- « Et tu avais déjà vu de la magie avant ça ? »

- « Oui, pas mal, oui. »

- « Dans quel contexte exactement ? »

- « Chez mes grands parents surtout. Et avec mes cousins aussi. Je suis déjà allé sur le chemin de Traverse aussi ! »

- « Bien. »

Il note quelque chose.

- « Tu peux m’en dire un peu plus ? »

- « Sur la magie ? »

- « Oui, et sur le monde sorcier, ce que tu sais, exactement. »

Si je connais la magie ? Bien sûr que je connais la magie. C’est pas vraiment le genre de choses qu’on peut vraiment ignorer, surtout quand ça se produit juste sous votre nez. Des sorts, des formules, des choses qui volent alors qu’elles ne devraient pas… eh, j’en ai vu un sacré paquet, pour sûr. Tout petit déjà, mon grand père faisait apparaitre et disparaitre mes jouets dans ma chambre. Apparemment j’aimais bien, en tout cas il parait que ça me faisait bien rigoler. Grand-père a toujours été un rigolo. Grand-mère un peu moins. J’imagine qu’il fallait qu’au moins un des deux tienne la baraque. J’ai passé de sacrés week-end chez eux, et pas mal de vacances aussi. Papa bossait dur, maman je la voyais une fois par an, pour mon anniversaire. Ça n’a pas beaucoup changé. Parait qu’elle a refait sa vie en France, dans le sud, près de Montpellier. Je peux pas vraiment lui en vouloir, j’y suis allé une fois, c’est mieux que la banlieue de Glasgow. Papa a eu plus de mal à s’y faire lui ; j’ai mis du temps à m’en rendre compte, je crois qu’aujourd’hui encore il n’a pas vraiment tourné la page.

Enfin tout ça pour dire qu’il m’a pas mal collé dans les pattes de ses parents à lui et franchement, je peux pas dire que j’ai détesté. Pour être honnête, je crois même que ça me fait mes meilleurs souvenirs. Mon grand-père est un sorcier très puissant et ma grand-mère une sorcière très ronchon. C’est comme ça qu’ils se qualifiaient l’un l’autre en tout cas. Alors je sais, la magie, tout ça, ça a l’air d’une farce pour les gosses, genre légende du « père noël » ou fée des dents, jusqu’à ce que quelqu’un décide de mettre fin à la blague et vende la mèche, mais dans mon cas, c’est la réalité !

- « Thomas ? »

- « Heu oui ? »

- « Est-ce que tu te sens bien ? »

- « Comment vous appelez ça déjà ? »

- « De la legilimancie. »

- « C’est pour vérifier que je ne mens pas ? »

- « C’est pour… simplifier les choses. Aller droit au but. Nous sommes un peu pressés, tu vois ? »

- « Ok ok… mais c’est moi qui choisis ce que je vous montre ? »

- « On va dire ça. Parle moi de tes premières expériences au contact de la sorcellerie. »

Souvenir souvenir, je crois que la première fois où je me suis vraiment rendu compte que tout ça était un peu bizarre, je devais pas avoir plus de six ou sept ans, maximum. J’avais déjà vu de la magie avant, c’est sûr, mais ce coup-ci ça m’a marqué, en tout cas suffisamment pour qu’il y ait un avant et un après.
« Termine ton assiette ! » me dit mamy, et la voilà qui s’en va chercher du gâteau dans la cuisine. Grave erreur. Tourne le dos une seconde et voilà grand-père qui tapote mon assiette avec sa baguette et efface l’immonde purée de brocolis et les haricots verts pleins de fils. Ca peut paraitre un peu anodin comme ça, mais je crois que c’est ce jour-là que j’ai réellement réalisé que mes grands-parents étaient des magiciens.

« No shit Sherlock » qu’on pourrait me dire, avec le recul, mais fallait comprendre, les choses étaient pas si claires à l’époque. Déjà, bon, j’étais gamin, et rien de plus con qu’un gosse, ça c’est sûr. Ensuite, je ne sais pas… tous mes souvenirs de cette période ont quelque chose d’un peu opaque. Vaguement délavé. Maintenant que j’y repense, j’ai jamais pu lire l’heure chez eux. Je sais pas pourquoi l’horloge avait un truc flou. Pareil pour la montre de papy, au début je pensais que j’étais juste nul avec les aiguilles mais il y avait pas que ça. Le journal m’embrouillait pas mal, aussi, comme si j’avais du mal à faire le point dessus et il y avait des objets bizarres, que j’arrivais pas bien à saisir…

- « Et ça ne t’a pas interpellé ? »

- « Je pensais que j’étais juste dyslexique ou un truc du genre. Et maladroit. »

- « Mais à l’école moldu, tu savais bien lire ? »

- « C’est ça. »

- « Tu sais pourquoi tu ne voyais pas bien ces choses, chez tes grands-parents ? »

Silence.

- « Thomas ? »

- « Les cracmols ne voient pas la magie. »

- « C’est exacte. Enfin, partiellement exacte. Ils y sont plus sensibles, c’est un fait, mais certaines manifestations restent hors de leur portée. »

- « Mais maintenant ça va mieux ! »

- « Du calme, nous allons y venir. Avançons par étapes si tu veux bien. »

Grand-père et grand-mère tenaient beaucoup à ce que je connaisse la magie, dès mon plus jeune âge. « C’est un monde dans lequel il va grandir ! » voila ce qu’ils disaient et « Il y a encore une chance ! ». Papa ne semblait pas de cet avis, à chaque fois qu’il venait me rechercher à la fin du week-end, je les entendais se disputer à ce sujet.
J’ai mis longtemps à comprendre vraiment le problème, je crois. Enfin, avec le recul, je me dis que ça aurait dû me sauter aux yeux. Mon père était un cracmol. Le seul de la famille. J’ai une grande famille, j’ai l’impression que les sorciers font beaucoup d’enfants, est-ce que les sorciers font plus d’enfants que la moyenne ?

- « Concentre toi s’il te plait. »

- « Pardon. »

Mon père était le seul cracmol d’une grande famille de sorcier. Pas des sang-purs, mais pas loin apparemment. La faute à quelques égarement dans l’arbre généalogique. Apparemment ça ne s’est pas super bien passé pour lui. Je peux comprendre : être le seul sans pouvoir dans la famille, dur… Mon grand-père et ma grand-mère ont quand même été cools, ils ont fait l’effort de se documenter pas mal sur le monde moldu, par exemple, l’ont envoyé à l’école normale et tout. Bref une vie normale quoi. N’empêche qu’il l’a mal vécu. Ses frères et sœurs – mes oncles et tantes – eux c’étaient des sorciers, ils sont allés à Poudlard. Mes cousins aussi sont des sorciers, c’est eux qui m’ont appris le plus de choses sur la magie en vrai. Je les voyais souvent pendant les vacances, ils étaient cools eux aussi.
Je crois que tous les nés-moldus – c’est comme ça que vous dites ?

- « Oui. »

Tous les nés-moldus sont des lointains descendant de cracmols en fait. La magie disparait pendant des siècles et pouf un jour ça revient.

- « C’est possible ça ? »

- « Peut-être. Pourquoi penses-tu cela ? »

- « Je crois que mes grands-parents le pensaient, eux. Qu’ils espéraient que j’aurai des pouvoirs. »

- « Pense un peu à tes cousins, tu disais qu’ils t’ont fait découvrir la magie. »

Mes cousins avaient tous des baguettes, à partir de onze ans en tout cas. C’est ce qui se passe quand on entre à Poudlard apparemment. Mais ils ne pouvaient pas s’en servir en dehors de l’école, ça aussi ils me l’ont expliqué, sauf les plus vieux. Les plus vieux me faisaient des tours, genre changer la couleur des sourcils ou soigner une égratignure. Ça me dérangeait pas, en fait même c’était plutôt marrant. Les enfants de mon âge n’avaient pas le droit non plus de lancer de sortilèges, alors on était un peu tous sur un pied d’égalité. Sauf pour le quidditch. Ils a-do-rent le quidditch, un truc de fou, tu grimpes sur un balais, tu tapes du pied par terre et hop tu t’envoles. Ça ne marche pas avec moi, je décolle juste pas. Mais je peux monter à l’arrière. On faisait pas mal ça quand il y avait match. Surtout avec les filles. Les filles étaient cools, elles se sont jamais foutu de moi. C’était cool.

- « Tes cousins se sont déjà moqué de toi à cause de ton manque de pouvoirs ? »

- « Non, ça allait. Tout le monde était cool. »

Une fois ils m’ont lancé des gnomes dessus, je les voyais pas, je comprenais pas ce qui se passait, ils m’ont mordu et griffé partout.

- « Eh ! »

- « C’est important pour le Ministère de savoir comment tu te sens dans le monde sorcier, Thomas. Pour aider ton intégration. »

- « Mon intégration ? »

- « Oui. »

- « On m’a parlé d’oubliators, une fois… »

- « Ne t’en fais pas pour ça. C’est pour les moldus, pas pour les cracmols. »

- « D’accord. »

- « Bien. Et par rapport à tes cousins ? Comment te sentais-tu ? »

Plutôt bien, en fait. C’était comme avoir un secret qui me rendait spécial moi aussi. Ma famille était magique. Avec mon père, on vit dans la banlieue de Glasgow, c’est là-bas que je vais à l’école. Une école normale. Et l’été ou les week-end, j’allais dans ma famille spéciale. C’est comme ça que je le vivais en fait, tout simplement.
Je crois que j’étais simplement content de ne pas être juste un moldu. Cracmol c’est déjà pas mal, non ?

- « Certainement. Donc tu n’éprouves pas de colère ? Ou un sentiment de frustration ? C’est important que nous soyons au courant de ce genre de chose, Thomas. »

- « Non vraiment non. »

- « Dans ta tête s’il te plait. »

Parfois j’ai été un peu jaloux des autres. J’aurai bien aimé pouvoir voler. Ou que la vaisselle se fasse toute seule, comme ma grand-mère savait. Ca m’aurait vachement facilité la vie je pense.

- « Que sais-tu de Poudlard ? »

J’ai vu des photographies. C’est un château immense où les élèves sont répartis en quatre maisons. Mes cousins avaient chacun la leur et discutaient beaucoup pour savoir laquelle était la meilleure. Dans mon collège à moi on se demandait quelle équipe de foot est la meilleure, c’est pareil j’imagine. Je sais aussi qu’il y a des choses dangereuses là-bas. Une forêt interdite. J’ai bien envie de l’explorer.

- « Si elle est interdite, c’est pour une raison. »

- « Je sais je… disais ça comme ça. »

- « Il faut que tu comprennes que le monde sorcier a d’autres règles que celui des moldus, si nous décidons de te faire confiance, tu devras les suivre scrupuleusement. Le ministère ne tolèrera aucun comportement qui mettrait en danger la sécurité de tes camarades, ou risquerait de perturber leurs études. »

- « D’accord ! »

- « Ne dis pas d’accord comme ça, dis oui monsieur. »

- « Oui monsieur. »

- « Bien. »

Il note quelque chose.

- « J’aimerai que tu me parles un peu de ta scolarité moldu. Ce monde là ne risque-t-il pas de te manquer ? »

- « Non monsieur ! »

- « Dans ta tête. »

Des images fugaces fusent dans ma tête. Des heures à s’ennuyer sur les bancs d’une école de banlieue, à dormir au fond de la classe, seulement réveillé par le chahut de mes camarades ou la craie que lance le prof. Des cours de sport en short à se geler dans le froid d’un stade décrépit en plein mois de février. Des repas insipides dans une cantine blanche et des morceaux de pains jetés dans un bro d’eau. Quelques délires sympas, quelques rigolades, des mots gravés au compas sur la cloison qui sépare deux chiottes, des tournois de foot dans la cour de récréation, encore des cours, des cours de math, d’anglais, de biologie. Beaucoup d’ennui. Des journées pluvieuses, dans cette ville du nord de l’Ecosse, et des années mornes.
« Que veux-tu faire plus tard ? » me demande le conseiller d’orientation. « Vétérinaire. » « Pas avec ces notes-là. » Frustration.

- « Tu aimerais t’occuper des animaux ? »

Thomas hausse les épaules.

- « Il y a des cours de soin à Poudlard, cela ne nécessite pas forcément de pouvoir magique. »

- « C’est vrai ? »

- « Oui. Je pourrai en parler avec leur professeur si tu le souhaites. »

- « Donc je vais y aller ?! »

- « Ce n’est pas encore sûr. J’aimerai que tu sois un peu plus précis dans tes souvenirs, mets-y de la bonne volonté. »

- « Oui oui… »

Je me souviens d’avoir pris une balle dans le nez au foot, d’avoir saigné sur la moitié du chemin jusqu’à l’infirmerie. C’était la première fois que je voyais autant de sang. Nez cassé, au bout du compte. Je me souviens d’une bataille de gommes en cours de dessin, on avait tous pris trois heures de colle pour la peine, mais ça valait le coup. Je me souviens d’avoir jeté mon cahier de mathématique par la fenêtre de ma chambre un jour, de rage, à cause d’un exercice. Je suis descendu le chercher mais j’ai oublié de prendre mes clefs. J’ai dû attendre que papa rentre à la maison à vingt-trois heure pour pouvoir ouvrir la porte. Pour une fois on a mangé ensemble, ça a été une bonne soirée finalement. Je me souviens d’avoir laissé trainer mon regard sur les garçons de ma classe dans les vestiaires et…

- « Heu...! »

- « Oui bon. »

Il y a un silence.

- « Les cours, c’était difficile. »

- « Un peu. Ça ne m’intéresse pas trop. »

- « Quelles sont les matières qui t’intéressent ? »

Nouveau silence.

- « Bon. Et si nous parlions de ce qui s’est passé ce 19 septembre ? Tu peux me montrer ce dont tu te souviens. »

- « Oui ok. »

L’homme se racle la gorge.

- « Oui monsieur. »

Je me souviens d’avoir quitté la maison en claquant la porte. Volontairement ce coup-ci. Franchement, avec le recul, je ne sais même plus pourquoi j’étais énervé. Une histoire de prix des tiquets de cinéma je crois. C’était nul. J’ai marché longtemps ce soir-là, pour m’obliger à ne pas rentrer. Plus j’allais loin, plus le retour serait difficile et je ne voulais vraiment pas revenir à la maison. J’ai marché vers l’extérieur de la ville, et rapidement on tombe sur une zone industrielle là-bas, avant la forêt. En vélo, c’est l’affaire de 20mn mais à pied ça met facilement trois fois plus longtemps. Il faisait froid et je commençais à être fatigué. Je me suis assis sur le trottoir. Il n’y avait personne et pas trop d’éclairage public, ça faisait un peu peur mais au moins ça rendait ma fugue sérieuse, pas juste un truc de gamin quoi.

Là j’ai commencé à me sentir étrange. Comme chez grand-père et grand-mère, certaines choses sont devenues floues et…

- « Et ? »

Le bruit d’une course, derrière moi. Des ongles qui racle le bitume. Un halètement. Le temps de se retourner, une boule brune, de poils et de brouillard, propulsé à plusieurs mètre, percuté par une voiture ? Un hurlement.

- « C’était un loup-garou. »

- « Je sais. Tu ne te souviens que de ça ? »

Thomas hoche la tête.

- « Après je suis rentré. Je ne sais plus trop comment, j’étais malade. »

- « Tu as été mordu. »

- « J’ai mis du temps à le réaliser en fait, j’ai cru que c’était un chien, j’avais des courbatures partout, je pensais que je m’étais fait percuter par une voiture ou un truc comme ça. »

- « La douleur et les traces de croc ne t’ont pas alerté ? »

- « Non. Ça arrive de se blesser, et comme le lendemain j’avais de la fièvre on a appelé le médecin. Mais la plaie était propre apparemment, il m’a juste mis un bandage et donné des antibiotiques. »

- « Et ton père ? »

Thomas hausse les épaules.

A mon retour, mon père m’a juste passé un savon et je suis allé directement au lit. Le lendemain il était déjà parti travailler, je suis resté au lit toute la journée, il ne s’en est rendu compte que le soir en rentrant. C’est là qu’on a appelé le docteur.

Trois jours plus tard, c’était passé. J’avais super faim mais normal vu que j’avais rien bouffé pendant tout ce temps et je suis retourné au collège.

- « Bien. »

Il note quelque chose.

Un silence.

- « Et la nuit du 10 novembre ? Est-ce que tu t’en souviens ? »

Un silence.

Thomas secoue la tête.

- « Absolument rien ? »

- « Je me suis réveillé à Sainte-Mangouste. »

D’une voix cassé.

- « En effet. C’était ta première transformation, c’est grâce à ça que nous t’avons repéré. »

Thomas hocha la tête.

- « Tes grand-parents étaient là. »

- « Oui ! »

Il sourit cette fois.

- « Et je voyais la montre ! »

- « La montre ? »

- « De mon grand-père ! Celle qui indique toujours la direction de ma grand-mère au lieu de montrer l’heure ! »

- « Ah oui en effet. Montre moi ça, ça m'intéresse. »

J’ai mal partout. Des courbatures affreuses, encore pire que la dernière fois, chaque muscle me lance comme s’il était fait de cuir sec. J’entends des voix familières, des visages soulagés. « Salut mon bonhomme ! » « Salut Thomas ! » mon grand-père, ma grand-mère, le cousin Jack. Mon père est absent, lui. Ma mère aussi mais ça je m’y attendais. « Je suis où ? » « Entre de bonne main, t’en fais pas bonhomme, tout va bien maintenant. » Des sourires et cette montre qui attire mon regard. Nette. Claire. Une seule aiguille en forme de cœur. J’accroche dessus, hagard, je n’arrive pas à détacher mon regard.

Un homme passe la tête dans l’embrasure de la porte, il est souriant.

- « Hey ! Mais c’est notre loulou garou ! »

Thomas sourit en retour.

- « Arrête Stanley. »

- « Vous avez terminé ? »

- « On vient de finir oui. Tu veux bien nous attendre ici Thomas ? »

- « Oui d’accord. »

- « On te rapporte un chocolat ok ? On n’en a pas pour longtemps. »

Thomas hocha la tête. Les deux hommes sortent, laissant le gamin seul dans le bureau.

- « Alors, ils en disent quoi au ministère ? »

- « Il y a un vide juridique, mais vu la couleur politique du Ministre je pense qu’il sera favorable à une intégration. »

- « Ok. C’est le mieux j’imagine. »

- « Je pense que oui, ça serait pire de le renvoyer au monde moldu sans encadrement, surtout maintenant qu’il peut tout voir. C’est confirmé d’ailleurs, ça ? »

- « J’ai vu la sorcellerie dans son esprit, il semblerait bien que la morsure l’ait rendu magique… d’une certaine manière. »

- « C’est quand même fou. »

- « C’est sûr qu’il y aura des choses à en dire. Et les test médicaux, ça donne quoi ? »

- « Bonne santé, un peu fatigué à cause de la transformation, forcément. C’est plus le côté psychologique qui nous inquiète. »

- « Ça a pas l’air d’aller trop mal de ce côté-là. »

- « T’en sais rien mon vieux, t’en sais rien. C’est fragile à cet âge-là, et il a sérieusement blessé son père. »

- « Une chance qu’il n’ait pas été mordu lui aussi. »

- « Ouais t’imagines ?? »

Ils éclatent de rire.

- « Bon, en tout cas vu qu’on a le feu vert du ministère, je vais écrire au Collège. Il restera encore quelques jours à Sainte-Mangouste et puis on organisera le transfert quand tout sera prêt. »

- « Parfait, vous savez ce qu’il fera là-bas ? »

- « Formation accélérée à tout ce qui ne nécessite pas directement de magie, pour qu’il découvre le monde sorcier en détail et puisse s’y intégrer. J’imagine qu’ils vont lui proposer une formation adaptée sur place en parallèle puisqu’il ne pourra pas suivre tous les cours. »

- « Ça semble logique, je vais lui annoncer la nouvelle. »

- « Génial, n’oublie pas le chocolat chaud. »

Andrew Chastel : le grand-père
Un sorcier d’un âge avancé et sans histoire. Ancien élève de la maison gryffondor, sa plus grande fierté et réussite dans la vie est d’avoir engendré cinq enfants, tous plus beaux les uns que les autres, qui lui ont donné de nombreux petits enfants. Employé du ministère au service de la bureaucratie, il a pris sa retraite il y a cinq ans.

Jena Chastel : la grand-mère
Plus taiseuse que son mari, elle le tient à la baguette. Forte tête et un peu vieillotte par certains aspects, elle accorde une grande importance à la qualité de l’éducation de ses enfants et de leurs enfants, n’hésitant pas à se piquer de commentaires désagréables envers les uns et les autres lorsque les choses ne vont pas comme elle le souhaiterait. Elle a fait ses études à Serpentard et travaillait comme oubliator avant de prendre également sa retraite.

Jim Chastel : le père
Jim est le quatrième fils de la famille Chastel et un cracmol. Un coup du sort qui l’a beaucoup affecté et condamné à vivre en marge du monde dans lequel il a grandi. Malgré les efforts et la bienveillance de ses parents, Jim a gardé une certaine rancœur irrationnelle envers eux. Il travaille comme commercial dans une entreprise de papier, ce qui l’oblige souvent à rentrer tard. Depuis le départ de sa femme, il élève seul et tant bien que mal Thomas dont il essaye de subvenir aux besoins avec son maigre salaire.

Helena Harper : la mère
100% moldue, Helena n’a jamais été confrontée au monde magique. Elle et Jim ont été en couple pendant quatre ans, assez pour avoir un enfant ensemble. Quand Thomas avait un an, Helena est partie refaire sa vie en France, ce que Jim lui a toujours reproché. Thomas ne voit sa mère qu’une fois par an, l’été souvent. Cette dernière s’est remise en couple, les relations sont un peu tendues de ce côté-là.

William, Andrew, Marta et Penelope Chastel : les oncles et tantes
Les quatre frères et sœurs de Jim, tous sorciers. Ils ont respectivement fait leurs études à Gryffondor, Gryffondor, Poufsouffle et Gryffondor. William travaille à la banque Gringotts, Andrew et soigneur à Sainte-Mangouste, Marta graveuse de rune et Penelope a fini tireuse de baguette pour le ministère. Gens aimables et bienveillants, ils n’ont jamais rejeté leur frère pour son absence de pouvoir et se sont toujours montrés accueillant et compréhensif avec Thomas.

Les cousins et cousines !
Trop nombreux pour êtres décrits en détails, ils feront éventuellement l’objet d’un scénario.

On toque à la porte.

- « Thomas ? C’est bon, tu as toutes tes affaires de prêtes ? »

- « Une seconde ! »

Ce foutu bagage allait-il bien vouloir se fermer une bonne fois pour toute ? Il avait mis tout ce qu’il pouvait dans cette énorme valise fournie par le ministère. Plus grosse que ce qu’il avait jamais vu, et posé sur quatre roulettes qui la faisaient glisser sur le sol dans un silence… magique. N’empêche qu’avant de la faire rouler, il fallait la boucler, or Thomas avait fait venir tout un tas de choses dans sa chambre de Sainte-Mangouste – quitte à y passer deux semaines autant qu’elle soit un peu décorée – et pas mal de fringues sans compter des cadeaux que ses cousins et ses grand-parents lui avaient offert pour lui souhaiter un bon rétablissement.
Problème : il ne pouvait pas laisser tout ça ici. C’était un hôpital, pas un hangar de stockage. Tout ce qui n’entrait pas dans la valise finirait on ne sait où et comme son père ne pouvait pas vraiment aller et venir dans le coin chercher ses affaires, mieux valait éviter à demander à un tiers de s’en charger.

- « Bordel de… !! »

Nouveau toquage.

- « Ça va là dedans ? »

- « Oui oui ! »

Bon, et merde. Le tout pour le tout. D’un bond, Thomas sauta les fesses sur la valises qui s’écrasa avec un soupire. Satisfait du résultat, le jeune homme entreprit de la sangler solidement – fallait pas qu’elle éclate. Et la posa sur ses quatre roues. Parfait !

- « Le portoloin est dans vingt minutes Thomas. Il ne va pas nous attendre. »

Il ouvrit la porte, cheveux ébouriffés, un sourire ravi sur le visage.

- « Je suis prêt ! »

Stanley soupira.

- « Tu n’a rien oublié ? »

- « Non ! »

- « Brosse à dent ? »

- « J’ai ! »

- « Tes livres ? »

- « C’est bon ! »

- « Ton doudou ? »

- « Arrête ! »

Il aimait bien Stanley. C’était le genre d’adulte cool qui avait l’air de prendre son boulot à cœur au service de réparation des catastrophes magiques. Apparemment Thomas était une « catastrophe », donc. Aucune idée de comment il devait le prendre.

- « Oublie pas de dire au revoir hein. »

- « Ouais ouais. No stress Stan’. »

L’autre lui fit gentiment les gros yeux. Pour quelqu’un dont le père avait été clairement absent pendant toute son adolescence, cet homme qui devait avoir quelques années de moins s’était montré beaucoup plus prévenant en l’espace de deux semaines que tout ce à quoi Thomas était habitué. S’il n’y avait pas la perspective d’enfin découvrir Poudlard, il aurait sans doute pu souhaiter que ce séjour à l’hôpital dure un peu plus longtemps.

Ici, on lui avait fait passer tout un tas de test bizarres, d’abord pour voir s’il allait bien – normal – ensuite pour voir comment il réagissait à la magie et si la morsure du loup avait pu altérer d’éventuels pouvoirs dormant. Verdict : Thomas voyait la magie comme n’importe quel sorcier, mais restait résolument incapable d’en faire. Un peu frustrant, mais mieux que rien. Apparemment, la morsure l’avait transformé en « hybride » comme ils disaient, et donc l’avait fait entrer par la petite porte dans le monde des sorciers. Mais ça s’arrêtait là. On n’était pas dans Spiderman, il n’avait débloqué aucun super pouvoir particulier si ce n’est de devoir avaler une potion dégueulasse avant chaque pleine lune et passer la nuit à tourner en rond dans une pièce barricadée sous la forme d’une créature cauchemardesque.
Enfin c’était ce qu’on lui avait expliqué. Thomas ne gardait aucun souvenir de sa dernière lunaison et la prochaine était pour dans dix jours. Il appréhendait un peu, la fois précédente lui avait fait un mal de chien. Sans mauvais jeu de mot.

Les infirmiers et infirmières, par contre, avaient tous été super sympas et le gamin s’était senti un peu comme un prince pendant ces quatorze derniers jours. En plus il avait raté l’école et même si l’absence de prise électrique dans sa chambre empêchait d’y brancher une console de jeu, il avait parcouru avec curiosité ses manuels scolaires et passé de longues après-midi dans le parc de l’hôpital à observer les fourmis.

Pour l’heure, donc, il ne tirait que des changements positifs de sa mésaventure, et pas vraiment de motifs de gêne particulier, si ce n’était que tout le monde semblait assez inquiet pour lui, qu’il avait une faim de viande deux heures après être sorti de table et que son père s’était montré beaucoup moins enthousiaste que lui à l’idée de tous ces changements. Les deux fois où Thomas l’avait vu, il semblait fatigué et portait un plâtre. Personne ne s’était épanché sur l’origine de la blessure. Thomas non plus n’était pas fringant, à vrai dire. Un simple coup d’œil dans le miroir de la salle de bain avait suffit à révéler une face blanchâtre couleur craie, un visage aux traités tirés, creusé par les cernes.
Néanmoins, s’il avait passé quasiment deux jours à dormir à la suite de sa transformation, il se sentait désormais plutôt en forme et même habité d’une certaine énergie, enthousiaste à l’idée de découvrir sa nouvelle vie, à coup sûr infiniment plus intéressante que l’ancienne.

Abandonnant sa valise à Stanley, Thomas fit rapidement le tour des salles de garde pour saluer le personnel – on lui glissa des bonbons plein les poches ce qu’il trouva un peu infantilisant sans pour autant s’offusquer – puis il rejoignit le magicien dans la cour de l’hôpital.

- « Tiens fermement mon bras, compris ? On va tournoyer un peu comme dans un manège et tu auras peut être un peu la nausée mais il n’y a aucun danger, d’accord ? »

- « T’inquiète Stan’. »

Il le prenait pour un mioche ou quoi ?

L’aiguille des secondes de la montre de Stanley vint se poser sur midi pile et la chaussette jaune canari que ce-dernier tenait dans sa main les aspira soudain. Ce fut comme attendu, un tournoiement de quelques secondes et l’instant d’après ils se retrouvaient chancelant au milieu de l’allée centrale d’un village vieillot.

- « Ça va Thomas ? »

- « Super ! »

Puis il se mit à vomir un peu par terre.

- « Bon. Heureusement qu’on n’a pas encore déjeuné. »

Stanley lui tendit un mouchoir avant de tirer la valise vers un coin de la place. La honte.

On était en plein milieu de la semaine et le village de Pré-au-Lard était relativement peu animé. Quelques sorciers curieux fixaient depuis une terrasse l’arrivée des deux voyageurs et au bout de la rue un vieux mage avançait d’un pas rapide en tenant à bout de bras une cage pleine de… trucs ? Thomas se dépêcha de rejoindre Stanley qui s’était approché d’une calèche. Trop classe.

- « Je t’aurai bien offert un chocolat mais on est un peu pressé, on mangera au château d’accord ? »

- « J’aurai préféré une bièraubeurre. »

Stanley le fixa bizarrement.

- « D’où est-ce que tu connais ça toi ? »

Il ne reçu pour toute réponse qu’un haussement d’épaules alors que Thomas s’engouffrait dans la cabine après qu’un elfe de maison leur en ait ouvert la porte.

- « De toute façon t’as pas l’âge ! »

Thomas avait déjà vu des elfes de maison à plusieurs reprises, par exemple au mariage de son oncle où il était allé se réfugier dans les jupes de sa grand-mère quand l’une de ces affreuses créatures lui avait demandé s’il voulait un cannelé. Bon, il avait six ans à l’époque, aussi.
Après qu’on lui ait expliqué que les elfes étaient gentils et ne lui voulaient pas de mal, Thomas s’était senti plus en confiance et les saluait désormais avec jovialité quand il les voyait.

Confortablement assis dans la calèche, le jeune homme laissa son regard divaguer sur le paysage alors que les chevaux les tiraient à présent vers Poudlard.

- « Tu vois le château ? »

- « Oui ! »

- « Bien. »

L’homme nota quelque chose dans son carnet mais Thomas s’en fichait. Les tours de l’école venaient d’apparaitre par-dessus la cime des arbres. C’était génial !

- « Les gryffondors dorment dans une des tours c’est ça ? »

Ses cousins lui avaient expliqué ça.

- « Absolument, mais pas besoin d’être à gryffondor pour y grimper, rassure toi. »

Thomas haussa les épaules.

- « Peut-être que le choixpeau me laissera quand même faire la répartition. »

Il y eut un silence.

- « On en a déjà parlé… »

- « T’inquiète Stan’ je sais, c’est pour les sorciers, relax c’est cool ! »

Les tours avaient disparues maintenant que la calèche traversait la forêt, suivant un chemin de terre jusqu’à finalement s’arrêter devant un vaste portail en fer ouvragé.

- « On y est, on descend. Prends ta valise. »

Alors que Stanley s’extrayait de la cabine, Thomas mit un peu plus de temps, pestant sous le poids de ses affaires, pour finalement retrouver l’agent du ministère en compagnie d’un autre homme.

- « Thomas, voici Benjamin Duncan, le garde-chasse. Il va te faire visiter les lieux et t’expliquer comment l’école fonctionne et la place que tu y occuperas. »

- « Tu ne viens pas, toi ? »

Il ne l’aurait pas avoué mais ressentit un léger pincement au cœur. C’était un peu brutal comme au revoir, il ne l’avait pas vu venir.
L’employé sembla mal à l’aise.

- « J’ai encore beaucoup de papiers à signer avec le directeur tu n’imagines pas à quel point… enfin, tu sais, je viendrai voir régulièrement comment ça se passe. »

Thomas se fendit d’un sourire.

- « Ok. Bye Stan’. »

- « Bye Thom’ à la prochaine et oublie pas : ne laisse personne te marcher sur les pieds. »

Il leva son pouce en l’air.

- « T’inquiète Stan’ ! »




Pour le moment, Thomas n’avait encore vu les élèves que de loin, dans leurs longues robes étranges qui faisaient un peu filles. Pour aujourd’hui, il allait manger à part, le temps que l’équipe pédagogique décide de la table à laquelle il pourrait aller n’ayant pas été réparti. Beaucoup de choses restaient encore à décider, de ce que Thomas avait compris, et il avait bientôt rendez-vous pour qu’on lui explique tout précisément. Duncan s’était en vérité contenté de lui présenter rapidement le jardin et de l’amener dans une petite pièce qui devait apparemment lui servir de chambre.

Clairement, ce n’était pas la partie la plus enchanteuse de l’école qu’il avait vu jusque-là. Deux fois moins grande que la chambre – déjà petite – qu’il occupait à Glasgow, la pièce se composait d’un sol en pierre froide, d’un meuble qui devait certainement servir de bureau et d’un lit au matelas rêche. Vraiment pas le grand luxe. Thomas se laissa tomber dessus pour constater qu’on sentait le sommier à travers l’épaisseur du matelas. Encore plus bizarre – mais ça il commençait seulement à prendre l’habitude, la pièce était dépourvue de fenêtre et une boîte de bougies avait été déposée sur le meuble, à côté d’un chandelier. Donc visiblement il allait falloir s’éclairer à la flamme.

Thomas embrassa la pièce du regard, avisa les toiles d’araignées et trois petites boulettes qui devaient être des crottes de rat par terre.

Bon.

Première impression : mitigée.