Il y avait des heures, à Poudlard, où les couloirs se retrouvaient étrangement désertés. Thomas s’en était rendu compte, avec son emploi du temps atypique, et s’amusait de ce que tout se jouait parfois à la minute prêt. Un moment, pendant l’intercours, le château bruissait de monde et de vie et il suffisait d’attendre juste un tout petit peu pour que ce-dernier redevienne désert, une fois tous les élèves retournés en classe.
En général, Thomas préférait patienter pour profiter du calme. Non pas tant qu’il n’aime pas se joindre à ses camarades, mais n’ayant pas de classe attitré il se sentait souvent un peu comme un intrus parmi la foule qui savait où elle allait. Aussi, l’immensité de l’école, avec le grincement de ses grands escaliers magiques et le murmure diffus des peintures l’impressionnait beaucoup, et il aimait le frisson de se sentir tout petit dans un environnement si vaste et débordant de magie. Il était peut-être l’un des seuls élèves de l’école à aimer prendre son temps à flâner dans les couloirs, ce qui expliquait sans doute qu’il arrivait fréquemment en retard à ses rendez-vous. C’est qu’au même titre que les autres sorciers, le garçon avait quand même du boulot à abattre, s’agirait de pas l’oublier !

Ce jour-ci comme les autres, toutefois, il traînait, ayant préféré patienter dans un petit coin le temps que cesse la cohue, et avoir les couloirs pour lui tout seul – ou juste partagés avec les quelques retardataires qui le dépassaient en courant pour rejoindre leur salle de classe.

Lui-même s’en allait récupérer les escaliers du cinquième étage, histoire de préparer ses affaires, quand un bruit attira son attention. Il y avait toute sorte de bruits à Poudlard, étranges et mystérieux, mais qu’on finissait par identifier à force d’expérience. Le déplacement des fantômes, le murmure des peintures, le grincement des boiseries et parfois les battements d’ailes d’un oiseau qui portait le courrier, ou carrément ces petits avions en papier qui filaient dans les couloirs à toute allure et servaient à l’administration pour communiquer rapidement.
Le bruit que Thomas avait entendu, toutefois, n’était pas un bruit connu. Il ressemblait plutôt à une sorte de plainte et, tendant l’oreille, le jeune lycanthrope réalisa qu’il provenait des toilettes. Est-ce que quelqu’un était malade ? Si oui il fallait prévenir l’infirmière, ou un enseignant.

Thomas aurait aisément pu se manifester, proposer son aide, mais sa bonne volonté fut parasitée par une autre idée, plus envahissante : il n’avait pas oublié le meurtre irrésolue de Michaela dans le train, et si le meurtrier avait été toujours à Poudlard ? Et si, un jour ou l’autre, il s’était mis en tête de recommencer ?
Soudain suspicieux, et prêt à l’action, le jeune homme fléchit les genoux et poussa sans un bruit la porte de la salle d’eau. Il s’y faufila discrètement et se glissa derrière une cloison de WC avant de jeter un œil de l’autre côté.

Un élève, qui devait avoir à peu près son âge, grimaçait près d’un lavabo. Il semblait prit d’une sorte de migraine car l’une de ses mains se massait la tempe. Culpabilité de meurtrier ? Possible. Ou juste tracas classique d’adolescent en pleine croissance.
Thomas se cala contre la cloison, ses pensées allant à toute allure. Ça ne se faisait pas trop d’espionner les gens, oui, d’un autre côté, allez savoir si le garçon n’était pas en train de faire quelque chose de suspect ? En tant que loup bêta, il avait le devoir de veiller sur les autres, c’était son rôle, et il était hors de question de rester sans rien faire face à une activité suspecte.

@Jin Kyung Seo

Thomas n’aurait sans doute pas fait un très bon espion. Déjà dans la forêt interdite, malgré ses efforts, il ne parvenait pas à marcher sur les feuilles mortes sans faire de bruit comme Duncan, et cela lui compliquait beaucoup les choses lorsqu’il s’agissait de surprendre un animal comme son métier l’exigeait parfois.
Ici, bien que Jin lui fasse pour le moment sacrément penser à une sorte d’animal blessé, il venait de se faire trahir par son reflet. Son putain de reflet dans le miroir. Lui qui se croyait en sécurité caché dans le dos du jeune homme, à moitié dissimulé derrière une cloison de toilette… à la seconde où leurs regards s’étaient croisés, Thomas avait su qu’il venait de se faire démasquer, et se maudit de sa maladresse.

Les mots du serpentard, cependant, le surprirent un peu. C’était un drôle de manière de lui demander d’arrêter d’espionner et Thomas fit un pas sur le côté pour se révéler complétement. Inutile de nier sa présence désormais.

- Je suis un loup-garou, expliqua-t-il simplement. « Un loup bêta en fait, mon devoir est de protéger les autres élèves de l’école. »

Comme ça c’était dit. En général Thomas ne partageait pas trop ses considérations morales avec les autres élèves, mis à part Murphy qui lui avait mis ses idées dans la tête, parce qu’il estimait que ses histoires de meute, ça ne les intéresserait pas forcément. Mais là, il sentait que c’était son moment. Le moment de vraiment affirmer sa place.

Il croisa les bras.

- Tu as mal à la tête ?

Thomas n’était peut-être pas le couteau le plus affûté du tiroir, mais il savait reconnaître des symptômes et sa suspicion le rendait plus attentif que d’ordinaire, focalisé qu’il était sur le jeune homme.

- Ça ne sert à rien de se mettre de l’eau sur le visage, il faut la boire si c’est ça. Avoir accès à un point d’eau c’est important.

Depuis qu’il avait été autorisé à entrer à Poudlard, Thomas n’avait croisé ce regard de dégoût qu’à de rares occasions, et toujours furtives, dissimulées. Il ne s’en était jamais vraiment formalisé, conscient que sa place dans l’école tenait beaucoup à l’hospitalité et la générosité des sorciers qui l’avaient accueilli. Il était prêt à se faire discret si c’était la condition de sa présence. Sans rien ignorer de la méfiance que pouvaient inspirer les loups-garous dans le monde magique – une fois, alors qu’il était encore à l’hôpital, sa grand-mère avait pris un long moment seul avec lui pour lui expliquer afin qu’il se tienne prêt – il n’empêche que Thomas n’avait jamais rencontré de marque d’hostilité à son égard. Au pire on se contentait de l’ignorer.

Jin était plus franc, pour sa part, et le lycanthrope eut le loisir d’observer sa grimace avec une certaine curiosité. Ainsi c’était ça… ?

Alors que l’autre lui demandait s’il considérait les élèves de Poudlard comme sa meute, Thomas haussa les épaules en détournant le regard. Il y croyait, oui, sans dire que c’était un motif de fierté ou quoi que ce soit, c’était difficile d’assumer ce genre d’idées tranchées quand on était de base un peu timide…

- Oui.

Avait-il besoin de développer plus ? De se justifier ? Il ne cherchait pas à convaincre Jin, c’était juste comme ça. Rebondissant sur l’état de ce-dernier, il précisa d’un ton neutre que s’hydrater était important pour ne pas avoir mal à la tête. Un conseil que le serpentard sembla prendre mal, lui coupant la parole alors qu’il achevait ses explications.
Le ton qu’il employa pour se faire ne plu guère à Thomas.

- Bêta ne veut pas dire que je dois m’écraser devant les autres, tu n’es pas un alpha je te signale.

Paf dans les dents.

- Ça signifie simplement prendre soin des autres. Tu n’es pas si exceptionnel que ça tu sais.

Pas au même niveau, ça Thomas le savait bien. Il n’était pas capable de faire de la magie, lui, ce qui était sans aucun doute une forme de handicape quand on se destinait à vivre dans le monde des sorciers. Néanmoins, on lui avait toujours appris à se comporter correctement avec les personnes handicapées, et il ne considérait pas qu’elles lui soient inférieures. Juste elles n’avaient pas eu de chance, il fallait s’y faire.
Le ton de Jin, en revanche, témoignait assez explicitement qu’il y avait plus dans ses paroles que le simple constat de leur différence. Il hiérarchisait, voire méprisait à en croire sa moue de dégoût.

Thomas fronça les sourcils. Il comprenait bien qu’il devait se sentir insulté, mais le raisonnement du Serpentard était à ce point éloigné de son propre logiciel de pensé qu’il avait du mal à se sentir vexé… C’était plus une affaire de logique que de sentiment. Un cracmol était inférieur à un sorcier sur le plan des pouvoirs, bien sûr, et Thomas avait parfaitement conscience d’occuper une place en marge de l’école et du monde magique… mais il n’y avait pas à mettre un jugement moral là-dessus, en tout cas de soin point de vue.

D’un coup de menton il lui rendit son regard. « Tu te mets de l’eau sur la figure et t’es tout pâle, faut pas être idiot pour voir que t’as besoin d’aide. Si quelqu’un pisse le sang devant moi je vais pas demander comment ça va avant de faire un bandage. »

Il était bête ou quoi ? Ou alors c’était juste la fierté qui lui faisait refuser son aide ?

- Une bête tout court, répondit-il par réactance en dévoilant sa dentition. « Les bêtas aident les alphas, si tu veux vraiment être supérieur dis ce qui va pas au lieu de te la péter. »

Décidément, le Serpentard avait la fierté mal placée. Thomas le jaugea de haut en bas, à la manière dont l’autre avait pu le faire avant lui. De son point de vue, c’était assez nul de s’enfermer comme ça dans le déni, lui n’hésitait jamais à avoir recours à l’aide de ses camarades lorsqu’une tâche se révélait trop complexe ou ambitieuse pour lui. C’était tout l’intérêt de former une meute, justement, chacun pouvait s’appuyer les uns sur les autres.

- Tu n’es pas un alpha mais tu pourrais…

Est-ce qu’il venait de lui proposer de rejoindre sa meute ? Mais sa meute, ce n’était pas tout Poudlard déjà ? Franchement les choses n’étaient pas si claires pour Thomas qui changeait un peu de position comme de chemise, selon ce qui lui convenait le mieux sur le moment. De toute façon tout ça n’était pas vraiment concret, plutôt une manière de se construire une place au sein de l’école, avec son statut si particulier, et de se donner du courage pour entamer des relations sociales avec les autres élèves.

Lorsque son camarade s’avança vers lui, Thomas esquissa un pas en arrière. Le Serpentard faisait à peu près sa taille, mais il avait l’air beaucoup plus belliqueux, et avec un regard mauvais qui ne donnait pas trop envie de s’y frotter.

Heureusement le Serpentard se contenta de le dépasser, lâchant une ultime sentence. La rencontre se terminait donc là et Thomas le regarda en se disant qu’il lui faisait un peu penser aux fées, avec leurs fichu caractère et le fait qu’au lieu de venir lui demander de l’aide lorsqu’elles se blessaient les ailes, préféraient laisser les blessures s’aggraver inutilement…
Il n’avait cependant pas tôt fait de se représenter l’image que Jin sembla perdre l’équilibre à ses côtés, lui sommant d’arrêter d’un ton soudain plus plaintif que menaçant.

Confirmé dans son idée que quelque chose n’allait pas, Thomas esquissa un geste pour le retenir au cas où il perdrait vraiment l’équilibre.

- Mais… Quoi ? J’ai rien fait !

Il ne l’avait même pas touché, ce n’était quand même pas de sa faute si l’autre avait un vertige ?? Oh et puis merde à sa fierté mal placée !
Thomas le saisit par la manche et tira pour lui intimer de s’asseoir.

- Si tu ne dis pas ce qui ne va pas je ne peux pas arrêter ! expliqua-t-il d’un ton ferme. « Et je t’ai dis de boire de l’eau crétin ! »

Thomas n’était pas certain de ce qui arrivait à son camarade mais à voir la tête que tirait Jin, il n’était plus aussi certain qu’un verre d’eau suffirait à chasser la douleur. Le pauvre se tenait à présent assis contre une cloison de toilette, l’air d’être écrasé par quelque chose d’invisible. Quelque chose de magique sans aucun doute ! Merde, c’était un domaine ou Thomas n’était pas très fort, c’était le moins que l’on puisse dire.

- Du silence, ok…

S’il suffisait de ça pour que son camarade se porte mieux, Thomas était tout à fait prêt à faire un effort. Il pouvait se montrer bavard à l’occasion mais tout autant taiseux quand il estimait n’avoir rien à dire d’intéressant et là, précisément, il était à court d’idée pour venir en aide au Serpentard qui continuait de grimacer de douleur à ses pieds.

Les bras ballants, il avisa les toilettes et la porte, se demandant s’il devait aller chercher un professeur, ou bien un verre d’eau. Pourquoi une telle obsession sur les verres d’eau d’ailleurs ? Duncan lui avait toujours dit de bien s’hydrater avant d’effectuer des travaux manuels en forêt et il l’avait un peu trop pris au sérieux…

Ne sachant pas trop quoi faire à par se taire, il avisa son camarade qui se tenait toujours la tête entre les mains, pensant qu’il n’était quand même pas bien costaud si du simple SON le mettait dans cet état. Sans aucun doute il ne tiendrait pas plus de trois jours comme garde-chasse, à la moindre écharde il se mettrait à pleurer c’était évident.
Thomas secoua la tête. Pas certain qu’il ait la carrure d’être un alpha, en fin de compte, il s’était peut-être trompé sur son compte. Un chef de meute devait prendre des décisions rudes et ne pas frémir devant l’adversité, tandis Jin avait l’air un peu chochotte à geindre par terre pour quelques mots.

Thomas en était à se demander s’il devait aller chercher un adulte ou si, au contraire, il n’était pas prudent de laisser tout seul son camarade alors que celui-ci était en train de se tordre de douleur sur le carrelage des toilettes. Il était d’ailleurs à ce point persuadé que Jin était au plus mal que le ton clair de ce dernier, lui demandant ce qu’il venait de dire, le fit sursauter. Ce qu’il venait de dire ? Rien depuis un moment.

- Rien ?

Mais l’autre se campait déjà sur ses deux pieds et sans que Thomas n’ait eu le temps de réagir, l’avait saisit au col, se plantant face à lui dans une attitude clairement belliqueuse. Etait-ce une sorte de sens de loup – ou juste du bon sens ? – mais il pouvait sentir toute son animosité suinter de ses paroles.

Manque de bol pour Jin, Thomas était quelqu’un de doux, mais ça ne voulait pas dire qu’il se laissait impressionner si aisément. En tout cas, pas par des gens de son âge, et il saisit fermement le poignet du Serpentard qui tenait sa chemise.

- Lâche moi, j’ai rien dit du tout !

Le poing serré de Jin dévoilait assez aisément ses intentions. On était bien loin maintenant de l’adolescent pleurnichard qui se plaignait de ses maux de tête, c’était comme si sa colère les avait tous balayés.

- T’es malade si t’entends des voix mon pauvre, gronda-t-il sans empathie. « Alors tu me lâches ou je te mords. »

Il l’aurait fait. On lui avait assez clairement expliqué le danger que représentait sa morsure, mais aussi que sous forme humaine les effets étaient bénins, tout juste une envie de viande rouge qui vous poursuivait pendant quelques jours. C’était un peu son pouvoir à lui, son seul pouvoir, et il aurait presque été content de s’en servir.
Thomas était un garçon plein de bons sentiments, mais il n’était pas en sucre non plus et ses années passées dans son collège de Glasgow lui avaient non pas appris à être une brute, mais au moins à ne pas se laisser intimider par elles.

Thomas avait eu beau rattraper sur le tas un certain nombre de connaissances sur le monde magique, le pauvre cracmol n’avait jamais de sa vie entendu parler de légilimancie, et Jin non plus vraisemblablement.
En résultat une situation assez ubuesque où les deux garçons étaient désormais prêts à en venir au mains parce que l’un avait eu le malheur de penser en face de l’autre. Autant dire qu’il fallait s’accrocher pour suivre.

Thomas, derrière ses airs bonhommes, n’était pas aussi doux qu’on pouvait le penser. Certes ses dispositions de caractère ne le poussaient pas à chercher le conflit, mais en cas de provocation il ne s’écrasait pas pour autant. Et il n’appréciait pas trop l’ascendant que Jin tentait de prendre sur lui. L’air menaçant, les insultes et son poing blanchi qui promettait de se retrouver dans sa figure n’inspirait pas à Thomas l’envie de se montrer conciliant.

Car il a de la force, le cracmol. Travailler dehors vous endurcit rapidement et ces vingt derniers mois ont eu un effet visible autant sur son physique que sa confiance en lui. Alors certes, baguette à la main, Jin est infiniment plus dangereux que lui, mais si c’est un échange de coups de poings qu’il cherche, pas certain qu’une bagarre soit à l’avantage du Serpentard. Et Thomas compte bien le prouver.

Il planta son regard dans le sien, mortellement sérieux.

- J’ai dit… tu me lâches.

Puis, plaquant la paume de ses mains sur le torse du jeune homme, tenta de le repousser en arrière.

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1 = Thomas repousse Jin avec force et peut-être l'effet de surprise, celui-ci glisse et tombe par terre
➤ 2 = Thomas repousse Jin avec force, celui-ci le lâche et va percuter la cabine derrière lui
3 = Thomas repousse Jin mais celui-ci tient ferme son col et ils tombent tous les deux par terre
4 = Thomas repousse Jin mais celui-ci tient ferme et, par réflexe, lui craque le col de la chemise. Elle est foutue
5 = Thomas échoue à repousser Jin, celui-ci tient bon et les voilà prêts à en venir aux mains
6 = Thomas échoue à repousser Jin et perd même l'équilibre en essayant
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Le Serpentard ne devait pas s'attendre à ce que Thomas prenne l'initiative des hostilités puisque lorsque ce-dernier le repoussa avec force, il se trouva contraint de lâcher prise et s'en alla frapper du plat de son dos la porte de la cabine derrière lui.

Le lycanthrope ne fit pas un pas dans sa direction mais pointa son doigt vers lui.

- Insulte jamais un Écossais, tu vas finir par te blesser.