Votre escorte estivale

La perspective de dédier son temps à la farniente et de s'offrir un bain de soleil sur une plage paradisiaque était plutôt séduisante, pour Hayden... Terminer cette année éprouvante et difficile sur un coucher de soleil luisant à l'horizon était sans doute ce qu'il pouvait espérer de mieux. Pour une fois, le directeur ne leur avait pas fait de coup en traître en les lâchant aux portes de l'Arctique, il y avait de quoi sincèrement s'en réjouir... Si bien qu'il se prêtait même avec plaisir aux taches les plus pénibles, tentant de s'associer à l'esprit collectif. Au fil des jours qu'il passait sur cette île, c'était comme si les pressions et frustrations qu'il avait accumulées disparaissaient... Même cette boule au ventre qu'il avait en pensant à Michaela avait fini par se réduire, au point de parfois lui faire oublier sa douleur. Il n'y avait que cette fameuse conversation qu'il devait avoir avec Haley, qu'il remettait lâchement à plus tard. On verra demain, se disait-il, les pieds plongés dans l'eau azurée, tandis qu'il l'observait de loin rire aux éclats avec sa bande.

Allongé nonchalamment sur son lit, Hayden était donc en train de profiter de l'absence de Misha pour traîner dans sa hutte, privilège dont il comptait bien profiter avant de retourner à l'agitation régnant sur l'île depuis qu'ils y avaient posé les pieds. Triant quelques photos sur son téléphone pour les envoyer à Sidney plus tard, il ne réagit même pas lorsque la tête bien connue d'une Poufsouffle apparut soudainement dans l'entrebâillement de la porte... Il sursauta en l'apercevant, avant de se redresser sur son matelas. Il était sincèrement content de la voir, il n'en avait eu que rarement l'occasion de puis le bal. « Ah Roxy, comment tu vas ? Tu… » commença-t-il avec un sourire qui s'évanouit aussitôt lorsqu'il aperçut un troupeau de ce qu'il identifia comme des chèvres. « … as de la compagnie. Génial. » soupira-t-il, mi-las, mi-amusé, avec un regard en direction du chevreau qu'elle avançait vers lui comme un appât. Quel prof avait-il bien pu lui refiler cette besogne ? Il écouta sa proposition et finit par se lever lentement.« Ok pour le plan plage. Mais je te préviens, je viens parce que t’as parlé de gâteaux de banane, je suis loin d’être expert en pet-sitting. » Il était même bien loin d'être doué avec les animaux de manière générale... son boursoufflet avait manqué de passer l'arme à gauche en troisième année parce qu'il l'avait gavé de graines. Mais puisque c'était l'idée de Roxy, on n'avait qu'à dire qu'elle s'en portait garante. Mais en vérité, la perspective d'aller traîner en bord de plage avec de bonnes choses à manger était plutôt enthousiasmante.

Il leva les yeux au ciel lorsque le petit animal, certes adorable, répandit la moitié de son poids en excréments à l'entrée de la hutte... Évidemment, ce genre de désagrément allait de paire avec leur nouveau rôle de berger. « Et c’est elle qui s’expliquera avec Misha pour ça, hein. Moi, j’suis au courant de rien. » déclara-t-il en levant les bras pour étirer son dos, tandis qu'il passait à son tour la porte du cabanon. Il finit cependant par s'abaisser auprès du chevreau, lui tendant son index, sur lequel ce dernier passa généreusement sa langue... Il la laissa donc rassembler, grâce à son bâton magique, le reste du groupe qui se pressa derrière elle à grands bruits de cloches et de bêlements. Avec les empreintes de leur sabot imprimées dans le sable et l'agitation qu'ils causaient, difficile de passer inaperçus parmi ceux qui profitaient de l'après-midi pour se prélasser à l'ombre des cocotiers... « Allez, avoue, c’est ton plan de sortie après Poudlard ? » Curieusement, il n'avait même pas tant de mal à l'imaginer s'occuper d'animaux... Puisqu'elle semblait bien prête à en finir avec les attentes familiales, il n'était pas exclu de la voir emprunter un chemin plus inattendu.

@Roxy M. Reid

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Et c'est ainsi qu'ils quittèrent tous deux la hutte qu'il occupait, en colocation avec un camarade qui, il l'espérait, ne poserait pas de question sur l'odeur tenace aux abords de leur habitation temporaire. Mais l'idée de s'éloigner un peu de l'ilot qu'ils partageaient avec le reste de Poudlard pour aller rejoindre une plage plus abandonnée était relativement séduisante. Même s'il fallait pour cela faire office de bergerie, Hayden se sentait prêt à jouer le jeu, surtout en compagnie de Roxy qui savait mener ces chèvres avec une curieuse détermination. Bien qu'apparemment, elle nourrisse d'autres projets d'avenir... C'en était presque dommage : il l'imaginait plutôt bonne dans son rôle de vieille folle retranchée dans la montagne, portant sur ses épaules quelques fagots de bois et soulevant des seaux entiers de lait. Mais lorsqu'elle évoqua ce qui l'attendait à la rentrée, il ouvrit la bouche, incapable de retenir sa surprise. « Ouah, la classe ! J’ai hâte de pouvoir raconter autour de moi que je connais une vraie architecte. » se réjouit-il sincèrement. Pourtant, en y réfléchissant, il y avait une certaine logique, pour elle qui adorait la construction... Mais au vu des rapports familiaux qu'elle entretenait avec sa famille dernièrement, il était loin de s'attendre à ce genre de nouvelle... Il était cependant rassurant de constater que les belles histoires méritaient une suite à la hauteur. Elle méritait ce qui lui arrivait, plus que quiconque. « Faut fêter ça sérieux Roxy, c’est une super nouvelle ! T’attaques à la rentrée alors ? Où est-ce que ce sera ? » Londres, songea-t-il. C'était le point névralgique vers lequel tous leurs camarades se tournaient, à la sortie de Poudlard, comme si la métropole à elle seule garantissait l'avenir de tous ceux qui s'y rendaient… Malgré cela, très peu pour lui.

La brise fraîche, l’air marin et la promesse de quelques biscuits pour le goûter étaient autant de perspectives réjouissantes qui donnaient envie à Hayden de se féliciter d’être sorti de sa tanière. Face à sa suggestion, il secoua aussitôt la tête. « Non merci, je suis l’ami des bêtes, mais certainement pas à ce point-là… » ricana-t-il en essuyant sa main, après que l'une des chèvres ait déposé sa langue humide pour lécher goulument ses doigts, répandant sur eux une quantité considérable de bave. « Je crois que j’ai encore besoin d’un peu de temps, pour décider ce que je veux faire, et qui j’ai envie d’être. Peut-être du bénévolat quelque part, en attendant de trouver quelque chose qui m’anime vraiment. » Ce n'était pas avec son dernier bulletin qu'il pourrait constituer une sérieuse menace pour le poste du ministre actuel, de toute façon... Ni le pouvoir, ni sans doute l'argent ne feraient partie de l'équation, mais l'idée de dégoter un vrai projet stimulant lui rendait un peu de l'espoir qu'il avait perdu cette année. Mika s'était toujours plus souciée des autres que d'elle-même, des tas de causes lui tenaient à coeur et il était regrettable qu'elle n'ait pas eu la chance d'aller les défendre à la sortie de l'école. Lui, il le pouvait encore... Il se retourna pour interpeler une biquette qui venait de s'écarter un peu du trouver, manifestement plus intéressée par le bord du rivage que par la destination vers laquelle ils les conduisaient. Il plaça deux doigts sur sa bouche pour siffler de toutes ses forces, espérant que cela suffirait à la remettre sur le droit chemin... « Ou alors… je vais faire durer le plaisir, et rester sur cette île au lieu de rentrer en Ecosse. Qui a besoin de ses ASPICs, sérieusement ? » Il sourit en songeant qu'à force, il finirait par donner raison à cette enflure de Sørensen, à cause de son flagrant manque d'ambition. Mais il lui avait fallu bien du temps, de la réflexion et quelques pertes douloureuses pour se rendre compte à quel point cela importait si peu, au final... Ses hésitations devant ce que les mondes magiques et moldus, les limites auxquelles il s'était retrouvé confronté toute sa vie... Tant pis, qu'importait s'il finissait réellement par aller vendre des billets à l'entrée d'un cinéma, ou qu'il décidait d'aller parcourir quelques sentiers pour découvrir où ces routes nouvelles le mènerait. Roxy avait raison : en levant la tête, la main en visière, il prit conscience à quel point le soleil brillait, dans ce soleil sans nuage.

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Hayden se rendit compte, en marchant aux côtés de Roxy, qu'il ne l'avait pas vraiment connue avant qu'elle ne quitte Poudlard. Il n'avait pas encore intégré l'équipe de Quidditch quand elle y figurait déjà, leurs cercles de fréquentations n'étaient pas les mêmes... Alors il ignorait tout du stage qu'elle avait suivi dans ce fameux cabinet d'architecte où elle conduirait sa route, à sa sortie de l'école... « Khan et Sullivan ? J’ai jamais entendu parler… » commença-t-il avant de se reprendre aussitôt : « … mais c’est parce que j’y connais rien. » se sentit-il obligé de rajouter, en se tournant vers le reste du troupeau, pour s'assurer que toutes les chèvres les suivaient bien. Pour le coup, il ne connaissait pas grand chose à l'ingénierie, même si filer un coup de main au garage de sa tante durant l'été faisait partie de ses petits plaisirs. Pour une inventrice en herbe comme Roxy, c'était l'issue logique ! « Mais ça va être une expérience géniale, tu vas concevoir plein de trucs ! » s'enthousiasma-t-il. Elle méritait, après les temps houleux qu'elle venait de connaître, d'avoir un peu la paix, tout en faisant grandir son projet. Il hésita à évoquer sa famille, se demandant si leurs rapports avaient pu s'améliorer depuis l'hiver précédent, mais n'osa finalement pas poser de question à ce sujet trop délicat. « Istanbul ? Mais c’est super loin, non… ? » Il préféra rester vague plutôt que d’avouer qu’il n’était pas certain de savoir dans quel pays se trouvait la métropole turque. Il regretta un peu qu'elle n'ait pas trouvé plus proche, à Londres par exemple, surtout qu'une partie de la formation se déroulait aux États-Unis selon elle... Suivre son évolution, lui rendre visite, découvrir les travaux ambitieux sur lesquels elle s'investirait serait plus complexe, à une telle distance.

Il s'arrêta un instant, et retira ses chaussures pour pouvoir plonger ses pieds dans le sable chaud, reprenant sa marche aux côtés d'une chevrette qui bêlait après lui, faisant sonner au rythme de ses pas la clochette qui pendouillait à son cou. En ce qui le concernait, le plan était bien loin d'être établi... Il n'avait que de vagues pistes, trop floues pour pouvoir être proprement rédigées sur un formulaire d'orientation. « C’est ce que je me dis. Et puis, y a plein de choses qu’on essaie pas à Poudlard, et que je voudrais tester, le théâtre par exemple. Ou la fabrication de vêtements, l’écriture… » Bref, rien qui ne le rendrait bien riche, mais dans lesquels il était au moins susceptible de trouver un épanouissement certain. Finalement, même si son parcours scolaire était loin d'être très régulier, ce serait au moins dans la continuité de ce qu'il avait commencé à explorer jusqu'alors... la recherche de son identité propre, l'envie de découvrir qui il était vraiment, derrière les artifices. Et puis un jour, il trouverait le moyen d'utiliser la métamorphomagie, se disait-il. Et peut-être qu'un jour encore plus lointain, il trouverait le courage d'en parler à ses parents, à ses proches... même si pour l'heure, ça n'était pas du tout d'actualité. Il frappa dans ses mains pour rappeler à l'ordre les trois jeunes boucs qui commençaient à s'éloigner vers les palmiers, et devant son échec manifeste, fit signe à Roxy d'utiliser son drôle de bâton de bergère. La proposition qu'elle lui fit ensuite le surprit quelque peu... si bien qu'il se demanda un moment si elle était sérieuse. « Euh… bah… » fut tout ce qu'il arriva à articuler correctement pour lui répondre, tout en continuant d'avancer vers la falaise. Il ne savait même pas où c'était exactement, Istanbul... mais au fond, était-ce réellement un problème ? « Pourquoi pas, ouais ! Enfin je veux dire, ouais, carrément ! » ajouta-t-il avec plus d'entrain. « Ça pourrait être super cool. Et puis Blaze connaît le réseau de portoloins, je pourrais lui demander lequel emprunter ! » Avec l'année difficile qu'il avait vécue, songer à un voyage enrichissant qui le sortirait de sa zone de confort rendrait sa dernière année plus stimulante. « On descend par là… ? » Il se plaça sur le côté, de manière à laisser passer devant les chevrettes en file indienne, qui s'inséraient sagement sur l'étroit chemin tout en bêlant bruyamment, dans un concert symphonique de cloches. Lorsque ce fut leur tour, il proposa à Roxy d'attraper sa main pour l'aider à descendre à son tour, tout en veillant à ne pas se fouler une cheville dans la pente, ni à trébucher sur un galet. Dès lors que le troupeau aurait gagné la plage - et de préférence, entier -, ils pourraient s'installer à l'ombre et se détendre un peu.

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Tandis qu’ils avançaient vers un bout de plage plus reculé, en contrebas de l’ilot où se situait le village, Hayden remarquait que le chemin devenait un peu plus accidenté. Il prit donc un soin particulier à regarder précautionneusement où ils marchaient, à veiller que ni lui Roxy ne trébuchent sur un galet mal positionné, ou que les chèvres qu’ils étaient chargés de guider n’aient pas à souffrir d’une chute malencontreuse… Si au début il ne s’était pas senti bien à l’aise avec ce rôle, il commençait doucement à se faire à se fonction de berger. Sur fond de bêlements sonores, le moment était plutôt bien trouvé pour parler de tout, de rien, de projets d’avenir, d’incertitudes, et l’adolescent écoutait religieusement sa camarade évoquer les plans qui l’attendaient pour l’année à venir. « Et c’est quelque chose que tu pourrais faire ? Ça a l’air dingue. » répondit-il, réellement impressionné. Même après six ans d’études, il avait toujours le sentiment de découvrir continuellement le potentiel de la sorcellerie, la surprise de savoir ce dont était réellement capable une baguette demeurait toujours intacte. Pourtant, Poudlard était un édifice rempli de pièces dissimulées, de petites salles cachées, dont les ailes et les étages pouvaient se métamorphoser au gré des usages, mais il était toujours étonnant de se rendre compte qu’il y avait des sorciers derrière ces créations architecturales… Et se rendre compte que Roxy deviendrait bientôt une de celles qui pourraient moduler l’espace et les bâtiments à volonté avait de quoi susciter de l’admiration. « Un pont pour aller vers où ? » demanda-t-il, intrigué par le souhait qu’elle venait de formuler. Il se doutait qu’elle ne se contenterait pas d’une simple passerelle… Peut-être souhaitait-elle relier deux endroits particuliers, ou alors voir s’élever une création unique… Tower Bridge à Londres, ou le grand pont qui reliait Pré-au-Lard à l’entrée Sud de Poudlard étaient autant d’exemples qui pouvaient inspirer une future architecte en herbe. Elle exercerait donc son art en Turquie, pays qu’il ne connaissait pas le moins du monde… L’inconnu était pour lui aussi effrayant qu’intriguant. Même s’il soupçonnait Roxy de vouloir principalement fuir sa famille en s’exilant aussi loin, ce projet de voyage avait quelque chose d’enthousiasmant. « C’est pas une mauvaise idée, de partir en laissant tout derrière soi. Je veux dire, ça demande un sacré courage, mais… ça doit faire du bien aussi, de pouvoir tout recommencer de zéro, quelque part. » soupira-t-il. Il n’avait jamais vraiment rien connu d’autre que la Grande-Bretagne, à l’exception de leurs quelques voyages scolaires à Beauxbâtons et à Durmstrang… Sortir de sa zone de confort était une perspective alléchante, mais ô combien délicate à mettre en oeuvre…

Les projets que lui évoquait étaient bien moins concrets, résultant plus d’envies dissimulées ou de rêveries secrètes… Mais depuis cet été, il commençait à se dire qu’il serait peut-être temps de leur accorder un peu de place, après autant d’années à les refouler. Roxy ne l’avait jamais jugé, depuis qu’il la connaissait, et si elle se sentait suffisamment en confiance avec lui pour évoquer les difficultés auxquelles elle avait pu faire face, alors il pouvait en faire autant avec ses incertitudes. Concernant la confection de vêtements, elle devrait elle aussi se confronter à cet enjeu durant ses études, puisque le design faisait apparemment partie de son apprentissage… « Sérieux ? C’est un sacré boulot ! Comment tu vas gérer ça ? » En plus de tout le reste, cela semblait bien ambitieux ! Mais pas moins intéressant, puisqu’il était certain que la Poufsouffle saurait parfaitement s’épanouir avec un programme autant penché sur la création. « Si je peux t’aider… tu n’as qu’à me dire. » finit-il par lui proposer, avant de se sentir un peu idiot. Au nom de quoi pouvait-il y prétendre ? De sa vie, il n’avait pratiquement rien accompli, et passé plus de temps à emprunter les traits de quelqu’un d’autre plutôt que de chercher à construire quelque chose sous son vrai visage. A son tour, elle lui fit une suggestion plutôt étonnante… à laquelle il était bien loin de s’attendre. Même s’ils s’étaient rapprochés cette année, partageant leurs états d’âme et leurs douleurs respectives, lui et Roxy ne se connaissaient pas depuis si longtemps… Alors il était plutôt surprenant au premier abord qu’elle lui propose de le rejoindre si loin. Mais après tout, quels risques encourait-il à se laisser porter ? Elle avait raison, des moyens magiques existaient pour traverser l’Europe. Après quelques rapides instants de réflexion, il décida de répondre par la positive. « Non ! En fait, je crois que j’ai besoin de ce genre de choses, en ce moment. Je trouverais bien le moyen de te rejoindre, sans avoir à me désartibuler ! » La vie à Poudlard n’avait pas été facile, cette année. Et puis, l’idée de passer un peu de temps auprès de Roxy était assez enthousiasmante, une nouvelle vie l’attendait et ce serait toujours plus sympa pour elle de ne pas avoir à s’y confronter seule. Il se demanda si son père serait d’accord pour le laisser s’aventurer aussi loin, mais il était majeur désormais… Il était plus que temps qu’il s’affirme, et fasse valoir ses droits à changer d’air.

Une fois parvenus, suivis de leur petit troupeau, au bord de la falaise, ils entamèrent une prudente descente, en veillant à ce que chaque chèvre reste bien en rang, et ne dévale pas la pente en trottant trop vite. Puis, il proposa sa main à Roxy qui s’en empara… et ne la lâcha pas des quelques mètres qu’ils traversèrent ensemble, jusqu’à gagner les premières dunes de sable en contrebas. Il se demanda si cette initiative n’était pas un peu cavalière… sentir sa paume chaude dans la sienne n’était pas un contact désagréable, mais il craint quelques instants plus tard de l’avoir mise à mal. Il la regarda partir en courant, souriant en contemplant ses mollets qui s’enfonçaient dans le sable à chaque enjambée… Et alla la rejoindre, là où elle s’était assise, avec un coup d’oeil pour les biquettes qui se pressaient autour des grands palmiers. « Elles risquent pas de s’enfuir ? On est censés faire quoi, si elles se barrent ? » demanda-t-il, un peu inquiet. Il convenait bien volontiers qu’il y avait peu de chance que cela arrive, la plage n’était pas bien grande… Et les rochers pointus qui l’encerclaient auraient tôt fait de les dissuader. Mais la marée était descendante, et certaines trempaient déjà leurs pattes dans l’eau salée… Il s’installa à son tour, retirant son sweat-shirt à l’effigie des Doors pour s’asseoir dessus, accueillant les remerciements de la jeune fille. « Ça me fait plaisir. Misha est sympa, mais on a pas de grandes conversations, lui et moi… Ça fait du bien, d’être un peu soi-même avec quelqu’un, pour une fois. » Il le pensait réellement, en fixant l’horizon marin au loin, qui en venait presque à se confondre avec le ciel. C’était un moment de pause bienvenu.

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Tandis qu'ils évoluaient côte à côte vers la pente escarpée qui joignait la falaise au bout de plage en contrebas, Hayden se retourna pour compter les chèvres, veillant à ce que le troupeau se trouve bien en ordre derrière eux. « Carrément pratique. » reconnut-il. « Tu pourrais créer de vrais passages secrets à terme, ça va être hyper cool ! » lança-t-il, avec l'émerveillement naïf d'un enfant qui découvrait les possibilités de la magie. Il ne se sentait même pas capable d'imaginer quels portails une telle entreprise pourrait ouvrir sur le monde, mais une chose était certaine... Elle ne cesserait sans doute pas de l'impressionner. Pour lui qui était seulement capable de bricoler et de remettre sur pied quelques babioles dans le garage de sa tante, qui s'y connaissait si peu en ingénierie voir Roxy déjà prête à conquérir un marché dominé par des requins affairistes était à la fois stimulant et inspirant. Pourtant, son projet de pont semblait animé par bien d'autres motivations que celle de trouver le succès... Cette idée pourtant très humaniste réveilla en lui quelques souvenirs amers, comme celui des premiers mois sous la direction d’Appleton, ou du procès qui avait mis fin à son mandat. Il avait réellement eu envie d’y croire, à l’époque… Pour lui qui venait directement du monde moldu, qui s’était retrouvé immergé sans transition dans celui des sorciers, lui à qui l’on avait renvoyé son ascendance comme une insulte, ce projet était finalement plutôt logique… « Je trouve pas ça idiot du tout. En fait, avant Sørensen, j’avais vraiment envie qu’un truc comme ça existe, j’ai commencé à me dire que c’était pas réalisable. » reconnut-il avec une certaine amertume. Il avait songé à l’époque que cette année était la pire qu’il avait connue, mais il avait fallu que le destin lui donne tort en le confrontant quelques mois plus tard à la douloureuse perte de Michaela… « J’aurais envie que tu me donnes tort, un jour. » conclut-il, avec un sourire un peu triste. L'unique raison qui le menait à vouloir fuir le monde des sorciers était la déception de ne pas avoir su trouver chez eux davantage de tolérance que dans celui des moldus...

Sur un ton plus joyeux, elle l'interrogea sur ses possibles idées pour une collection, ce qui lui arracha une exclamation de surprise. « Euuuuuh, aucune idée ! J’ai jamais fait ça, je sais même pas dans quoi je m’embarquerais. » reconnut-il en se massant le coude, un peu gêné. Après tout, il n'avait pas l'ombre d'une expérience, même pas une esquisse réalisée à son actif... En revanche, il y avait ce sentiment persistant et agréable, lorsqu'il revêtait des habits féminins, sous sa forme métamorphosée de Haley. Il chassa aussitôt cette image, comme s'il craignait que son visage ne le trahisse. « Mais pour commencer, on pourrait faire un grand carnet, qui recense plein d’inspirations. Des étoffes de costumes de théâtre, des pages de revues… » évoqua-t-il en regardant les chèvres s'éloigner au loin, répandant sur leur passage une multitude de traces de petits sabots, comme si elles s'étaient affairées à piétiner les dunes sur leur chemin. Il tenta de siffler pour obtenir leur attention, craignant un peu qu'elle ne se ruent trop vite vers le rivage, mais devant l'échec manifeste de sa tentative, il se ravisa. Il s'arrêta un instant pour humer l'air marin en fermant les yeux, et considéra qu'il se sentait bien aujourd'hui, mieux qu'il ne l'avait été depuis longtemps. « D’accord, mais je te filerais aussi mon mail. Là où j’habite, le réseau est assez foireux… » répondit-il à la Poufsouffle, qui semblait partager son enthousiasme concernant leur projet de voyage. Ça pouvait semblait à la fois fou, soudain, mais... c'était peut-être ce dont il avait eu le plus besoin depuis bien longtemps. Pour en revenir aux chèvres, il tourna à nouveau la tête dans leur direction, se résolvant à les laisser s'éparpiller en toute autonomie sur la plage... « Ok, je te fais confiance pour les rameuter. Moi, elles m’écoutent pas trop. » conclut-il en se laissant tomber aux côtés de l'adolescente, avec laquelle il avait une drôle de faculté à se confier, comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Elle aussi, elle avait bien changé, en quelques mois. La noirceur qui l'habitait encore cet hiver semblait s'être muée en un optimisme que nul ne saurait lui ôter, et Hayden s'en sentait sincèrement réjoui pour elle. Alors il se laissa aller à une ultime confession, plus profonde encore que ce qu'elle aurait pu soupçonner, et se laissa happer par son étreinte chaleureuse, légèrement désarçonné par cette proximité soudaine. « Merci Roxy. » Il sourit en laissant lui aussi, sa tête reposer contre la sienne, se laissant lui aussi aller à un élan d'affection contagieuse. « Et toi aussi, tu sais ? Je suis pas très bon en divination, mais je suis persuadé que tôt ou tard, tu changeras la donne. Le monde a besoin de gens qui voient les choses d’un autre angle, pour inventer quelque chose de mieux. Tu vas révolutionner le monde, Roxy Reid, et j’espère que je serais là pour voir ça. » Et qu'importait si elle n'y croyait pas encore, il voulait bien y croire pour deux.

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En y réfléchissant bien, Hayden n'avait jamais véritablement connu d'unification entre sorciers et moldus. Une certaine défiance avait toujours opposé leurs communautés les unes aux autres, malgré les efforts de certains. Lorsque Appleton, quand il était en troisième année, avait gagné la direction, il avait été tenté de croire que le changement aurait lieu, que son investiture représentait un espoir pour ces sorciers que l'on ne considérait pas, et pour le peuple dépourvu de pouvoirs qui se dissimulait derrière eux... Mais il y avait à nouveau des attaques, des intimidations, des menaces : ce cercle infernal ne s'arrêtait jamais. Et pour cette raison, il s'était senti toujours un peu à l'écart, comme si une norme sociale le maintenait reculé de ceux que l'on considérait comme de véritables sorciers. « T’as raison, le problème c’est qu’on a tous facilement arrêté d’y croire. » dit-il en soupirant. Lui, en tout cas, oui... Mais quelques années à Poudlard lui avaient montré combien les réflexions collectives pouvaient s'avérer tout aussi efficaces que les paroles haineuses de quelques groupuscules extrémistes. « Mais ça serait pas mal, de repenser à avancer ensemble. » Il sourit, en songeant à ce projet somme toute un peu naïf... Cela faisait un sujet bien sombre à aborder, sur une plage bordée d'eau claire, dont le paysage ressemblait véritablement à celui d'une carte postale. Autour d'eux, les chèvres avaient commencé à se séparer, à la recherche de coins où brouter quelques herbes sauvages disséminées entre les dunes... Il laissa son regard errer entre les vaguelettes qui s'échouaient doucement sur le rivage, répandant une mousse d'écume à quelques mètres d'eux, après lui avoir promis d'échanger son contact d'ici la fin des vacances. « Vas-y, on se fait ça. Je te garantis rien sur le résultat, mais on risque rien à essayer ! » Mine de rien, même si c'était pour travailler en quelque sorte, il était plutôt jovial à l'idée de savoir qu'il pourrait entretenir une relation épistolaire avec sa camarade, et que le lien qu'ils avaient tissé cette année ne s'arrêterait pas aux portes de Poudlard.

Ils en avaient fait du chemin, tous deux, depuis qu'ils s'étaient retrouvés à broyer du noir au cours de l'hiver sur ce tronc d'arbre mort, à partager leurs déboires familiaux, leurs peines irrémédiables, leurs craintes pour l'avenir. Il n'avait fallu que six mois pour qu'ils apprennent à véritablement s'ouvrir l'un à l'autre, et maintenant, Hayden craignait de la voir partir. Elle était devenue un repère à Poudlard, et la perspective d'une septième année sans elle dans les parages lui était quelque peu inconfortable... Il appréhendait son futur avec plus de sérénité et se réjouissait sincèrement pour ce qui l'attendait hors de l'école, mais elle lui manquerait, c'était certain. C'était peut-être la raison pour laquelle il ressentait le besoin de lui dire toutes ces choses... « J’espère que c’est pas des paroles en l’air, parce qu’on part de loin ! » plaisanta-t-il, tout en sachant pertinemment que la tache serait bien ardue. Si elle savait, pour Haley, pour son don... Sans doute son regard sur lui changerait-il, lui aussi. Mais il n'avait pas envie d'y penser pour le moment... Pour l'heure, la seule chose qu'il envisageait était d'avoir une conversation avec la préfète, pas d'aborder le sujet avec qui que ce soit d'autre. Aussi compréhensive que soit Roxy, son empathie devait rencontrer quelques limites... « Mais c’est promis, je serai là pour toi. » déclara-t-il avec tout le sérieux qu'il pouvait insuffler dans cet engagement. Il le pensait vraiment, même en ignorant où il se trouverait dans un an, dans six mois, ou même dans trois semaines, même sans savoir si ce projet de voyage à Istanbul était bien réalisable... Il trouverait bien un moyen d'honorer sa promesse. Lorsque la jeune fille décolla sa tête de son épaule, il la sonda, d'un regard interrogateur, se demandant à quoi est-ce qu'elle pouvait bien songer... Portant sa main à ses joues, il se rendit soudainement compte qu'il avait plus chaud qu'il ne l'avait soupçonné. "Tu veux remonter ?" finit-il par lui demander, en lui tendant timidement à nouveau sa main, attendant qu'elle s'en saisisse. Juste comme ça, parce qu'il en avait envie à ce moment précis.

@Roxy M. Reid