De manière un peu comique, Sidney n’a pas l’air très convaincu par ses paroles. Pourtant Blaze est sincère : pour quelqu’un comme lui qui ne vit que pour l’aventure, celle-ci prend une drôle d’allure, alors clairement il ne compte pas la jeter aux orties sur un caprice ! C’est une occasion bien trop rare d’avoir un autre élève sous sa coupe. Complètement sous sa coupe. Un sentiment de pouvoir qu’il n’a pas souvent connu au cours de sa vie, sauf peut-être quand il s’est entendu une fois prononcer la formule d’un sortilège impardonnable, avec Sasha sur la barque. Sans succès néanmoins, contrairement à cette fois. Et le mieux, c’est qu’il n’a même pas besoin de tenter un imperio pour que Sidney obéisse.

Les réponses de ce-dernier sont lacunaires, on sent qu’il a la gorge nouée et un coup d’œil dans sa direction suffit à constater que le garçon a les larmes aux yeux. Est-ce que c’est si terrible que ça ? Du point de vue de Blaze, clairement pas. Bon, évidement il est dans la position confortable, là, tout de suite, mais franchement son camarade ne voit pas à quel point ce qui se noue entre eux est excitant ? Qui peut se vanter d’expérimenter quelque chose d’équivalent ? Il n’y a bien que les histoires d’amour qui soient aussi bouleversantes, parfois, mais peut-être un peu trop convenues parfois.

Qu’est-ce Sidney a fait à Blaze ? Bonne question. Pas sûre qu’elle se pose en ces termes néanmoins. Le préfet fait la moue, prend quelques secondes pour réfléchir.

- « Franchement, aucune idée. » Quoique. Son regard tombe dans celui de Sidney. « J’ai vu tes coups d’œil. »

Autant dire les choses franchement à présent, ce n’est pas vraiment comme s’il restait beaucoup de barrières entre eux. Il esquisse un sourire.

- « C’était plutôt cool. »

Factuellement vrai, mais Blaze Mansfield ne s’épanchera pas plus sur ce qui le travaille, son besoin de plaire, d’admiration. Ce n’est pas une relation symétrique où chacun se confie à l’autre, certainement pas.
D’un geste un peu plus dynamique il lui frictionne l’épaule, l’air de dire « t’inquiète il y a pas de malaise », puis le repousse un peu de lui.

- « Bon. »

Il tend la main, paume ouverte.

- « Ta chemise. »

D’une manière toujours un peu fascinante, on dirait que Sidney s’étouffe avec chacune de ses paroles : le moindre contact le brûle, toute simple parole que prononce Blaze donne l’impression qu'il vient en fait de lui coller un coup de poing dans le ventre. Un peu fascinant, c’est le mot, oui, le garçon est véritablement au diapason de son tortionnaire, à quelques expériences près, Blaze pourrait presque jouer de la musique avec lui, à voir la manière dont il parvient à susciter chez le jeune homme des réactions quasi millimétrées et prévisibles. C’est littéralement comme avoir une marionnette sous ses doigts.

En fait, c’est presque trop simple. Et en même temps, l’obstination de Sidney à ne pas vouloir retirer ce foutu vêtement a quelque chose d’un peu irritant, du coup. Pour la première fois depuis le début de leur entrevue, Blaze ressent une pointe d’agacement. C’est la seconde fois qu’il demande la chemise, et à ses yeux c’est déjà une de trop. Si encore Sidney exprimait de la résistance, se révoltait, menaçait, d’accord, mais là il se contente de se prostrer un peu plus, dans une sorte d’entre-deux qui ne fait pas avancer les choses.

La main de Blaze n’a pas bougé, paume vers le haut, alors qu’il fixe son camarade d’un regard un peu plus froid que tout à l’heure. S’il doit avoir recours à la force, Blaze verrait clairement ça comme un échec, au point presque de le dégoûter de tout ça, alors qu’il commençait justement à se persuader qu’il a l’ascendant sans difficultés. De fait c’est le cas, mais ce reliquat de résistance misérable est contrariante.

- « Je ne t’oblige à rien. » dit-il laconiquement. « T’es là de ton plein gré, t’as oublié ? »

Est-ce qu’il va falloir le rappeler encore ?

- « Je pensais que c’était clair entre nous ? » Il esquisse un soupire, presque déçu. « Peut-être pas si clair ? Il faut que je formalise le truc ? »

Contre mauvaise fortune, vivacité d’esprit, dans la tête du préfet la machine s’est remise en marche alors que plusieurs idées lui viennent pêle-mêle. Il esquisse un sourire devant de nombreux possibles tandis que la froideur de son regard se dissipe pour laisser de nouveau place à la malice et à la curiosité.

- « Tu sais ce que c’est qu’un elfe de maison, Sidney ? Ceux qui préparent nos repas, tout ça. Ils sont liés à leur maître par leurs vêtements. Si tu leurs en donne un, ils sont libres. »

Il hoche la tête, satisfait de ce petit ton un peu professoral qu’il a trouvé sans difficultés, et de cette analogie qui lui semble tout à fait adaptée à la situation. Blaze ne vient pas d’une grande famille, il n’a jamais eu d’elfe, mais ça pourrait bien lui plaire ! En plus, Sidney fait de la magie sans baguette, c’est un signe, non ?

- « Bin nous on va faire l’inverse, d’accord ? Tu vas me donner ta chemise et tant que je la garde, on est lié. Tu fais ce que je te dis de faire et c’est tout. T’as le droit de protester, de râler, mais à la fin t’obéis, comme un elfe. »

Le regard du préfet cherche celui de Sidney.

- « Tu seras mon elfe. Mon elfe à moi. »

Son ton s’est fait imperceptiblement plus chaleureux, presque comme une confidence, une phrase soufflée à l’oreille, sur l’oreiller. Le genre de ton qu’on utilise pour se murmurer des secrets un peu tendres, un ton qui donne confiance.

La main de Blaze, paume ouverte vers le ciel, se rapproche dans un geste doux et vient se poser sur l’une de celles de son elfe, qu’il a en croix barrées sur son torse. Il glisse ses doigts dans le creux de la sienne, sans exercer aucune pression dessus, comme un encouragement.

- « Promis je prendrai soin de toi. »

Quand il lui rétorque qu’il n’est pas un elfe, la voix de Sidney semble plus empreinte d’incertitude que d’indignation. Blaze ne peut s’empêcher d’y voir une victoire évidente, et la confirmation que sa stratégie fonctionne. Que pas à pas il sème le doute dans l’esprit de son camarade, abat les barrières qui restent dressées, la confiance en soi, l’amour propre, ce genre de choses encombrantes. Pas qu’elles ne comptent pas aux yeux de Blaze, il n’aime pas l’idée de faire de Sidney une espèce de carpette, en fait il espère bien que le garçon sortira plus fort de tout ça. Mais pour le moment, les vieux tabous le gênent, il veut s’en débarrasser pour les reconstruire, à sa manière.

Souffler le chaud et le froid semble avoir un effet dévastateur sur le jeune homme, quoique Blaze n’est pas aveugle, c’est de chaud dont son camarade semble avoir désespérément besoin à cet instant précis, ce qui le pousse à se faire plus doux. Ses gestes ont quelques chose de tendre et son ton est celui de la confidence, du secret murmuré. Alors qu’un bruit étrange qui ressemble à l’écho d’un gémissement semble remonter du fond du thorax de Sidney, celui-ci relâche légèrement les muscles de sa main, laissant Blaze glisser la sienne dans le creux de sa paume.

- « Juré. » dit-il avec sérieux. « Je fais gaffe à… » à mes affaires, aurait-il pu dire. Il sourit. « Aux gens importants. Si tu deviens mon elfe, tu seras hyper importants. »

Ca lui plait bien cette idée, alors qu’il l’improvise en même temps qu’il explique à Sidney son projet. Un elfe de maison, c’est hyper pratique, et le fait que ce soit un autre être humain rend la chose incroyablement stimulante. Mieux encore, Sidney lui parait tellement effacé qu’il a vraiment l’apparence d’une toile vierge, sur laquelle Blaze pourrait moduler, façonner l’adolescent dans une direction nouvelle. Un véritable sujet d’expérimentation – et de jeu – en somme ! Pour un scientifique comme Blaze, c’est vraiment le meilleur scénario possible !

Ses doigts affermissent très légèrement la pression sur la main de Sidney, dans un geste qui se veut plus rassurant que pressant. Blaze lui offre un sourire.

- « On fait ça ? »

A sa question, le garçon ne lui rend qu’un regard, puis hoche la tête. Ce n’est pas trop tôt. A ce jeu tortueux, Blaze est aussi novice que Sidney, au fond, mais il apprend. Il apprend qu’un peu de douceur ouvrira plus de portes que trop de violence, il apprend qu’il faut y aller progressivement, il apprend qu’il faut lâcher un peu de lest parfois pour raffermir sa poigne ensuite. La carotte et le bâton en somme.

Il aurait bien aimé que Sidney lui donne lui-même la chemise, mais il faudra pour le moment se contenter de sa passivité. Normal, le garçon a aboli pas mal de barrières depuis tout à l’heure, on ne peut pas non plus attendre de lui qu’il réagisse déjà au doigt et à l’œil. Ça promet du boulot en tout cas, vu la marge de progression. Dans la tête des Blaze, les projets s’entrechoquent, s’il a réussi à rendre son augurey un peu plus courageux, peut-être peut-il faire de même avec Sidney ? A voir.

Une des mains de Sidney est maintenant posé sur son genou, l’autre toujours dans le creux de la sienne.

- « Bien. »

Alors sans forcer, le préfet va chercher les boutons de la chemise de son camarade, qu’il détache un à un, de haut en bas, avant de la lui faire glisser sur les épaules pour qu’il retire ses bras de ses manches.

Quand finalement Blaze récupère la chemise, il la tient à bout de bras devant eux.

- « Pacte scellé alors ! Merci ! »

Le remerciement est sincère, pour cette aventure qui commence, Blaze est très reconnaissant. Alors comme pour prouver à son camarade qu’il sera fidèle à sa parole, il étend la chemise sur ses genoux et entreprend de la plier avec précautions, comme on leur a appris pour ranger leurs affaires. Puis, lorsqu’elle est bien carrée, il la dépose sur le carrelage à côté.

- « Je la mettrai dans un tiroir à part, pour qu’elle s’abime pas, et je la ferai repasser, ok ? »

Il ne demande pas vraiment l’assentiment de Sidney, mais dans l’esprit du jeune homme, ce-dernier est tout de même partie prenante dans cette affaire. L’idée n’est pas de faire sans lui en tout cas, simplement il est clair que ce n’est pas lui qui a le dernier mot.

Se faisant, la chemise sur le sol, il prend le temps de détailler tranquillement son camarade. Blaze n’est pas attiré par les garçons. Pas physiquement. Mais s’il est désormais propriétaire d’un elfe, il compte bien vérifier un peu la marchandise quand même.

- « Franchement c’était si compliqué ? » demande-t-il amusé. « Comment tu te sens ? »

La question est sincère, de nouveau. Blaze est un expérimentateur, pas un tortionnaire et s’il doit rudoyer un peu Sidney – pour son bien ! – il n’en reste pas moins curieux de savoir comment le garçon ressent les choses, et quelle étrange disposition de caractère le pousse ainsi à s’écraser devant autrui. Ou juste devant Blaze peut-être ?

Il ne faut pas être fin observateur pour percevoir la détresse de Sidney lorsque Blaze lui retire sa chemise. Ses joues sont mouillées, tout dans sa posture dégage le même effet qu’un animal terrorisé, qui chercherait à faire le mort.
L’espace d’un instant, une infime lueur de doute s’infiltre dans l’esprit du préfet. Est-ce qu’il va trop loin ? Est-ce que tout ça est bien raisonnable ? Doute balayé par la jubilation de sa propre puissance et la perspective Ô combien enthousiasmante des prochaines semaines. Beaucoup de possibles sont ouvertes.

Tandis qu’il plie le vêtement, son camarade s’est recroquevillé sur lui-même, dans une vaine tentative de se dissimuler ? Qu’il se rassure, Blaze n’est pas voyeur, ce qui l’intéresse pour le moment c’est la symbolique de cet échange. L’analogie de l’elfe de maison lui plait beaucoup, il est assez fier de l’avoir trouvé et puis, plus littéralement, il vient d’ôter une barrière entre eux.

Son camarade a enfoui son visage dans ses bras, maintenant. Blaze ironise un peu, avant de lui demander comment il se sent. Il aimerait bien pouvoir communiquer, partager sa joie avec Sidney, mais cela aurait sans doute l’effet paradoxal de la dissiper un peu. C’est bel et bien dans la détresse du jeune homme qu’il puise cette débordante vitalité qui l’habite et le pousse.

Un sanglot un peu déchirant parcours le corps du garçon, suivi du spasme de ses muscles. C'est un peu hypnotique à regarder. Il est en train de pleurer, et pourtant, c’est lui qui s’est mis dans cette situation. Enfin… Blaze l’y a poussé, c’est vrai, mais pas forcé. C'est très… bizarre. Il y à la un mystère que le préfet s’enthousiasme déjà à l’idée de percer. Il n’aime rien d’autre que cela : comprendre, comprendre les autres, y compris parfois un peu à leurs dépens.

Dans un cri du cœur qui ressemble plutôt au couinement d’un petit animal, Sidney crache qu’il le déteste. Franchement, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Admiration, détestation, Blaze sait très bien que ces sentiments peuvent aller ensemble, ou en tout cas ne pas être si éloignés. Le jeune homme s’est toujours acclimaté aux deux. Lorsqu’il ne réussit pas à se faire aimer, il se fait haïr. L’inverse est aussi vrai.

Blaze hausse les épaules.

- « T’as le droit, j’imagine. Ce serait un peu mérité. » Il esquisse un sourire. « Mais ça pourrait évoluer. »

Sidney ne bouge plus, assis en position fœtale, le nez contre ses genoux que Blaze devine mouillés par les larmes. Même lui n’est pas un monstre, alors il soupire.

- « Bon, en vrai t’as peut-être assez donné pour aujourd’hui. »

Qu’est-ce qu’il veut ce garçon ? Où est sa blessure ? Pourquoi il se retrouve dans cette situation ? Ces questions fascinent Blaze et en même temps il ne peut pas s’empêcher de les exploiter, c’est presque mécanique, la faiblesse de Sidney le confirme dans sa propre force mais en miroir de ce-dernier il se découvre lui-même : conquérant, pleinement épanoui dans son adolescence glorieuse. Sidney et lui sont deux échos l’un de l’autre, percer son secret, c’est se découvrir soi-même. Il n’est pas question de briser sa victime, mais de la pousser à se révéler.

D’un geste presque hésitant, comme s’il craignait de faire exploser Sidney en morceau, Blaze approche sa main, la pose sur le dos nu du garçon, dans un geste qu’il imagine réconfortant. Il reste là, quelques secondes, comme pour laisser à Sidney le temps de s’acclimater à ce contact.

- « Allez arrête de pleurer. » dit-il d’un ton bas.

Même lui, ça le gêne un peu. Il n’est pas complètement dénué d’empathie non plus. Alors il se relève et imprime un petit mouvement sur le dos de son camarade.

- « Avance un peu. »

Puis il se glisse derrière lui, s’assoit, une jambe de chaque côté du garçon, passe ses bas devant Sidney, les glisse entre ses jambes et son torse pour l’inviter d’un geste doux à se laisser aller en arrière, contre lui, à quitter sa position fœtale, cet posture de stresse et de tension, se détendre, juste un peu, pour une étreinte maladroite.
Il a l’air d’en avoir besoin.

Blaze a beau faire preuve d’un maximum de douceur sur ce coup-là, Sidney réagit avec violence à chacun de ses gestes, au point qu'on dirait que le moindre contact lui brûle la peau. C’en serait presque un peu vexant, comme si le jeune homme se montrait résolument incapable de prendre le moindre recul sur cette situation à laquelle il a lui-même consenti. Est-ce à ce point terrible, une main sur l’épaule ? Un pacte scellé ? Tout ça n’est qu’un jeu de pouvoir, ils ne sont que des ados, ce qui s’est déroulé pendant Blackman était bien pire, ce pauvre Sidney semble incapable de s’en rendre compte.

Blaze se résout donc à devoir prendre les choses en main. Encore une fois. Il commence à avoir l’habitude, d’être entouré de gens pas très dégourdis, en tout cas d’être le plus entreprenant de la bande, surtout à Serdaigle. S’il veut vraiment rendre Sidney plus fort, plus résistant à l’adversité, il va falloir partir de très trèèèès loint… et la première étape c’est que le garçon se calme un peu. Le garder dans un niveau de stress constant, c'est utile pour briser ses défenses, mais maintenant il s’agit de poser les bases pour les reconstruire.

Assis dans le dos de son camarade, il passe ses mains entre ses jambes et son torse pour le ramener contre lui, alors que Sidney est pris de tremblements qui ressemblent presque à des convulsions.

- « Wo du calme ! »

Agaçant cette propension à surréagir tout le temps, en plus il essaye d’être gentil là. Au creux de ses bras, Sidney sanglote comme un gamin, franchement, on ne peut rien en faire dans cet état, il faut qu’il reprenne un peu ses esprits sinon ça va être la crise d’hystérie permanente là.
Blaze a conscience d’avoir un peu brisé le garçon, il n’est pas idiot, au fond c’était son but, mais il n’est pas dans ses objectifs de le laisser ainsi. Casser quelque chose pour s’en détourner ensuite, c’est une réflexe de gosse, et lui n’est pas un gosse. Il est un explorateur. Un scientifique. Et aussi un mixe bizarre entre un héros et un génie du mal, il ne sait pas encore trop de quel côté pencher.

- « Je te fais rien, ok. Je veux juste que tu te calmes, on a l’impression que tu vas tomber dans les pommes là. »

A nouveau il soupire, moins d’agacement que d’un peu de lassitude, comme s’il devait encore et encore expliquer les mêmes choses à un gamin paumé. C’est un peu le cas, en fait.

- « On est lié, tu m’as filé ta chemise, c’est un pacte. Je t’ai dit, mon but c’est pas de te mener la vie dure, t’es mon elfe maintenant donc je te protège et là, faut que tu te calmes. »

Il rit doucement, gentiment.

- « Alors respire profondément, chiale un coup si ça te fait du bien, et quand tu te sens prêt, je te laisse filer, d’accord ? Mais là si je te lâche dans la nature ça se voit que tu vas vomir ou tourner de l’œil sérieux. »

Pour parler honnêtement, Blaze n’avait pas une idée très précise de ce qu’il était en train de faire. Mais il avait toujours préféré improviser, dans la vie, suivant son instinct et ses désirs, se fiant plus à son intelligence et son talent qu’à un véritable plan bien ficelé qui aurait demandé trop de travail en amont et risqué de le frustrer s’il lui prenait soudain l’envie de dévier des rails qu’il s’était fixé.

Le cas de Sidney ne faisait pas exception à la règle, à ceci près que la situation provoquait chez Blaze des émotions sacrément fortes qui étaient de nature – il le savait – à l’emmener vers des directions un peu extrêmes. Extrême, c’était peu dire. Blaze n’était pas un idiot complet et alors qu’au creux de ses bras son camarade se calmait lentement, il avait le temps de faire le bilan froid de la situation. Il venait de jouer sur les faiblesses d’un autre élève pour le soumettre à sa volonté « en faire son elfe » c’était ses mots, et si ce-dernier n’avait pas formellement refusé, ne s’était pas enfui horrifié et semblait même – chose étrange – avoir donné son accord pour tout ça, n’empêche que la situation était étrange.

Une étrangeté pas suffisante pour souffler cet enivrant sentiment de puissance qui habitait le préfet, qui l’avait habité à la seconde où il avait pénétré dans la pièce, et n’avait depuis cessé de croitre jusqu’à cette excitation paroxystique quand Sidney avait silencieusement accepté de lui donner sa chemise, ultime gage de loyauté – ou de soumission.

A présent qu’il le tenait contre lui, Blaze sentait bien à quoi il avait affaire. Une petite chose apeurée, perdue, blessée peut-être, qui ne devait pas plus savoir que lui ce qui était en train de se passer. Alors bizarrement, Blaze avait senti de la compassion, comme on en ressentirait pour un animal qui souffre et incapable de se soigner par lui-même. C’était de ça dont il s’agissait, n’est-ce pas ? S’il relâchait Sidney maintenant, il resterait pour des années encore cette espèce de loque incapable de se défendre, de se prendre en main. Ce n’était pas lui rendre service, alors il maintint sa prise.

Son camarade avait posé ses mains sur les siennes et petit à petit cessé d’être parcouru de sanglots. Adossé à Blaze, ce-dernier avait même pu le sentir se détendre un peu, soupirer de fatigue. Le temps passe et le préfet ne s’ennuie pas. Il se sent tout entier dévoué à sa mission : calmer son elfe, lui redonner confiance. Ses mots ne sont pas du vent : Blaze compte prendre soin de lui, lui apprendre à résister un peu à ce monde, sous Blackman, Sidney n’aurait pas tenu trois jours, c’est certain, et Blackman arrive, Blaze en est persuadé.

Alors que les minutes se diluent dans le silence de l’eau qui coule, Sidney prend presque son camarade par surprise en tournant sa tête vers lui. Blaze s’attendait presque à devoir de nouveau prendre l’initiative de mettre un terme à tout ça. Heureuse surprise.

Sidney rougit un peu quand il s’excuse. Grand prince, Blaze lui répond d’un sourire qu’il veut rassurant.

- « T’inquiète. C’est normal d’être sur les nerfs. »

La confiance de Sidney, il ne la gagnera pas en un jour. Surtout qu’il compte bien continuer à souffler le chaud et le froid, c’est tellement amusant ! Mais pour le moment, il faut que le jeune homme puisse rentrer à son dortoir sans que son premier réflexe soit d’aller dès demain tout balancer à la direction. Quoique, si on y regard bien, Blaze n’a rien fait de mal. Il n’a pas frappé son camarade, ne lui a pas lancé de sortilège, et tout ce qu’a fait ce-dernier était de sa propre volonté.

Le sourire se prolonge à cette pensée, mais il la garde pour lui. Non, absolument rien fait de mal.

- « Ça va mieux ? Je te relâche ? » demande-t-il en riant presque.

Ce faisant, il ouvre effectivement les bras, comme on ouvrirait la porte d’une cage à oiseau. Mais les chats aiment bien donner un peu d’avance à leurs proies.
Une pensée suffit et à quelques mètres d’eux se matérialise un portant plein de chemises blanches, identiques à celles que portent les étudiants de Poudlard.

- « On va pas te laisser rentrer à Serdaigle comme ça, rhabille toi. » d’un geste il désigne l’autre chemise, pliée sur le sol près de la baignoire. « Mais je garde celle-ci. »