslas qui prêtait à la crainte ou tout un contexte qui portait à envisager constamment la pire des situations ? Il ne pouvait à vrai dire pas le blâmer pour l’une ou l’autre des hypothèses. Poudlard poussait à la paranoïa, c’était indéniable. L’on se méfiait de tout le monde et la fin de la guerre n’avait que peu aboli cette ambiance pesante.

Le serpentard recula un peu sa main droite, entre les doigts de laquelle la cigarette continuait de se consumer lentement, pour en écarter les effluves du grimaçant Caerwyn. La réponse de ce dernier faisait sens ; à cet âge-là, le choix ne lui appartenait guère et leurs moldus avaient parfois du mal à comprendre ce qui se tramait ici-bas.

- Pas à cause de mes parents.

Un sourire froid et dénué de toute joie – il n’en était pas encore capable – fendit son visage. Il était majeur, dans le monde sorcier comme dans le monde moldu, et capable de faire ses propres choix. Mais encore fallait-il avoir le choix.

- J’ai au moins la liberté de leur faire comprendre que leur avis sur ce monde n’a pas d’intérêt.

Par ailleurs, ses géniteurs n’avaient jamais été trop emballé par cette histoire de magie ; ils ne s’y étaient pas opposés et avaient même été curieusement heureux pour ce fils qui n’en voulait pas, mais ils demeuraient des gens méfiants vis-à-vis de ce qu’ils ne pouvaient pleinement maîtriser.

- Mais je n’ai plus vu un établissement moldu depuis belle lurette. Je n’aurais pu reprendre des études là-bas... ce n’est déjà plus mon monde.

Peut-être ne l’avait-ce jamais été. C’était difficile à dire ; comme beaucoup d’autres nés-moldus, il s’était toujours senti un peu à l’écart, un peu différent de ces gens qui l’entouraient. Après plusieurs années passées loin de tout ça, il ne se voyait pas y retourner comme si de rien n’était ; tout avait évolué, tout avait changé alors qu’il avait le regard tourné vers Poudlard.

- Tu étais où, pendant la guerre ? demanda-t-il finalement.

Il y avait eu de tout : certains avaient pu éviter de connaitre la rafle, d’autres y avaient échappés par il ne savait quel miracle, Azkaban en avait accueilli une grande majorité et certains, peut-être les plus chanceux d’ailleurs, en étaient morts. Il avait reconnu certains de ses camarades ou anciens camarades parmi les anciens détenus ; lors de leur libération, Sainte-Mangouste en avait accueilli tant qu’il avait fallu ensorceler les murs pour agrandir les salles d’attente. Il n’y avait pas besoin de demander pour savoir d’où ils venaient : leur séquestration était inscrite dans les traits de leurs visages. Le serdaigle... eh bien, il semblait plus en forme. Il avait le teint pâle des Britanniques, mais pas encore celui maladif des ex taulards.

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Flashback feat. Bébou @Professeur W. Aylmer

Caerwyn se détendit légèrement au fur et à mesure que la conversation avançait. Wenceslas ne semblait pas avoir changé dans sa mentalité mais quelque chose lui était définitivement arrivé. Il n’avait jamais été très bavard ni très souriant, certes. Néanmoins, il y avait quelque chose de disparu dans ses yeux. Le regard juvénile perdit sa colère latente pour devenir attristé et peiné devant l’état de son aîné. Il se sentit nul d’avoir peur de la Tour d’Astronomie quand il semblait évidemment que les yeux pâles de Wenceslas avaient vu bien plus d’horreur que les siens. Il le laissa parler sans rien dire, religieusement, respectueusement. Le Serpentard avait fait le choix de retourner chez les sorciers, arguant qu’il n’appartenait plus au monde Moldu. Il avait l’air si meurtri que Caerwyn se sentit mal à l’aise.

De honte, il baissa la tête, n’osant répondre à la question qu’il venait de lui poser. Ce nouveau Wenceslas avait quelque chose d’intimidant, d’absent et d’étrangement mort. Le jeune garçon avait l’impression d’avoir comme une sorte de fantôme en face de lui et il se demanda d’ailleurs si le Serpentard n’avait pas péri pendant la guerre qui avait eu pour théâtre l’école. Peut-être était-il mort là, devant les sabliers et qu’il les hantait à présent ? Caerwyn, le regard baissé, plissa légèrement les yeux pour voir si les pieds de son interlocuteur n’était pas translucide. Probablement qu’il existait plusieurs types de fantômes. Que ceux des différentes maisons étaient d’une « famille » particulière. Ne pouvant se résoudre plus longtemps à laisser Wenceslas dans le silence, Caerwyn finit par dire d’une voix timorée :

— Je… je suis rentré chez moi et j’ai passé l’année dans un collège moldu. Je me suis dit que me faire passer pour un était la meilleure façon qu’ils ne me trouvent pas…

Il avait beau eu à expliquer à ses parents que des sorciers mal intentionnés cherchaient à le tuer, ils ne l’avaient pas cru. Il avait dû sortir des comparaisons avec la Seconde Guerre Mondiale, qui avait voulu le courroux de son père, se souvenant encore de sa voix lui disant qu’il exagérait bien trop et que c’était sûrement le fruit de son imagination. Caerwyn n’était pas le plus rusé des garçons et il avait passé l’été à essayer de trouver un stratagème pour éviter de retourner à Poudlard. Il eut finalement gain de cause en négociant une année dans un collège moldu où il aurait largement préféré y rester. Il s’était également dit qu’au milieu d’élèves dépourvus de pouvoirs magiques, les Mangemorts hésiteraient un peu plus avant de faire des esclandres. Ce n’était pas ce qui les rebutait d’ordinaire, que de tuer du Moldu, mais c’était la meilleure solution que son petit cerveau de pré-adolescent avait pu trouver. Il eut alors une moue.

— Et… Et toi ?

Il avait été prudent dans sa question mais avait déjà peur de la réponse. Il savait malheureusement que la réponse allait lui faire regretter un peu plus d’être revenu parmi les sorciers.

Trapped

ANAPHORE

Caerwyn baissa la tête, comme un adolescent pris la main dans le sac ; il aurait été un professeur le surprenant à trafiquer les sabliers qu’il ne se serait pas attendu à une autre réaction de sa part. Il y avait un quelque chose de contrit, de désolé, qui brillait dans ce regard fuyant. Aux yeux de Wenceslas, ça n’était rien de moins que la manifestation de ce malaise qui naissait en chacun d’eux chaque fois qu’il fallait évoquer ces lourds souvenirs. Souvent, il préférait éviter le sujet, prendre la fuite plutôt que de poser des mots sur l’année passée ; ainsi, moins ils en parlaient, plus ils pouvaient prétendre que ça n’avait pas existé. Si seulement les détraqueurs avaient pu lui retirer cette douleur avec la joie ; mieux valait laisser une coquille vide qu’un cœur meurtri, les plaies encore suintantes d’un mal profond. Mais la vie était ainsi faite qu’il n’avait pas le choix ; mourir était trop simple et même ça, il n’avait jamais pu s’y résoudre. Vivre était la meilleure des revanches qu’il puisse prendre sur ceux qui avaient fait de sa vie un cauchemar. En parler, aussi. Il s’en rendait peu à peu compte : taire ces souvenirs ne feraient que permettre à ceux qui le désiraient de les oublier sans permettre à ceux qui en avaient besoin de faire de même. Il n’avait pas eu le courage de parler lors des procès, mais à présent, il comprenait combien cela pouvait être important, particulièrement pour les cadets. Caerwyn et lui n’étaient encore que des apprentis sorciers ; à peine rentré dans ce monde, déjà attaqué, mais encore là.

- Malin... souffla-t-il, pensif. Il avait eu cette présence d’esprit qui avait fait défaut à Wenceslas. « Je n’ai pas été aussi intelligent que toi. »

Il avait bien noté l’hésitation dans la voix du serdaigle, comme une peur de lui poser la question. Ou d’en avoir la réponse. Une partie de celle-ci devait être largement visible sur son visage qui semblait se craqueler lorsqu’il souriait.

- J’ai eu la mauvaise idée de croire que Poudlard était encore sûr... j’ai été raflé le premier jour.

Son regard se posa quelques instants sur les sabliers. Un jour, il en avait vu le contenu éventré au sol ; c’était le soir de la mort de l’ancien directeur. La début de la fin.

- À l’époque, je me suis dit que la mort de Dumbledore ne changerait rien... qu’il n’empêchait déjà pas les emmerdes de venir jusqu’ici, qu’il ne protégeait rien... dans un sens, j’avais raison. Mais j’ai eu la bêtise de croire que Poudlard était intrinsèquement protégée.

L’endroit le plus sûr de Grande-Bretagne... la belle blague. Aujourd’hui encore, il ne doutait pas que le premier des mages noirs venus parviendrait à s’introduire entre ces murs pour détruire à nouveau tout ce qu’ils avaient bâtis.

- Je suis parti tout droit vers le seul endroit véritablement sûr de Grande-Bretagne. Je ne conseille pas trop.

Ses iris retournèrent se poser sur Caerwyn, se fendant d’un sourire qu’il aurait aimé un peu plus rassurant.

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Flashback feat. Bébou @Professeur W. Aylmer

Qu’un Serpentard lui dise qu’il avait été malin flatta le jeune adolescent. D’ordinaire, c’était les Verts et Argents qui parvenaient à ce genre de ruse. Quelque peu ragaillardi par ce petit commentaire qu’il avait pris pour un compliment, il daigna relever la tête et regarder Wenceslas qui semblait bien absent. Les mots tombèrent rapidement et brutalement. L’aîné avait été suffisamment optimiste et utopique pour penser que Pourdlard, après la mort de Dumbledore, était envisageable. Le fait qu’il ait été raflé instantanément serra la gorge de Caerwyn qui ne put que l’écouter religieusement. Il comprenait maintenant d’où venait cette impression de vide que Wenceslas dégageait. Il l’écouta partager sa rancœur envers un Dumbledore qu’il avait trouvé passif et finit par avouer qu’il avait été naïf de tenter de se rendre à nouveau à Poudlard.

Le visage fermé, le jeune Serdaigle baissa à nouveau les yeux lorsque Wenceslas sous-entendit l’endroit où il avait passé l’année dernière. Il déglutit difficilement. Il avait lu suffisamment de choses sur Azkaban pour savoir qu’il était impossible d’imaginer ce qu’il s’y passait réellement. Il avait entendu dire que la plupart des individus ne parvenaient à tenir que quelques mois avant de devenir complètement fous. C’était ça ce qu’il l’avait attendu s’il n’était pas parvenu à convaincre ses parents de rester au pays ? Il blêmit à l’idée de se retrouver être la cible de Détraqueurs et ne put qu’admirer le courage de Wenceslas d’y avoir survécu. Le sourire que ce dernier lui offrit n’avait aucune chaleur malgré les efforts visibles du Serpentard.

— Je suis terriblement désolé pour toi… Je ne savais pas…

Il eut une moue attristée sur son visage imberbe, ne sachant quoi lui dire pour tenter de lui remonter le moral. Ses épaules s’affaissèrent même en essayant de s’imaginer un dixième de ce qu’il avait pu endurer. Finalement, il avait été bien au chaud, dans son collège de Moldus. Puis, il parvint à articuler d’une voix penaude :

— Tu y es resté les neuf mois…?

Si le compte était bon, il avait été raflé à l’aube de septembre et espérait profondément que les Aurors n’aient pas attendu longtemps après la mort de Voldemort, début mai de l’année suivante, pour libérer les Nés-Moldus d’Azkaban. La question était peut-être indiscrète mais elle piquait trop la langue de Caerwyn pour qu’il la garde pour lui.

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ANAPHORE

Le plus jeune sembla s’enorgueillir légèrement des propos de Wenceslas ; à son âge, les compliments mêmes déclamés d’un ton las étaient aussi doux que le miel et avaient tôt fait de renforcer la confiance. Ça n’avait pas vraiment été l’intention du serpentard, mais si son benjamin en tirait un bénéfice, il ne pouvait lui reprocher. Il n’avait guère mieux à lui offrir que quelques vagues compliments et sa morosité actuelle. Ça ne datait pas vraiment d’Azkaban, d’ailleurs ; l’on pouvait mettre bien des maux sur les effets des détraqueurs, mais ils ne faisaient finalement qu’exacerber les pires émotions des Hommes. Le né-moldu n’avait jamais vraiment été d’une joie pure mais à présent, il pouvait reprocher cette attitude aux créatures glaciales qui gardaient la prison sorcière.

- Ne le soit pas répondit-il d’un ton ferme. « Ni toi, ni moi, n’avons à être désolés. Ils en seraient bien trop heureux. »

Ils, les sang-purs, les mangemorts, leurs alliés... tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, avaient facilités leur venue ou n’avaient pas suffisamment luttés. Il ne reprochait pas vraiment la passivité aux moins braves, lui-même n’avait jamais été très porté sur l’action, mais il savait désormais que baisser les yeux ne faisait qu’aggraver la chose. Les sermons d’église qui avaient bercés l’enfance de Wenceslas n’avaient jamais été aussi à côté de la plaque : tendez l’autre joue, l’ennemi frappera plus fort encore et en se persuadant d’être dans son bon droit.

- À peu près, oui... l’avantage, c’est qu’on perd facilement la notion du temps, là-bas.

Cela lui avait paru infiniment plus long... mais mieux valait pour le pauvre adolescent ne pas lui dire. Puisqu’il avait été épargné de ce mal, il ne servait à rien de trop l’y plonger.

Le monde sorcier commençait à se réveiller progressivement du cauchemar qui l’avait frappé l’année précédente, mais il n’en avait pas encore fini de se reconstruire ; les blessures n’étaient pas toutes pansées et les procès pas encore terminés, mais tout semblait s’accélérer. D’aucun y verrait une lueur d’espoir. Wenceslas en revanche n’en était pas encore là.

- J’ai appris qu’ils souhaitaient renvoyer les détraqueurs d’Azkaban... ils sont en train de purger toutes les instances des restes de la guerre, déclara-t-il le regard céruléen brillant d’une discrète lueur d’espoir. « J’envie un peu les né-moldus qui feront leur entrée à Poudlard dans un ou deux ans ; ils n’auront rien connu de ces dernières années, sinon des progrès. »

Combien de temps l’accalmie allait-elle durer ? Le serpentard n’avait pas l’optimisme de croire que tout était désormais complètement derrière eux ; pour l’heure, chacun reconstruisait ce qui devait l’être, mais une fois la normale retrouvée, n’y aurait-il pas un retour en puissance des sang-purs ? A moins qu’ils ne finissent tous par péricliter mais comme des cafards, ils étaient difficiles à éliminer.

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Flashback feat. Bébou @Professeur W. Aylmer

Du haut de ses treize ans, Caerwyn n’avait jamais eu trop de difficulté à compatir pour les autres. Il n’avait jamais estimé que la souffrance était une compétition même s’il ne fallait pas minimiser le degré de certains drames que pouvait vivre autrui. Si la guerre l’avait indélébilement marqué, il s’estimait néanmoins chanceux de s’en être tenu relativement loin. Il n’avait été témoin que des étincelles responsables du départ de feu, mais il n’avait rien vu de l’incendie qui avait ravagé un monde pour lequel il n’avait aucune allégeance. Il y était revenu juste pour constaté des cendres encore tièdes et fumantes. Wenceslas, lui, avait été pris dans le brasier. Malgré tout ce qu’il oserait lui raconter, Caerwyn ne pourrait jamais imaginer le fait de vivre plusieurs mois en compagnie des Détraqueurs. Il ne pouvait que constater les marques que ces immondices avaient laissé sur le teint blafard et cireux du jeune Serpentard qui faisait désormais bien plus âgé qu’il ne l’était vraiment. Il ne le connaissait pas suffisamment mais il avait rencontré suffisamment d’êtres humains pour se rendre compte que quelque chose dans les yeux clairs de Wenceslas avait disparu. Et cela glaçait le sang de l’adolescent de chez Serdaigle.

Le ton froid, presque abrupt, de Wenceslas surprit Caerwyn, lui ordonnant presque de ne pas s’excuser pour lui. Pourtant il l’était, sincèrement, désolé. Pour le Serpentard et tous ceux qui avaient dû endurer la guerre bien plus frontalement que lui. Pour ceux qui n’avaient rien eu à voir là-dedans mais qui s’y étaient retrouvés, impactés malgré eux. Mais la guerre était injuste, Caerwyn n’avait pas besoin d’être plus âgé ou plus mature pour comprendre cela. Être persécuté, peu importe le nombre de printemps au compteur, parce que ses parents n’étaient pas des sorciers contrairement à lui était une preuve suffisante de l’injustice d’un conflit idéologique. De quoi avait-il été coupable pour fuir Poudlard ? Qu’avait fait de pire Wenceslas pour être plongé dans un cauchemar sans fin pendant neuf mois ? Après ce sentiment de peine et de compassion, il commençait à mieux comprendre la sorte de colère qui semblait animer le Serpentard. Du moins, c’était ainsi que le percevait Caerwyn. Une volonté de prendre une revanche, de vouloir reprendre ce qu’on leur avait injustement volé. Cette insouciance adolescente, la découverte de la vie qui les attendait devant. Le jeune Gallois était encore jeune, il se relèverait certainement plus facilement que Wenceslas qui avait été précipité dans des tourments que même un adulte n’aurait jamais dû connaître.

Le rescapé d’Azkaban lui annonça que la prison sorcière serait certainement vidée de ses Détraqueurs. Il était temps, pensa Caerwyn. Il n’avait jamais compris comment le Ministère avait pu laisser ses instruments de torture vivants aussi longtemps dans cet endroit maudit. Si leur présence était de pair avec la cruauté des Mangemorts, il n’y avait aucune raison vraiment valable pour qu’Azkaban leur soit une résidence viable. Il avait lu quelque part qu’il fallait bien les contenir quelque part, qu’ils avaient besoin d’être nourris, quelque chose dans ce genre-là. Mais les Détraqueurs n’étaient ni morts, ni vraiment vivants, pourquoi diable ne pas les enfermer dans un trou et ne jamais plus s’en soucier ? Même les pires criminels (enfin peut-être les Mangemorts, si) ne méritaient un tel châtiment. Caerwyn releva la tête lorsque Wenceslas avoua envier les nouveaux venus à Poudlard, que cette nouvelle génération avait peut-être une chance de vivre dans la lumière et la paix. Le Serdaigle regarda autour de lui, pensif. Il se doutait que le Serpentard devait avoir à peu près la même mentalité que lui à ce sujet : l’Histoire n’était malheureusement qu’un sempiternel recommencement. La guerre était provisoire certes, mais tout comme la paix. Combien de temps allait-il se passer avant un nouveau cycle ?

— J’espère qu’ils auront plus de chance que nous. Mais les progrès, je n’y crois pas trop. Il y aura toujours des connards pour penser qu’on vaut moins bien qu’eux.

Il se moquait bien du langage qu’il utilisait. Il n’avait guère envie d’être courtois à propos d’individus qui le méprisaient. Et qu’il méprisait réciproquement, cela dit.

— Mon Papy était à Dunkerque en 1940. Il m’a dit l’autre fois que c’était à nous de transmettre ce qu’il s’était passé et de ne jamais oublier et de faire en sorte que ceux qui n’ont rien connu de tout ça ne l’ignorent pas non plus. Peut-être que c’est à nous de changer les choses, finalement, quand on sera plus grands.

Caerwyn se garda bien de dire qu’après Poudlard, il en aurait fini avec le monde sorcier. Il n’était ni un héros, ni un politicien, ni un guerrier. Pour vivre heureux, vivons cachés, comme disait le dicton qui le convenait tout à fait. Il eut alors une pensée plus sombre en se demandant qu’avec la chance qu’il avait, une nouvelle chasse aux sorcières pouvait tout aussi bien éclater dans le monde Moldu. Mais il était trop jeune pour avoir de quelques ambitions, il laissait cela aux Serpentards. Pour l’instant, tout ce qu’il l’intéressait, c’était le dessin.

— Tu comptes faire quoi après Poudlard, tu sais ?

Il releva les yeux vers lui. Wenceslas devait certainement avoir quelque chose qui le faisait un minimum vibrer. Une sorte d’ancre à laquelle il s’était rattaché à l’instar de son jeune camarade de Serdaigle. Celui-ci ne pouvait pas s’imaginer que le Serpentard puisse être à ce point une âme errante.

Trapped

ANAPHORE

Wenceslas portait un regard critique sur ce monde qui était désormais le sien, pour le meilleur comme pour le pire... et surtout pour le pire. Il savait bien que des décennies entières avaient été le théâtre des idées qui avaient allumées le feu de la guerre et qu’aucune armistice ne parviendrait à éliminer. Sans doute n’y avait-il pas de solution à long terme, sinon une épuration définitive de la source du... problème. Mais puisque cette option était inenvisageable – pour la simple et bonne raison que les nés-moldus ne pouvaient s’abaisser aux mêmes travers que les sang-purs – ils ne pouvaient qu’attendre et surveiller le ciel avec inquiétude jusqu’à ce qu’un jour, il se couvre d’une nouvelle lueur dangereuse. L’avenir proche était de leur côté, c’était un fait ; peut-être que le serpentard et Caerwyn auraient la chance ne plus jamais voir ce qu’ils avaient vécu, mais une nouvelle génération le vivra, un jour ou l’autre. Ce n’était qu’une question de temps. C’est pourquoi il était si ferme vis-à-vis de la guerre : ce n’était pas à eux de se montrer désolé. L’être n’apportait de toute façon guère de réconfort.

Les paroles du serdaigle firent écho aux pensées de Wenceslas ; quelque part, ça n’était pas bien étonnant d’entendre de la bouche d’un adolescent encore si jeune un tel pessimisme, après les années qu’ils venaient de vivre. Le plus âgé opina du chef quoi qu’il se permît de rétorquer dans un sourire :

- Les sang-purs sont voués à disparaître, un jour ou l’autre... à force de consanguinité. Ils finiront tous à Azkaban ou cracmol. Sans doute est-ce le seul progrès à long terme qu’ils puissent apporter.

Ça n’était pas très optimiste, comme vision, mais c’était assez réaliste malgré tout. Encore que les vieilles familles parvinssent à perdurer malgré tout, difficilement mais elles demeuraient debout après toutes ces années... certaines devaient bien tricher et trafiquer leur arbre généalogique, mais elles conservaient leurs idéaux et il se doutait que celles qui n’avaient su préserver leur sang de la « souillure » moldue étaient plus véhémentes encore que les autres.

Comparaison simple et évidente, Caerwyn évoqua la seconde guerre mondiale ; comme tout enfant issu d’une famille de moldus, ils avaient été bercés des récits de leurs grands-parents. La guerre avait marqué les esprits de tous et même jusque dans le monde sorcier, Wenceslas se souvenait de cours d’histoire de la magie qui brossaient un portrait de mages qui avaient servis auprès des forces anglaises. Pourtant, les sorciers étaient restés relativement à l’écart, eux-mêmes occupés par leurs propres conflits ; ils n’avaient pas la même expérience que les moldus et certains s’en servaient même pour rappeler combien les êtres dénués de magie étaient arriérés. La belle blague.

- La force du témoignage, oui... Ça n’était pas bien différent de ce qu’en avait déclaré McGonagall dans son discours de début d’année. « Espérons que cela suffira. »

Si le serdaigle savait que Wenceslas avait botté en touche pendant le procès des rafleurs qui gardaient Azkaban, sans verrait-il le lâche qu’il était réellement. Un homme à peine capable de témoigner contre n prévenu dans un procès et qui avait regardé les débats se faire sans avoir la force de se scandaliser de constater qu’ils avaient malgré tout pris un sang-pur en juge.

Le serpentard haussa des épaules. La question de son avenir après Poudlard, il se l’était longuement posée. Retourner dans le monde moldu et laisser derrière lui son passé en espérant qu’un jour, il finirait par tourner définitivement la page ? Ou accepter sa vie telle qu’elle était et la vivre pleinement dans cet environnement qui avait si souvent essayé de le rejeter ? Il ne lui avait fallu guère plus qu’un été passé chez ses parents pour se rendre compte que la première hypothèse n’était pas viable : il était devenu incapable de retourner dans un moule moldu, pas après tout ça. Et il ne pouvait décemment pas expliquer ce qui lui était arrivé. Finalement, un seul endroit semblait parfait pour lui.

- Je pense intégrer le département des mystères, si j’y parviens. Il tira une dernière latte sur sa cigarette avant de l’écraser sur la pierre. « Je ne serais pas très bon pour témoigner de ce qui s’est passé ces derniers mois. Je ne peux pas faire en sorte que personne n’oublie... je serais plus utile en m’enterrant dans un département qui étudie la magie plutôt que les Hommes. »

Il suffisait de le voir pour comprendre que rester à l’ombre du ministère irait bien mieux que dans une profession à la vue de tous.

- Et toi ? J’imagine que tu as encore du temps pour ça, mais tu penses savoir ce que tu veux faire, après ?

À 13 ou 14 ans, il était normal de ne pas savoir ce que l’on voulait faire... mais c’était aussi l’époque où beaucoup de rêves se construisaient, tombaient parfois dans l’oubli ou devenaient inaccessibles plus tard.

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Fidèle à lui-même, Wenceslas prononça un discours bien sombre sur les Sang-Purs. Si son visage semblait afficher un pragmatisme froid, ses paroles cachaient une haine évidente envers les sorciers de souche. Et Caerwyn ne lui jetait pas la pierre. Certains leur diraient de ne pas mettre tout le monde dans le même panier, leur professeur de potions était lui-même un Sang-Pur, un Serpentard qui plus est, qui se moquait bien de connaître l’origine des élèves. Slughorn n’était pas parfait, loin de là, mais il n’était clairement pas un suprémaciste malgré la soi-disant pureté de son sang. Mais Wenceslas et Caerwyn étaient encore jeunes et avaient déjà chacun un lourd fardeau à porter. Tous deux estimaient leur colère légitime, leur méprise envers ceux qui les avaient trop longtemps méprisés justifiée. La simple idée que des consanguins finissent fous ou Cracmols leur donnait un peu de baume au cœur. C’était sans nul doute mesquin de se moquer du malheur d’autrui, les enfants n’étant jamais responsables des actes de leur parents, mais leurs blessures étaient encore trop fraîches pour restreindre ce sentiment vindicatif qui semblait animer les deux Nés-Moldus. Caerwyn, le visage fermé et le regard dur, marmonna alors dans une barbe qu’il n’aurait pas tout de suite :

— Qu’ils continuent de bien progresser entre eux, alors.

Il se moquait bien de savoir si ses paroles étaient dures ou non. Jamais les extrémistes ne s’étaient posés la question s’ils étaient durs envers les Nés-Moldus. Jamais ils s’étaient demandés si cela était décent ou moralement acceptable d’envoyer des adolescents à Azkaban parce que leurs parents étaient dénués de pouvoirs magiques. Cette colère sourde qui animait l’adolescent depuis la rentrée ne se tarissait pas et cette conversation avec Wenceslas sembla l’alimenter plus qu’autre chose. Il savait que cette rage sourde qui lui donnait envie de fermer le poing passerait rapidement. Mais le sentiment d’injustice, cette colère envers le monde sorcier, elle, était ancrée sûrement jusqu’à la fin de sa scolarité. Il avait été poussé dans une communauté dans laquelle il ne s’était jamais senti à sa place et cette dernière le lui avait bien fait comprendre également. Mais cette rage, il avait la sagesse de ne pas la déverser sur autrui. Il la gardait pour lui, attendant patiemment le moment de pouvoir tourner les talons et fermer définitivement ces grands battants en bois derrière lui. Il y avait peu de mots pour dire à quel point il maudissait un peu ses parents d’avoir tant insisté pour qu’il retourne dans ce trou au fin fond de l’Écosse. Il ne les détestait pas pour autant mais la rancœur lui étranglait toujours la gorge.

Wenceslas ne semblait pas bien convaincu par son argument du témoignage et Caerwyn ne pouvait pas lui lancer la pierre. Il était n’était pas certain de l’efficacité de quelques mots sur des esprits façonnés depuis toujours par des traditions familiales archaïques. Les gens finissaient par oublier de toute façon. Et manquaient également cruellement d’empathie. Ceux qui entendraient le discours de Wenceslas ne comprendront jamais ce qu’il a ressenti pendant ses mois d’enfermement à Azkaban. Caerwyn lui-même n’aurait pas la moindre idée non plus, malgré toute la bonne volonté du monde. Mais il avait cette déchirure commune d’avoir été haï pour juste être là, à Poudlard. Sa réponse sur son avenir se fit également sombre et plutôt pessimiste aux yeux du Serdaigle, admettant vouloir se terrer dans le Département des Mystères et ne sentant pas le plus à même pour témoigner. Caerwyn ouvrit brièvement la bouche pour s’insurger mais se ravisa finalement. Le traumatisme devait être trop fort pour le revivre à nouveau. Il eut une moue désolée avant d’acquiescer silencieusement de la tête. Finalement, il dit :

— Tu sais ce qu’ils font au Département des Mystères au moins ? J’ai l’impression que les Langues-de-Plomb ne sont pas vraiment humains. Enfin de ce qu’on m’a raconté, je n’en ai jamais croisé encore.

Il n’avait eu aucune raison de se rendre au Ministère de la Magie et encore moins dans le Département des Mystères. Il avait bien entendu toutes sortes d’histoires à ce sujet mais tout le monde semblait douter de la véracité de chaque récit d’élèves.

— Moi, après, je me barre. J’abandonne ce monde-là, j’ai jamais voulu aller à Poudlard de toute façon.

Il soupira, ne se rendant pas forcément compte que son ton était particulièrement catégorique. Au moins était-il déterminé.

— Ensuite, je ne sais pas ce que je ferai. Probablement dans la musique ou le dessin, quelque chose comme ça. Je n’aurai pas de diplôme moldu alors il faudra que je trouve une astuce pour que je puisse rentrer dans une école. J’ai vu qu’il y avait une potion, le Felix Féli… cie ? Febi… Bref un truc qui donne de la chance. On l’apprend en dernière année je crois. Je vais prendre mon mal en patience, elle doit être dure à faire et je m’en garderai une fiole quand j’aurai un entretien quelconque.

Ce n’était pas forcément très honnête et il n’était pas sûr que cela fonctionne non plus. Mais du haut de ses treize ans, cette petite machination semblait être la meilleure idée qu’il ait eu et il s’y raccrocherait jusqu’à la fin de cette interminable scolarité. Les sorciers lui devaient bien cela, ce petit coup de pouce pour se réintégrer parmi les Moldus.

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Que c’était bon de pouvoir cracher un peu de ce fiel contenu trop longtemps ; Wenceslas s’était senti faible si longtemps qu’à présent qu’il n’était plus la victime d’un odieux système, il se découvrait une rancœur plutôt agréable. Son esprit n’était pas animé de cette force suffisante pour chercher vengeance, mais il parvenait au moins à en imaginer le doux sentiment qui l’habiterait si celle-ci venait à se faire malgré tout. L’avenir était à eux, nés-moldus. Ils étaient plus nombreux et bénéficiaient de cette manne infinie qui faisait défaut à leurs ennemis naturels. Ces choses-là, seuls les gens comme Caerwyn et lui pouvaient les comprendre : ils savouraient cette perspective favorable, l’une des rares qui leur ait été permise d’avoir. L’exprimer oralement, voir l’approbation sur le visage de l’autre, étaient autant de signes réconfortants. Le benjamin avait été épargné par certains évènements, mais il n’en avait pas moins de bonnes raisons pour souhaiter le malheur des sang-purs. Ça n’était qu’un juste retour de bâton, finalement.

Il croyait plus en cette idée aux allures d’exutoires qu’à la perspective du témoignage ; sûrement y aurait-il des sorciers pour endosser ce rôle et répandre le souvenir de ce qui s’était passé, mais ça ne serait par le serpentard. Il n’en avait ni le caractère ni l’envie. Ainsi ses projets d’avenir s’était peu à peu construit autour de cette volonté de rester à l’écart du monde ; il ne s’imaginait pas retourner auprès des moldus, mais il ne désirait pas plus être actif dans celui des sorciers. Le mystère qui englobait la profession des langues-de-plomb avait de quoi le séduire.

- Des recherches, répondit-il, bien conscient que ça n’était pas une réponse très satisfaisante. « S’ils ne sont pas vraiment humains, je pense que j’aurais parfaitement ma place là-bas. » ajouta-t-il en se fendant d’un sourire sarcastique.

Les humains l’avaient suffisamment déçu aussi s’enterrer avec des sorciers aussi étrange semblait être une perspective tout à fait approprié pour quelqu’un comme lui. De toute façon, il n’en était pas encore là : il poursuivait ses ASPICS et devait parvenir le concours d’entrée qui n’était pas réputée pour être simple. Et puisqu’il n’y avait pas d’anales pour s’entraîner, il se préparait à affronter un avenir encore bien incertain. Pour changer.

- Les langues-de-plomb ne sont pas vraiment connues pour être loquaces, c’est ce qui leur donne cette réputation un peu sombre... mais j’ai comme l’intuition que ça m’irait plutôt bien.

Grâce à Azkaban, il avait eu tout le temps pour penser. De sombres pensées, souvent, mais lorsque les détraqueurs s’éloignaient suffisamment, il s’était parfois surpris à rêver de l’après. Sans ça, il serait certainement devenu fou ; d’autres y avaient succombés, d’ailleurs. Les plus âgés, surtout, ceux dont la vie avait déjà été bien parsemées d’ennuis et qui ne se voyaient plus beaucoup de perspectives. Ça n’était pas si simple de croire en l’après quand tout laissait à croire qu’ils allaient finir par mourir dans les geôles, que la guerre était déjà perdue. S’il n’y avait eu quelques gardiens qui parfois parlaient de ce qui se passait de l’autre côté du mur, jamais il n’aurait pu envisager que quiconque se batte encore pour exterminer leurs ennemis naturels.

Wenceslas opina du chef. Le choix du serdaigle était compréhensible : peut-être que quelques années plus tôt, lui-même aurait pu opter pour une vie loin des sorciers et de leurs maux. Quelque part, il aurait aimé avoir cette force-là : retourner chez les moldus n’était pas si simple lorsque l’on s’était construit à cheval entre deux mondes qui ne voulaient pas de vous. Le ton de Caerwyn était ferme ; la décision semblait irrévocable, prise depuis longtemps. Malgré les incertitudes qui persistaient, il avait déjà réfléchi à la question au point de prévoir d’user de ses capacités de sorcier pour mieux s’en sortir.

- Le felix felicis, la chance liquide, oui, confirma-t-il d’une voix approbatrice. « C’est une bonne idée. Je n’en ai encore jamais faite, mais elle est au programme, nous ne devrions plus tarder à y arriver... je pourrais te montrer, si tu veux, une fois que je la maitriserai. »

Si cela pouvait effectivement l’aider à s’en sortir, à quitter ce monde de malheur et retrouver un peu de plaisir ailleurs, alors il voulait bien y participer un peu.

- C’est une potion très puissante, elle peut être dangereuse à forte dose... mais pour un ou deux entretiens moldus, c’est parfait. Je suis pratiquement sûr que ça doit être interdit pour ce type d’usage, chez les sorciers, mais quel moldu verra la différence ?

Au diable l’éthique et l’équité des chances : ils avaient déjà été suffisamment attaqués de toute part, ils pouvaient bien se permettre de tricher un peu, non ? Ces valeurs, propres à serpentard, avaient permises à bien des sorciers d’obtenir des faveurs de la part de moldus, à eux à présent d’en jouir.

- Tu ferais un bon serpentard. Il eut un sourire : « Au diable les règles, c’est à notre tour de profiter un peu du peu que ce monde a à nous offrir. On aurait tort de s'en priver. »

En tout bien tout honneur, bien sûr ; ils avaient une marge de manœuvre assez importante avant d’avoir autant à se reprocher que leurs homologues sang-purs.

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La réponse de Wenceslas concernant son avenir ne convainquit que moyennement Caerwyn. Son camarade de Serpentard ne semblait pas en savoir beaucoup plus sur les activités des Langues-de-Plomb, arguant qu’ils étaient avant tout des chercheurs. Le Serdaigle les aurait plus vus comme des sortes d’agents secrets, avec un nom pareil. Pourquoi diable les recherches que faisaient ces gens devaient être passées sous silence ? Le savoir devait être transmis et non-conditionné derrière des portes closes sous couvert de confidentialité. Mais au fur et à mesure que Wenceslas justifiait ce projet professionnel, Caerwyn comprit un peu plus ce qui l’avait poussé à faire ce choix. En l’entendant parler, il réalisa que ce n’était pas tant pour la profession en elle-même, mais plus pour le côté social autour. Lui aussi voulait disparaître. Se fondre dans une masse et se faire oublier un peu plus, même aux yeux du monde sorcier. Car les Langues-de-Plomb avaient ce quelque chose d’inquiétant que les badauds esquivaient – il avait entendu certains de ses camarades en parler – et de toute façon, ils ne parlaient jamais. Difficile donc d’entretenir une quelconque relation, amicale ou non, avec ces individus. Mais Wenceslas semblait déterminé. Au moins, personne n’irait l’embêter pour savoir la nature de son sang.

Caerwyn eut cependant une moue ennuyé lorsque le Serpentard fit son commentaire sarcastique sur le fait qu’il n’était plus tout à fait humain. De ça, le Serdaigle n’était absolument pas d’accord. Même si le commentaire sur l’humanité de Langues-de-Plomb venait effectivement de lui et que Wenceslas n’avait fait que rebondir dessus, constater que son estimé aîné ne se considérait même plus comme tout à fait humain lui brisa le cœur et continua d’alimenter cette colère sourde qui ne le quittait plus. C’était donc cela le pouvoir des Détraqueurs ? Capable de continuer de tourmenter les âmes, même affranchies depuis des mois des geôles d’Azkaban ? Caerwyn n’en avait jamais vu et il s’estimait heureux. L’idée de se retrouver au milieu de ses spectres informes et décharnés, qui ôtaient toute trace de bonheur pour ne laisser qu’un désespoir sans nom qui semblait perdurer, pernicieux et latent, même des mois après. Il tentait bien de s’imaginer ce que cela pouvait faire, même il se doutait qu’il n’était seulement capable d’en avoir un aperçu euphémisé, ce qui ne l’empêcha tout de même pas d’avoir un frisson glacé dans le dos. Pourtant, il soupira doucement et regarda Wenceslas presque avec autorité. Il dit alors :

— Dis pas ça, t’es toujours humain. Je veux dire, tu es revenu de là-bas, tu as des projets… Dire que tu ne l’es plus trop, c’est aussi leur donner raison.

La colère, la peur, la joie, toutes ses émotions les rendaient bien vivants. Et il ne voulait pas que Wenceslas renie cette humanité. Qu’il aille se cacher parmi les Langues-de-Plomb était une chose, s’y terrer parce qu’il pensait qu’il ne faisait plus vraiment partie du monde des vivants en était une autre. Néanmoins, il sembla la décision drastique de son cadet de Serdaigle et cela gonfla la poitrine de Caerwyn d’une détermination résignée (si celle-ci pouvait l’être encore plus). Il le corrigea sur le Felix Felicis, proposant même son aide pour lui apprendre à la fin de l’année, mais le regard du jeune adolescent s’illumina d’un espoir certain. Ainsi, Wenceslas respectait son idée ? Il aurait pensé se faire réprimander, qu’user de la Potion de la Chance était de la triche, même dans le monde Moldu. Il le mit pourtant en garde contre les effets mais indiqua également que pour quelques inoffensifs entretiens, cela n’aurait aucune mauvaise conséquence sur l’avenir de Caerwyn. Il hocha de la tête, conscient de tout ceci mais également impatient d’apprendre cette potion qu’il voyait comme son salut. Il eut un léger rire sur le petit commentaire concernant Serpentard.

— Le Choixpeau a mis très longtemps à se décider avant de m’envoyer à Serdaigle. Je pensais que c’était parce que je convenais à aucune maison, mais peut-être que je me suis trompé finalement.

Ce n’était pas un souvenir très amusant, la cérémonie de répartition. Il avait trouvé le temps extrêmement long, assis sur ce tabouret avec ce chapeau trop grand pour lui qui sentait l’humidité. Tous ces regards braqués sur lui, un silence de plomb dans cette salle immense de gens étranges, tous sortis de ce monde dont il ne connaissait rien. Il en avait encore des frissons de gêne rien que d’y repenser.

— Ce serait avec plaisir de l’apprendre. Mais j’ai vu qu’elle mettait six mois à être faite, c’est très long… Tu crois que Slughorn va vous en faire faire pour de vrais, ou ce sera juste théorique ?

Il commença à faire glisser son sac de son épaule avant de se raviser.

— Putain, c’est chiant qu’on ait même pas de stylo ici. On peut même pas prendre de notes au milieu d’un couloir, obligé de sortir l’encre et tout le bordel.

Après avoir pesté son mécontentement, il soupira profondément et replaça correctement la lanière du sac.

— Je ferai attention aux effets secondaires. J’ai vu qu’on pouvait avoir un excès d’orgueil également si elle était mal préparée ou qu’en buvait trop. Je ferai très attention, mais j’ai pas trop de difficulté en potions pour l’instant, ça devrait aller.

Il eut un sourire amical.

— D’ailleurs, si je peux faire quelque chose pour toi, tu me dis. Cela m’ennuierait que tu m’aides à m’enfuir d’ici et que je te rende rien en échange. Je suis qu’en deuxième année mais tu peux quand même compter sur moi.

Ce n’était pas une histoire d’avoir des dettes ou non. Il se doutait que Wenceslas lui proposait son aide de manière désintéressée. Mais Caerywn voulait honorer cette faveur même si rien n’était fait pour l’instant. Peut-être même que le Serpentard, d’ici-là, oublierait cette conversation, mais son camarade était tellement déterminé à mettre son petit stratagème en place qu’il reviendrait à la charge si besoin. Il était têtu. Si l’idée de faire du Felix Felicis tout seul avait germée dans son esprit depuis un moment, avoir l’apport expérimentée d’un camarade – qui était sans nul doute brillant, Caerwyn ne le voyait pas autrement – ne pouvait être que bénéfique.

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ANAPHORE

Il était facile de mettre sur le dos d’Azkaban et de ses sombres gardiens le pessimiste latent de Wenceslas mais cela reviendrait à nier qu’il avait toujours eu des dispositions naturelles qui l’avaient poussé à développer ce trait de caractère. Les détraqueurs n’avaient finalement que contribués à faire sortir cette tendance qui sommeillait en lui ; il ne croyait pas vraiment au destin ou à la chance, mais il croyait en revanche qu’il avait toujours eu cette ombre sur son cœur. Enfant déjà, il ne souriait pas beaucoup ; à l’époque pourtant, il vivait une vie heureuse et équilibrée, élevé dans une famille aimante et présente, ce dont tous ses camarades ne pouvaient pas se vanter. Ça n’était qu’en arrivant à Poudlard que tout avait basculé... petit à petit, son âme déjà portée à la mélancolie n’avait fait que progresser en son sens. Et les créatures de la prison sorcière avaient enlevé le reste. Son sourire était froid que ses espoirs ; il n’aspirait qu’à s’isoler du monde, quel qu’il soit. Moldu ou sorcier, tout ça n’avait plus vraiment d’importance. Avec son tempérament de porte de prison, il aurait pu en devenir le gardien, mais Azkaban avait quelque peu rebattu les cartes de son avenir et finalement, le département des mystères restait encore le projet le plus séduisant qu’il ait trouvé. Sombre, mystérieux et surtout reclus loin du monde, il ne pouvait espérer mieux pour l’accueillir. Qu’importe leur réputation, il n’aspirait pas à paraître humain. Cet aveu arracha une moue désappointée au plus jeune, qui lui ordonna dans un soupir de ne point succomber à cette facilité. Le serpentard le scruta un instant sans piper mot ; s’inquiétait-il seulement de leur donner tort ? Finalement, il se moquait bien de ce qu’il pouvait se passer désormais : le mal était fait et nul n’y pouvait quoi que ce soit.

- Il ne s’agit pas de leur donner raison ou non... ce qui est fait est fait, prononça-t-il difficilement, comme si chaque mot lui était arraché. « On a tort de croire que tout peut être réparé. Les procès ne sont qu’un pansement sur une plaie trop grande et leur condamnation ne vaut rien. Cela ne ramènera pas les nés-moldus qui ont péris et prétendre que ceux qui sont sortis d’Azkaban n’y ont pas laissé une partie d’eux... eh bien, c’est utopique. »

Il n’était pas mort, mais était-il vivant ? Cela restait encore à prouver. Sûrement le temps allait-il apaiser certains de ses maux... c’était ce qu’en disaient les médicomages à tout le moins. En attendant, le né-moldu préférait éviter de trop s’attarder sur certains sujets : il était suffisamment morose pour tout Poudlard, mieux valait ne pas plomber l’humeur de pauvres adolescents comme Caerwyn. Lui avait une chance de s’en sortir et cette idée réchauffait un peu, à sa manière, le cœur glacial de Wenceslas. Qu’il prenne la fuite et trouve un endroit qui l’accueillera mieux que ce monde nécrosé.

- Tu convenais peut-être à trop de maisons, effectivement. Il haussa des épaules. « J’ai l’impression que ça a toujours mis plus longtemps pour nous autres... ceux dont les parents ont été scolarisés sont souvent envoyés dans la maison d’un parent, le choixpeau aime à conserver les milieux d’origines des adolescents. »

À Serpentard, il s’agissait d’un fait facilement identifiable : combien y avaient été envoyés à peine le couvre-feu touchait les premières mèches pour la simple raisons qu’ils étaient des fils et petits fils d’anciens élèves de cette maison ? Les gens comme lui n’y avaient jamais vraiment été très bien accueillis... peut-être aurait-il mieux valu qu’il soit envoyé à poufsouffle ou serdaigle, comme Jack ou Caerwyn ? Y était-il seulement plus heureux ?

- Serdaigle est-elle une bonne maison ? demanda-t-il finalement, plutôt curieux d’appréhender ce qu’aurait pu être sa propre scolarité, dans un autre monde.

Lui-même avait eu une scolarité assez solitaire ; il n’avait jamais été l’élève populaire, tant s’en faut, ni particulièrement entouré. Pourtant, s’il pouvait reprocher beaucoup de choses aux sang-purs, cet aspect de son adolescence n’était pas uniquement leur faute : Jack avait été très différente en son temps, alors même qu’elle partageait un même sang souillé jusqu’à la moelle. Il devait simplement reconnaître que son tempérament ne l’avait jamais aidé à être apprécié d’autrui.

- Je ne sais pas, répondit-il d’un haussement d’épaule lorsqu’il fut à nouveau question du Felix Felicis. « Slughorn nous en avait déjà montré il y a deux ans... il en a même offert. Et nous avons déjà fait une potion qui nécessitait de poser deux mois. Il faut simplement être patient pour savoir si on a réussi ou non... Si on l’étudie bientôt, nous aurons encore le temps d’en récupérer ses fruits avant la fin de l’année. »

Wenceslas eut un sourire en voyant son camarade râler quant à la calligraphie sorcière. Il fallait admettre que la technologie moldue avait du bon. Il avait mis un certain temps avant de parvenir à écrire sans appuyer trop fort sur le parchemin mais de peur d’être moqué, il n’avait pas osé utiliser de vrais stylos durant ses jeunes années.

Il opina du chef. Caerwyn n’était pas idiot et avait vraisemblablement déjà bien réfléchi à son plan : il connaissait déjà certains des effets secondaires de la potion alors même qu’il n’était qu’en deuxième année. Malin et prometteur, il ne doutait pas qu’il parvienne à s’extirper de la vue des sorciers tout en tirant profit de leurs avantages.

- J’ai l’impression que tu es déjà bien au courant. Slughorn doit apprécier avoir un élève comme toi.

Le maître des potions ne portait pas de réel jugement de valeur sur le sang, en revanche il faisait montre d’un favoritisme qui pouvait être très frustrant. Plutôt discret et effacé, quoique pas mauvais en potions, le né-moldu n’avait jamais trop attiré son attention – et il s’en satisfaisait pleinement – mais il savait qu’il pouvait s’enticher de certains élèves en raison de leurs capacités plutôt que simplement de leur nom. Le serdaigle était intelligent et rusé, ce ne pouvait que plaire au directeur de serpentard.

Wenceslas sourit à sa proposition. Il n’attendait pas vraiment quelque chose de la part de Caerwyn mais qu’il le fasse réchauffait un peu son cœur glacial.

- C’est gentil. Je saurais m’en souvenir.

À côté d’eux, quelques grains tombèrent dans le sablier de poufsouffle.

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Caerwyn rejoignait Wencesles sur ce qu’il disait. Les procès, les condamnations, ne réparaient jamais le mal qui avait été fait. De plus, une partie du Serdaigle trouait toute cette situation un peu injuste : les Mangemorts avaient envoyé des innocents à Azkaban, à la merci des Détraqueurs alors que la prison allait se débarrasser de ses geôliers quand les véritables tyrans allaient y être jetés. Un brin vindicatif et toujours un peu en colère, il aurait voulu que ces monstres dépourvus d’empathie aient un aperçu de la souffrance atroce qu’ils avaient fait subir autour d’eux. C’était peut-être un archaïque et extrême comme façon de penser, trop « œil pour œil, dent pour dent » mais il n’y avait que comme cela, aux yeux de l’adolescent, que justice serait un minimum rendue. Car rien ne rendrait leur famille à ceux qui l’avaient perdu et rien ne rendrait à Wenceslas cette lueur de vie dans les yeux. Pour toute réponse, il acquiesça seulement et silencieusement de la tête, gardant bien ses idées de garder les Détraqueurs à Azkaban uniquement pour les Mangemorts pour lui. Après tout, il n’en avait jamais vu, il ne pouvait pas savoir si la torture était si abominable qu’on ne pouvait même pas la souhaiter à ses tortionnaires.

Wenceslas essaya alors de rassurer son cadet au sujet des maisons, partant plutôt du postulat que Caerwyn pouvait convenir à plusieurs d’elles plutôt qu’à aucune. Il était vrai qu’il n’avait jamais vu les choses sous cet angle, mais il n’y croyait que moyennement. Il manquait trop de valeurs phares des différentes groupes de Poudlard pour prétendre à appartenir à une autre. À Serpentard, sa vie aurait été sûrement un enfer, de par sa condition de Né-Moldu. Il espérait grandement que Wenceslas n’en ait pas trop pâti durant sa scolarité, mais il en doutait fortement. Avec Malfoy et ses camarades, sans nul doute que son comparse de Serpentard avait dû se prendre plusieurs insultes au visage. Poufsouffle et Gryffondor auraient été vivables, à la limite, même si Caerwyn ne se trouvait pas particulièrement loyal ou juste ni brave ou courageux. Quant à Serdaigle, c’était une maison qui le convenait finalement, par défaut dirait-il. De toute façon, après Poudlard, il mettrait tout ceci derrière lui. Il se moquait donc bien de savoir de quelle couleur était sa robe de sorcier qui finirait au fin fond d’une malle poussiéreuse dans un grenier ou une cave dans lequel il ne mettrait jamais les pieds. Il haussa alors les épaules avec nonchalance.

— Serdaigle ? Ça va. Personne ne se parle vraiment dans la salle commune, chacun fait ses trucs de son côté. C’est la maison des asociaux je crois, ou des gens bizarres à qui personne n’ose parler. Personne ne se calcule vraiment. C’est très bien comme ça. Et toi, Serpentard ? J’imagine que ça devait pas être la même, surtout pour toi…

Quelque part, Caerwyn s’en voulait d’être autant colère pour rien. À part la mort de Dumbledore, il n’avait rien vécu de réellement traumatisant. À part quelques insultes au détour d’un colère par des Sang-Purs exécrables, il n’avait certainement pas connu un centième de ce que Wenceslas avait pu connaître dans sa salle commune. La colère changea alors de cible et plutôt que d’être tourné vers les Mangemorts et le monde sorcier en général, elle se retourna contre lui. Il se détesta alors d’être un gamin chouineur qui ne se sentait pas à sa place alors que d’autres avaient bien plus poussé vers la sortie que lui. Mais il tenta bien vite de chasser ces pensées, se reconcentrant sur les dires de Wenceslas qui dévoilait des informations plus qu’intéressantes pour la suite de son avenir.

— Slughorn donne du Felix Felicis ?

S’il travaillait suffisamment ses potions pour être un des meilleurs élèves de la classe, peut-être pourrait-il prétendre à cette récompense. Dans le pire des cas, savoir préparer une telle décoction ne pouvait être que bénéfique pour l’avenir également. De toute façon, il voyait les potions comme un moyen de tricher « légal ». Ce serait peut-être la seule chose qu’il n’abandonnerait pas chez les Moldus. C’était indétectable pour eux, cela n’entrait pas vraiment en conflit avec la loi sur le secret magique et les effets étaient tellement variés qu’il trouverait sûrement des utilités à certaines dans sa future vie quotidienne. Quitte à être emprisonné à Poudlard pour les six années à venir, autant bûcher à fond les potions. Cela lui ferait au moins un domaine de spécialisation si jamais il échouait à revenir parmi les Moldus (ce qui n’était absolument pas prévu au programme cela dit).

— Slughorn ? Je parle pas trop en cours, donc il ne me remarque pas. Puis, je pars de zéro, je découvre tout quand il explique une potion et je m’occupe de la reproduire. J’écoute juste les consignes et même si je les réussis, il n’y a pas grand-chose d’extraordinaire dans tout ça. Mais je suis bien content de pas avoir eu Rogue. C’est différent d’ailleurs, depuis qu’il n’est… plus là ? C’est Slughorn qui a repris la charge de la maison Serpentard, non ?

Cela avait peut-être dû alléger l’ambiance dans la maison des verts et argents. Caerwyn avait toujours eu du mal avec son feu professeur de Défense contre les Forces du Mal. Il le trouvait particulièrement odieux avec certains élèves. Lui-même s’était déjà pris une réflexion parce qu’il avait eu le malheur de faire renverser son encrier sur la table et la remarque cinglante de son enseignant lui avait donné envie de faire disparaître sa tête bouclée entre ses épaules. Puis, il y avait eu toute l’histoire concernant Dumbledore, de son ascension en tant que directeur de Poudlard, de son soi-disant sacrifice. C’était peut-être un héros de guerre et un incroyable sorcier, mais c’était un professeur exécrable que Caerwyn n’avait jamais pu réellement encadrer. L’envie de lui crier que s’il aimait pas enseigner, il devrait peut-être changer de métier s'était faite parfois poindre. D’un air distrait, il regarda les quelques grains s’égrener dans l’un des sabliers.

— Ça peut être dans vingt ans aussi. C’est le genre de trucs que j’oublierai pas. J’imagine que même si je traînerai plus parmi les sorciers, ton hibou saura me trouver.

Il eut un sourire doux et déterminé. Il n’était pas question que Wenceslas lui apprenne à fabriquer de la chance liquide sans que son cadet de Serdaigle ne trouve quoique ce soit à lui rendre en échange. Ses yeux deviennent plus rieurs.

— Au pire, quand je serai devenu un expert en Felix Felicis, je t’en donnerai gratos si t’en as besoin.

Un sourire plus large fendit son visage imberbe d’adolescent. Il ignorait si les Langues-de-Plomb avaient besoin de ce type de potion mais cela semblait être une profession dangereuse. Couvrir ses arrières magiquement ne pouvait pas être répréhensible.

Trapped

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Le principe de la répartition en quatre maisons était assez nébuleux et discutable, mais il avait le bénéfice d’être une bonne source de conversations et théories en tout genre. Au-delà des quelques caractéristiques annoncées de but en blanc, il semblait si difficile de choisir ce qui convenait le mieux à certains, alors même qu’ils n’avaient que onze ans et commençaient tout juste à se construire, que Wenceslas en dénigrait bien volontiers les bénéfices. Ne valait-il pas mieux attendre, laisser quelques années aux pré-adolescents pour évoluer et se découvrir avant de les envoyer dans des groupes déterminés et parfois complexes à appréhender ? Dès les premiers jours dans cette école, il avait réalisé combien ce couvre-chef rapiécé et ensorcelé avait réduit ses chances de sociabilisation à l’extrême. L’idée l’avait pourtant beaucoup séduit au début, lorsqu’il avait découvert l’existence de cette répartition dans l’Histoire de Poudard et au grès des explications du professeur McGonagall. La réalité l’avait si vite rattrapée, le soir même de son arrivée à vrai dire, qu’il en gardait un amer souvenir. Heureusement, tous ne vivaient pas une expérience aussi critiquable que la sienne : la répartition réussissait beaucoup à beaucoup de monde, de ce qu’il avait pu observer. Il pouvait espérer que Caerwyn, arrivé quelques années après la grande débâcle et dans une maison légèrement plus accueillante que ce qu’il avait connu, avait su se trouver une place plus douce que la sienne. Les propos du benjamin dessinèrent d’ailleurs cette hypothèse d’un façon peut-être pas des plus glorieuses mais au moins un peu plus agréable. La tranquillité y était au moins de mise, et rien que pour ça, le serpentard l’enviait.

- La maison des asociaux ? Pourquoi diable le choixpeau ne m’y a pas envoyé ?

Oh il connaissait déjà la raison, en réalité : il n’avait pas un début de commencement de créativité. Il était très terre à terre, travailleur certes mais simplement par intérêt et jamais sans oublier d’être économe quant au temps qu’il mettait aux œuvres qui ne le passionnaient pas, ce qui faisait de lui quelqu’un de plus rusé que réellement intelligent ou plein d’ardeur. Ni poufsouffle ni serdaigle ne lui aurait réellement été... quant à gryffondor, eh bien il n’était pas le courage fait homme, ni même quelqu’un de très engagé. Sa maison était en fin de compte la seule qui avait été un poil susceptible de l’accueillir.

- La proportion de camarades imbuvables à serpentard était assez élevée jusqu’à récemment, déclara-t-il avant de se fendre d’un rictus sarcastique. « Mais la guerre a quelque peu redistribué les cartes et clairsemé leurs rangs. »

Certains sang-purs avaient finis leur scolarité cahin-caha pendant qu’il était à Azkaban, d’autres avaient tout bonnement décidés de ne pas revenir après le fiasco du jugement de leurs proches et ceux qui étaient encore là évitaient généralement de trop se faire remarquer. Jamais sa scolarité n’avait été aussi calme et dénuée de conflit qu’à présent. C’était assez agréable à vrai dire, quand bien même n’était-il pas encore pleinement capable d’en savourer le plaisir.

Derrière cette discussion un brin pour légère qu’Azkaban et la guerre, les traits tirés de Caerwyn trahissaient de forts sentiments ; c’en était presque irritable de constater que même débarrassés de leurs ennemis – pour l’instant à tout le moins – ils n’étaient pas encore totalement libérés de leur emprise émotionnelle. Crispé, Wenceslas sentait de plus en plus l’envie de tirer de sa poche une autre cigarette ; depuis qu’il avait quitté sa geôle, son paquet était devenu l’un de ses meilleurs amis. Un secours à ses angoisses et sa tension, une façon d’occuper ses mains et d’envoyer son esprit voleter au loin avec la fumée... réprimer ce qui commençait à devenir une addiction certaine n’était pas simple : se concentrer sur la discussion, ne penser à rien d’autre qu’à l’instant présent. Ils discutaient de veritaserum, de Slughorn, de leurs avenirs respectifs... tant de lueurs d’espoirs qu’il devrait être capable de voir, de savourer. Peut-être un jour pourrait-il y repenser avec une brève nostalgie heureuse. Mais l’avenir était difficile à imaginer. Un peu de chance n’était pas de trop, effectivement ; ils en avaient tant manqué que ce n’était qu’un emprunt minime à tout ce qui leur avait été retiré.

- Oui. Enfin il en a donné à une personne de notre classe pour une potion réussie.

Sa starlette du moment... difficile de lui en vouloir, il était vrai. Potter était presque devenu un saint pour tout le monde aujourd’hui. Il avait des mérites, il fallait l’admettre, mais lui avait toujours été là pour voir les deux facettes de la pièce balafrée et il ne parvenait pas à lui trouver autant de qualités que Slughorn, il était vrai.

- Rogue n’était pas très bon pédagogue, c’est le moins qu’on puisse, confirma-t-il en opinant du chef. « Mais je n’étais sans doute pas le plus à plaindre. Je faisais ma vie silencieusement de mon côté, il m’ignorait le plus clair de son temps. »

Et ça lui allait très bien ainsi. Il n’avait jamais vraiment aimé se faire remarquer en classe, de toute façon. Ni en bien, ni en mal, c’était tout ce qui l’importait. Il n’aspirait pas à être le meilleur, tant qu’il n’était pas le dernier de la classe.

- Slughorn est le nouveau directeur de serpentard, oui. Mais à vrai dire, je ne saurais dire si ça a vraiment changé quelque chose... pour les élèves impliqués, j’imagine qu’il doit y en avoir.

Lui s’en fichait. Ils pourraient tout aussi bien ne pas en avoir que ça le laisserait indifférent. Ils pouvaient bien mettre un pot de fleur au poste de directeur de serpentard s’ils le désiraient. Quoi qu’il en fût, il ne lui restait que quelques mois à passer dans cette école avant de quitter définitivement ces murs sans un regard en arrière.

Wenceslas eut un sourire.

- C’est noté, répondit-il avant de rajouter d’un air presque malicieux : « Je devrais pouvoir te contacter par des biais moldus si nécessaire, ne t’inquiètes pas. »

Les hiboux n’étaient pas d’une grande discrétion dans le monde moldu, surtout lorsqu’ils transportaient du courrier. C’était d’ailleurs à se demander pourquoi Poudlard continuait à envoyer ces animaux aux familles de nés-moldus.

- Dans ce monde, de la chance liquide pourra toujours être utile confirma-t-il en souriant.

Contrairement à Caerwyn, il ne pouvait pas espérer en boire pour entrer au département des mystères – ces choses étaient très probablement surveillées – mais qui sait ce que l’avenir leur réservait ?

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Wenceslas sembla s’amuser des termes employés par Caerwyn pour décrire sa maison. Pourtant, il trouvait le choix du mot « asocial » parfaitement pertinent : les Serdaigles étaient plutôt solitaires et il était relativement rare de voir des groupes d’élèves en bleu de plus de trois personnes. Le plus courant dans la salle commune était des binômes, et encore. Il s’agissait souvent de partenaires de travail d’un soir qui ne se reparlaient plus jusqu’au prochain devoir demandé. Cette isolation n’avait pas spécialement dérangé Caerwyn durant son peu de temps Poudlard. Non seulement car il ne comptait clairement pas rester parmi les sorciers mais aussi parce qu’il ne voyait pas l’intérêt de garder contact avec des gens dont il n’appréciait pas l’univers. De toute façon, même chez les Moldus, il n’avait pas été spécialement populaire. Mais quelque part, il était assez déterminé, du moins en avait-il l’impression, pour aller au bout de ses idées tout seul. Caerwyn n’avait jamais été du genre à demander de l’aide. Il l’acceptait si elle venait d’elle-même mais il était rare les moments où il n’essayait pas de se débrouiller par lui-même. Et les Serdaigles n’étaient pas les élèves les plus avenants ni les plus altruistes de toute façon. Ils laissaient cela aux Poufsouffles.

Le sombre Wenceslas lui raconta alors la mauvaise expérience qu’il avait eu chez les Serpentards et à vrai dire, Caerwyn s’en serait douté. Les verts et argents n’avaient pas bonne réputation auprès des Nés-Moldus, surtout récemment. Il avait d’ailleurs entendu que les enfants issues de famille dépourvue de pouvoirs magiques étaient extrêmement rares à être répartis chez eux. La maison était en effet connue pour être un peu le repère des Sang-Purs, ces fameux crétins qui s’imaginaient valoir mieux qu’eux. Mais Caerwyn préféra ne pas y repenser. S’énerver à nouveau, sentir son sang se réchauffer un peu plus n’était pas utile, loin de là. Il fut en revanche plutôt soulagé d’apprendre que les choses semblaient s’être améliorées pour Wenceslas, que la vie dans son cachot semblait y être plus vivable. Ironiquement, une certaine purge semblait s’être faite naturellement à Poudlard et ce n’était pas pour déplaire Caerwyn et sûrement Wenceslas. Que les Sang-Purs se cachent chez eux, couverts d’opprobre, avait un arrière-goût très satisfaisant. De plus, il ne craignait plus longer les murs en se faisant traiter gratuitement de Sang-de-Bourbe. Oui, sa première année avait été plutôt rude nerveusement. Il savait que sa vie n’avait pas été la pire cependant. D’où cette colère qu’il ressentait parfois à son égard en s’imaginant les épreuves que d’autres avaient vécu.

— Tant mieux alors si ça se passe mieux pour toi…

La conversation repartit cependant sur quelque chose de plus léger : Wenceslas ne tarda pas à préciser comment on pouvait se procurer de Felix Felicis via Slughorn et Caerwyn fut tout ouïe. Apparemment, celui qui avait réussi à se procurer la Chance Liquide avait réussi une potion. S’il ne s’agissait que de cela, cela pouvait être dans les cordes du jeune Serdaigle. Il n’était pas mauvais dans cette matière, c’était peut-être là où il était d’ailleurs le meilleur. S’il devait les travailler encore plus pour arriver à cette décoction tant désirée, il n’hésiterait pas à mettre la main à la patte. Wenceslas mentionna alors Rogue et ses capacités de pédagogue et Caerwyn ne put qu’acquiescer de la tête.

— Oui, tant que tu faisais pas de bruit et que tu réussissais ce qu’il te demandait, il te laissait globalement tranquille. Mais pour un directeur de maison, je trouve ça un peu dommage de te laisser de côté. J’ai jamais compris pourquoi il avait la responsabilité des Serpentards. Ce gars n’avait aucune empathie.

Il voulait pas mal parler d’un mort, mais en tout bon adolescent, critiquer ses professeurs était une coutume répandue. Il avait largement préféré la bienveillance, même froide, de McGonagall ou la jovialité de Flitwick. Concernant le nouveau directeur de maison de Serpentard, Caerwyn se contenta d’hausser les épaules avant de rajouter :

— Slughorn est quand même plus ouvert d’esprit que Rogue. Il a ses têtes, certes, mais il traîne pas les élèves en difficulté dans la boue. Tu as dit qu’il y avait moins de Sang-Purs de toute façon, c’est peut-être pour ça que t’as pas l’impression qu’il ait changé beaucoup de choses. Mais tu t’en vas en fin d’année, je comprends que tu t’en foutes.

Il eut un sourire compréhensif. Il était bien trop tard pour Wenceslas pour s’investir dans la vie étudiante de Poudlard et ses blessures étaient sûrement encore bien trop fraîches. S’il avait le même souhait que lui de mettre le plus de distance possible entre lui et cette école, il n’y avait aucune raison qu’il ne daigne de noter les changements qu’apportait leur directeur de maison. Il eut alors un sourire plus large lorsque Wenceslas lui promit de le recontacter sur le besoin s’en montrait. Caerwyn restait un gamin de treize ans qui aimait bien se faire remarquer par ses aînés. Cependant, il n’était pas assez naïf pour se dire que les moyens de communication moldus allaient être efficaces. Il savait qu’une fois que Wenceslas aurait ses ASPIC en poche, ils se perdraient de vue. C’était compréhensible après tout : ils avaient une différence d’âge trop importante à ce stade de leurs vies mais Caerwyn avait bien décidé de couper tous les ponts avec le monde sorcier au moment où il serait lui-même serait fraîchement diplômé. Il eut un sourire plus triste avant de baisser les yeux qui se posèrent sur la poche où se trouvait le paquet de cigarettes de Wenceslas. Il eut une lueur malicieuse dans le regard et désigna ladite poche du menton.

— Je peux en essayer une, s’il te plaît ?

Il releva le regard vers son aîné. Essayer juste une fois ne pouvait pas faire de mal, non ? Il n’allait pas tomber dans l’addiction juste pour une cigarette. Ses parents lui avaient bien recommandé en long, en large et en travers de ne jamais essayer mais c’était de leur faute s’il se trouvait coincé ici à Poudlard. Quelque peu revanchard envers ses géniteurs, il eut un sourire innocent en direction de Wenceslas, espérant que ce dernier ne fasse pas son rabat-joie.

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La guerre avait eu bien des torts mais l’épuration qu’elle avait produite malgré elle dans les rangs de leurs ennemis n’en était pas tout à fait un ; c’était la moindre des compensations pour tant de dommages, tant d’exécutions, de torture ou d’humiliations qu’avaient pu vivre ses pairs. Les sang-purs n’étaient plus ceux qui dominaient et pouvaient se pavaner en clamant leurs idées nauséabondes sans avoir à rougir. À présent, nul n’osait lever le ton sur un sang-de-bourbe, de crainte de se voir accuser de connivences avec les perdants ; c’était là le drame et le bénéfice de toute guerre. Les gagnants imposaient leurs nouvelles règles et oppressaient à leur tour, à leur façon, ceux contre qui ils avaient luttés auparavant. Wenceslas ne partageait pas tout à fait cet amour pour la revanche mais même lui devait admettre qu’elle avait des avantages et sa passivité habituelle se délectait grandement de ne plus avoir à se battre contre des idées qui exigeaient la destruction de ses semblables. Poudlard était bien plus douce aujourd’hui ; même serpentard se révélait être une maison accueillante lorsque ses pires membres n’en foulaient plus le sol... ou regardaient leurs pieds en espérant n’attirer l’attention de quiconque. Depuis le début de l’année, il avait l’impression d’avoir passé plus de temps dans la salle commune que les six années précédentes réunies tant son quotidien avait changé du tout au tout. En outre, il ne partageait plus son dortoir avec une horde de sang-purs aux parents mangemorts ; la plupart d’entre eux avaient eu le bon goût de ne pas revenir. Le dernier maillon gênant avait été enterré, d’abord détesté puis avec les honneurs, mais non sans laisser un souvenir amer à beaucoup d’élèves ; peut-être eut-il été un agent double promis à la cause du « camp du bien » mais il restait dans l’esprit de bien des personnes ce maître des potions sévère et injuste qui en effrayaient plus d’un. Chanceux sur ce point-là, Wenceslas n’avait jamais été le plus à plaindre des méfaits de Rogue.

- Eh bien j’imagine qu’il n’y avait pas beaucoup de choix... qui d’autre parmi les professeurs, avant l’arrivée de Slughorn, était issu de serpentard ? argua-t-il en réponse aux questionnements de son benjamin. « Et Dumbledore était si sûr de lui qu’il devait rester aveugle à la réalité : il était peut-être un bon espion, mais un professeur de bien piètre pédagogie et un mauvais directeur de maison. »

Ses mots pouvaient paraître durs mais il n’en concevait aucune forme d’importance. Il n’avait jamais porté Dumbledore dans son cœur ; peut-être était-ce un reliquat de ce mépris que les serpentards avaient cultivé à l’encontre du directeur, ou peut-être n’était-ce que le constat des innombrables erreurs de l’homme. Qu’importe à vrai dire.

- Oui, il est vrai que Slughorn n’est pas vraiment comparable à Rogue... meilleur en tout point comme professeur, je l’admets bien volontiers. Ses cours sont infiniment plus appréciables, j’imagine que l’on peut s’attendre à quelque chose de similaire pour sa direction de la maison.

Il haussa des épaules.

- Peut-être aurais-je moi-même le temps d’en constater les effets d’ici la fin de l’année, qui sait.

Non qu’il y attache une importance particulière, mais il pouvait bien accorder ça à Caerwyn ; l’adolescent avait encore de belles années devant lui dans cette école de malheur, lui dépeindre un tableau trop morose ne serait pas très charitable.

- Et dans le cas contraire, je ne doute pas que tu trouveras le chemin de mon contact pour venir me conter les quelques évolutions de Poudlard ? ajouta-t-il dans un petit rire.

Wenceslas ne croyait pas vraiment aux possibilités qu’ils gardent contact après son départ de Poudlard ; il n’était pas un être humain très sociable et ne courrait pas après les relations... si celles-ci ne venaient pas à lui, ils ne cherchaient pas à les entretenir. Seules les personnalités un peu plus entreprenantes parvenaient à s’imposer suffisamment à lui pour qu’il daigne leur accorder une attention durable... et force était de reconnaître que ces personnes étaient rares dans son quotidien.

Le regard de l’aîné baissa jusqu’à se poser sur la poche qui abritait le paquet de cigarettes que désignait le serdaigle. Celui-ci avait le regard coupable de l’adolescent qui venait de poser le pied sur un terrain prohibé et qui se délectait de la sensation d’adrénaline qui grandissait. Si le serpentard avait été plus moralisateur, il aurait posé un regard courroucé à Caerwyn en lui intimant de ne point toucher à ces choses, qu’elles étaient mauvaises et que mieux valait ne jamais en fumer... mais dire à un enfant qui avait connu les affres de la guerre qu’il restait de mourir les poumons encrassés dans plusieurs dizaines d’années était ridicule. Ils avaient déjà eu bien plus important à s’inquiéter et auraient sûrement tant d’autres ennuis que si l’un ou l’autre finissait par mourir assassiné par le tabagisme, ils pourraient s’en féliciter. Sans hésitation donc, il tira donc de sa poche le paquet, refermant ses doigts sur deux cigarettes ; il en glissa une entre ses lèvres et tendit l’autre à son camarade.

- Attention, tu risques de tousser un peu, le mit-il en garde dans un sourire calme en rangeant le paquet pour prendre sa baguette à la place et allumer d’un coup l’extrémité de sa cigarette. « Approche. » Et prudemment, pour ne pas risquer de lui cramer une mèche, il alluma de quelques étincelles celle du plus jeune.

Sitôt sa baguette à nouveau glissée dans son veston, il tira une latte comme pour montrer l’exemple – et quel exemple ! – au serdaigle.

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Pour quiconque s’approcherait des deux élèves, leur conversation avait quelque chose de très banal : deux adolescents parlant de leurs professeurs, les comparant, les critiquant, s’en plaignant même. La seule chose que ne pourrait saisir une oreille indiscrète était peut-être qu’ils parlaient plutôt mal d’un héros de guerre, de deux même. Car si Rogue n’avait pas laissé une bonne impression ni à Wenceslas, ni à Caerwyn, l’éminent Dumbledore non plus. Peut-être étaient-ils encore trop jeunes pour comprendre l’impact qu’avaient eu leurs sacrifices sur la guerre. Mais avaient-ils eu de toute façon l’âge de subir et voir les horreurs du conflit ? Caerwyn secoua la tête négativement aux propos de Wenceslas. Oui, Rogue avait été un bon espion, mais n’y avait-il pas eu une autre façon d’utiliser ses talents ? Pourquoi mettre en péril l’éducation des jeunes sorciers ? Et encore, il avait entendu des histoires sur certains professeurs des années précédentes qui lui donnaient encore des frissons d’effroi. Et Wenceslas les avait tous connus. Celui avec Voldemort derrière la tête, l’incompétent qui se prétendait être un héros, le loup-garou, le Mangemort sous Polynectar, l’envoyée diabolique du Ministère qui torturait ses élèves. Finalement, Rogue la porte de prison n’était peut-être pas le pire.

— J’ai l’impression que Dumbledore se moquait un peu de savoir qui il engageait ici, tant qu’on avait quelqu’un qu’on pouvait appeler « professeur ».

Son regard se perdit un instant dans le vide en évoquant Dumbledore. Le nom de l’ancien directeur était à présent à jamais graver dans sa mémoire et certaines images ne cessaient de venir lui marteler la cervelle dès que le nom du défunt sorcier était évoqué. Ce dont il avait été témoin ce soir-là, il n’en avait toujours parlé à personne. Wenceslas se montra en revanche plus positif sur le compte de Slughorn et Caerwyn le rejoignit à ce sujet. De toute façon, le Serpentard pouvait bien dire ce qu’il voulait, la candeur juvénile du Serdaigle boirait ses paroles quoiqu’il arrivait. Il fallait bien avoir un modèle dans ce monde sauvage et son aîné était peut-être ce qui s’en rapprochait le plus. Pourtant, ils ne s’étaient pas parlés tant que cela, n’étaient pas vraiment amis non plus, et il y avait fort à parier que leurs chemins se séparent dès la fin du mois de juin. Mais cela n’avait aucune important aux yeux du jeune Serdaigle qui trouvait dans cette discussion un peu de réconfort et d’optimiste dans l’avenir. Même si Wenceslas n’était pas le plus positif des adolescents (et c’était bien normal), tous deux semblaient penser que le plus dur était désormais derrière eux. Que la guerre et les conflits reviendraient certainement, l’Homme s’ennuyait vite s’il ne faisait pas des tueries de masse, mais qu’ils allaient sûrement laissé cela pour des générations futures qu’ils ne connaîtraient jamais. Après tout, ils n’étaient que de passage ici-bas. Caerwyn hocha la tête de haut en bas avant de lui rendre son sourire.

— Je te raconterai tous les trucs bizarres qui se passent ici, promis !

Heureusement qu’il y avait encore de faire rire un peu dans cette école maudite. Comment certains s’amusaient à faire tourner en bourrique l’antipathique concierge, la vitesse à laquelle il pouvait piquer du nez en cours d’Histoire de la Magie du professeur Binns, les options qu’il comptait prendre dès l’année prochaine. Mais peut-être que tout ceci n’intéressait pas Wenceslas et qu’il se montrait juste poli ? L’enthousiasme puéril d’un gamin de treize ans n’était peut-être pas vraiment ce qu’il recherchait dans sa vie d’adulte. Se rendant compte qu’il était bien ridicule à s’emballer pour si peu, Caerwyn conserva tout de même son sourire, bien que plus pâlot. Peut-être qu’il n’aurait rien à raconter non plus finalement, avec un peu de chance.

Mais le jeune Serdaigle, poussé par une brusque envie d’effronterie, avait demandé une cigarette à son camarade. Il se doutait que celui-ci allait refuser. Ce n’était clairement pas raisonnable et il se doutait que fumer dans le château était parfaitement prohibé. Pourtant, contre toute attente, Wenceslas sortit le paquet et ne sembla rechigner à plonger son benjamin dans cette mauvaise habitude. De toute façon, avec une seule cigarette, il ne risquait rien, non ? Il n’avait de toute façon pas l’argent ni l’opportunité de s’en acheter dès que Wenceslas ne serait plus dans les parages. Et il se doutait qu’il n’y avait pas de bureau de tabac à Pré-au-Lard. Cependant, il ne pouvait cacher l’éclat d’excitation impatiente dans ses yeux, mû par cette étrange mais agréable sensation de faire de quelque chose de parfaitement interdit. La dernière fois que Caerwyn s’était joué des règles de Poudlard, cela s’était mal terminé. Tenter de redessiner la Tour d’Astromonie dans la quiétude du nuit chaude de juin n’avait pas tourné exactement comme il l’avait souhaité.

— Merci !

Peut-être que son enthousiasme se voyait trop lorsqu’il récupéra la cigarette gentiment offerte par le Serpentard. Ce dernier le mit en garde sur le fait qu’il pouvait tousser mais il s’en moquait. Il avait dans ses yeux cette impression ridicule de devenir grand et qu’il allait enfin être pris au sérieux maintenant qu’il allait porter une cigarette à ses lèvres. Docilement, il en approcha le bout afin que Wenceslas l’allume et ne put cacher son sourire de gamin fier. Il le regarda alors faire comme si le Serpentard était en train de lui montrer le sens de la vie et Caerwyn ne tarda pas à l’imiter. Portant l’extrémité orangée à ses lèvres, il tenta d’inspirer mais la sensation qui traversa sa gorge déplut fortement à ses poumons. Comme convenu, il toussa en expulsant une certaine quantité de fumée avant d’avoir rapidement une mine dégoûtée sur le visage. Amusé, il eut un léger un rire et regarda Wenceslas.

— Je l’ai mal fait je crois.

Têtu, il recommença donc, avec moins d’empressement enthousiaste cette fois-ci. Plus prudent, il continua d’observer la façon de faire de Wenceslas, il tira sur la cigarette mais l’effet n’était toujours pas là. Il se retint de tousser, devant certainement faire une grimace très ridicule de l’extérieur, les yeux plissés et devenant rouges, et souffla timidement la fumée comme pour tenter de rester digne.

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Au bénéfice des années, Wenceslas avait fini par développer un certain regard critique vis-à-vis de ses professeurs successifs. Ça n’était pas toujours très glorieux et sans doute n’était-il pas très bien placé pour faire opposer de quelconques critiques à ceux qui vantaient les mérites de tel ou tel autre adulte, mais comme élève il n’avait guère développé un regard particulièrement valorisant sur ses enseignants. Il y avait bien quelques exceptions, comme le professeur McGonagall qui faisait généralement consensus, mais même le défunt directeur pourtant porté aux nues ne trouvait pas grâce à ses yeux : il ne voyait que les successions d’échecs, les années désastreuses, les membres du personnel critiquables et les choix parfois très curieux. L’on pouvait lui rétorquer qu’il n’était pas le responsable de toutes les embauches et qu’il avait autant subi que les élèves les choix du conseil d’administration ou du ministère, mais lui ne voyait que le dénominateur commun : Dumbledore. Il était un héro pour certain, loué par Potter et ses comparses, mais le serpentard ne parvenait pas à partager cet avis, même après tout ce temps. Ou surtout après tout ce temps. Et lorsqu’il avait feuilleté le livre biographique sur le personnage, il n’avait finalement trouvé qu’une confirmation de ses idées déjà bien ancrées. Pour Caerwyn, les choses étaient quelques peu différentes : l’adolescent ne l’avait que peu très brièvement connu et à une époque où il était ouvertement considéré comme un héros. Il était même assez surprenant d’entendre son avis pas si flatteur que ça, alors même que quelques mois après son arrivée dans l’école, il assistait au décès et aux funérailles grandioses de Dumbledore.

- Sans doute... confirma-t-il en haussant des épaules. Il n’en savait trop rien en réalité et ne s’en préoccupait pas beaucoup plus : il était décédé et laissait derrière lui un héritage dont le né-moldu se moquait bien, d’autant plus qu’il n’escomptait pas s’éterniser dans l’école.

Wenceslas glissa les mains dans les poches, ses doigts frôlant son paquet de cigarette dans l’une et sa baguette dans l’autre. C’était bien là les deux seules choses dont il ne se débarrassait jamais, depuis sa sortie d’Azkaban. Ses deux meilleurs amis, deux soutiens indéfectibles et qui eux, au moins, ne risquaient pas de le trahir. Sauf à considérer le cancer comme une forme de trahison, mais au moins était-il prévenu des risques qu’il prenait en succombant au tabagisme. Et puis l’on pouvait critiquer le monde sorcier, mais au moins avait-il une forme de médecine très avancée sur certains domaines comme celui des tumeurs ; il ne prenait finalement pas grand risque. Mis en perspective à côté de tout ce que Poudlard lui avait fait voir, les conséquences de quelques cigarettes étaient bien négligeables et s’il ne risquait rien d’autre que quelques soucis médicaux dans un avenir lointain, il accueillait la chose à bras ouverts : c’était une mort infiniment plus douce et agréable que ce qu’il avait cru voir pour lui lorsqu’il était enfermé dans des geôles.

Perdu dans ses pensées un brin morbide, la voix de Caerwyn le ramena subitement à Poudlard, lui promettant les anecdotes les plus croustillantes des années à venir ; cela lui arracha un sourire attendri. Même affecté par la guerre, le serdaigle demeurait un pré-adolescent qui se découvrait encore et pouvait s’émouvoir de certaines choses, capacité que Wenceslas semblait avoir perdu... à moins qu’il ne l’ait simplement laissée derrière lui, en quittant la prison. Il ne lui restait plus grand-chose de cette candeur passée qui se lisait dans le sourire timide de son benjamin ou l’excitation dans ses yeux quand le serpentard tira finalement de sa poche le paquet demandé pour lui tendre une cigarette. Ça n’était peut-être pas bien raisonnable de faire fumer un garçon de 13 ans, ni tout à fait acceptable, mais ni le règlement ni la bienséance ne préoccupait réellement le jeune adulte. Ça n’était qu’une cigarette après tout et il serait bien en mal de lui faire la leçon. Sans la moindre hésitation donc, il leur en avait allumé une chacun, tirant une première fois sur la sienne pour montrer à son cadet la marche à suivre, lequel le regardait d’un air presque religieux qui pouvait prêter à rire. De rire, il n’y en eut pourtant pas, sinon un rictus amusé lorsque Caerwyn se mit à tousser, chassant la fumée loin de ses poumons.

- Pas si vite ! le mit-il en garde alors que le plus jeune cherchait un peu d’air. « Je t’avais prévenu, ça fait toujours ça au début. »

N’était-ce pas un peu curieux que de constater que tous les fumeurs étaient un jour passés par ce sentiment désagréable, se forçant à aimer la cigarette avant de finalement en devenir dépendant ? Il y avait après tout un quelque chose de ridicule dans la démarche et pourtant d’infiniment sociable. Les adolescents se plaisaient à essayer pour faire comme les autres, lesquels avaient commencés pour avoir cette impression de grandir, de ne plus être des enfants. C’était un rite de passage un peu ridicule.

- Ne te force pas à la terminer si ça ne te plait pas, proposa-t-il finalement en le voyant réessayer, plus prudemment et le visage un peu figé par la concentration. « Je ne m’offusquerais pas que tu décides de l’écraser. »

Et puis, il ne tenait pas particulièrement à le voir s’étouffer simplement pour lui faire plaisir.

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