C'est stupide comme les habitudes restent bien ancrées. Après le retour des vacances, plusieurs matins de suite, j'ai dû prendre plusieurs secondes pour me rappeler que ce n'est pas dans ma chambre à Mahoutokoro que je me trouve mais dans mon dortoir à Poudlard, comme si c'était la première fois que je me réveillais ici. Cela fait pourtant plus que quatre mois que nous avons posé nos valises mon frère, ma sœur et moi-même.  Je ne m'y habitue pas. Et ce qui est le plus douloureux c'est que chaque matin, je m'attends à voir son visage en premier.  Et ça m'enrage tout autant que cela me tord le cœur. Je le déteste.

La salle commune des Serpentard grouille d'élèves qui préfèrent profiter de la chaleur du feu de cheminée plutôt que de se les geler dehors, sous la neige. Il y a bien quelques courageux, surtout des plus jeunes, qui ont enfilé les gants afin de se lancer dans des possibles batailles de boucles de neiges ou dans la conception de bonhomme de neige pitoyable. Je n'aime pas le froid, alors par conséquent je n'aime pas la neige. Pourtant, en Corée, les premières neiges sont très attendues et sont synonymes de douceur. Le bruit ambiant de la pièce m'irrite déjà et l'option de se rendre dans le parc n'est pas envisageable pour le moment, alors, tout en embarquant ma baguette dans la poche arrière de mon pantalon, je sors de la salle commune et décide d'aller vagabonder dans les couloirs des étages supérieurs. Je suis au moins certains de ne pas avoir froid et ne pas a  avoir à supporter le bavardage des autres.

Une autre chose à laquelle je ne m'habitue pas : ces escaliers de malheur ! Ils n'en font qu'à leur tête et alors que je pensais simplement rejoindre le deuxième ou le troisième étage, me voilà au septième. Je jure entre mes dents en franchissant la dernière marche de ce foutu escalier et m'avance dans le premier couloir. Bon au moins, il n'y a vraiment personne et je suis plus rapidement au tour si jamais l'envie me vient de rejoindre la tour d'astronomie. Alors que mes pas me guident doucement vers les escaliers me menant à cette destination, j'aperçois une silhouette penetrer dans la salle qui me semble être celle pour les duels. Curieux de savoir qui est assez consciencieux pour aller bosser ses sortilèges un week end, je change de plan et me dirige vers l'entrée impressionnante de cette pièce. La porte n'est pas complètement fermé, j'en profite pour me faufiler silencieusement dedans alors que l'élève qui s y trouve se plante devant un mannequin et lance un sort… sans baguette ! Je me redresse, laissant transparaître à peine quelque secondes là surprise sur mon visage.

Tu viens vraiment de lancer ce sort sans baguette ? Je ne me cache pas et moque bien de surprendre le garçon plus âgé.  Je m'avance même vers lui, un sourire en coin sur le visage. Je ne savais pas que Poudlard avait ce genre d'élève entre ses murs. Enfin quelque chose d'intéressant !

Je décolle mon dos du mur lorsque je vois le sort fuser sur le mannequin. Je me moque bien que ce soit un sort aussi facile que Flipendo, ce n’est pas ça qui retient mon attention et crée la surprise dans mon regard. Ce type vient de lancer un sort sans baguette, là sous mes yeux. Je ne m’attendais vraiment pas à voir cela en pénétrant dans la pièce. Tout au mieux quelqu’un qui savait se débrouiller et encore, j'aurais sûrement été capable de le juger quoi qu’il arrive. Mais là, ce n’est pas comme si je pouvais dire être capable de le faire également. Sans gêne, sans me soucier de pouvoir le surprendre, je lui demande si ce que j’ai vu est bien vrai. Le jeune homme manque de faire une crise cardiaque en se retournant. Il ne devait pas s’attendre à ce qu’une autre personne se trouve ici. Peu importe, je ne m'en soucie guère et continue d’avancer dans sa direction alors qu’il secoue, presque apeuré, la tête de droite à gauche. Un sourire en coin se dessine sur mon visage et je referme les bras autour de mon torse. Il croit vraiment que je vais le croire ? Il ne faut pas être bigleux pour voir qu’il n’a aucune baguette entre ses doigts, que ce soit dans la main droite ou celle de gauche. Je prend le temps de bien lui montrer que je les regarde avant de relever mon regard sombre sur son visage, sourcil levé comme pour lui laisser une chance de changer sa réponse. Celle-ci ne tarde pas et c’est d’une voix suppliante qu’il me demande de ne rien dire. Sérieux ?

C’est un secret ?

Mon ton est calme, un brin sarcastique. Si c’était moi, je me vanterais sans vergogne de pouvoir le faire. Ce n’est pas donné à tout le monde, surtout pas à notre âge et cela me donnerait encore une raison de montrer aux autres que je vaux mieux qu’eux.

Pourquoi ?

Je ne comprends pas et cela me rend curieux. Pourquoi cacher cette capacité aux yeux des autres ? Je m’approche encore mais le mouvement de recul qu’a mon interlocuteur me fait me stopper. Le mur est là, marquant la limite entre son espace et le mien. Soit, je peux le respecter… un temps. J’encre mes pieds au sol et le regarde sans aucune gêne sur le visage. Nos attitudes sont à l'opposé l’une de l’autre. Tout comme notre manière de voir sa capacité. J’hausse les épaules lorsqu’il me demande d’approfondir mes dires.

Ne vois pas cela négativement. Au contraire. C’est quelque chose d’assez impressionnant. tu ne trouves pas ?

Je ne comprends pas sa réaction et pourquoi cette crainte que cela se sache autour de lui. La magie sans baguette n’est pourtant pas quelque chose à renier et voir comme une malédiction. au contraire, c’est un atout, une force que beaucoup n’ont pas ou mettront plusieurs années à apprendre. Pourtant, lui, ne semble pas le voir du même œil. Son attitude me cria au visage qu’il n’aime pas ça, comme si c’était une tare pour lui. Je retiens un mauvais rictus sur ce constat. Qu’est ce que je devrais dire dans ce cas ? Je préférerais avoir ce genre de tare plutôt que les miennes. avoir l’impression d’entendre des voix est bien plus bizarre que ça. Je serre les poings, cachés entre mes bras alors qu’il me souffle que c’est parce personne ne fait ça qu’il ne veut pas que ça s’ébruite. N’importe quoi.

Je vois. Je répond simplement.

Ce type est du genre à ne pas vouloir s’afficher. Surement le genre de gamin qui veut simplement se fondre dans la masse et qui souhaite qu’on ne le remarque. C’est pathétique. Tellement pathétique de gâcher une telle capacité et vouloir être un monsieur tout le monde. C’est presque frustrant. Je reste pourtant silencieux, un regard énigmatique sur le visage. Je m’arrête au pied de l’estrade sur lequel il est et hausse les épaules tout en répondant à sa question. Sa réponse me fait soupirer. Je détourne le regard et décroise mes bras. D’un pas nonchalant, je longe l’estrade afin de rejoindre l’autre côté. Je grimpe dessus et me retrouve juste à côté du mannequin. Tout comme le sort qu’il a projeté, je pousse le mannequin de sorte à ce qu’il fasse un tour sur lui-même.

Tu l’as dit toi-même : personne ne fait ça.

Et c’est ça qui est impressionnant. Bien sûr que ce sort facile mais j’aurai beau tenter de le faire sans magie, je peine à croire d’être capable de réussir et il n’est même pas question de tenter la prouesse. Je ne suis pas là pour m’humilier devant un gars qui n’a aucune confiance en lui.

Alors sort de débutant ou non, le fait que tu saches le faire sans baguette est quelque chose.

C’est pourtant simple à comprendre ?

Je ne comprends vraiment pas les gens qui se dévalorisent. Je lâche ça même tenter de le murmurer. Cette remarque est faite pour être entendue. Peu importe que cela blesse ou non.

Je ne suis pas bienvenue. Je vois bien que ma présence le met mal à l’aise et que mes questions le dérangent. Cela pourrait embêter une tout autre personne qui se trouverait à ma place mais ce n’est pas vraiment mon cas. D’abord parce que cela ne m’atteint pas une seule seconde mais surtout cela flatte mon sentiment de supériorité. Je suis celui qui mène l’interaction, celui qui fait réagir. Tout ce que m’a toujours dit de faire mon père. Ne pas subir mais être celui qui tient les rênes, celui qui mène la danse. Ce n’était pas mon attention première ici, mais c’est presque devenu une habitude de se comporter de la sorte. Je ne cache pas ma curiosité, je ne demande pas la permission, je m’impose. Peu importe que cela plaise ou non. C’est ainsi que je suis après tout.

Je le sens me suivre du regard alors que je contourne l’estrade, monte dessus, m’approche du mannequin et le pousse de mes propres mains. Il n’y a pourtant aucune menace dans mes gestes et je ne comprends vraiment pas pourquoi ce mec me craint. Je n’ai pourtant initié aucun geste pouvant amener à cela. J’ai même respecter la distance qu’il a inconsciemment imposé entre nous. C’est symptomatique chez lui ?

Je n’hésite pas à dire tout haut ce que je pense du genre de type qu’il représente. Non pas par méchanceté, juste par constat. Je ne le connais pas, il ne représente rien à mes yeux, je n’ai aucune raison de le mépriser. Cependant, je me moque bien également de pouvoir le blesser en lâchant ma remarque. A nouveau sa réaction est à la fois surprenante et prévisible. Sa réaction confirme ce que je viens de dire et j'ai presque envie de lui hurler dessus d'arrêter de s'excuser. Mais je me contente de le regarder, toujours de la même manière.

Mon sourire en coin réapparaît à sa question. Il est méfiant. Je fais si peur ? Il est pourtant plus âgé que moi et ce n'est pas moi qui peut utiliser la magie sans baguette. Je ne suis même pas armée.

Je te dérange.

Ce n'est pas une question mais un constat. Je l'ai bien compris. Je laisse planer quelques secondes entre nous avant de finalement soupirer et lever les mains au niveau de ma tête comme si j'abandonnais.

Écoute, désolé si tu as pris ma présence comme une intrusion.

Je ne le suis pas spécialement. Mais si cela peut détendre l'atmosphère qui règne. J'apprécie d'avoir le dessus même si ce n'était pas voulu à la base.

Je m’ennuyais et passer mon temps au milieu des autres ne me tentait guère. J’ai juste marché jusqu’ici et vu que la salle était utilisée. Rien de plus que de la banale curiosité.

C'est une façon de synthétiser les choses. Je n'ai pas spécialement envie de m'étaler sur mon moral qui ne regarde personne.

Mais je peux partir si tu préfères rester seul.

Et garder l'information pour moi mais ça je ne le précise pas. Je n'ai de toute manière aucun intérêt à aller le répéter haut et fort aux premiers crétins qui passent.

Ma présence le dérange. Il faut être aveugle pour ne pas le remarquer. Mes questions le rendent mal à l’aise et je le sens méfiant alors que c’est lui qui est capable de faire de la magie sans baguette. Ai-je à ce point de la prestance ? Un sourire en coin s’étale sur mon visage alors que je dis tout haut ce que je pense. Je dérange. Un soupir borde mes lèvres et je finis par m’excuser à moitié d’être venu le déranger dans sa solitude, même si je ne le pense pas spécialement. Mais il faut bien désarmer la situation. Je lui résume ensuite la raison de ma présence. Rester au milieu des autres alors que je sens le mal de tête venir n’est pas forcément une très bonne idée et à la base, je n’avais pas prévu de m’arrêter ici. C’est le bruit qui a attiré ma curiosité et de fil en aiguille les évènements qui ont suivi se sont chargés du reste. Je n’allais tout de même pas ignorer cela ?

Je lui propose tout de même de plier bagage et de le laisser seul dans la salle de duel si c’est ce qu’il veut. Bien sûr, c’est à ses risques et périls étant donné que je détiens une information qu’il veut garder secret. Je me garde bien de lui dire que je compte le garder pour moi seulement. Je ne suis pas du genre à lancer des rumeurs, préférant clairement garder des informations qui peut-être, un jour, me seront utiles. Finalement, il me propose de rester à mon grand étonnement mais je me contente d'acquiescer avant qu’il ne change d’avis. Je m’éloigne alors du pantin et m’assois sur le bord de l’estrade, les jambes bougeant dans un léger balancement.

Oui, avec frère et soeur. Je réponds sans avoir besoin de trop réfléchir à sa question. De toute manière tout le monde devait l’avoir remarqué dans le château, ils avaient fait leur rentrée au même titre que les premières années. Tout comme moi ou Baby.

Poudlard est… différent de ce que j’ai connu. Je continue en faisant mine de réfléchir à mes propos. De toute façon, rien ne peut égaler l'école japonaise et les quelques mois déjà passés ici me l'ont bien prouvé.