Comme un éclaire de lucidité, au moment où Blaze sent l’eau qui s’infiltre à l’intérieur de son pantalon, et bientôt son t-shirt, il se demande un peu ce qu’il est en train de foutre. On est clairement dans l’impro, et en même temps, c’est un peu ça qui lui plait aussi. Les trucs qui se passent comme sur des roulettes, bon, merci mais on en fait le tour. En fait, Blaze aime bien ne pas trop réfléchir. C’est un luxe d’enfant intelligent. Suspendre son esprit et… voilà. Faire les choses. Repousser, impérieux, ce tas de questions qui vont souvent de pair avec les situations saugrenues et là quand même il est question de se baigner avec un autre garçon, et pas une baignade innocente, alors, ça pourrait faire cogiter.
Heureusement qu’il réussit à ne pas trop y penser.

Rapidement l’eau se fout partout et heureusement qu’elle est bonne. Ce n’est pas très agréable d’être immergé tout habillé, il y a quelque chose de bizarre, d’un peu décalé, comme si le corps savait instantanément qu’on a oublié une étape.

Sidney plaisante sur le détournement qu’il a fait de ses propres consignes. Ouais honnêtement c’était pas prévu mais après tout… Il semble que dès que Blaze essaye de donner un coup d’accélérateur, les choses deviennent un peu artificielles. Il faut freiner. Il faut laisser faire. Difficile, quand on est habitué à prendre toujours toutes les initiatives. La contemplation est un exercice qui demande de la maturité, et si le jeune homme n’est pas dépourvu d’intelligence, ce n’est pas non plus un esprit fait.

Suivant son exemple, Sidney pénètre dans l’alcôve improvisée et se glisse dans l’eau, tout habillé lui aussi. Blaze regarde faire. Il regarde l’eau qui engorge les vêtements, colle à la peau. S’il avait eu l’âme plus sensible, il aurait pu trouver ça joli. Pour le moment, la seule question qui hante son esprit est de savoir ce qui arrive ensuite. Il a foule d’idées, bien sûr, et pourtant chacune laisse planer la frustration de se révéler mécanique, maladroite, inappropriée.
Pas qu’il craigne vraiment le jugement de Sidney, tout ce que Blaze fait, son camarade le fera en pire. Mais l’idée est quand même de passer une bonne soirée et plus d’une fois il a eu le sentiment d’avoir dû la rattraper en vol, pour éviter qu’elle ne s’écrase.

Sidney aurait pu aller se placer en sécurité de l’autre côté du bassin, ce qu’il ne fait pas. Au lieu de ça, il passe une jambe par-dessus les siennes, comme pour s’y installer, bloquant un peu Blaze de fait. Leurs regards se croisent. Clairement ils font tous les deux semblants. Est-ce que Sidney en a conscience ? Pas sûr.
Un peu curieux Blaze laisse l’initiative et comme les petites pattes d’un chaton, les mains du jeune homme viennent se poser contre sa torse, à mi-chemin entre la caresse et le tâtonnement. Clairement ça se voit qu’il n’a pas l’habitude, ça prêterait un peu à sourire si Blaze était d’avantage cruel. Pas ce soir.

Si Blaze est resté immobile quelques secondes pour voir, il rend la pareil à son tour, avec plus d’expérience peut-être. Ses mains viennent chercher les cuisses du jeune homme qu’il parcourt de haut en bas, puis de bas en haut. Enfin, le tissu est parcouru. Hautement symbolique, aucun des deux n’a aboli cette barrière qui continue de se dresser dans leur relation. A moins bien sûr que ce ne soit que du textile. A cet âge, il y a aussi et encore de pure pudeur.

- Hm, fallait au moins deux ans pour apprendre à faire la cloche en feuille là, répond-il comme si de rien n’était. Comme s’ils n’étaient pas en train de se peloter.

Les mains s’aventurent un peu ailleurs, au niveau du torse aussi. Blaze se fait discrètement la réflexion que n’est pas très naturel que Sidney soit « au-dessus », si ça a du sens de le dire comme ça. Il est plus habitué à le regarder de haut, parce que même s’ils font presque la même taille, le garçon a la fâcheuse tendance de se recroqueviller sur lui-même et y perd des centimètres.

Un doigt se perd sur un bouton de chemise de Sidney, un peu négligeant.

- Je l’enlève ? il demande avec un coup d’œil, ça lui semble le truc le plus logique à faire. Et puis au moins c’est participatif.

C’est un peu plus bizarre avec un garçon qu’avec une fille, on va pas se raconter d’histoire. Encore que des filles, quand on compte, Blaze n’en a pas connu tant que ça non plus. C’est toujours plus que Sidney. Des garçons, en revanche… enfin, c’est bien le but de cette soirée, non ?
L’avantage avec ce-dernier est en tout cas son expressivité. Blaze se sent encouragé, valorisé, et cela peut suffire pour dépasser les réticences ou les hésitations. C’est un moteur puissant que l’égo, et puissantes aussi les hormones, et la curiosité et le fait qu’après tout, au bout du compte, quand on prend le temps d’y regarder, Sidney ne soit pas si moche. Peut-être pas beau non plus, c’est difficile à estimer, avec un mec. Enfin bref.

Le bouton saute, appelle les autres. Il y a un je-ne-sais quoi de déjà-vu. Mais c’est différent d’arracher par la force, ou d’obtenir par l’assentiment. Et puis Blaze n’a pas envie d’y penser. Il a toujours été très fort pour mettre les choses sous le tapis. Ce qui ne l’intéresse pas, il l’enfouit. Ce qui le contrarie, il le surpasse.

Avec une ondulation d’épaules Sidney l’aide à retirer la chemise, se dévoilant un peu. La vérité est que ce torse, cette peau, Blaze les connaît. Sans même parler de leurs « rendez-vous » précédents, les deux garçons partagent un vestiaire de quidditch.
Pourtant ça n’a rien à voir. Un regard furtif, dérobé, ça n’a rien à voir. Là, ça se donne à voir. Ça s’offre. C’est bizarre à dire. C’est différent. Blaze retrouve quelque chose d’avec Skyler, très subtilement, pas pareil, mais vaguement familier.

Il pense, il interprète. Il en oublierait presque de se concentrer sur lui-même et qu’avant la pensée, il y a les sens. C’est fou comme les mauvaises pratiques ont la vie dure, même là Blaze ne peut pas s’empêcher de penser.

Pourtant il y a des choses à voir et à toucher. Mais c’est plus fort que lui, sa conscience est comme tirée vers un ailleurs, où il se regarde faire.

Sidney arrive à le ramener à lui-même, et à lui, réclamant une suite. C’est marrant, ça devient plus sérieux là, non ?

- Ça devient plus sérieux, là, non ?

Pourquoi il l’a dit à haute voix ? Bordel… c’est un peu n’importe quoi quand même. Son cerveau est un cocktail de plein de choses. Il regarde Sidney, plutôt mignon avec son air toujours à moitié fébrile, et en même temps il a l’air de savoir enfin à peu près où il va.

Blaze rattrape le coup comme il peut.

- Ça te va pas mal de savoir ce que tu veux !

Ok bon. Perturber. Gêner. Foutre le rouge aux joues. Reprendre un peu l’ascendant. S’ancrer par la parole. Il la pense un peu, en plus, cette phrase. Il est presque fier. Quand il a récupéré le jeune homme, deux ans plus tôt, c'était au stade larvaire.
Non.
C'est méchant dit comme ça.
Mais un peu vrai.
En tout cas il le pensait, à l'époque.

Mine de rien on a parcouru du chemin, hein ?

Ses mains quittent Sidney pour lever un peu les bras, le laisser lui retirer le t-shirt qui colle. Il était temps de le virer, de toute façon.

Ok Sidney est maladroit, mais il fait des efforts. Et puis ce constat ne vaut qu’en comparaison de celui qui a d’avantage l’habitude de ce genre de… situation ? C’est un peu valorisant pour Blaze qui se raccroche à l'idée. La supériorité lui va bien. Difficile de tenir le rôle tout le temps, cependant, surtout quand on essaye par ailleurs de lâcher d’avantage prise, parce que l’inconnu, la curiosité, ça ne va qu’à cette condition, se laisser un peu aller, ne pas savoir dans quoi on s’aventure, et même si Sidney a été « choisi » – les guillemets sont palpables – parce qu’il représente la sécurité d’une valeur sûre, eh, force est de constater que tout ne va pas que comme sur des roulettes.

En même temps, si c’était le cas, on s’emmerderait un peu.

Sidney ne semble pas s’emmerder, lui, ça se voit, ça se sent. Blaze non plus il faut reconnaître ça. Au cas où il y ait besoin de le rappeler, on peut s’amuser sans sentiments, ce qui est plutôt rassurant, et d’autant plus simple quand votre cerveau se résume à un bouillon d’hormones assaisonné d’une pincée de curiosité naïve.

Ses caresses intimidées s’accompagne d’une question censée remettre la balle au centre. On ne mesure pas assez le chemin parcouru par Sidney. Sur un malentendu on les dirait presque sur un pied d’égalité, tous les deux. Peut-être est-il temps de remettre les pendules à l’heure ?

- Que je reprenne les choses en main, dit-il en plantant un doigt impérieux au milieu du torse du jeune homme.

Puis de se redresser avec un sourire mauvais et, de ce fait, faire basculer Sidney en arrière dans l’eau. Plouf.
Le temps pour ce-dernier d’en sortir la tête et reprendre son souffle, un certain nombre d’idées traversent l’esprit de Blaze. L’espace d’un instant il lui semble se retrouver face au menu d’un restaurant, où on lui aurait donné l’autorisation de « choisir ce qu’il veut ». L’idée est étrange, vaguement enfantine, les mauvaises habitudes ne sont pas loin. D’un autre côté son camarade de jeu est partant. Une petite moue traverse le visage de Blaze, adressée à lui-même, il se balaye les doutes. Sidney est content d’être là non ? Son état physique ne laissait guère de doutes à cela.

Debout dans l’eau, cette dernière lui montait aux cuisses, il avisa son camarade assis devant lui. Bon, puisque la situation s’y prêtait…