Normalement, Thomas n’avait pas l’autorisation de laisser aller les élèves dans la forêt interdite – qui ne l’était pas pour rien – en tout cas pas sous son unique surveillance. Mais Septimus n’était pas un élève et lorsque cette idée frappa le jeune homme, il ne vit rien qui s’opposait à lui montrer la clairière des Jackalope, créatures hybrides entre le daim et le lapin, que le concierge semblait tant aimer. Ce dernier s’étant toujours montré sympa avec lui – et Thomas le suspectait d’être un peu seul aussi – en plus de partager quelques points communs comme leur absence de capacités magiques, c’est assez naturellement qu’il lui avait proposé d’aller les voir en fin de semaine.

Le week-end était toujours plus relâche à Poudlard, même pour l’apprenti du garde-chasse et mises à part quelques heures supplémentaires nécessaires à l’occasion (les animaux se fichaient qu’on soit lundi ou dimanche) Thomas avait en général pas mal de temps pour lui, qu’il était censé consacrer aux loisirs ou aux révisions. En matière de révisions, il pratiquait peu, par flemme, et trouvant largement suffisamment de plafonner aux alentours de l10/20 dans à peu près toutes les matières ce qui lui permettait de ne pas prendre le risque d’un redoublement. Les seuls cours où il s’en sortait assez bien étaient celui d’étude des moldus, pour des raisons évidentes, et ceux de botanique et de soin aux créatures magiques pour lesquels ses fonctions de futur garde-chasse lui donnaient une bonne avance sans se fouler. Ces trois matières remontaient toutes sa moyenne générale, l’autorisant à glisser parfois en dessous dans les autres disciplines.
Cela lui laissait théoriquement du temps à passer avec ses amis ou à faire des activités extra-scolaires mais dans les deux cas, Thomas n’en avait pas tant que ça. Cela lui convenait par ailleurs, il aimait tout autant lire des bandes dessinées dans sa chambre, rattraper son sommeil en retard à cause des veilles dans la forêt et de ses transformations mensuelles, ou juste glandouiller tout seul dans le château et le parc, causer avec les elfes ou les portraits et assister aux duels de magie et aux entraînements de quidditch. Comme personne ne le considérait sérieusement comme un concurrent, ça lui laissait pas mal le champ libre.

Comme à leur habitude, le jeune homme retrouva Septimus près de la cabane du garde-chasse, près du potager aux citrouilles. Octobre se rapprochant à grand pas, elles avaient déjà une bonne taille et seraient bientôt plus larges que des carrosses. Thomas avait un temps imaginé d’en creuser une pour s’y faire une maison mais ç’aurait été gâcher de bons produits.

Il salua l’adulte d’un geste de la main. Vêtu d’un épais pantalon de travail et de ses bottes de marche, il avait également enfilé un pull de laine et, contre le vent, un par-dessus de toile. Il ne faisait pas encore trop froid mais la température pouvait être traître, surtout dans le sous-bois où le soleil ne vous réchauffait plus. Naturellement humide, la forêt écossaise était souvent prise dans les brumes, même en pleine journée, et celles-ci vous trempaient presque aussi sûrement qu’une averse, pourvu qu’on y passe plus d’une heure dedans.

- Coucou, accueillit-il le concierge en se mettant immédiatement en marche vers l’orée de la forêt. Tu connais les jackalopes ou pas trop ?

C’étaient des créatures bizarres, et un peu angoissantes quand vous les croisiez seul, du fait de leur capacité à imiter la voix humaine.

- Ils sont très très rares donc c’est pas complétement sûr qu’on les croisera mais normalement si, il y a une clairière où ils adorent traîner avec la luzerne et il n’y a pas de prédateurs dans ce coin, même pour eux.

Tout en pénétrant dans le sous-bois, Thomas passa ses bras derrière sa tête en bavardant.

- Normalement il n’y en a pas en Grande-Bretagne mais certains ont été importés on m’a expliqué, Poudlard est un peu une réserve naturelle pour beaucoup d’animaux.

Il tourna la tête vers le concierge.

- Pourquoi t’aimes les lapins au fait ? C’est mignon mais il y a des animaux plus stylés quand même.

Comme les dragons.


@Septimus Veturia

S’il y avait bien un aspect de son métier que Thomas aimait beaucoup, c’était celui de partager ses connaissances sur les animaux de la forêt, durement arrachée à force de bleus, d’ampoules et de nuits blanches à y patrouiller. Mais depuis deux ans qu’il arpentait ces sous-bois, il en avait hérité d’une certaine expertise – pas assez pour faire de lui un garde-chasse encore – mais suffisante pour se sentir à son aise et nommer – presque – tous les oiseaux qu’ils étaient susceptibles de croiser sur leur chemin.

En matière de jackalopes, toutefois, Septimus semblait lui-même en connaître un rayon, voire, reconnaissons-le, dépasser largement l’apprenti qui ouvrit des yeux ronds à l’énonciation du nom latin de l’animal. Sa science à lui n’allait assurément pas si loin.

- Wow…

Il prit le temps de réfléchir aux paroles du concierge.

- Il y a des maladies qui font pousser des bois sur la tête ? Franchement bizarre non ?

Presque trop beau pour être vrai, d’ailleurs. De la fièvre, d’accord, mais des cornes ?? dans le monde sorcier, certainement, après tout Dmitri l’avait bien par deux fois affublé d’une jolie ramure grâce à un sortilège, mais pas chez les moldus. Le monde moldu était ennuyant à mourir et ne décelait aucune espèce de fantaisie. Jamais.

- Non les lapins ne parlent pas, rigola-t-il à la plaisanterie de son ami, avant de l’écouter, un peu fasciné, se lancer dans une longue dissertation sur la digestion de ces animaux.

Dans l’absolu, ça n’intéressait pas trop Thomas, de savoir comment se produisait le caca des lapins, mais Septimus mettait une telle ardeur dans ses explications qu’elles en devenaient un peu fascinantes et qu’il se surprit à l’écouter attentivement, comme lorsque le garde-chasse lui parlait amoureusement de la gestation des veaudelunes.

- Wow, ok… il ne savait trop que répondre. « Chez les loups aussi il y a des mâles dominants, moi je suis bêta. »

Ça lui semblait une bonne manière de rebondir. Il désigna un sentier à moitié dissimulé sous les ronces.

- On peut passer par là, attention aux épines.

Le temps de dépasser les bosquets et ils pénétrèrent dans une zone plus ouverte de la forêt, tapissée d’épines de pins. Plus silencieuse également, les échos de bruits montant du parc ne les atteignaient plus ici.

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1 ; 2 = un crin argenté sur les ronces révèle qu'une licorne a dû passer par là il y a peu
➤ 3 ; 4 = au loin s’aperçoit la transhumance d'un bosquet fleurs de voyage
5 ; 6 = un tel silence n'augure rien de bon, quelque chose rôde dans le sous-bois
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D'un geste vif, Thomas plaqua sa main sur le ventre de Septimus pour lui intimer de ne pas faire de bruit. De son indexe, il désigna du mouvement au loin.

- Regarde...

Lentement, comme une marée montante, un parterre de fleurs rouges, roses et violettes frissonnait sous le vent et... se déplaçait. On aurait dit une flaque vivante, effleurant les troncs des arbres pour les contourner, progressant à l'aveugle.

- Elles cherchent du soleil pour se relâcher leur pollen, expliqua-t-il tout bas. « Si tu les renifles de trop prêt, tu vas danser pendant des jours et des jours. »

Septimus avait l’air d’en connaître une chiée sur les lapins et leur histoire, et racontait les choses avec une telle énergie qu’on ne pouvait qu’être happé par son discours. Cela n’impliquait pas cependant de savoir quoi y répondre, une fois celui-ci terminé et, pensif, Thomas hocha la tête.

- Bizarre, bizarre, conclue-t-il tout en suivant le chemin des yeux. S’agissait pas de se perdre. « Tu crois que les jackalopes ici ont un accent écossais ? »

Venant lui-même de Glasgow, il savait appuyer sur ses voyelles pour en accentuer l’aperture et imiter caricaturalement l’élocution des vieux Mac des Highlands.

- Oh là, l’a plein de trèfles pour dîner ! Nom d’une cornemuse ! s’exclama-t-il avec l’accent, avant de rigoler à sa propre bêtise, puis d’enchaîner sur l’organisation des meutes de loup. Un sujet qu’il trouvait – désolé Septimus – tout de même plus fascinant que de savoir si les très silencieux lapins pouvaient parler à la façon des Highlanders.

Croisant à nouveau les bras derrière sa tête, d’un air qu’il voulait décontracté, il prit quelques secondes pour réfléchir à sa réponse.

- En fait – c’est Murphy qui m’a expliqué – les loups fonctionnent de manière très hiérarchique en fonction de leur caractère. Il y a le mâle dominant, c’est l’alpha, qui décide, les mâles bêta, ça c’est moi, qui protègent le groupe, et les delta, eux ils passent après les autres.

Évidemment ça n’était que théorique.

- Dans la vraie vie j’ai pas de meute bien sûr mais ça dit des choses sur le caractère je trouve et les garde-chasse protège les gens et la forêt alors ça me va bien.

Il eut un petit rire, avant d’observer éberlué Septimus qui s’accrochait dans les ronces.

- Attention j’ai dit, murmura-t-il, avant de lui tendre la main pour l’aider à se relever. Le tissu s’était déchiré par endroit, non sans laisser voir quelques éclats de sang. Thomas grimaça. « Tu devras aller nettoyer ça après sinon il peut y avoir des maladies. »

Toujours porter de la toile épaisse quand on explorait la forêt, et jamais de short, au risque de se déchirer les jambes dans les fourrés. C’était certainement l’une des toutes premières leçons qu’avait appris Thomas dans son boulot.

Soucieux pour le concierge, apercevoir soudain un bosquet vivant lui changea toutefois les idées. C’était un spectacle rare, bien que saisonnier, mais il ne s’attendait pas à y assister dans cette partie des bois.

- Je ne sais pas, dit-il alors que les plantes s’éloignaient à présent. « Mais s’il y a des poissons volants c’est pas bizarre qu’il y ait des plantes baladeuses, si ? »

Lui avait cessé de s’étonner du monde magique depuis longtemps, mais il en appréciait la beauté et la bizarrerie malgré tout. Il acceptait simplement que, souvent, les choses étaient incompréhensibles.

Quand ils se furent assurés que les plantes étaient hors de vue, Thomas reprit la marche dans le tapis d’épines.

- Murphy Leonhart ? La préfète de Serpentard ?

- Oui, c’est elle, confirma Thomas, et instantanément un doute le saisit.

Il se méfiait d’avantage de Murphy depuis l’incident avec les centaures, l’année dernière. Non que la jeune fille soit l’unique responsable, après tout il ne s’était pas trop fait prier pour aller vagabonder dans les bois sous forme de loup, mais rétrospectivement, la compagnie de la jeune fille s’était souvent révélé source de problème. Que dire de ses initiatives bizarres lorsqu’ils s’étaient tous retrouvés bloqués sur l’île déserte, cet été ? Ou l’année précédente, dans le cimetière ? Sans parler des farces – pas drôles du tout – d’Adrian.
Il n’en avait pourtant jamais remis pour autant en question les explications de la jeune fille sur la hiérarchie des loups, trouvant beaucoup de sens dans le fait de se considérer comme un bêta. Après tout, il était assez lucide sur lui-même pour ne pas s’envisager comme un mâle dominant, tout en n’étant pas très enclin à se figurer en bas du groupe.

Comme s’il avait partagé ses doutes, le visage de Septimus se fronça.

- Et je croyais que la hiérarchie des loups était une fausse croyance ?

- Ah.

Peut-être. Il n’était soudain plus sûr de grand-chose… Mais si Murphy lui avait raconté des conneries, alors ces histoires d’alpha, bêta… ça collait pourtant assez bien. Et puis, ça permettait de se situer par rapport aux autres, chose importante à son âge.

Les remarques du concierge le laissèrent tout songeur, mais dans un sursaut de fierté, il les refusa en secouant la tête.

- Non il y a des chefs dans les meutes. Tout le monde savait cela, non ? « Sinon ce serait le chaos, comme à Poudlard sans organisation. »

D’une certaine manière, les enseignants pouvaient servir d’alpha, si on y réfléchissait bien. Et lui, en tant qu’assistant, de bêta. D’un autre côté, il y avait des élèves qui étaient eux-mêmes des alpha. Peut-être fallait il considérer que l’organisation de l’école et celle de ses étudiants étaient deux choses différentes, deux échelles d’analyse.

Mais Septimus semblait avoir une autre idée derrière la tête par ailleurs et Thomas l’observa du coin de l’œil exposer son projet d’atelier. Comme souvent lorsqu’on le prenait au dépourvu, il ne trouva rien à répondre et fixa attentivement le bout de ses bottes, et les épines de pin qu’elles soulevaient à chaque pas.

- Je sais pas… J’ai déjà rencontré des loups-garous, pendant l’été, je vais à un endroit où il y en a plein. C’est prévu pour, les gens sont plutôt sympas, enfin sauf certains qui sont devenus fous.

Est-ce que cette information serait suffisante pour rassurer le concierge ? Mais il semblait à Thomas que son projet allait plus loin qu’une simple réunion des lycanthropes anonymes. Pourquoi s’était-il mis pareil idée en tête exactement ?

- Un atelier de sensibilisation ?

Sa gorge se serra. Il ne comprenait pas où voulait en venir Septimus, y avait-il eu un problème ?

- Mais j’ai jamais mordu personne ! Je fais super gaffe, et je préviens toujours les gens quand je les rencontre pour la première fois, ça ne suffit pas pour sensibiliser aux risques ?

Il était toujours intéressant d’entendre un avis extérieur : après tout, c’était de Murphy que Thomas tenait la bases de ses connaissances en sociologie lycanthropique et s’il avait jusque là accordé une confiance aveugle à la jeune fille, ladite confiance tendait à s’éroder quelque peu depuis leurs dernières mésaventures. C’était une chose que de partir à la recherche de fantômes dans un cimetière isolé, c’en était une autre que de recevoir une flèche dans le dos et de se voir – juste un instant – presque s’attaquer à un centaure. Il s’en était fallu de peu, mais Thomas avait presque senti le goût du sang dans sa gueule et cette perspective l’effrayait. Il ne voulait pas être ce genre de loup, voilà pourquoi la place de bêta lui convenait bien, c’était celle des protecteurs. Des gardiens.

Toutefois, même cette conception des choses ne tenait pas, du moins d’après Septimus. Or si l’adulte n’était plus vraiment un sorcier depuis la perte de ses pouvoirs, il n’en possédait pourtant pas moins une certaine expérience de la vie que n’avait pas Murphy et, contrairement à sa camarade, avait toujours été de bons conseils. Thomas travaillait d’ailleurs depuis quelques semaines à ne plus manger de viande – sauf du poulet parce que c’était vraiment trop bon, mais la semaine prochaine, promis !

Il écouta donc avec une attention mêlée de confusion les explications du concierge. Celui-ci semblait assez bien renseigné sur le sujet, contrairement au principal intéressé. Peut-être que s’il avait pris le temps de faire une recherche internet, Thomas aurait pu lui apporter la contradiction, mais il n’y avait pas d’internet à Poudlard et il dé-te-stait fouiller dans les rayonnages poussiéreux de la bibliothèque.

- Des familles… commenta-t-il bêtement, avant de protester. « Chez nous il y a de la hiérarchie. »

Il n’était d’ailleurs pas convaincu du tout sur le laïus pro-anarchie du concierge. Entendre un tel discours venant d’un adulte qui représentait – qu’il le veuille ou non – l’autorité, avait quelque chose d’un peu déstabilisant et il y trouva non sans une pointe de soulagement, la confirmation que peut-être ce que racontait Septimus n’était pas si sérieux que ça. Cependant, par égard à leurs discussions précédentes, Thomas lui accorda malgré tout le bénéfice du doute.

- Pas si abstrait que ça dans ma chambre, murmura-t-il avec un sourire avant de relever le nez, curieux. « Si c’était vrai il n’y aurait pas de professeur ou de directeurs. »

Thomas prit quelques secondes pour réfléchir. C’était intéressant malgré tout, et Septimus avait le mérite de laisser la discussion ouverte, sans chercher à imposer son point de vue.

- Quand je vois comment certains se comportent à Poudlard je suis quand même content qu’il y ait un garde-chasse et des punitions sinon la forêt serait à moitié saccagée et il y aurait des blessés.

Il haussa les épaules d’un air dubitatif.

- Sans magie, c’est mieux qu’il y ait l’autorité des profs sinon personne ne m’écouterait jamais.

Il avait parlé pour lui-même mais se rappela soudain que le concierge était peu ou prou dans la même situation. Il avait cependant son âge pour lui, qui conférait par défaut une sorte d’autorité naturelle sur les enfants et les adolescents. N’empêche que sans les préfets, les professeurs, le directeur, ou même la police, alors les gens comme lui auraient été bien embêtés pour se défendre.

- Qu’est-ce que c’est, au juste, cet endroit ? Qu’est-ce que vous y faites ? Je suis désolé que certains soient en souffrance. Tu sais ce qui leur est arrivé ?

Ce n’était en effet pas l’endroit le plus joyeux du monde, loin de là, mais ce n’était que pour deux ou trois nuits par an, pendant l’été, ou parfois les vacances scolaires quand il rentrait à Glasgow, mais Thomas avait prit l’habitude de calculer avec le calendrier et préférait souvent rester à Poudlard lorsque la pleine lune tombait hors des périodes scolaires, pendant l’année. De manière générale, il préférait le château que la banlieue écossaise où l’on s’ennuyait vite. Le seul avantage de rentrer était de retrouver son téléphone et ses jeux vidéo, mais ça ne valait pas grand-chose en comparaison des animaux magiques, des fantômes et de la liberté d’aller et venir dans l’école en toute tranquillité, à explorer des pièces fascinantes et toutes ensorcelées.

- On attend, expliqua-t-il. « On y passe la nuit en gros, faut arriver deux heures avant le coucher du soleil puis t’attends dans une pièce que ça passe. Tous les loups-garous déclarés de Grande-Bretagne doivent y aller sinon ça peut être considéré comme un crime. C’est sur une île au milieu de la mer. »

Septimus semblait toutefois avoir autre chose en tête pour cette conversation, alors qu’ils poursuivaient leur marche dans le sous-bois silencieux. Une proposition qui désarçonna Thomas beaucoup plus que leur échange précédent et, soudain, le jeune homme se sentit pris en faute. Aussi léger qu’ait pu être le ton de la discussion, la hiérarchie était revenue bien vite dès lors qu’il avait été question de le rappeler à ses devoirs : ne pas mordre, ne pas s’en prendre aux élèves, rester dans la cabane hurlante pendant les nuits de pleine lune avec interdiction d’en sortir. Des règles qu’il avait – pour certaines d’entre-elles au moins – transgressé, mais il avait payé pour cela, d’une blessure déjà, et d’une sacrée punition aussi. La direction estimait-elle nécessaire de rajouter une séance de sensibilisation au danger pour le reste des élèves ? Si c’était le cas, il le ferait, bien sûr, mais quand même… il avait espéré que ces mauvais souvenirs étaient derrière lui maintenant, et qu’on lui faisait d’avantage confiance, d’autant qu’il sentait qu’il avait grandit depuis l’année dernière, et prenait ses responsabilités plus au sérieux.

Tout à ses pensées moroses, il fut pris par surprise par le geste de Septimus, les invitant à s’arrêter un instant.

- Je sais, Thomas. Ce n’est pas du tout de ça dont il est question, rassure-toi. Tu n’es pas dangereux.

- Un peu quand même, bégaya-t-il, confus.

Septimus développa cependant sa pensée.

- Mes conditions de vie ? répéta-t-il comme souvent pour se donner le temps d’enregistrer les informations qu’on venait de lui donner. « Mais… ça va hein. »

C’est-à-dire qu’il n’avait pas tant de besoins que ça. Il avait sa propre chambre, certes le travail était dur et finissait souvent tard à cause des bêtes nocturnes, mais il était également satisfaisant et somme toute, il avait été bien accueilli à Poudlard, du moins selon ses standards à lui.

- Informer les gens sur ta réalité, c’est ça que je voudrais. Pour qu’ils te comprennent mieux, pour qu’ils ne disent pas de choses insensibles, susceptibles de te blesser ou de te mettre en porte-à-faux, voire en danger. Tu comprends mieux ?

En toute honnêteté, non, il ne comprenait pas mieux. Parler de lui en public le mettait mal à l’aise, il détestait les exposés à l’oral, et préférait largement causer des animaux qui lui semblaient autrement plus intéressants que son quotidien. Surtout comparé à celui des sorciers de son âge. Eux faisaient des choses intéressantes, ils faisaient de la magie.

- Mais… il y a qu’un seul loup-garou à Poudlard… et personne ne m’a mis en danger.

Sauf Murphy. Plusieurs fois. En tout cas l’idée de Septimus semblait demander beaucoup d’effort pour son simple cas personnel, non ?

- On ferait mieux de faire un atelier sur les gens qui n’ont pas de pouvoirs, ça c’est un soucis.

Déjà rien que pour tout un tas de choses du quotidien, c’était gênant. Les autres élèves n’avaient qu’à agiter leurs baguettes pour réparer un objet cassé ou nettoyer derrière eux, mais allez trouver un seau d’eau ou du scotch dans une école où les elfes de maison réglaient tous les problèmes en claquant des doigts.

Septimus avait beau dire, sa conception de l’ordre sans l’autorité demeurait aux yeux de Thomas assez théorique. Du moins fonctionnait-elle tant que chacun restait sage, mais dès lors qu’un de ses camarade voudrait jouer les fortes têtes, on n’aurait guère d’autre choix que de lui rentrer dedans. Si, tendanciellement, les élèves de Poudlard étaient plus calmes que ceux de son ancien collège, le jeune homme n’en avait pas moins déjà vu des bagarres et il avait souvenir d’une fois où, ayant découvert Azure dans la forêt interdite, c’était bien par le truchement de l’autorité du garde-chasse qu’elle avait accepté d’être raccompagnée à la lisière. Sans cela, qu’aurait-il pu lui opposer sinon la force physique ? et même encore, il ne s’imaginait pas du tout en venir à lui taper dessus pour se faire obéir d’autant qu’avec ses pouvoirs, elle aurait eu plus vite fait de le mettre ko.

- Les autres t’embêtent parce que tu es cracmol ?

- Non non, dénia Thomas. « Mais c'est parce qu'ils savent que le garde-chasse leur bottera le cul s’ils le faisaient. »

De manière générale, les gens étaient plutôt gentils avec lui. Au pire on l’ignorait, et cela lui allait très bien.

Le concierge semblait prendre assez à cœur la situation des loups-garous, quand bien même Thomas n’y voyait pas trop à s’en plaindre. C’était une malédiction, il n’avait pas choisi qu’elle lui tombe dessus, tant pis, il fallait faire avec. De son point de vue, il était déjà plutôt chanceux – et même reconnaissant – que le ministère lui procure un lieu où résider pendant les nuits de pleine lune, et vienne le chercher par transplanage. Rien ne les y obligeait après tout, et s’il avait dû se rendre par lui-même à Azkaban le voyage aurait été autrement plus long et compliqué.

- J’avoue être plutôt… en colère face à la façon dont vous êtes traités. S’ils mettaient autant d’énergie à se soucier de votre vieillissement qu’à contrôler vos transformations sous peine de vous inculper…

Thomas lui adressa un regard sincèrement curieux.

- Quel vieillissement ? Et puis… c’est en prison mais ce n’est pas être en prison, enfin… c’est mieux d’être là-bas qu’à courir dans la nature. Pour les gens je veux dire. Le loup-garou qui m’a mordu, s’il avait été à Azkaban plutôt…

Il n’acheva pas. Cette perspective provoquait chez lui des émotions ambiguë, et notamment la conscience que sans cette morsure, jamais il n’aurait pu intégrer Poudlard, jamais il n’aurait quitté son collège de Glasgow. De là à y voir quelque chose de positif ? Il n’en était pas certain non plus.

Les conversations avec Septimus le plongeaient décidément toujours dans la confusion, soit par les questions profondément philosophiques qu’elles soulevaient, soit parce qu’il ne comprenait pas toujours très bien où voulait en venir le concierge. Manifestement, il avait fini par interpréter de travers ses intentions puisque ce-dernier se vit obligé de rectifier.

- Tu es le seul pour le moment, et rien ne garantit que personne ne te mettra en danger par ignorance.

- C’est plutôt moi qui met en danger les gens, répliqua-t-il avec perplexité. « Sous ma forme de loup, même une flèche ne peut pas me tuer. »

Il avait le cuir épais, et courait plus vite que n’importe quel être humain. Il doutait même que les sortilèges fassent effet sur lui en vérité. La nuit passée dehors avec Murphy lui laissait un souvenir grisant de puissance et de force.

- Écoute…

Thomas hocha la tête.

- Mais je suis persuadé que tu aurais des choses intéressantes à apprendre à tes camarades ; notamment en ce qui concerne les préjugés et les fausses croyances. Alors, garde ça en tête.

- D’accord.

Il fronça les sourcils, tâchant de trouver un exemple pertinent pour faire plaisir à l’adulte.

- Comme le truc sur les meutes ? Que les alphas existent pas ?

Ça, ça serait peut-être pas mal que Murphy soit au courant, il faudrait penser à lui écrire si ce que disait Septimus se révélait vrai. « Tu savais que sous forme de loup on voit beaucoup moins de couleurs ? »

Il se tapota le nez. « Mais on sent beaucoup plus de choses, c’est très instructifs, Murphy a une odeur de… »

… de cadavre ? Maintenant qu’il y repensait. « De sauge. Et les centaures sentent le cheval et les herbes fraiches. »

L’excursion avait commencé joyeusement, puis pris un tour étrange, et maintenant Thomas se sentait un poids au creux de l’estomac. La vieillesse, la maladie, étaient des choses qui traversaient rarement la tête des adolescents. A l’âge de Thomas, on se sentait facilement immortel et, passés les deux jours qui le laissaient sur le flanc après chaque pleine lune, il se sentait encore plein d’énergie. Un peu fatigué, peut-être, parfois, mais était-ce dû à la malédiction ou au travail en plein air ? Il lui semblait avoir pris du muscle, de la carrure depuis son arrivée à Poudlard, bien loin de l’espèce de marasme morose dans lequel il baignait à Glasgow.

- Ah. Se contenta-t-il de répondre aux explications de Septimus. Vieillir perclus de douleurs n’était pas exactement une perspective réjouissante, mais peut-être trouverait-on un remède bientôt ? Après tout, avec la magie, rien n’était vraiment impossible n’est-ce pas ? Pour lui-même, le jeune homme hocha la tête, assez aisément convaincu. On verrait bien, après tout, pour le moment tout allait bien.

Silencieusement, il se contenta d’écouter l’adulte s’expliquer sur ses convictions politiques.

- C’est vrai, acquiesça-t-il. Il faudrait peut-être écrire au ministère ? » Ça semblait une idée pas idiote, peut-être ces messieurs du ministère étaient-ils un peu trop occupés pour penser à des alternatives ? Lui-même avait du mal à se concentrer sur trop de choses à la fois, et assurément les employés du gouvernement étaient plus intelligents, mais aussi plus débordés.

Il médita les paroles du concierge quelques instants, les yeux rivés sur le sol pour ne pas se prendre les pieds dans une branche morte, et de conclure finalement.

- Moi j’aimerai bien qu’on me laisse me balader.

C’était un vœu un peu immature, il le savait, la sécurité des autres valait assurément plus que son désir de courir dans les bois sous forme de loup, mais les nuits passées seul dans la cabane hurlante lui tapaient parfois sur le système. Transformé, il avait des instincts prédateurs, aussi vertigineux que grisant, et enfermé dans la cabane hurlante ou à Azkaban, il lui semblait devenir fou.

Bien sûr, Septimus n’avait pas le pouvoir d’accéder à sa requête, et certainement que Fergal Armitage refuserait, étant donné sa dernière sortie – peu glorieuse – en cachette. Il avait tout de même failli mordre un centaure, ce n’était pas gage de sagesse et de retenue. Mais le désir de filer courir dehors n’en était pas moins toujours pressant. Et aussi, il ne pouvait s’empêcher de se demander, de temps en temps, ce que ça ferait de refermer ses crocs sur quelque chose de vivant.

Les bois s’éclaircissaient petit à petit et Thomas guida leur duo vers un sentier de terre.

- On va bientôt arriver, commenta-t-il d’un ton qu’il espérait joyeux. Un peu amer malgré tout.

Quitte à devoir ravaler son idée d’aller promener les soirs de pleine lune, il pouvait au moins ressasser les sensations étranges et les bouleversements de perspective que cela faisait, d’être un loup. S’emballant, il parla des couleurs, des bruits, des odeurs…

- Comment se fait-il que tu connaisses l’odeur de Murphy sous ta forme de loup ?

- Heu… Il se sentir rougir bêtement. N’était-ce pas temps de passer aux aveux ? Il suffirait à Septimus d’interroger Fergal, de toute façon, pour avoir le fin mot de l’histoire. On est parti explorer la forêt une fois, expliqua-t-il. C’était son idée ! »

Pff, pas cool de balancer, quel crétin.

« Le ministère n’écoute pas les gens comme nous. » Thomas se garda de demander ce que « comme nous voulait dire. Des gens qui n’avaient pas de pouvoirs ? Des échos d’une lointaine conversation avec Zeynep lui revinrent en tête, remontant du passé. Il n’avait pas trop pris la jeune fille au sérieux, alors, et aujourd’hui encore, mais de retrouver les mêmes accents dans la voix d’un adulte avait quelque chose de perturbant. Pensif et mutique, Thomas se concentra sur où il mettait les pieds en digérant les nouvelles informations apportées par le concierge.
Ces histoires de santé, de vieillesse, ou même de réclamer d’avantage, lui semblaient encore bien éloignées de son quotidien. Lui avait été heureux de simplement être autorisé à rester à Poudlard, et peu importe au fond s’il fallait vivre dans une petit pièce poussiéreuse, ou faire des heures sup’ avec Benjamin Duncan pour cela. Encore aujourd’hui, il s’estimait heureux et quand il ne l’était plus, ses réguliers allers-retours à Glasgow où il retrouvait ses anciens copains du collège faisaient comme une piqûre de rappel au cas où il ne se souvienne plus d’à quel point la vie dans le monde des sorciers était plus amusante.

Tout à ses pensées, il se limita à baragouiner que, si on lui en laissait le choix, il aurait bien aimé avoir l’autorisation de gambader un peu sous sa forme de loup plutôt que de rester enfermé entre quatre murs toute la nuit. Ceci dit, on les lui avait suffisamment répétés pour qu’il ait conscience des risques que cela pouvait entraîner, pour lui comme pour les autres, et il avait fini par – presque – se faire une raison. Il fut toutefois heureux que Septimus partage son point de vue, au moins en théorie.

- C’est vrai ! Il suffirait de délimiter un petit coin et je resterai dedans, c’est toujours mieux que d’être enfermé dans la cabane où il n’y a rien à faire.

Secrètement, il se fit la réflexion qu’il aimerait bien hurler à la lune aussi, même si l’idée était étrange, c’était ce genre de pulsion qui le prenaient parfois sans qu’il s’explique trop pourquoi. Ca et l’envie de mordre des choses dures.

Si le concierge s’était montré compréhensif quant à son désir de mettre la truffe dehors, il sembla toutefois beaucoup plus contrarié lorsque Thomas évoqua honteusement son escapade avec Murphy. Il semblait en fait si contrarié que Thomas préféra le laissa parler. Septimus pouvait avoir quelque chose d’un peu impressionnant quand il se mettait à colérer ainsi, et Thomas n’était pas du genre grand courageux pour venir l’interrompre.

Il se contenta d’ailleurs de simplement hocher la tête à ses paroles, avent de répondre seulement à sa dernière question.

- Oui monsieur Armitage le sait.

Il ne mentionna pas la punition, jugeant qu’il en avait déjà trop dit. Au pire, Septimus se renseignerait tout seul, il devait sans doute exister un registre de ce genre de choses. Sa dernière remarque arracha cependant un sourire au jeune homme.

- Oui ! on est venu pour voir les lapins quand même !

Ça lui plaisait un peu plus que de parler atelier de sensibilisation ou malédiction chronique. Ce fut comme les invoquer. Ici, les arbres de la forêt s’espaçaient pour s’ouvrir sur de jolies clairières baignées de soleil et, déjà, l’un des fameux spécimens cornus venait de leur passer sous le nez.

- C’est très rare, rappela Thomas dans un souffle. Ils sont difficiles à approcher mais ils ont mauvaise vue, si on se met sur une branche d’arbre on pourra les regarder sans qu’ils nous repèrent.

Benjamin Duncan lui avait même montré comment en attraper un par les cornes, quand il passait en dessous de vous. Bien sûr la manœuvre était plus aisé avec un sortilège de dissimulation et de lévitation, mais sans magie, ils pourraient tout de même se débrouiller avec l’environnement.

- On peut les attraper comme des saumons ! Ça ne leur fait pas de mal, ils ne sentent rien dans leurs cornes. D'ailleurs il y a des éleveurs qui les taillent.

La perspective de tailler les bois des jackalopes n’eut pas l’air de beaucoup enchanter Septimus, ce qui Thomas perçu immédiatement.

- Non mais ça leur évite de se blesser avec aussi…

Un peu honteux, il hocha la tête aux remarques du concierge. Il n’avait jamais été dans ses intentions de brutaliser ces créatures, ceci dit gérer les animaux demandait parfois d’y aller un peu physiquement. Autant il n’était clairement pas de taille face à un sombral ou un hyppogriffe, autant il lui était déjà arrivé de se jeter sur un veaudelune pour le remettre dans son enclos ou le maintenir à terre le temps pour le garde-chasse de lui administrer un traitement. De manière générale, les bêtes ne savaient pas trop ce qui était bon pour elles, d’où la nécessité que les humains veillent dessus en toutes circonstances.

La dernière remarque de Septimus arracha un sourire à Thomas.

- T’inquiète je monte souvent ! On peut peut-être trouver une branche basse ? Hm. Il y a des endroits dans forêt où il y a des plate formes construites pour surveiller les incendies, mais là j’en vois pas.

Au loin, les petites boules de poiles cornues continuaient de vagabonder dans la luzerne, inconscientes – ou se sentant peu concernées – par leur présence.

- On aurait dû emporter des jumelles, se fit-il la réflexion tout haut, je suis bête.

Le fait que ni lui ni le concierge ne soit capable de magie était également un problème. Il faillit mentionner distraitement la cape d’invisibilité d’Azure et comment elle aurait pu leur être utile, avant de se rappeler que la jeune fille préférait qu’on évite d’ébruiter le fait qu’elle en possédait une, et il se mordit l’intérieur de la joue pour s’éviter une gaffe.

- Peut-être que je peux te faire la courte échelle ?

Le concierge avait beau faire une bonne tête de plus que lui, il ne devait pas peser bien lourd, d’autant que Thomas puisse juger de sa silhouette filiforme et de son visage sec. « Ou alors il faut se mettre de la terre sur les joues pour faire camouflage ! »

L’idée lui parut enfantine aussitôt qu’il la prononça, mais elle n’en restait pas moins amusante. A force de passer ses journées dehors à gérer les animaux, Thomas était plus d’une fois rentré à Poudlard à moitié couvert de boue et de feuilles, la saleté faisait partie du métier.

Décidément, Septimus était trop fort : penser à emporter une paire de jumelle, pas grand monde n’y aurait songé. Enthousiaste, Thomas leva son pouce en l’air d’un air complice.

- Bon, faut un bon spot maintenant !

Avec les animaux, un bon spot signifiait presque toujours « en hauteur ». Cela évitait qu’ils ne flairent votre présence trop rapidement, et aussi de les observer sans les déranger. Un bon camouflage pouvait aussi faire l’affaire, mais cela demandait un peu de préparation et il ne fallait pas avoir peur de se salir.

- Tu veux une astuce de pro ? demanda Thomas. « Un de ces jours faut que tu ramènes un t-shirt ou quoi que ce soit dans lequel t’as bien sué et tu l’accroches dans une partie de la forêt que t’aimes bien. Les animaux vont s’habituer à ton odeur et comme ça le prochain coup que tu viens, ils se méfieront pas. »

L’astuce avait été 100% validé par le garde-chasse et pendant quelques semaines, les profondeurs de la forêt avaient été étrangement enguirlandées des chaussettes de Thomas. Ceci dit, il faisait trop froid pour s’amuser à ça pour le moment et, puisque les Jackalopes étaient en vue, une simple prise de hauteur suffirait largement pour les observer tranquillement.

Ayant avisé quelques branches basses, Thomas concéda à son aîné le plan. Septimus avait beau être grand, il était également assez sec et le temps d’une poussée vers les arbres, le jeune homme se pensait capable de le soulever. Il avait pris des bras depuis un an, ce qui n’était pas pour lui déplaire, et résistait rarement lorsque les occasions se présentaient de lever quelque chose de lourd. Il avait découvert sur le terrain que soulever une citrouille pouvait être beaucoup moins fatigant que lever sa plume pour écrire une dissertation de botanique.

Il vint s’accroupir, mains jointes, au pied d’un arbre aux branches basses, mais à peine le concierge eut-il posé le pied dedans et Thomas commencé à le soulever que les deux perdirent l’équilibre. Le bruit de chute eut beau être étouffé par les épines de pin, il ne fallait pas être grand devin pour savoir que les Jackalopes avaient perçu les vibrations du sol et, très probablement, filé sans demander leur reste.

Thomas se redressa vivement, portant par réflexe sa main en visière de ses yeux pour tenter de les apercevoir.

- Je pense qu’ils sont partis, commenta-t-il sobrement. « C’est pas très grave, ils reviendront, ils adorent la luzerne. »

Il tendit la main – pour la seconde fois – à Septimus pour l’aider à se relever, avant de balayer son pantalon pour en enlever les traces de terre. Peine perdue.