Le chaos était satisfaisant. Il nourrissait sa propre perversion naissante, son besoin néfaste d’être maître de ce qui l’entourait. Elle avait toujours fait partie de ceux qui prétendent tout maîtriser au point où elle s’était prise à son propre jeu, bluffant son subconscient alors que tout lui échappait. Elle était loin d’être une reine, juste un joli pion dans le grand échiquier familial. Alors dès qu’elle pouvait se saisir du contrôle, et duper son esprit, elle ne s’en privait pas. Azure ou une autre personne, ça ne faisait aucune différence, tant le besoin de faire taire l’abîme en elle était devenue vitale. Un brin malsaine, elle se laissait captiver par la discussion tout en mordillant ses lèvres de couleur pourpre. Azure semblait bien mal à l’aise face à la situation et l’aînée se délectait de la situation qu’elles venaient de créer. Elle avait désiré trouvé une occupation, la chose était faite. Et quand bien même il lui manquait encore tout un tas de réponse pour apaiser sa curiosité, elle se réjouissait déjà de ce qui se passait devant ses yeux avides. Tout en accordant à Azure une part de mérite, demi-gloire à partager de leur moment, après tout sans les secrets de la cadette, Isadora serait déjà bien loin de cette dernière. « Mais n’est ce pas ce qu’une partie de toi désir ? Être avec lui ? » Les mots s'échappaient dans le calme de sa voix, contradiction de l’excitation intérieure qu’elle combattait. Quelques minutes, auparavant, Isadora avait cru défaillir et replonger dans ses angoisses. Si bien, qu’elle avait songé un instant à partir, fuir, afin de ne pas offrir une telle vision de sa personne à Azure. Elle ne voulait pas paraître pathétique, pas encore une fois. Souvenir amer qui remontait à la surface, mais rapidement expédier dans un coin de sa tête. Shayne et Azure. Thomas et Azure. Le destin avait décidé de lui offrir un répit face à cette douce occupation. « Tu peux l’avouer. » La faire craquer quitte à se faire détester par la suite lui importait peu. Après tout, elle n’était pas connue à Poudlard pour sa gentillesse, bien au contraire et elle souhaitait que ça reste ainsi.

Azure désirait Shayne tout autant qu’elle désirait Thomas. C’est la conclusion qui s’imposa dans sa tête alors que ses yeux ne lâchèrent la demoiselle que quelques secondes pour constater que la bibliothèque était vide. Il ne restait plus qu’elles, assissent au milieu des livres poussiéreux de l’école. Poussiéreux et pourtant témoins anciens de tellement de secrets. « Pour lui, ou pour toi ? » Elle n’allait pas la lâcher. Pour elle, la demoiselle venait tourner autour d’une vérité qu’elle ne souhaitait pas s’avouer. Ironie de la part d’Isadora qui fuyait la sienne. Cependant, nier était sa spécialité et personne ne viendrait ébranler la manipulation qu’elle exécutait avec soin sur sa propre personne. Après tout, elle n’avait qu’entendu, rien n’était officielle. « Mh, comme beaucoup de personnes, j’imagine. » Un brin sarcastique, Isadora n’arrivait pas à imaginer une seule personne appréciant d'être mis dans le rôle du substitut. Elle appuya son menton contre la paume de sa main, une mèche brune tomba devant son visage. « Le sait-il ? » Demanda-t-elle curieuse, alors que la réponse semblait évidente dans sa tête. Avaient-ils eu cette discussion ensemble ? Shayne, avait-il prévenu Azure qu’il n’appréciait pas cette situation. Ce triangle amoureux venait presque battre le dernier roman qui captivait ses nuits. Pour rien au monde, elle ne souhaiterait se retrouver à la place d’Azure. Le chaos de la rouge et or devait être bien fatigant, tout ça pour des histoires de cœur. Elle en viendrait presque à rire de pitié tant cela lui semble risible. « Et Thomas, qu’en pense-t-il, lui ? » Le pauvre garçon, savait-il qu’il avait de la concurrence ? Peut-être n’était-il même pas au courant qu’il se retrouvait dans le chaos sentimental d’Azure. Après tout, cela n’aurait rien d’étonnant et bien qu’observatrice, elle n’avait jamais fait très attention aux comportements de ces deux-là, ensemble. Disons, qu’elle avait mieux à faire.

De fil en aiguille, la discussion avait finalement atteint le but escompté. Innocemment, elle avait fini par laisser la graine germer pour obtenir ses réponses. L'hibou lui avait été d’une grande aide, mais de la naïveté d’Azure aussi. « Ne tarde pas, sinon ils t’échapperont tous les deux. » Menace. Isadora n’était pas la menace première, mais n’importe qui dans ce château pouvait l’être surtout face à l’indécision qui semblait consumer Azure et si elle pouvait l’aider à s’y enfoncer davantage elle était prête à jouer ses meilleures cartes. « C’est peut-être déjà le cas. »

Aussi agaçant qu’un discours de leur cher directeur, Isadora s’était mise à rouler des yeux. Lasses et amusées, les émotions se mêlaient pour former une parfaite harmonie en elle. Peut-être n’était-elle pas si saine d’esprit comme son grand-père aimait le dire à ses amies. Ou bien, avait-il vu déjà très tôt en elle ce grain de folie qui brillait dans le fin fond de ses pupilles. Imperceptible et pourtant bien présent, patientant pour vriller. ’J’ai rien à avouer. Et lui, il le sait déjà tout ce qu’il y a à savoir.’ Si Azure voulait se convaincre du contraire, c’était son choix songea la gryffondor en écoutant les excuses de cette dernière. Elle détourna un moment son regard sur ses doigts manucurés, montrant un soudain désintérêt à la demoiselle. Désintérêt gratuit, dédains de sa personne, ce n’était que d’apparence, car ses oreilles enregistraient chaque mot précieusement. Elle patientait pour le moment opportun pour en rajouter une couche. « Et il apprécie d’être ta roue de secours ? » Faussement intéressée, plus provocante que méchante, elle ne dévia pas son regard de ses ongles. Noir. Tout comme son intention à ce moment. Ses yeux se relevèrent sur le doux visage d’Azure comme par automatisme au bout de quelques secondes. « Je ne le pensais pas si idiot. » Shayne perdait son temps, l’évidence était frappante dans son esprit. Peut-être qu’elle en toucherait quelques mots à son frère afin qu’il parle au gryffondor. Après tout, si la jeune femme n’agissait pas peut-être que quelqu’un se devait d’intervenir. Isadora était prête à se sacrifier face à ce mélodrame romantique. « Mais peut-être que Thomas est ta roue de secours. » Devenant soudain pensive, elle inversa les rôles dans sa tête. Au fond, n’étaient-ils pas tous les deux des roues de secours pour Azure. C’était aussi un peu de sa faute si elle ne savait pas se décider. ‘Je suis pas la fille que tu penses. J’ai rien fait de mal. ‘ Mal. Elle tilta. « Je n’ai pas dit que c’était mal. » La tête légèrement inclinée en direction de sa proie, son rictus s’étirait pour venir obscurcir la lueur brillante de ses yeux. Au fond, la morale lui dictait de le penser et c’était à juste titre, mais ses mots sortirent différemment de sa bouche. Le jugement dans sa voix laissait toutefois démontrer l’inverse. Elle en était à faire du sarcasme. Évidemment qu’elle faisait tout mal, ce n’était nouveau pour personne. Isadora inspira longuement, inhalant l’atmosphère malaisante qui avait pris place. Quelques minutes, plus tôt, elle n'était d’apparence que douceur, à discuter avec la jeune femme. L’idée derrière avait pourtant toujours été la même. Le chaos.

C’est formidable à quel point les tourments des uns pouvaient offrir, un divertissement pour d’autres. Une occupation qui ne faisait que l’amuser à chaque fois qu’Azure ouvrait sa bouche pour parler. Patienter pour que le destin se fasse, pathétique attitude d’une indécise au cœur virevoltant. Isadora ne peut retenir le gloussement qui remonta de sa gorge, cachant ainsi l’amertume de la culpabilité qui ressurgissait. L’évocation de Théodore était un coup bas, Azure n’avait aucune idée de la complexité de son cas. C’était mieux ainsi. Le jeune homme restait une épine douloureuse dans la chair de la demoiselle. « Tu es finalement peut-être ce genre de fille. » Attaque. Insulte à demi-mot qui n’avait pour but que de la provoquer. Si Azure n’était pas capable de poser un ultimatum, elle finirait sans doute seule. Isadora se redressa sur sa chaise, ramenant une mèche de ses cheveux derrière son oreille droite. « Leur décision est peut-être déjà faite à l’heure ou nous parlons.» La demoiselle l’amusait autant qu’elle l’agaçait par son comportement. Il était drôle de la voir perdue dans ce chaos de sentiment, mais cette faiblesse d’esprit avait le don de l’énerver. Elle avait définitivement besoin qu’on le secoue, mais elle laissait sa colocataire de chambre gérer cela. Agatha allait vraiment finir par lui tomber dessus.

Au fond, Isadora se surprit à penser qu’elle était chanceuse de ne pas avoir à se soucier de ses histoires de cœur. Elle était consciente, de ce qui la guettait, il ne lui restait plus qu’à fuir toute relation afin de ne pas briser un cœur quand le destin l’appellera à effectuer son devoir. Ses problèmes étaient peut-être bien plus simples que ceux d’Azure et un poids se retira de ses épaules. Encore une fois, elle venait nier l’importance de ce qui la tramait, car c’était plus facile ainsi, le mensonge était toujours plus agréable que la vérité.

Naïve ou bonne menteuse, Isadora balançait entre ses deux options pour décrire Azure à cet instant. La seconde restant la plus convaincante et logique lorsqu’il était question de sentiment. « Ai-je tord ? » Demanda-t-elle alors qu’une lueur de challenge brillât dans ses pupilles. L’interrogation n’attendait rien, aucune réponse. Azure allait-elle oser la contredire quand tout semblait pourtant indiquer à la benjamine des MacMillan qu’elle avait raison. La griffonne, préférait-elle sûrement rester enfermée dans ses mensonges, ne pas s’avouer la vérité. Tout cela n’allait pas finir joliment et c’était une autre certitude d’Isadora. La question qui demeurait désormais était simple : qui dans ce petit trio allait finir au plus bas. Tragique. Les paris pouvaient désormais être lancés. Team Thomas ou Team Shayne, cela n’avait plus son importance, le cœur brisée serait sans doute le plus inattendu. Isadora misait sur Azure sans hésitation. Son rictus s’élargit en voyant la demoiselle se lever bruyamment de sa chaise. Enfin une réaction qui venait la tirer de ses pensées. La brune se savait agaçante par moment et enfant le poisson venait mordre à l’hameçon. Le chaos était semé et bien que léger, elle en tirait une agréable satisfaction. Oui, au fond, Isadora aurait préféré voir Azure perdre son calme et s’énerver, à juste titre, contre elle. Cependant, consciente qu’elle ne pouvait tout obtenir dans la vie, elle se contenta de ce qu’on lui offrait. Elle resta silencieuse un instant avant de lâcher dans une voix enjouée : « Tu me quittes ? » Hypocrisie et sarcasme qui s’entrechoque, elle n’en restait pas moins reconnaissante envers sa camarade de maison pour lui avoir offert ce divertissement. Ce début de soirée était bien différent de ce qu’elle avait prévu lorsqu’elle avait quitté la grande salle, sa pomme à la main pour rejoindre la bibliothèque. Fuyant ses problèmes pour étudier, elle avait finalement jeté son intérêt sur l’adolescente face à elle et elle n’avait aucun regret. « Passe le bonsoir au garçon que tu rejoindras ce soir. » Elle se moquait bien de savoir si Azure allait rejoindre Thomas ou Shayne, tout comme elle se désintéressait totalement de savoir ce qu’elle allait faire avant sa patrouille de préfètes. Cependant, si elle pouvait marquer un point de plus, la brune n’allait pas s’en priver et son regard narquois sur Azure le prouvait bien.

Désormais, sa distraction prenait la fuite pour la laisser seule face à l’abîme qui la hantait. C’était encore trop tôt pour voir ses pensées resurgirent, mais elle sentait la barrière qui les retenait proche de l’effondrement. Si bien, que lorsqu’elle se retrouva seule, assise à la table qu’elle avait occupée avec Azure au milieu de la bibliothèque, son visage perdu ses couleurs. Le compte à rebours reprenait et très vite les problèmes d’Azure venait disparaître pour laisser les siens prendre le dessus et lui intimer le malaise de l’angoisse montant. Isadora attrapa le livre face à elle et l’ouvrit pour occuper de nouveau son cerveau contre le risque de défaillance. Il était encore trop tôt pour rentrer.