Un parfum de miel et de violence [Silas & Nikita]

La vie en pensionnat finissait invariablement par se régler comme du papier à musique. Il fallait au moins cela pour discipliner – un peu – quelques centaines d’adolescents en manque de sommeil et de surveillance. Habitué à l’organisation on-ne-peut plus drastique de Koldovstoretz – où faute d’elfes à disposition, une bonne part des corvées étaient réalisées par les étudiants afin de les responsabiliser – Nikita avait rapidement pris son plis de la situation. On se levait le matin, se douchait en vitesse, revêtait l’uniforme et descendait au petit déjeuner, l’occasion d’entendre les éventuelles annonces pour la journée, et recevoir le courrier.

Du courrier, Nikita n’en avait pas reçu beaucoup pour le moment. Les quelques fois où on avait eu besoin de lui transmettre un message, le Kot Baioun s’en était chargé. Lire dans les pensées du chat était autrement plus sûr qu’une lettre dont un magicien habile aurait tôt fait de décacheter le sceau. Du reste, le jeune homme avait bien été pris pour cible par quelques hiboux, mais c’était là des lettres de ses anciens amis restés au pays, ou des messages de ses tantes. De ses parents, il ne fallait rien attendre par voie postale.

Feodor Yaga, cependant, avait dû finir par considérer qu’il allait finir par paraitre étrange que son fils ne reçoive jamais de nouvelles de ses géniteurs. Aussi s’était-il mis en tête un matin de donner le change, que nul n’ignore qu’il y avait correspondance, comme on allume un contre-feu pour dissimuler le forfait ailleurs. Dans la cohue des chouettes au vol silencieux, le lourd battement des ailes de l’aigle surprit une bonne partie des élèves, à commencer par le principal intéressé.

C’était là une bête diplomatique, superbe au demeurant, les plumes d’or et d’onyx aux couleurs de l’ancienne Russie impériale et surtout, surtout, deux cous et deux têtes qui regardaient dans des sens opposés et pivotaient à la base du torse comme une girouette.

Le grand oiseau vola un tour en cercle au-dessus des tables puis, dans un fracas de vaisselle, vint se poser devant Nikita, légèrement rougissant de l’attention soudaine qu’une telle visite lui valait. Il remercia l’animal de quelques mots en russe, prononcés à voix basse, et ce-dernier ouvrit son bec pour délivrer un imposant colis, scellé de cire rouge. Aussitôt que celui-ci eut atterri dans les mains du jeune homme, cependant, l’animal reprit son envol, balayant du souffle de ses ailes les serviettes et quelques chapeaux à proximité.

Au fond de lui, Nikita en voulu un peu à son père, d’avoir mis de tels moyens – et si peu subtils – mais raison d’Etat dépassait ses puérils désirs d’anonymat. Que pouvait-il de toute façon espérer de ce côté-là, ayant fait sa rentrée entouré de marmots qu’il dépassait tous pour la plupart d’une tête et demie ? Et c’était sans compter son accent et sa grammaire qui trahissait ses origines dès lors qu’il ouvrait la bouche…

D’un coup de couteau à beurre, il ouvrit le paquet, révélant dedans une pleine boîte de medovik, des gâteaux au miel. Au moins ses parents avaient eu le bon goût de lui envoyer ses pâtisseries préférés, et pas un quelconque cadeau générique. Plus qu’il n’aurait su dire pourquoi, l’attention le toucha et il en aurait presque oublié sa gêne, ramené l’espace d’un instant à son pays, par le simple pouvoir d’un parfum de sucre et de miel. C'est que pris dans le tourbillon de sa rentrée, il n'avait guère eut le loisir d'être touché par la nostalgie, sinon parfois le soir, dans la solitude de son lit. Le vol du grand aigle et surtout le parfum des gâteaux étaient parvenus à le transporter ailleurs.

- Ouh là, on a un truc à compenser par ici.

La bulle de souvenirs vola en éclat, lui arrachant une grimace. Nikita n'avait pas une maîtrise de l'anglais suffisante pour percevoir du premier coup les sous-entendus compliqués, mais il savait assez bien reconnaitre le ton employé, et celui-ci était railleur, moqueur, et tourné contre lui. D'un geste précautionneux, il referme la boîte à gâteau et pivota sur son siège.

Face à lui se trouvait un grand adolescent dégingandé et mal habillé, et pas seulement parce qu'il portait une cravate bleue à la table de Gryffondor.

Nikita l'avisa silencieusement de haut en bas, prenant le temps de le jauger. Son style vaguement racaille atteignait son paroxysme avec le piercing qu'il arborait au nez. Sans doute espérait-il que cela l'embellissait, ou lui donnait un genre, Nikita se fit la réflexion qu'il avait surtout l'air d'un homosexuel. Autant dire, pas le genre de type devant qui on s'écrase.

- Compenser quoi ? Il ne remplace pas mon hiboux si tu veux savoir.

C'était de ça dont il voulait parler sans doute ? Mais pas besoin de se montrer à ce point railleur, dès lors.

- C'est l'aigle impérial de la Russie, expliqua-t-il, magnanime. C'est une gargouille à laquelle on donne vie.

Les étrangers, a fortiori les Britanniques, ne connaissaient pas grand chose à son pays, Nikita n'avait pas tardé à s'en rendre compte. Il était dès lors de son devoir, en tant que fils de l'ambassadeur, de jouer le rôle de courroie de transmission entre eux et sa culture d'origine. Cela faisait partie de ses missions, et que son interlocuteur soit une tarlouze n'y changeait rien.

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@Silas Jørgensen

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Le retour à Poudlard avait été particulièrement difficile pour Silas les premières semaines. Entre les moqueries, les disputes, les gifles et les provocations (sans compter que Dash avait manqué d’être éborgné), il ne s’était pas trouvé beaucoup de place pour apprécier de retrouver l’école de sorcellerie. Heureusement, une nouvelle routine matinale s’était doucement nouée pour apporter enfin un peu de joie dans ce quotidien qui était devenu angoissant. Oh, il ne s’agissait pas du réveil, bien sûr, ni même de la douche ou de la salle commune – non, la joie se trouvait dans la grande salle, à la table des Gryffondors. Lorsque son regard croisait le sien, cette joie étirait un sourire comme un univers entier, convoyant les meilleurs souvenirs et les plus tendres futurs.

Ainsi, chaque matin, Silas prenait le temps de marquer une pause sur le pas de la grande porte pour observer Dash. La façon dont il se mettait des miettes partout, dont il essuyait ses mains grasses discrètement sur sa robe, dont il rejetait la tête en arrière pour éclater de rire à une plaisanterie, dont ses yeux brillaient d’un coup en apercevant son meilleur ami à l’entrée de la grande salle. À ce moment précis, le Serdaigle transformait ce sourire tendre que ses lèvres avaient étiré en un croissant de malice et un clin d’œil complice. Sauf que ce matin, Dash n’était pas là. Plutôt qu’un sourire, c’était une moue déçue qui s’étirait sur le visage encadré de mèches indisciplinées du jeune homme. Après quelques longues secondes à demeurer immobile, il s’ébroua et effleura l’un des accoudoirs de son ronronroulant pour le remettre en branle. Tant pis, il l’attendrait directement à la table des Gryffondors. Il suspecta que son ami évitait sans doute l’arrivée des hiboux depuis son accident d’hippogriffe – à moins qu’il ne soit retenu quelque part pour une raison obscure. En tout cas, il espérait qu’il allait bien.

Tout à ses pensées et la tentation d’écrire une petite note pour s’assurer qu’il allait bientôt arriver et qu’il ne lui était rien arrivé, Silas remarqua à peine à côté de qui il se coulait sur le banc des rouges, tandis que Bane retrouvait sa forme féline et se roulait en boule à ses pieds ; pas plus qu’il ne prêta attention au ballet des hiboux qui apportaient le courrier dans des froissements discrets de plumes délicatement crénelées. Ses yeux bleus, cependant, furent immanquablement attirés par l’arrivée particulièrement voyante d’une créature mythique : battant de ses ailes puissantes en faisant claquer l’air qu’il soulevait, un aigle massif à deux têtes se dirigeait droit sur le Serdaigle après avoir effectué un arc de cercle au-dessus des quatre tables alignées. Déstabilisé et un peu effrayé – comme bon nombre de ses camarades autour de lui –, Silas observa l’imposant rapace se poser bruyamment devant un adolescent tout ce qu’il y avait de plus banal. Si peu remarquable, en réalité, que seule l’information qu’il s’agissait du précieux fils à papa russe lui indiqua son identité ; une information qu’il avait soigneusement gravée dans un coin de sa tête afin de ne pas oublier à qui il avait affaire si d’aventure il était amené à lui adresser la parole. Saige lui avait écrit qu’il avait l’air coincé, mais rien de plus. Et effectivement, Nikita Yaga arborait un splendide air constipé tandis qu’il déballait le colis apporté, alors que l’oiseau reprenait déjà son envol. La vue des gâteaux tira un petit rire incrédule à Silas ; tout ça pour ça ! Une telle débauche de moyens pour des gâteaux. Sérieusement ? Le Serdaigle aurait au moins aimé quelque chose d’un peu plus clinquant, justifiant la démonstration de pouvoir gratuite. Roulant des yeux, l’adolescent laissa libre cours à l’acidité qui lui picotait la langue.

— Ouh là, on a un truc à compenser par ici, lâcha-t-il d’une voix traînante à l’attention de Nikita, reportant son regard perçant sur le jeune homme.

Le ton était railleur, mais la remarque tenait davantage de l’ordre d’une boutade que d’une véritable provocation – du moins, dans la gradation personnelle des taquineries de Silas. Il ne savait pas vraiment communiquer autrement qu’en exprimant frontalement ses remarques parfois franchement désagréables. Charrier ses amis était aussi l’un de ses péchés mignons, lui qui aimait les bonnes joutes verbales et les regards mutins. Son intervention n’était donc pas hostile, mais elle cherchait volontairement à se faire une idée de qui était Nikita. Et quoi de mieux pour tirer un peu de vrai à quelqu’un qu’en faisant immédiatement mouche ?

Le Gryffondor délaissa le paquet de gâteaux pour se tourner vers lui, le détaillant de haut en bas sans gêne. Silas haussa un sourcil amusé ; bien, il détestait les hypocrites et les lâches.

— Compenser quoi ? s’enquit son cadet, apparemment un peu confus quant à la nature de la raillerie. Il ne remplace pas mon hibou si tu veux savoir. C'est l'aigle impérial de la Russie. C'est une gargouille à laquelle on donne vie.

Nouveau roulement d’yeux du Serdaigle. Il allait finir par en avoir mal aux globes.

— Je sais reconnaître l’aigle bicéphale russe, mon poussin.

Silas posa ses coudes sur la table pour se pencher vers Nikita, sans le quitter des yeux. L’ombre d’un sourire jouait sur ses lèvres.

— J’avais oublié que t’étais pas d’ici. « Quelque chose à compenser », c’est un sous-entendu grossier. Genre « compenser ta petite bite », pour être clair. « Bite », ça va, ou faut que je fasse la traduction aussi ?

ft. @Nikita N. Yaga
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Grande salle

Cactus

« Poussin », « trésor », « pote à la compote », les autochtones avaient décidément de bien étranges manières de se qualifier les uns les autres et Nikita n’était toujours pas complétement certain de savoir ce qui relevait d’un qualificatif amical et ce qu’il devait considérer comme une provocation. Le ton et l’attitude du Serdaigle peroxydé l’incitait cependant à la méfiance, surtout s’il continuait de rouler des yeux de manière méprisante comme ça.

— Je sais reconnaître l’aigle bicéphale russe, mon poussin.

Le jeune homme hocha la tête d’un air neutre. Il n’en attendait pas tant de la plupart de ses camarades, mais peut-être le blond était-il simplement en train de mentir pour garder la face. Un instant il fut tenté de pénétrer dans cet esprit-là, comme pour être sûr, mais retint ses pouvoirs. Inutile de prendre le moindre risque avec ce genre d’énergumène, son don devait servir seulement pour la patrie. Du moins était-il censé ne pas en abuser pour jouer, et il se sentait tout à fait en mesure de gérer Silas sans avoir recourt à un coup en traître.

Il se roidit légèrement quand le Serdaigle se pencha vers lui par-dessus la table d’un air négligeant – et négligé. Il lui rappelait vaguement Kenneth, par certains aspects, sauf que le Poufsouffle n’avait jamais cherché à le provoquer, ou être méchant avec lui. Ce qu’il lisait dans cette attitude et ces yeux là, en revanche, ne lui revenait pas.

— J’avais oublié que t’étais pas d’ici. « Quelque chose à compenser », c’est un sous-entendu grossier. Genre « compenser ta petite bite », pour être clair. « Bite », ça va, ou faut que je fasse la traduction aussi ?

L’évocation de la grivoiserie lui fit légèrement monter le sang aux joues. Il n’avait pourtant pas été exempt de blagues et discussions sur ce thème, à Koldovstoretz, mais elles étaient menées entre amis et pas balancées comme ça sur un coin de table, avec un parfait étranger. Qui plus est si celui-ci était homosexuel. Il y avait des sujets dont on pouvait parler librement entre hétéros, mais pas avec ces gens-là.

- Je n’ai pas besoin de…

Il retint sa langue, plissant les yeux. Non seulement il n’avait pas à se justifier, mais en plus il n’avait aucune envie d’entrer dans ce petit jeu. Quelque chose lui disait que ce serait faire trop plaisir au blond, d’une certaine manière. En fait, la tournure de la discussion ne lui plaisait pas, le thème ne lui plaisait pas, et l’air un peu trop sûr de lui de Silas ne lui plaisait pas.

Se détournant du jeune homme, il se tourna vers sa boîte et en sortit un medovik, posé sur son petit tissu. C’était donner de la confiture au cochon, mais il était prêt à faire une effort diplomatique. Après tout, il n’était pas fils d’ambassadeur pour rien.

- Tiens, dit-il en déposant le gâteau devant Silas, avant de le fixer droit dans les yeux. « Mange cela et va-t’en, je ne veux plus te voir. »

C'était dit d'un ton parfaitement neutre, dépourvu d'inflexions laissant penser à un ordre. Contrairement à ce qu'on pouvait penser, il n'y avait pas toujours besoin d'élever la voix pour commander aux petites gens.

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Une once de satisfaction ourla les lèvres de Silas lorsque le rouge monta aux joues de Nikita, juste après qu’il se soit raidi à son approche. Il ne recula pas, pas plus qu’il n’émit un son, guettant sa réaction. La façon distante et polie avec laquelle il le traitait jusqu’ici confortait le Serdaigle dans l’idée que ce mec-là se croyait au-dessus des autres ; ils ne faisaient pas partie du même monde, et le Gryffondor le lui faisait bien comprendre. C’était également ce que le jeune homme avait pressenti lorsqu’il l’avait examiné sans gêne au tout début de cette conversation qui se chargeait peu à peu d’électricité : il y avait une lueur de jugement dans ces prunelles, une lueur qu’il ne connaissait que trop bien et qu’aucun masque de politesse ne pouvait lui dissimuler. La seule véritable question qu’il se posait, c’était : pourquoi ? Était-ce sa jambe tordue ? Les cheveux teints ? Le piercing ? L’air maniéré ? La nonchalance exaspérante ? Ou tout cela à la fois ? À moins que le précieux fils à papa ne se soit déjà suffisamment acoquiné avec Rowle et Appleton pour disposer de tout un magasin de mépris dans lequel il ne lui restait que l’embarras du choix. Ça n’aurait rien d’étonnant, les riches et les puissants restaient entre eux. Et tout un magasin n’aurait su contenir tout le mépris qu’il nourrissait pour ces gens-là.

— Je n’ai pas besoin de…, commença Yaga, avant de s’interrompre.

Comme dans un miroir déformé, ses yeux s’étrécirent tandis que le sourire de Silas s’agrandissait et qu’il se rasseyait sagement sur son banc. Le Serdaigle comptait s’en tenir là, et pourquoi pas enchaîner sur quelque chose de plus malicieux ; une perche que pourrait saisir Nikita s’il avait deux grammes d’humour – ce qui signifierait que les deux garçons pourraient entretenir une gentille rivalité amicale comme celle qu’il avait nouée avec Dmitri. Mais la suite des événements nimba ses iris d’une colère glaciale qui ne saurait être ignorée.

Le Gryffondor se détourna et s’empara de l’un des gâteaux du colis, qu’il tendit vers le Serdaigle.

— Tiens. Mange cela et va-t’en, je ne veux plus te voir, déclara-t-il en posant la gourmandise devant lui, sans le quitter une seconde du regard.

Il m’a pris pour son domestique, ce bouffon ?

Une expression parfaitement impassible se composa trait par trait sur le visage de Silas, dont les yeux luisaient comme deux billes de métal prêtes à faire feu. Il voulait se la jouer maître des lieux ? Très bien, il allait être servi. Il n’était pas chez lui, et celui qui ferait obéir Silas au moindre ordre – déguisé ou non, subtil ou non – n’était pas né.

— Et dans quel monde je suis censé en avoir quelque chose à foutre de ce que tu veux ? l’interrogea l’adolescent en haussant un sourcil aigu, la voix tranchante comme de l’acier. J’accepte ni les pots-de-vin ni les ordres. T’as aucun pouvoir, ici.

La poitrine encore gonflée de la rancœur générée par ce geste de grand seigneur donnant un quignon de pain à son clébard, Silas s’empara d’une serviette, enroba le gâteau dedans et le balança avec tout le dédain qu’il était capable d’afficher. La nourriture n’atterrit pas là où Silas avait visé, mais tomba dans un « ploc » répugnant dans une assiette de porridge à proximité, éclaboussant largement Nikita de son contenu à l’aspect douteux.

— Les biscuits, c’est aux clebs qu’on les donne.

Silas n’avait aucun besoin de masquer son hostilité, contrairement à ces péteux qui se croyaient tout permis et cherchaient à contrôler les autres à demi-mots. Lui, au moins, il portait ses couilles. À croire que ce petit privilégié prétentieux n’avait pas atterri dans la bonne maison.

Lancer de dé :

ft. @Nikita N. Yaga
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Nikita n’avait pas pensé à mal en poussant le gâteau du côté de Silas, et sans doute sa maîtrise imparfaite de la langue avait-elle rendu ses paroles plus rudes qu’il ne l’aurait souhaité. Mais le fond de sa pensée, lui, était clair : il n’avait aucune envie de se laisser embêter par une petite racaille homosexuelle britannique, et lui demander poliment de partir était la meilleure chose à faire.

Immédiatement cependant, il sentit le jeune homme se fermer en face de lui. Une partie de son sourire moqueur et assuré venait de s’effacer et l’espace d’un instant, Silas lui fit penser à une huître un peu trop chatouilleuse. L’assurance s’était évaporée, ne restait qu’un mur de marbre blanc et une voix coupante comme un coup de dague.

- Et dans quel monde je suis censé en avoir quelque chose à foutre de ce que tu veux ? J’accepte ni les pots-de-vin ni les ordres. T’as aucun pouvoir, ici.

- Non, aucun, concéda-t-il.

Cela signifiait-il pour autant que ses désirs ne devaient pas être pris en compte ? Nikita en doutait. Bien sûr il n’était pas question d’être servi comme un prince, il ne l’avait jamais été, mais qu’on accorde un minimum de considération à son patronyme allait de soi, et il ne lui semblait pas avoir ouvert les hostilités en premier.

- J’ai demandé poli…

Il ferma les yeux alors que quelques gouttes épaisses de porridge s’écrasaient sur son visage et fronça les sourcils en tâtonnant pour chercher sa serviette.

- Les biscuits, c’est aux clebs qu’on les donne.

Froid comme la neige, profond comme les forêts noires de Sibérie, haut comme l’Oural. Il se mordit le bout de la langue pour refréner un élan de colère. S’il avait été en Russie, il se serait jeté sur lui, et l’aurait matraqué de coups jusqu’à ce qu’un membre du personnel ne les sépare mais ici c’était différent, les règles étaient différentes, et il ne pouvait pas s’attaquer à un camarade en fauteuil au vu et au su de tous, cela attirerait des soucis à son père, forcément…
Mais si Feodor Yaga le sermonnerait sans aucun doute, sa mère, il en était sûr, le comprendrait, elle.

En s’essuyant la joue il lui sembla que le bruit était légèrement retombé autour d’eux, sans doute les élèves les plus proches devaient-ils trouver la scène très intéressante du coin de l’œil.
Froid comme la neige, ne pas faire d’esclandre… Il papillonna un instant pour s’assurer qu’il n’avait plus de porridge dans les yeux et fixa Silas.

- Un chien… non. Un humain.

Il jeta un bref coup d’œil aux jambes du garçon avant de revenir à ses yeux.

- On tire une balle dans la tête des chevaux quand ils chutent, mais toi on a décidé de te garder. C’est un signe de raffinement civilisationnel, alors sois un peu reconnaissant.

Silas n’était d’ailleurs pas le seul estropié de la classe, son propre préfet allait en claudiquant. Nikita n’y voyait pas de problème, l’un de ses anciens enseignants était borgne, mais considérant que sa famille avait contribué à bâtir ce monde et ses lois depuis des siècles, il trouvait assez ingrat de la part d’un cul-de-jatte de venir lui reprocher son ascendance.

- Je ne te cherche pas querelle mais si tu te considères comme un homme alors je te traiterai comme tel.

Handicapé ou pas. Il eut un regard chagrin vers le medovik qui se décomposait dans le bol de lait.

- Excuse toi.

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Que Yaga conserve cette façade de politesse exagérée avait quelque chose d’un peu insultant aux yeux de Silas. Comme s’il ne voulait pas s’abaisser à tenir une conversation d’égal à égal avec lui. D’un autre côté, il n’était pas surpris ; c’était exactement l’idée qu’il s’était faite du personnage depuis qu’il avait posé le pied à Poudlard. Dommage pour lui, cependant, car il ne croisait pas le fer avec l’adversaire le plus timoré. Aussi Nikita n'eut-il pas le temps de terminer sa phrase que le porridge éclaboussait déjà son visage, assourdissant soudain les conversations autour d’eux. Silas connaissait suffisamment la sensation pour reconnaître la morsure des regards tournés vers eux. Il ne détourna pas les yeux de sa cible pour autant, drapé dans une colère froide dont les émanations glaciales faisaient frissonner ses camarades les plus proches. Il était inutile de négocier avec le Serdaigle dans cet état d’esprit ; il n’y avait qu’à prier pour que sa rage ne soit pas trop féroce ou que son attention soit détournée vers une distraction plus appétissante. Mais cette fureur, là, qui battait comme un tambour dans sa poitrine gonflée, se hérissait tel un aigle courroucé claquant du bec pour intimider son ennemi. L’adolescent ne lâcherait pas prise avant d’étouffer la gueule de sa proie entre ses serres mortelles.

Le Gryffondor essuya la nourriture de son visage, tandis que sa face exprimait une frustration dont se réjouit Silas. Allez, énerve-toi, voulait-il l’encourager, la peau déjà frémissante de l’envie d’en découdre. Tout plutôt que ce visage lisse auquel il était confronté depuis tout à l’heure. Tout plutôt que cette indifférence princière qui le rendait dingue.

Les cils de son cadet s’agitèrent, sans doute pour chasser les derniers restes de porridge, puis ses yeux clairs revinrent aux prunelles pleines de blizzard du Serdaigle.

— Un chien… non. Un humain, corrigea-t-il avec son fort accent slave en coulant un regard sans gêne sur sa mauvaise jambe.

Par réflexe, Silas la rabattit sous sa chaise et s’en mordit les joues de honte. Il avait beau fanfaronner et claironner que rien ne l’atteignait, que les moqueries sur sa déformation ne lui faisaient ni chaud ni froid, il détestait qu’on la fixe. Cette situation créait un malaise si vif dans son ventre qu’il en ressentait le besoin urgent de se soustraire aux regards le plus vite possible. Rien n’était pire que d’imaginer ce que les gens ne disaient pas. Toutefois, les iris clairs de Yaga remontèrent à nouveau pour trouver les siens avec cette fronde arrogante typique des riches et des puissants.

— On tire une balle dans la tête des chevaux quand ils chutent, mais toi on a décidé de te garder. C’est un signe de raffinement civilisationnel, alors sois un peu reconnaissant, lui assena-t-il avec aplomb. Je ne te cherche pas querelle mais si tu te considères comme un homme alors je te traiterai comme tel. Excuse-toi.

Les yeux du Serdaigle s’écarquillèrent légèrement sous le choc, bien qu’il tente de s’en empêcher en serrant les poings à s’en faire blanchir les jointures. Était-il vraiment en train de lui dire qu’il devait s’estimer reconnaissant qu’on ne l’ait pas étouffé à la naissance à la simple vue de sa malformation ? Il refusait de le laisser l’atteindre, mais la crudité et la violence de ses paroles remuèrent un marais puant, stagnant au fond de ses entrailles ; après s’être arrondis, ses yeux s’étrécirent en s’assombrissant singulièrement et ses mains se plaquèrent sur la table alors qu’il se levait bien droit et sans trembler, toisant le Gryffondor de toute sa hauteur – et haut, il l’était puisqu'il approchait le mètre quatre-vingts. La douleur de sa jambe tordue n’avait qu’une importance très limitée, exilée aux confins de sa conscience bouillonnante de haine pour cet avorton privilégié qui osait lâcher des énormités pareilles en public, sans se soucier des conséquences.

— Tiens, petit seigneur, voilà ma reconnaissance et mes excuses.

Sa voix avait tranché net dans le brouhaha de la grande salle, claire comme un éclair fendant la nuit, grondante comme le tonnerre qui perçait les nuages. Quelques secondes s’écoulèrent dans un parfait silence, seulement troublé par le froissement des poils soyeux de Bane qui s’était redressé avec des oreilles dressées et inquiètes. Pourtant, rien de tout ça n’empêcha Silas d’aller chercher loin dans ses poumons, de s’appuyer sur la table pour s’approcher brutalement de Yaga et de lui cracher au visage toutes les glaires accumulées depuis le début de la conversation. Silas ne fit pas mine de se relever, harponnant le bleu de ses yeux avec le sien, brillant d’une furie qui appelait à la violence.

— Je te traiterai comme un homme quand t’auras du poil au menton, vatpik, glissa-t-il dans une condescendance suave, soufflant sur son visage souillé avec l’insolence de celui qui ne craint ni la violence ni la souffrance.

ft. @Nikita N. Yaga
— Un parfum de miel et de violence
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Cela aurait pu s’arrêter là. Dans un monde où Silas aurait joué un peu moins les fiers à bras, Nikita se serait contenté de hocher la tête à ses excuses, malgré l’humiliation ressentie et le fait d’avoir gâché le medovik. C’était triste, mais il en restait une bonne trentaine dans la boîte, et il lui suffirait sans doute d’en demander de nouveaux à ses parents pour en recevoir. La Russie était peut-être sous embargo, mais pas pour le fils de l’ambassadeur.

C’était cependant sans compter la fierté mal placée du Serdaigle, et son caractère pourri. Sans doute quelque chose chez le Gryffondor le lui avait fait sentir, peut-être un reste de légilimancie dans l’air, ou une lecture à froid de l’attitude du jeune homme, sa tenue vestimentaire, la manière de parler, de bouger, de regarder. Nikita n’avait jamais vraiment cru que cela pouvait finir sereinement. A l’instant où l’autre lui avait jeté son gâteau à la figure, il avait cessé d’y croire. Mais au moins pourrait-il dire qu’il avait essayé.

Nikita avait l’habitude de la violence. Il s’était battu plusieurs fois et son ancienne école mettait les activités physiques sur un pied d’égalité avec la magie. La société russe s’était sensiblement tendue, depuis la guerre, et les rapports interpersonnels également. Mais quelque chose dans l’éducation du garçon – sa famille était dans la diplomatie, après tout – lui faisait penser que la violence verbale pouvait parfois équivaloir à la violence physique. L’intimidation était une stratégie toute aussi valable qu’une autre et dans certaines circonstances, en allant assez loin, assez vite, on pouvait réussir à subjuguer la personne en face qui retournait se cacher la queue entre les jambes. C’était un rapport de force, lui-même avait occasionnellement préféré baisser la tête. Quand on vous coinçait dans un coin en menaçant de vous défoncer toutes les dents, les mots frappaient aussi efficacement que les poings.

Mais pas pour Silas.

Il était assez lisible sur son visage qu’il était outré, et furieux, mais ça ne disait rien de sa réaction réelle. On pouvait se sentir profondément blessé et s’écraser malgré tout, parce que c’était la meilleure chose à faire. C’était la meilleure chose à faire.

Nikita l’observa se redresser, non sans se tendre lui-même, prêt à tenter de parer toute agression. Le cul-de-jatte avait pour lui sa grande taille, sans aucun doute dépassait-il le Russe, mais il avait beau se dresser de toute sa hauteur, une balayette suffirait à l’envoyer au tapis. Les handicapés faisaient de piètres combattants.

- Tiens, petit seigneur, voilà ma reconnaissance et mes excuses.

Au moins semblait-il clair qu’il ne comptait pas vraiment s’excuser. Nikita se tendit encore un peu plus, parfaitement attentif à toute tentative de lui coller un coup, mais le jeune homme laissa traîner quelques secondes de silence, avant de soudain projeter son visage vers lui et Nikita sentit un glaviot s’écraser sur sa joue.

Il y eut une nouvelle seconde suspendue, le temps que l’information arrive au cerveau, soit pesée, soupesée, l’affront mesuré, valait-il le coup de faire un esclandre, puis Nikita envoya bouler toutes ses considérations, submergé par la rage. Il croisa le regard de Silas, s’empara d’une fourchette sur la table, et sans aucun scrupule, la planta dans la cuisse valide du jeune homme.

Ça équilibrera, pensa-t-il, mais il ne prit pas le temps de lui envoyer sa réplique et alors que le Serdaigle engageait un mouvement de recul surpris, il se jeta sur lui avec un grognement de rage.

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1 ; 2 = effet de surprise et expérience de la violence, Nikita prend le dessus dès le début et commence à marteler Silas de coup de poing au visage
➤ 3 ; 4 = la taille aide, et la disposition du banc casse l'élan du Russe qui se jette sur Silas et roule à moitié dessus, mais sans réellement prendre l'avantage
5 ; 6 = Silas parvient malgré tout à attraper les bras de Nikita qui rue avec les jambes pour lui filer des coups de genoux dans une mêlée chaotique
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'Le Hasard' : 4

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Silas ne s’était jamais battu de toute sa courte vie. Pas une seule fois, même un peu. Bien sûr, il y avait déjà eu des maléfices, des conversations assassines qui auraient pu tourner à la rixe ; mais ça n’avait pas eu lieu. Il s’était toujours tenu sur le mince fil entre la violence verbale et la violence physique. La première pouvait atteindre plus profondément que la seconde, car elle touchait parfois des morceaux si intimes de soi que les dégâts causés par la violence physique guérissaient finalement plus vite. Et cet affront, cette horreur glissée sous des mots polis lui donnaient envie pour la première fois de son existence de couler la rage palpitante de sa poitrine dans ses poings pour faire éprouver à ce connard de bourge toute la colère de ceux qu’il méprisait ; il voulait lui imprimer profondément dans son stupide visage plein de morgue qu’on n’insultait pas les gens à la légère – pas plus qu’on leur assenait qu’ils devaient plutôt s’estimer heureux d’être encore vivants, considérant qu’on leur avait laissé leur chance « malgré » un handicap.

Les mots partirent aussi facilement que cette salive qui s’échoua vulgairement sur la face de son cadet. Des souffles se suspendirent autour d’eux, tandis qu’un silence mortifiant enveloppait la scène enflée d’une agressivité de plus en plus difficilement réprimée. Le Serdaigle ne se cachait pas qu’il attendait que Nikita réagisse, qu’il le cogne. Il s’en foutait éperdument. Il avait envie de noyer cette blessure, cette humiliation balancée avec dédain par le Russe ; et il voulait surtout la noyer dans la douleur, si possible en l’infligeant aussi à Yaga. Lorsque leurs yeux se trouvèrent, Silas étira un sourire mesquin en saisissant le basculement de l’éclat de ces iris bleus pourtant si lisses et froids jusqu’ici ; là, c’était ça qu’il voulait, cette violence débridée, sauvage.

En revanche, il n’avait pas anticipé la force de cette violence. Il eut à peine le temps de découper les gestes de Nikita qu’une douleur aveuglante dans sa cuisse saine lui arrachait un halètement gémissant, puis une exclamation étranglée alors que ses poumons se vidaient d’air à l’impact de cette boule de nerfs et de rage qui le percuta si fort qu’ils basculèrent sur la table dans un fracas de couverts. Par réflexe, profitant de ce court temps mort provoqué par le basculement et les membres entremêlés de façon chaotique sur le bois et les plats écrasés, son regard chercha l’origine de cette douleur qui lui avait coupé le souffle et brouillait ses yeux d’un voile humide de souffrance aiguë. Le bleu de ses prunelles s’arrondit et sa respiration devint anarchique à la vision de cette fourchette plantée dans sa cuisse valide, de cette tache de sang qui s’épanouissait sur son pantalon d’uniforme comme une rose écarlate. Un éclair blanc zébra son champ de vision, et ses membres paralysés par son esprit choqué reposaient à présent avec mollesse dans l’étreinte furieuse du Russe, vulnérables et à la merci de son agresseur. Un goût de bile noya sa langue asséchée, et la peur – intense, proche de la panique – lui fit chercher fébrilement de quoi se défendre peut-être, mais surtout comment fuir. Il sentait confusément sa baguette dans sa poche, mais Silas demeurait trop sonné par la célérité de cette lutte pour secouer ce corps engourdi.

Pourtant, il savait ; quoique de façon lointaine ; oui, il savait qu’il fallait qu’il réagisse, mais pour l’instant, il était figé par la sidération – une sidération sans doute trop semblable à celle qui l’avait percuté de plein fouet lorsque les volutes bleues avaient dévoré sa mère sous ses yeux. Un surgissement de rage avait éclos dans le secret de ce parallèle traumatisant, un surgissement tel qu’il se promit de mobiliser suffisamment de volonté pour ne pas se laisser rouer de coups sans réagir malgré la soudaine faiblesse de ses muscles. Il lui fallait juste… un peu de temps. Mais serait-il encore en mesure de riposter si Yaga profitait de ce temps pour le mettre hors d'état de nuire ?

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ft. @Nikita N. Yaga
— Un parfum de miel et de violence
Grande salle

Cactus

Ce n’était pas tant que rage et colère aveugle Nikita, mais ces deux émotions avaient été suffisamment fortes pour lui faire balayer d’un revers d’ego toute bienséance. Il était hors de question de se laisser cracher dessus sans réagir, ce n’était pas ainsi qu’on l’avait éduqué, et tant pis si cela créait un esclandre. Le jeune homme connaissait suffisamment bien les dynamiques de groupe dans un collège pour savoir que s’il se laissait insulter de la sorte devant tout le monde, le reste de sa scolarité pouvait rapidement virer au cauchemar. S’imposer, frapper ou être frappé, d’une certaine manière, Silas ne lui avait pas laissé le choix.

Le Serdaigle parut assez surpris de la réaction de son cadet – et de la fourchette maintenant fichée dans sa jambe – mais Nikita ne lui laissa pas l’opportunité de reprendre ses esprits. Se jetant sur lui par-dessus le banc, il le renversa sur la table, bousculant au passage les plats du petit-déjeuner, corbeilles à pain et pots de lait, et provoquant un recul paniqué de leurs voisins. Mais Nikita s’en foutait. Sa focale s’était resserrée sur son adversaire et la lueur de peur qu’il lut dans ses yeux excita ses instincts prédateur. Frapper, ou être frappé. Il lui colla une droite au visage, puis une seconde qui, portée au niveau du nez, fit gicler le sang sur la nappe.

Il en aurait collé une troisième si…

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➤ 1 ; 2 = la violence lui fouette le sang et agite en lui des instincts et des frustrations trop souvent ravalés derrière son éducation policée, Nikita frappe plus fort. De plus en plus fort.
3 ; 4 = d'un geste incontrôlé, le jeune homme renverse une pyramide de profiteroles sur eux, autant dire que la suite de la lutte aura lieu dans le chocolat.
5 ; 6 = puisque Nikita se trouve au dessus de Silas, ce-dernier parvient (volontairement ou pas) à lui coller un coup de genoux dans les parties, ce qui casse l'élan du Russe et remet les pendules à l'heure.
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Allez savoir ce qui s’agite secrètement dans nos caboches mais quelque chose dans cette bagarre avait été réveillé chez Nikita. Peut-être était-ce la peur qu’il avait vu dans les yeux de Silas, ou un prétexte pour décharger sur lui toute la colère et la tension provoquées par le fait d’être à Poudlard, d’avoir quitté école et amis pour un nouveau pays ? Ou bien peut-être était-ce quelque chose de plus profond ? De plus sombre ? Toujours est-il que Nikita frappa une troisième fois. Plus fort.

La tête du Serdaigle heurta sourdement le bois de la table, et il frappa encore, avec le poids du corps, des épaules, comme on lui avait appris. Il ne savait pas ce qu’il cherchait à faire, à casser quelque chose sans doute. Un nez – si ce n’était pas déjà fait – une mâchoire peut être. S’il avait eu une autre partie du corps du Serdaigle à disposition, peut-être aurait-il essayer de lui fracturer un bras, ou de lui briser la main. Il porta un nouveau coup, quelque chose craqua, et il en éprouva une certaine satisfaction, vaguement mêlée d’horreur et de fascination.

Alors le jeune homme se redressa pour reprendre sa respiration et peut-être ses esprits. Il avait mal à la main d’avoir frappé avec les phalanges, mais c’était une douleur assez agréable et aussi bizarre que cela puisse sembler, il se sentait soudain vraiment mieux. Plus serein, presque reposé.

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'Le Hasard' : 2

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( Trouble is closing in
I can feel the ground trembling
Shivers on my skin
If you shut your eyes,
better hold ‘em tight )

Silas n’était plus que sensations. Le corps du Russe l’écrasait de tout son poids et la douleur fulgurante qui remontait par vagues le long de sa cuisse embrochée fit vibrer sa colonne vertébrale d’un choc brutal lorsque sa pommette encaissa un premier coup de poing qu’il eut le malheur de tenter de bloquer en raidissant ses cervicales par réflexe. Sa nuque lui fit violemment comprendre que ce n’était pas une option en envoyant des décharges électriques le contraindre à se ramollir pour mieux encaisser le coup qui envoya des gouttes de sang tacher la nappe, mais c’était sans compter sur la force qu’y mit Yaga. Un craquement sinistre s’éleva dans la furie des coups qui pleuvaient, arrachant un gémissement étranglé à Silas – à qui il semblait que son nez n’était plus que l’immense épicentre d’un séisme, éteignant la lumière de ses prunelles un bref instant. Et cette lumière ne revint pas immédiatement, car un nouveau coup envoya sa tête valser contre le bois épais de la table ; un jaillissement chaud et métallique trempa sa langue, tandis que ses gencives lui paraissaient avoir éclaté à l’impact. La vue revint, troublée, pour n’apercevoir qu’une nouvelle météorite de chair avant que sa mâchoire n’émette un bruit de mauvais augure lorsque le poing entra en collision avec elle. Silas aurait voulu se recroqueviller pour se protéger le visage, mais un ultime crochet fit trembler ses épaules et ses mains – qui commençaient enfin à s’extraire de leur torpeur – retombèrent en un bruit mat.

Enfin, le silence. Ses paupières, lourdes, retombèrent sur cette vision vacillante qui tanguait à lui en donner la nausée. Seul le halètement de son adversaire troublait les acouphènes qui bourdonnaient à ses oreilles. Soudain, la conscience du corps de Nikita épinglant le sien à la table fit éclater une rage bouillonnante, brûlante, corrosive, qui lui fit rouvrir les yeux sur un regard si mauvais que ses proches ne l’en auraient sans doute pas reconnu. Au milieu du visage criblé d’hématomes, le nez en sang et les lèvres débordant d’une écume écarlate, seuls deux orbites d’iceberg aspiraient encore à se battre ; aspiraient à détruire tout ce qui trouverait sur leur passage. Avec l’énergie du désespoir et de la colère, Silas se redressa comme un ressort en prenant appui sur ses coudes et ses mains, avant d’enfoncer ses ongles dans le visage de ce connard qui pensait pouvoir le battre sans écoper d’une seule égratignure. Ses doigts tremblaient sous la force qu’il impulsait à ses os, entaillant la chair sans remords. Le Russe porta instinctivement ses doigts à son visage pour se protéger, se dégager, répliquer – peu importait –, laissant quelques secondes dangereuses à Silas pour s’emparer du premier objet lourd qui s’était imprimé sur ses rétines à chaque coup qui l’avait maintenu un peu plus longtemps sur la table. C’était une cruche en verre, lourde et encore pleine d’eau ; il se servit de ce sentiment cuisant d’humiliation comme moteur pour donner l’élan suffisant à son projectile, son épaule opérant un arc de cercle pour projeter l’objet en plein dans la tempe de Nikita. La cruche n’explosa pas, mais la force du coup l’avait peut-être suffisamment étourdi pour lui permettre de répliquer.

À présent débarrassé du choc et de la peur primale, engourdi par la douleur – cette amie toxique qui lui susurrait mille insanités –, Silas était porté par l’adrénaline et la haine qui consumait les dernières miettes de sa raison. Ses pensées étaient étroitement enfermées à double tour dans un recoin inaccessible de son esprit et seuls demeuraient cet instinct de survie et cet ego embrasé qui charriaient les pires morceaux de sa personnalité. Un crachat sanguinolent jaillit de ses lèvres boursouflées pour atterrir sur le visage déjà sali du Gryffondor. Il avait trop mal pour articuler quoi que ce soit, mais nul doute que le message était passé : « Tu ne me feras jamais plier. »

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ft. @Nikita N. Yaga
— Un parfum de miel et de violence
Grande salle

Cactus

Wenceslas abhorrait le premier repas de la journée ; outre le fait qu’il soit l’un de ceux qu’il avait pour habitude de sauter, ne sirotant qu’un café en guise d’encouragement pour la journée, c’était surtout le bruit qui l’irritait. D’aucun remarquerait qu’il valait mieux travailler au département des mystères que dans un collège lorsque l’on ne supportait guère le vacarme, et ceux-là auraient tout à fait raison, mais les aléas de la vie et des engagements divers avaient fini par l’emmener dans l’un des endroits les plus désagréables qui soit : une école bondée d’élèves au petit-déjeuner, braillant à grand renfort de bruit de couverts et d’exclamations quand le battement de plusieurs centaines d’ailes venait à résonner dans une pièce aux plafonds si haut que la moindre respiration semblait résonner. La plupart du temps, le né-moldu prenait son café du matin dans son bureau et parfois, dans un élan de sociabilité extraordinaire, il allait même le siroter le liquide brûlant dans la salle des professeurs, mais chacun avait sa dose de corvée hebdomadaire et c’était cette fois-ci à son tour que de faire acte de présence dans la grande salle. Les incidents au petit-déjeuner étaient rares mais pas suffisamment pour que le corps enseignant se permette de ne pas surveiller un tant soit peu cette armada de jeunes gens armés de baguette. L’histoire avait montré combien il pouvait être dangereux de ne pas les garder à l’œil.

C’était donc de son air le plus maussade qu’il s’était posé à la table des professeurs, dédaignant les victuailles pour n’attaquer que la cafetière qu’un elfe de maison – pas fou – avait déposé pile devant la place où il avait pour coutume de s’asseoir. Il tâchait de faire abstraction du désagréable son provoqué par les élèves et les hiboux – bien plus bruyant et désagréable que les humains, il fallait le reconnaître – mais balayait du regard les quatre tables chaque fois qu’un son de voix se faisait un peu plus haut que les autres. La clameur de la bagarre ne vint pas immédiatement jusqu’à ses oreilles ; il n’y avait au début que quelques échos de voix, rien de grave, mais les bruits de la dispute finirent par grandir, jusqu’à se faire entendre à la table des adultes. L’ancien langue-de-plomb leva les yeux vers la source du dérangement : à la table des gryffondors, des élèves s’agitaient, certains s’exclamaient et criaient d’une façon exaltée comme seuls les adolescents pouvaient le faire. Encore et toujours, le problème venait des rouges et or. Ils étaient intenables et cela s’était vérifié en tout temps, mais avoir comme directeur de maison un enseignant qui sortait tout juste de l’adolescence ne devait guère aider. Le professeur Alexander n’était d’ailleurs pas là ; ça n’était pas son tour de « garde » et s’il avait pour coutume d’être plus souvent présent, il devait sûrement être occupé ailleurs... dans un soupir las, Wenceslas se leva, non sans adresser un dernier coup d’œil à sa seconde tasse de café, qui allait refroidir.

Sans trop se presser, il contourna la table et rejoignit celle des lionceaux, remontant entre deux tablées pour enfin gagner la source du vacarme. Quelques élèves s’étaient attroupés autour du problème, regardant avec la curiosité malsaine des adolescents la bagarre. Voyant arriver un adulte – et sans doute pas le plus sympathique du lot – beaucoup s’écartèrent et revinrent à leurs assiettes comme s’ils ne les avaient jamais quittées. Le né-moldu écarta les rares qui ne l’avaient pas encore vu d’un geste de la main pour trouver enfin les deux garnements qui causaient tout ce trouble. Silas Jørgensen, un serdaigle estropié qui avait redoublé après un an d’absence, et Nikita Yaga, un nouvel élève qui leur venait tout droit de Koldovstoretz. Autour d’eux, des plats, verres et couverts étaient éparpillés un peu partout, comme si l’un des adolescents avait piétiné la table pour rejoindre la rixe. En quelques secondes, Wenceslas détailla la scène du regard, ses iris bleues passant sur la fourchette plantée dans la cuisse de Jørgensen, le visage en sang de celui-ci, de l’humidité et une rage certaine recouvrant celui du gryffondor. Quelques marques s’y ajoutaient, preuves que le serdaigle avait opposé une résistance à cette attaque malgré tout relativement peu équilibrée. Restait à savoir pourquoi le plus âgé était venu à la table du Russe pour se bagarrer avec lui. L’aiglon cracha du sang au visage de l’autre, dernière agression avant que l’enseignant ne puisse arriver à leur niveau, attrapant le bras du gryffondor d’une ferme poigne pour l’empêcher de se ruer à nouveau sur son camarade. Dans sa main droite, il tenait sa baguette.

- On se calme, Yaga.

Qu’importe qui avait commencé la bagarre ou quelles en étaient les raisons, l’acharnement du Russe ne jouait guère en sa faveur et il avait manifestement dépassé le stade de la légitime défense depuis longtemps... à moins bien sûr que Jørgensen ne s’était amusé à se planter des couverts dans sa jambe valide.

- Vous, là, débarrassez moi le plancher si vous ne voulez pas vous retrouver en retenue, ordonna-t-il à quelques élèves qui regardaient la scène d’un œil curieux.

Les intimés ne se firent pas prier et décampèrent plus vite qu’un détraqueur devant un patronus. Tenant toujours le gryffondor par le bras, il leva sa baguette vers le nez de l’autre garçon.

- Ne bougez pas, Jørgensen. Epiksey.

Un fil de magie jaillit de sa baguette pour aller toucher le visage du serdaigle, enveloppant son nez, le réparant d’un craquement sûrement un peu désagréable.

- Pour votre jambe, l’infirmière s’en occupera. Je présume que votre fauteuil peut vous y escorter ? Il avisa du regard l’objet-animal ensorcelé qui venait se s’extirper de sous le banc. « Bien entendu, vous venez avec nous, monsieur Yaga. »

Il ne pouvait pas laisser Jørgensen allait jusqu’à l’infirmerie seul et il n’en avait pas terminé avec le gryffondor. Il n’en avait terminé avec aucun d’eux, en fait.

- Ah oui, bien sûr, avant que je n’oublie : je retire 15 points à gryffondor pour votre acharnement violent sur votre camarade, monsieur Yaga, et 5 points à serdaigle pour votre présence injustifiée à la table d’une autre maison, monsieur Jørgensen. Le restant des points et des retenues à venir viendra selon l’histoire que vous me conterez sur le trajet.

@Silas Jørgensen @Nikita N. Yaga
Je vous laisse décider si vous voulez à nouveau répondre ou si on archive là Un parfum de miel et de violence [Silas & Nikita] 1434744687

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