Le son caractéristique du transplanage se fait entendre dans le salon de notre nouvelle villa à Liverpool. Tout tourbillonne autour de moi et avant même que je puisse prendre une deuxième inspiration, mes pieds rencontrent de nouveau le sol, me laissant un temps nauséeux. Je ne reconnais rien autour de moi. En fait, depuis le changement de pays, je ne reconnais strictement rien. L’Angleterre ne ressemble pas du tout à la Corée et Londres en rien à Séoul. C’est gris et je me sens comme un étranger. Ce que je suis en même temps. Dans un soupir, je reprend contenance et suis en silence notre gouvernante avec Ha Na et Jun. Lorsqu’on change d’école, c’est comme repartir de zéro - en dehors des compétences déjà acquises -. Nouveaux manuels, nouvelles tenues, nouvelles manières d’aborder les matières, nouvelles fréquentations. C’est pour les premiers points que nous nous retrouvons ici, à l’entrée de ce que les sorciers anglais appellent le Chemin de Traverse.

Je reste en léger retrait durant une bonne partie de l’après-midi, suivant les autres sans grande conviction, observant les autres personnes autour de nous. Entre ceux posés à l’extérieur d’un bar pour partager un breuvage, ceux qui sont pressés à la limite de bousculer les autres sans même accorder le moindre regard. Je serre les poings pour ne pas me retourner et gueuler sur le prochain qui se risque à me bousculer - en coréen bien sûr - mais j’ai l’ordre de rester tranquille et de ne pas me faire remarquer tout de suite. C’est dans cet état d’esprit que j’enchaîne les boutiques, sans qu’un seul sourire ne se dessine sur mon visage. Je fais simplement preuve de politesse, réponds aux questions lorsque c’est nécessaire et repart sans un regard en arrière. Après être sorti de la troisième boutique, je m'arrête sur le chemin, les mains dans les poches,tout en cherchant du regard quelque chose autour de nous.

Savez-vous où se trouve la boutique de livres ? Je finis par demander à l'adulte dans un anglais encore approximatif.

Un peu plus haut sur votre gauche. La boutique se nomme Fleury et Bott. Elle me répond tout en me montrant de la main la direction à prendre.

Je vais y faire un tour. J'annonce plus que je ne demande la permission. Elle a beau être l'adulte ici, elle n'en reste pas moins au service de ma famille et donc au mien. Elle semble surprise du regard fixe que je lui accorde avant d'hocher la tête poliment.

Je termine avec vos jeunes frère et sœur et nous vous rejoignons devant.

J'hoche la tête à mon tour et me détourne sans ouvrir la bouche. Du coin de l'oeil je vois Ha Na et Jun me faire un signe de la main avec un sourire en coin sur chacun de leur visage. Eux aussi doivent en avoir marre. Je leur retourne leur sourire avant de totalement me détourner et suivre le chemin indiqué. Je mets à peine cinq minutes pour trouver la boutique en question.

La clochette retentit alors que j'ouvre la porte pour pénétrer sur les lieux. D'un geste poli de la tête, je salue la personne que je suppose être le gérant avant de me faufiler entre les rayons de bouquins.Je me souviens des titres de chaque livre que je dois prendre et les cherche les uns après les autres. Ce n'est pas forcément facile, mon cerveau étant paramétré sur le coréen et le japonais. Lire de l'anglais n'est pas inné et je me retrouve donc immobile devant une rangée de livres à la recherche du livre de Potions de quatrième année, quand une voix m'interpelle.

Ha Na et Jun ne semblent pas plus emballés que moi par les robes de sorcier anglaise. Elles n’ont vraiment rien d’originale par rapport à celles que nous avions au Japon : des robes qui grandissent avec nous et aui changent de couleur en fonction de tes notes et actions à l’école. Celles-ci sont juste noires. De ce que j’ai pu apprendre, je sais que les couleurs de la maison dans laquelle nous serons réparties se rajouteront par la suite mais même en sachant ça, je les trouve toujours aussi peu intéressantes. Les boutiques s’enchaînent les unes après les autres et je commence à m’impatienter, alors, sans demander la moindre permission je demande simplement à l’employé de maison qui nous chaperonne où se trouve la boutique de livres avant de m’éloigner dans la direction qu’elle m’indique, laissant mon frère et ma soeur avec elle, leurs regards me traitant de lâcheur.

La clochette retentit au-dessus de moi lorsque je pénètre sur les lieux. Poliment, je salue la personne que je pense être le gérant, m’inclinant légèrement comme il est coutume de le faire dans mon pays. Je me faufile ensuite dans les rayons dans le but de récupérer tout ceux dont j’ai besoin pour la prochaine rentrée. Changer d’école veut également changer la manière d’étudier et les livres ici ne sont pas du tout les mêmes qu’au Japon. Sans surprise, j’ai du mal à les trouver facilement, mon cerveau ayant l’habitude de lire coréen ou japonais. Rien que l’alphabet n’est pas pareil et je dois me concentrer pour comprendre certains titres. Je comprends pourquoi nos parents ont insisté pour que nous continuions à prendre cours d’anglais durant les vacances. Si je comprends un mot sur deux durant les études, je ne risque pas de m’en sortir et ce serait vraiment humiliant.

Immobile devant une rangée de livres où je pense pouvoir trouver le manuel de Potions demandé pour la quatrième année à Poudlard, je ne remarque pas tout de suite qu’une personne s’est faufilée à côté de moi. Ce n’est que quand sa voix me parvient aux oreilles que mon regard sombre se pose sur celle-ci. Une jeune fille blonde, sûrement du même âge que moi, laisse glisser son regard de la rangée de livres que je regardais à mon visage, un air curieux sur son visage.

Les… quoi ? Je répond machinalement, n’étant à la fois pas certain d’avoir compris ce qu’elle venait de me dire en anglais et ne voyant pas pourquoi elle me parle de roman paranormal. Sourcils froncés, je passe à mon tour de son visage aux livres, m’avance légèrement pour lire correctement les titres des livres avant de me reculer aussi vite, comme si je venais d’être piqué par quelque chose, la gêne en plus sur le visage.

Ha… Il n’y avait pas grand-chose à dire de plus devant cette situation gênante. J’étais venu pour chercher des manuels d’écoles et il fallait que je me fasse surprendre par quelqu’un à regarder des livres totalement stupide et sans intérêt. Je détourne sans plus attendre, le regard déjà à la recherche d’un autre rayon, contournant la jeune fille au passage. Du moins, c’est ce que j’avais prévu de faire si cette dernière ne m’avait pas à nouveau adressé la parole, pointant le fait qu’elle ne se souvient pas m’avoir déjà vu à Poudlard. Bien élevé, je reporte mon attention sur elle.

J'étais à Mahoutokoro. Je répond simplement, ne me posant même pas la question de savoir si elle connaît l’école japonaise. Il est évident que tout le monde la connaît non ? Sa réputation n’est plus à faire après tout.

Normalement, lorsque tu es nouvel élève dans une école et que tu rencontres un élève de cette dite école en amont, tu as tendance à le questionner, lui demander comment c’est, son âge, son prénom. Toutes ces choses quelques d’autres que moi aurait fait. Ce n’est pas mon cas. Je sais déjà tout ce qu’il y a à savoir sur Poudlard et je me moque pas mal de savoir dans quelle maison ou quelle année le ou la première venue est. Cependant… Elle peut m’être utile à cet instant. Alors que j’entame le mouvement pour la détourner complètement et continuer mes recherches, je reviens sur ma décision et replonge mes yeux sur elle.

Tu vas à Poudlard ? Alors tu sais où je peux trouver le livre de Potions pour la quatrième année ? Et peut-être même les autres. Ca m’éviterait de perdre mon temps ici.

La présence de la jeune fille à mes côtés me surprend mais je me contente de tourner la tête dans sa direction pour la dévisager tout en essayant de comprendre ce qu’elle me raconte. Machinalement, je lui demande de répéter, ne comprenant pas le rapport entre des romans stupides et les manuels que je cherche. Je repose mes yeux sur la rangée de livres qui me fait face, me concentre sur ce qui est écrit dessus avant de me reculer comme piqué par quelque chose. Je tente de camoufler la gêne sur mon visage en me détournant de cette maudite rangée, à la recherche d’une autre bien plus convenable alors que mon interlocutrrice prend à la lettre ma question et m’explique ce que sont des livre complètement mièvres et me demande si j’ai déjà entendu parlé d’un qui traite d’un coup de foudre stupide avec des créatures magiques. Non. La couverture qu’elle me montre me donne presque la nausée d’imaginer ce genre de chose. Les sorciers ne sont pas fait pour s’enticher de créatures magiques. Déjà que certains se détournent du droit chemin en s’entichant d’impurs.

Je la contourne pour repartir à la recherche du manuel de Potions en pensant que notre discussion se terminerait là mais ce fut sans compter sur sa curiosité. Poli, je retourne vers elle pour lui expliquer pourquoi elle ne m’a jamais vu jusqu’à aujourd’hui. Je donne le nom de mon ancienne école sans même me donner si elle la connaît. Pour moi, Mahoutokoro est une école réputée dont le nom doit être connu des autres sorciers. Impossible que j’ai pu être dans une école peu reconnue. Un sourire en coin se dessine légèrement lorsqu’elle me le confirme. Oui. Au Japon. La meilleure école. Surement bien mieux que Poudlard. J’en reste là, sans lui retourner de question sur sa propre école et lui tourne une nouvelle fois le dos avant de me raviser. Finalement, peut-être qu’elle peut m’être utile et m’éviter de perdre mon temps dans toutes ces rangées de livres dont les mots me semblent difficiles aujourd’hui. Sans tourner autour du pot, je lui demande si elle va bien à Poudlard et où peut bien se trouver l’un des manuels que je recherche. Je reste stoïque devant son sourire alors qu’elle m’informe entrer en cinquième année. Ha, tu es mon aîné alors. Par automatisme, dû à l’éducation coréenne, je me redresse un peu plus, comme il est normal de faire devant une personne d’un niveau supérieur. Une forme de respect… en apparence. Je me retient de grimacer lorsqu’elle me propose de récupérer son livre bon marché. Elle me prend pour quoi ? Un mendiant ? Mon père le foutrait sûrement au feu en le voyant. C’est…Sympa. Mais je préfère en acheter un nouveau. Neuf, jamais touché. Patient, mon regard sombre braqué sur son visage, j’attend qu’elle me montre le chemin pour trouver ce fichu livre qui me manque. Mon regard passe de son visage à la main qu’elle me tend tout en se présentant. Je hausse un sourcil sur le nom que le monde lui donne et finit par attraper sa main à mon tour. Ce ne sera surement pas la première main que je serai cette année. Jin Kyung. Mais je ne lui dirai pas qu’elle peut m’appeler Jin. Je relâche sa main quelques secondes et rentre les miennes dans mes poches. Alors qu’elle me pose une nouvelle question, plus hésitante, je continue à la regarder, énigmatique. J’ai vraiment du mal avec la curiosité des autres sur la raison de ma venue en Angleterre. Je n’ai aucune envie d’être dans ce pays et je rêve de répondre simplement du tac au tac que j’ai collé un poing dans la gueule d’une personne qui ne me revenait pas. Mes parents ont été mutés ici. est pourtant la seule réponse que je donne. Personne n’a besoin de connaître les rumeurs, les désillusions et la trahison qu’à subi ma famille. Le comprendrait-elle de toute manière ?

Murphy finit par m’indiquer le rayon où trouver le manuel et alors que nous avançons dans les rangées à la recherche de celui de quatrième année, je décide de faire parler également ma curiosité. Vu comment les choses avancent, je vais sûrement me trouver avec elle plus longtemps que je ne le pense. Autant rendre cela intéressant. Dis moi Murphy, c’est vrai cette histoire de bombe ?

En quittant mon frère et ma soeur entre deux boutiques, je n’avais pas imaginé prendre autant de temps pour trouver un bouquin. Encore moins tomber sur quelqu’un qui me ferait la discussion. La jeune fille n’est pas méchante mais peut-être plus bavarde que d’ordinaire. Normalement, après avoir aidé une personne, les gens ne continuent-ils pas leur chemin ? C’est bien ce que j’avais prévu, après l’avoir remercié de m’avoir montré à quel point mon anglais n’est pas parfait, mais c’était sans compter le fait que de son côté, elle n’avait pas fini de me parler. Poli, comme mon éducation le veut, je l’écoute, sans vraiment lui porter plus d’attention que cela, répondant à ses questions de façon succincte. Le pourquoi elle ne m’a jamais vu jusqu’à présent notamment. Je n’ai pas encore mis les pieds à Poudlard et mon école me manque déjà. Mon corps se redresse légèrement plus lorsque je constate qu’elle est plus âgée que moi. L’âge est important en Corée. Du moins en apparence.

Après avoir simplement décliné son offre de récupérer son ancien manuel, tout en me retenant de grimacer rien qu’à l’idée, la blonde m’indique le chemin sous mon regard froncé et me propose tout bonnement de me le montrer. Alors que je pensais qu’elle joindrait le geste à la parole, elle me tend la main pour se présenter. Après un haussement de sourcil et quelques réserves, je serre la main de Murphy - qui est donc son prénom - tout en me présentant brièvement. Je libère dans la foulée mes doigts et les enfonce dans ma poche dans l’attente, impatiente, qu’elle me montre le chemin. Spécial ? Dans quel sens ? Si c’est en rapport avec toutes les rumeurs ou informations entendus durant ma scolarité au Japon, je m’en passerai bien. Déjà que le changement de pays n’était pas forcément chose facile à gérer. Ni même le changement de langue. Mais si en plus, l’école dans laquelle je suis désormais scolarisé ne garantit pas du tout ma sécurité… Il faut dire que tout ce que l’on entend sur Poudlard à l’étranger n’est de loin pas rassurant.  Totalement. Ca me change bien et je suis loin d’en être fan. J’aurai préféré rester en Corée… Même si cela voulait dire revoir Tae. Je sens mes poings se serrer dans mes poches à sa pensée. Je secoue la tête pour l’y chasser et reporte mon attention sur la blonde qui ouvre la marche pour me montrer où se trouve le rayon consacré aux arts alchimiques et potions. J’en profite alors pour lui poser un peu plus de questions sur Poudlard. Pas celle basique et barbante. Une bien plus intéressante. Avec un air innocent, je parle de l’explosion qu’il y aurait eu l’année dernière. Je penche la tête à la mention de la tour. Vraiment ? Une tour Privilège ? Ha… ça j’aurai bien aimé en avoir une au Japon. Murphy me demande ce que je sais de l’explosion et c’est en parcourant des yeux les différents manuels qui me font face que je lui réponds avec détachement. Pas grand chose. Une explosion dans un tour et quelques blessés. J’hausse même les épaules, comme s’il s’agissait d’une discussion des plus lambda. Il y a quelque chose que je ne devrai pas savoir ? Je rajoute néanmoins, toujours cet air innocent accroché sur le visage.