L’angoisse était palpable aux quatre coins du château. Il ne pouvait pas se passer une seule année sans qu’un drame ne vienne troubler l’année scolaire. Une fois encore, des élèves en avaient fait les frais et avaient frôlé la mort. Une fois encore, une enquête était en cours mais bon nombre de personnes n’étaient pas dupes. Elle allait faire chou blanc comme les dernières enquêtes des dernières années. Ca donnait un bel exemple aux futurs diplômés : les adultes supposés les protéger échouaient à chaque niveau et le corps enseignant semblait désireux de vouloir les diviser. Encore une fois. Il y a quelques années, c’était clairement sous couvert de rang de sang. Avec Sorensen, la discrimination semblait moins flagrante à prime abord. Pourtant, les élèves étaient encore différenciés par grades et depuis peu, bon nombre d’entre eux avaient été sortis de leurs dortoirs car ils n’avaient pas un grande suffisamment important et représentaient potentiellement un risque à la sécurité des grades argent et or.

Lilith avait la chance de faire partie des grades or et d’être intouchable. Elle avait toujours du mal à comprendre pourquoi elle avait cette place, mais n’osait pas franchement s’en plaindre. Pourtant, elle n’était pas ravie de voir que ses camarades pouvaient être traités différemment d’elle. Elle était dans la tour quand celle-ci avait explosée. Elle faisait partie des miraculée, n’ayant été qui légèrement blessée. Mais les séquelles étaient plutôt d’un point de vue psychologique. Elle avait été témoin d’un carnage cauchemardesque. Les corps enchevêtrés, ses camarades se vidant de leur sang, Junior qui avait perdu connaissance et dont la pâleur jurait avec le rouge qui couvrait ses blessures… Sa mémoire qui habituellement était aussi trouée qu’un gruyère, refusait pourtant aujourd’hui de faire disparaître ces visions d’horreur qui tourmentaient Lilith et lui collait des maux de crânes insupportables. Cela faisait un peu plus d’une semaine que l’attentat avait eu lieu et l’état de Lilith n’allait pas en s’arrangeant. Murphy faisait tout pour l’aider du mieux qu’elle pouvait, mais Lilith était incapable de rester concentrée plus de 5 minutes sur un sujet et finissait toujours couchée avec un mal de crâne lancinant quand ses pensées se tournaient contre son gré sur cette après-midi … Explosif.

La semaine fut longue. Très longue. Et il fut encore plus compliqué pour elle de voir des personnes qu’elle savait incapable d’avoir planifié et fait exploser la bombe être relégué en grade acier. Ils devaient se tenir loin d’elle, prendre les dernières places dans les salles de cours et manger à des heures différentes. Ca crevait le cœur de Lilith de voir autant d’injustice. Noah et Masha étaient incapables de faire une telle chose par exemple ! Cela ne faisait aucun doute ! Pourquoi devaient-ils être traités comme des pestiférés alors qu’ils n’avaient rien fait ? Le moral de la rouquine était définitivement au plus bas et couplé à son incapacité à se concentrer et à ses maux de crânes handicapant, elle n’était clairement pas l’élève la plus attentive de Poudlard. Même les cours qu’elle préférait comme ceux de Soin aux créatures magiques, elle les avait passés dans un coin, loin du feu de l’action, le regard plutôt perdu sur la cime des arbres que sur le sujet du cours.

La fin de sa semaine sans fin fut agrémentée d’un petit mot qui la fit énormément culpabiliser. Shayne, qui ne prenait d’habitude jamais la plume, lui avait fait parvenir un parchemin dans lesquels il laissait clairement entendre qu’il s’inquiétait pour elle. Elle avait conscience qu’elle l’avait délaissé, mais il lui était déjà tellement compliqué de réussir à tenir le cap. Elle avait voulu répondre, le rassurer, lui dire que tout allait bien, mais même ses mains refusaient de mentir pour elle. Il ne servait à rien d’essayer de le leurrer. Les cernes qui commençaient à apparaître sous ses yeux parlaient d’elles-mêmes. Après quelques tentatives, elle finit par rayer l’ensemble de ses tentatives ratées et lui promit de le retrouver à leur endroit. Elle lui devait bien ça. Il ne devait pas s’inquiéter pour elle après tout. Contrairement à d’autres, elle s’en sortait sacrément bien dans toute cette histoire.

Afin d’être sûre de ne pas oublier leur rendez-vous, elle se l’était noté sur un de ses post-its prioritaires. Il était flashis et apparaissait en première position quand elle ouvrait son cahier mémo. Aucune chance pour qu’elle passe à côté. Mais cela ne l’empêchait pour autant pas d’être en retard. La tête toujours ailleurs, elle failli partir en retard de sa salle commune et se hâta de se rendre au troisième étage. Elle le retrouva là, comme prévu, devant leur petit coin qu’ils considéraient comme à eux et leurs séances de lectures et rêveries. Il ne sembla pas la remarquer immédiatement, ce qui lui donna le loisir de l’observer un peu. Il avait l’air … Contrarié. Voir même un petit peu anxieux. C’était des expressions qu’elle n’avait pas l’habitude de voir sur son ami et elle se senti deux fois plus coupable et mal à l’aise. Pour lui indiquer sa présence sans trop l’effrayer, elle se racla la gorge, doucement avant de lâcher un timide « Salut. » Elle qui craignait de le faire sursauter, elle n’avait pas du tout prévu sa réaction et fut surprise de se trouver subitement dans le noir, entourée par les bras de son amis qui la serrait contre lui. Elle n’était pas habituée aux débordements d’affection autre que ceux de sa famille et ce geste était d’autant plus surprenant venant de la part du Gryffon. S’était-il fait autant de sang d’encre que ça ? Lorsqu’il l’écarta de lui aussi vite qu’il l’avait attiré, Lilith était toujours aussi désarçonnée. « Oui. Je … Je suis là. Quel accueil ! » Fit-elle remarquer en essayant de feindre l’amusement pour effacer ce moment de gêne entre eux.

Rapidement, il l’invita à entrer dans cette pièce merveilleuse qui faisait apparaître le décor du choix du premier entrant. Elle apprécia le geste. Il voulait que ce soit elle qui choisisse où ils atterriraient aujourd’hui, sans doute pour l’aider à mieux se changer les idées. « Tu es sûr ? » Elle ne voulait pas s’imposer mais face à son regard lourd de sens, elle comprit que ce serait elle et personne d’autre qui ouvrirait la porte aujourd’hui. « D’accord. Merci. » Murmura-t-elle avant de se tourner vers l’entrée. Elle n’hésita pas longtemps et après avoir fermé les yeux quelques secondes afin de mieux visualiser la photo magique qu’elle regardait régulièrement le soir avant d’aller se coucher, elle poussa la porte. La pièce se métamorphosa instantanément et elle senti tout de suite l’air marin lui chatouiller les narines. Elle fit quelques pas avant d’ouvrir les yeux et le paysage qui se découvrit devant elle était en tout point semblable à celui qu’elle voulait. Une vague de nostalgie l’emporta immédiatement et paradoxalement, elle se sentit aussi bien plus apaisée. C’était la ressemblance parfaite avec la plage de Plymouth, la plage de son enfance dont elle ne se souvenait pas et dont tout ce qu’il lui restait, c’était une photo animée. « C’est beau hein ? » Elle se retourna vers Shayne pour voir ce qu’il pensait de cet endroit avant de reporter son regard sur la houle légère des vagues. Pour elle, dès qu'il y avait la mer ou l'océan qui entrait en jeu, c'était le plus beau paysage qui soit au monde. « Vient, j'ai envie d'aller mettre mes pieds dans l'eau. » Elle lui attrapa soudainement le bras et l'attira à sa suite vers le bord de mer. A quelques mètres de l'eau, elle le lâcha et commença à retirer ses souliers pour pouvoir laisser l'eau chatouiller ses pieds.

L’endroit suffit instantanément à faire disparaître les angoisses et les peurs de Lilith. Elle ne se sentait jamais aussi bien que lorsqu’elle était à proximité d’une plage et de la mer. Le roulis des vagues, la douceur du sable et la vue du grand large lui donnait l’impression que plus rien n’avait d’importance que l’instant présent. Elle se sentait libre. Elle se sentait vivante. Elle oubliait qu’elle était Lilith le poisson rouge et avait l’impression d’être juste normale. Elle ferma les yeux et inspira profondément pour profiter pleinement de l’odeur de l’air marin. La mer lui manquait tellement. Elle ne s’en souvenait malheureusement pas mais elle déplorait qu’ils aient déménagé à Londres. Dans la capitale, il n’y avait pas vraiment de plage. Elle pouvait toujours rendre visite à ses grands-parents mais ce n’était jamais plus qu’un mois par an. Elle voudrait que ce soit un peu plus permanent et s’était fait la promesse que plus tard, quand elle serait indépendante, elle retournerait vivre sur la côte.

Se rappelant l’existence de son ami, elle se retourna vivement vers lui et chercha son approbation sur la beauté du lieu. Il opina. Même si il n’avait pas été de son avis, ça n’aurait rien changé pour Lilith. Elle serait peut-être juste rentrer dans un monologue pour lui faire adhérer à son point de vue. Elle leva les yeux avec amusement lorsqu’il lui fit remarquer que pour elle toutes les plages étaient belles. « Evidemment que toutes les plages sont belles. Pourquoi ne le seraient-elles pas ? » Elle haussa un sourcil sur la suite et l’empêcha de finir sa phrase, bien décidée à l’attirer avec elle jusqu’au bord de la mer. Il n’avait pas l’air très à l’aise mais rien ici n’allait lui faire de mal. Elle le foudroya du regard lorsqu’il la traita de strangulot. « On m’a toujours dit que mon teint verdâtre mettait particulièrement en valeur ma chevelure de feu. » Lui répondit-elle en lui tirant la langue. Sans attendre son reste, elle retira ses chaussures et s’approcha de l’eau. « C’est quoi cette histoire d’Ariel au fait ? » Demanda-t-elle, curieuse de ne pas reconnaître cette référence.

Une première vague vint chatouiller ses orteils. Son sourire radieux revint immédiatement s’installer sur ses lèvres. Avec la deuxième, ses pieds furent immergés. L’eau fraîche était particulièrement revigorante et très vite, elle eut de l’eau jusqu’aux chevilles. Elle jeta un regard derrière elle et vit que Shayne ne la suivait pas et restait prudemment sur le bord de la plage. « Que viendraient faire des sangsues dans la mer ? T’as plus de chances d’en trouver dans le Lac de Poudlard, elles préfèrent l’eau douce. » Elle qui adorait tout ce qui touchait aux animaux et créatures magiques n’avait aucun mal à se souvenir de ce genre de détails. Les mystères de sa mémoire et des trous de gruyère dans son cerveau. Elle observa son ami griffon et remarqua qu’il n’avait vraiment pas l’air d’être dans son élément. « Bah alors, le grand Shayne a peur d’un petit peu d’eau salée ? » Le taquina-t-elle. Dans son euphorie, elle ne put s’empêcher d’aller plus loin dans sa taquinerie. Elle sorti vivement son pied de l’eau et envoya une gerbe d’eau en direction de son ami. Il risquait probablement de la détester mais dans l’immédiat, cela fit rire aux éclats la rouquine. « Tu vois, c’est pas si terrible ? Elle est même pas si froide que ça. » Dit-elle en reprenant son souffle, espérant que cela suffirait à le détendre et à lui faire oublier cette crainte de la mer qu'il pouvait avoir. Au pire, elle ne le forcerai pas à se baigner.