@"Agathe Kline"

L’atmosphère lugubre des cachots avait quelque chose de réconfortant et Maxton fut étonnamment heureux d’aller s’enterrer au fin fond de ces salles sombres, en compagnie de van Aken qui semblait chaque année toujours plus décati. Oh il ne semblait pas faible pour autant, il aurait fallu être un idiot pour penser que le maître des potions n’avait pas toujours la possibilité de tous les tuer avec dosage un peu appuyé de belladone ou autre, mais il avait l’impression que le poids des années était plus marqué. Le décès de Finnbjörn avait dû être un choc pour lui. Il en ressentit un élan de sympathie pour le professeur qu’il n’aurait jamais cru éprouver. D’habitude, les bons sentiments, ce n’était pas son truc. Le respect, oui, pas la sympathie. Enfin, cela resta un élan fugace. A peine le temps d’arriver à sa place qu’il avait oublié sa pensée première pour grimacer au discours de van Aken. Travail d’équipe et transformation en animal, cela était sûrement la définition même de l’enfer. Preuve que van Aken était en train de devenir gâteux, ses cours habituellement parmi les seuls valables de Poudlard venaient de se transformer également en ménagerie. Enfer et damnation.

Alors qu’il fixait d’un air interdit la potion dans son livre, une voix interrompit le fil de ses pensées, surprenante. Les jumeaux n’avaient jamais eu un cercle amical particulièrement développé, mais il devait admettre que depuis cette rentrée, leur entourage s’était encore réduit comme une peau de chagrin. Il n’y avait donc aucune raison pour que quelqu’un vienne s’adresser à lui en cours de potions. Il tourna la tête pour dévisager la personne qui n’avait manifestement aucune intention de respecter sa tranquillité et se retrouva à face à l’une des nouvelles que Gryffondor avait accueilli cette année. Décidément, tous les nouveaux de l’école s’étaient donné le mot pour l’agacer. Baby, elle … Pas de suicide capillaire en vue la concernant, mais cette même façon sans gêne de s’introduire de l’existence des gens. Pourquoi est-ce que cela le rebutait tellement quand il avait trouvé cette détermination à la frontière de l’insolence si charmante chez Erin ?

- Pardon ?

Elle venait de déclarer qu’ils seraient partenaires d’une manière qui ne souffrait pas la contradiction. Il devait admettre que c’était déstabilisant. Le reste de sa classe et lui avaient un accord tacite, tant que personne ne l’embêtait, il vivait son existence en parallèle. L’accord était honnête. Alors il ne s’attendait pas à ce qu’une de ses condisciples remette en cause cet état de fait, ni même qu’elle n’y mette pas les formes. Etait-ce dérangeant ou divertissant ? Un peu des deux, ce fut sans doute pour cela qu’il ne la repoussa pas. Il ne l’encouragea pas non plus. Il était dans l’expectative et il préférait qu’elle se dévoile en premier pour qu’il puisse comprendre ce qui se cachait derrière cette soudaine attention. Elle se présenta et il arqua un sourcil. Est-ce qu’elle croyait vraiment qu’il ne le savait pas ? Ce n’était pas parce qu’il ne passait pas son temps à errer de manière désoeuvrée dans sa salle commune comme les autres idiots qui l’entouraient qu’il ne se maintenait pas informé.

- Maxton. Tu es consciente que tout Poudlard connait les noms des nouveaux arrivants ?

Son ton était ennuyé. Pour l’instant, elle n’offrait aucune perspective d’amusement, ni aucune certitude d’apprendre quelque chose d’intéressant. Elle était donc une quantité négligeable. Imperméable à son ennui, elle continua son discours, péremptoire. Assez pour lui faire hausser un sourcil étonné

- Attends, Trésor.

Il avait commencé sur un ton enjôleur, mais son regard trahissait un certain agacement.

- Je ne suis pas ton animal, je ne t’ai rien demandé et tu es venue te mettre en binôme avec moi. Tu es celle qui demande. Tu te transformes en premier donc, sauf si tu as matière à négocier.

Elle parut surprise qu’il ne lui obéisse pas au doigt et à l’œil, comme si elle n’avait absolument pas envisagé cette hypothèse. Avant qu’elle ne puisse répondre, il continua, imperturbable.

- Tu n’as pas l’habitude d’être contredite ? Merveilleux, il y a un début à tout. Du coup, quels sont tes arguments pour que je me transforme ?

Elle était bien trop conquérante pour quelqu’un qui venait d’arriver.  

@"Agathe Kline"

La fille en face de lui était déroutante. Loin de s’offusquer de sa première réponse peu amène, elle se contenta de battre des cils dans un geste délicat et de lui demander avec une innocence qu’il estima feinte s’il ne l’avait pas bien entendu. Son existence était perturbante parce qu’elle le faisait osciller entre plusieurs sentiments, ce qu’il n’appréciait pas. Agacement d’être dérangé, curiosité face à son comportement un brin effronté, nostalgie au souvenir d’Erin dont c’était l’un des traits dominants et colère mêlée de tristesse de voir qu’il était assez stupide pour ramener la plupart de ses expériences à elle. Qui était-il finalement pour trouver que sa sœur se complaisait dans ses souvenirs quand il faisait exactement la même chose ? Comme toujours, il agissait juste de manière plus discrète, mais cela ne voulait pas dire qu’il ne tombait pas exactement dans les mêmes travers qu’elle.

Maxton soutint le regard de la gryffondor jusqu’à elle détourne le regard sans que cela n’ait un goût de victoire. Elle continuait de s’installer, comme si de rien n’était. Elle continua à éviter l’ironie de ses propos avec une forme de facilité qui confinait à l’élégance, lui répliquant que les présentations étaient de mises pour entamer une bonne relation. Il l’observa silencieusement, ne sachant quoi penser de cette information. Les Sorensen avaient eu pour effet de lui faire apprécier la compagnie d’une poignée de personnes triées sur le volet, avant de lui rappeler pourquoi il était plus confortable de limiter son entourage réel à sa sœur. Son premier réflexe aurait donc dû être un refus net. Et pourtant, elle avait eu le mérite de l’intriguer et il ne savait pas réellement résister à ce qui piquait sa curiosité. Ce n’était que le temps d’un cours. Et puis, il pourrait peut-être en apprendre plus sur ce Baby avec lequel Blue semblait sympathiser. N’étaient-ils pas de la même école ? Ou peut-être qu’il mélangeait. Cette Agatha n’avait jamais eu suffisamment d’intérêt pour retenir les ragots à son sujet. Finalement, ce fut le surnom de chou qui le tira de son hésitation, non sans une grimace. Il voulait bien faire équipe avec elle s’il pouvait juste lui clouer le bec pour cet affreux sobriquet.

Voilà comment il se retrouva à l’appeler trésor pour le plaisir de la contredire et son regard étonné, il aurait parié que le reste du monde lui mangeait dans la main. Il pouvait le comprendre, elle dégageait une forme d’assurance qui devait séduire les plus impressionnables. Pas de chance pour elle, il ne l’était pas. En tout cas, il obtint un semblant de victoire quand elle accepta de négocier. Un sourire s’étira sur ses lèvres. Il se moquait d’être chaleureux. Elle avait lancé un jeu, il ne voulait pas le perdre, voilà tout. En tout cas, elle s’adapta à ce changement comme si elle s’y attendait, sans effort. Le détaillant, elle chercha ce qui pouvait bien l’intéresser et il dû admettre que ses suppositions furent rapidement fructueuses. Ni argent, ni bonnes notes, mais pouvoir, ça, ça lui parlait. Il ne voyait pas en quoi elle en avait, mais il en voulait. Techniquement, elle lui aurait simplement proposé du divertissement le temps d’un cours qu’il aurait pu accepter. Cette année était mortellement ennuyeuse.

Il se pencha vers elle, toujours avec une forme de nonchalance, mais cette fois avec une lueur d’intérêt dans le regard.

- Le pouvoir est une monnaie intéressante, chère Agatha. Si tu le proposes en premier, tu dois y être sensible aussi. Alors, quel type de pouvoir peux-tu m’offrir … ?

Il faisait mine de réfléchir, en réalité il s’était déjà décidé. Elle n’avait pas d’influence en elle-même pour que sa présence soit un pouvoir. Mais elle avait potentiellement des informations et la connaissance était une forme de pouvoir. Surtout quand cela touchait aux fréquentations de sa sœur. Il était tout à fait près à entendre que c’était une forme de surveillance très malsaine. Mais à sa décharge, sa sœur traversait une mauvaise passe. Elle l’avait aidé pour la sienne, il se devait de faire de même. Et de vérifier qu’il n’y ait pas de nouveau cadavre en chemin.

- Si je voulais des informations que tu détiens, cela pourrait une monnaie d’échange acceptable. Qu’en penses-tu ? Dix questions de mon choix ?

Il n’en avait besoin que de cinq au maximum. Mais puisqu’il s’agissait d’une négociation, autant jouer le jeu.

@"Agathe Kline"

Le professeur van Aken sembla enfin émerger de sa léthargie et commença à circuler dans les rangs, réclamant du silence, les fusillant du regard. Maxton acquiesça en se fendant d’un air vaguement contrit. En temps normal, il aurait certainement soutenu le regard de son professeur, sans insolence, mais sans envie de capituler non plus. Mais van Aken était sans doute le seul qui avait le pouvoir de lui compliquer la vie et il n’avait aucune intention de s’en faire un ennemi. Si le monde avait été une immense partie d’échecs, le vieil homme n’aurait jamais été un simple pion et il était bien trop dangereux en lui-même pour le sous-estimer. Il fallait donc croire que l’heure était à la transformation. Mon dieu que cette perspective le crispait. Il détestait la perte de contrôle. Toute comme la Gryffondor, il fit mine de s’affairer sur les instructions du cours, avant de se pencher légèrement vers elle pour entendre son murmure. Sept ? C’était amplement suffisant. C’était plus que ce qu’il espérait.

- Sept questions, c’est d’accord.

Elle précisa qu’il n’aurait pas ses réponses ici et maintenant et il hocha la tête comme s’ils échangeaient sur un point plus sérieux. Il arqua son sourcil quand elle précisa qu’il offrirait le verre. Ce n’était pas une condition, c’était une évidence. Il avait assez d’éducation pour l’inviter de son propre chef et l’argent n’était pas une considération. Il avait entamé son budget l’an dernier lors de ses frasques avec l’Exmalum, mais il avait largement eu le temps de reconstituer les sommes versées et même dans le cas inverse, ce n’était qu’une goutte d’eau. Les Sherwin avaient leurs défauts et leur relation ressemblait plus à celle d’un partenariat professionnel qu’à une famille, mais ils leur avaient apporté une aisance financière fort appréciable.

- Il n’a jamais été question d’autre chose. Samedi, 14 heures.

Avant d’avaler la potion, il gratifia sa partenaire du jour d’un sourire enjôleur

- Agatha ?

Elle se tourna vers lui, le regard entre agacement et curiosité. Il était évident que la négociation était terminée et qu’elle n’avait aucune intention d’y revenir. Mais comme sa voix ne donnait pas l’impression qu’il comptait lui arracher une nouvelle promesse, elle se demandait sûrement ce qu’il allait dire. Il aurait été bien incapable de dire pourquoi lui-même se sentait obligé d’avoir le dernier mot. Il avait obtenu ce qu’il voulait, ce n’était pas obligatoire. Mais il avait presque la sensation que c’était l’une des premières conversations un peu stimulantes qu’il avait pu avoir depuis la rentrée et il n’était pas entièrement prêt à la laisser filer.

- J’aurais accepté pour cinq.

Son sourire devint moqueur et il but le breuvage.

Spoiler:

Très sincèrement, il aurait aimé se transformer en chat. Il en avait qu'il ne voyait que rarement, manifestant aussi indépendant que lui, mais c'était des animaux auxquels il trouvait un certain charisme. Il aurait pu être un serpent. Il ne se voyait pas en chien alors que son côté protecteur et fidèle aurait pu correspondre. Mais il devait admettre qu'il n'avait pas, mais alors absolument pas prévu de se transformer en araignée, si bien que quand il sentit son corps s'allonger pour se se subdiviser en huit longues pattes fines et interminables, il en éprouva une réelle surprise. Etonnement qui disparut presque aussi vite que son esprit devint plus limité par ses nouvelles capacités cognitives.