Premier match

Hayden ignorait pourquoi il s’était donné la peine de venir. Il s’était rarement senti aussi peu à sa place que sur ce terrain de Quidditch, dans ce maillot aux couleurs de Serdaigle dans lequel il lui semblait flotter. En ce moment, tout ce qui impliquait de le sortir de sa chambre lui était douloureux, et il avait renoncé depuis un certain temps à l’idée de faire des efforts pour s’extirper de sa profonde léthargie. Mais il ne pouvait pas abandonner Noah, et de toute façon, ce n’était pas comme s’il avait mieux à faire, il avait laissé tomber les cours depuis trop longtemps pour espérer pouvoir les rattraper un jour. Il écouta donc vaguement les encouragements de leur capitaine. Ses yeux s’embuèrent en pénétrant sur le terrain, et il dut aussitôt détourner les yeux des gradins de Gryffondor, éloigner à tout prix cette idée sinistre qu’il lui rappelait que pour la première fois depuis qu’il avait commencé, elle ne serait pas là. Sans grande conviction, il enfourcha son balai, suivit machinalement Blaze sans se poser de question, et après seulement quelques secondes de match, il se retrouva planté dans les airs, incapable de suivre la balle des yeux, entendant les voix des commentateurs comme un bourdonnement parasite. Il n’était pas dedans. Même Sidney, qui avait intégré l’équipe à peine un mois auparavant, se débrouillait manifestement mieux que lui… Ce qui n’était pas difficile, puisqu’il se laissait simplement porter par le vent. Par deux fois, il manqua une collision brutale avec la batteuse adverse, qui elle, semblait prête à en découdre. Il hésita à donner le change, à feindre de suivre le mouvement, de paraître au moins concerné par le match qui se jouait à seulement quelques mètres de lui… et puis finalement, non. Il demeura immobile, spectateur de la performance des autres, comme paralysé par une force intérieure. Il songea aux gradins des Gryffondors dans lesquels elle ne se trouvait plus jamais pour l’acclamer. Il songea à ce sport qui, comme le reste, ne représentait plus grand-chose pour lui. Et surtout, il avait une peur bleue que le vide sous lui ne devienne un jour une horrible tentation.

Cette idée lui donna la chair de poule, si bien que l’immensité du terrain qu’il surplombait lui parut tout à coup vertigineuse… Ses mains se cramponnèrent subitement au manche de son balai, et il s’y agrippa comme si sa vie en dépendait, oubliant finalement tout le jeu autour de lui. A cet instant, il n’avait même plus la moindre idée de quelle pouvait être la position du souafle… Il n’avait qu’à espérer que ses deux coéquipiers ne fassent l’affaire pour donner de la crédibilité à leur équipe. Et puis, il entendit vaguement le sifflement de l’arbitre retentir à l’autre bout du terrain, et les exclamations derrière les bannières aux couleurs de Serdaigle. C’était la première victoire de Noah en tant que capitaine. Cette constatation aurait dû le ravir, en temps normal il aurait dû sauter de joie pour la réussite de son ami. Mais ce ne fut qu’une vague d’indifférence profonde qui le frappa en apercevant Jasper tenant dans sa main le vif d’or, battant encore faiblement des ailes, et un drôle de soulagement : le fait que ce soit terminé. Il se détesta de se sentir aussi peu impliqué dans cet événement pourtant fédérateur… Mais ce n’était pas vraiment sa victoire, aussi, il se hâta de redescendre. « Bien joué, les gars. » lança-t-il avec un sourire légèrement crispé en direction de ses coéquipiers, dont l’humeur était à la fête. Mais il n’eut pas l’énergie de prolonger cette comédie, et se hâta de retourner aux vestiaires, son balai sur une épaule, sans un regard en arrière. En ce qui le concernait, il n’y aurait probablement plus de match à venir, et il ne parvenait pas à savourer correctement l’effervescence de cette dernière rencontre sportive, soldée par une victoire en leur faveur : mais il parlerait de cela à Noah plus tard, le moment était mal choisi. Un longue, très longue douche l’attendrait aux vestiaires, c’était tout ce qui l’importait à ce moment-là.