Je ne comprends pas bien ce que j’ai fait pour mériter d’être grade or. Soyons honnête, ma contribution à l’école ce mois-ci ayant été de faire de mon mieux en cours et pour animer le bal d’hiver… Je doute que le rock et le fait de travailler suffise à avoir accès à cette tour. J’imagine que je suis censée me sentir privilégiée, appartenir à la grande famille des sang-purs, tout ça tout ça. Je trouve ça profondément injuste et incompréhensible. Mais puisque j’ai le passe-droit autant profiter de l’occasion pour voir ce dont il s’agit…

Oui, la curiosité est un vilain défaut, oui je suis faible, oui où son mes beaux principes. J’ai largement le temps d’y penser en grimpant tout là haut, je vous le dit ! Mais lorsque je pousse la porte, j’oublie quelques instants. C’est assez indécent, tout cet espace juste pour nous, des canapés, des salles de travail. Je reprends mon souffle en observant le décor.

J’entends un léger pop et un elfe apparaît « Mademoiselle Meadhbh a-t-elle besoin d’un rafraîchissement après cette difficile ascension ? ». Je sursaute. Bon sang, les elfes ont un détecteur ou quoi ? « Limsy ne voulez pas vous effrayer, pardon mademoiselle. » Je fais un vague geste de la main. « Ça ira Limsy, par contre, c’est Reid mon nom de famille. Mais vous pouvez m’appeler Roxy. Je n’ai besoin de rien. »dis-je avec un sourire. J’ai envie de dire que je ne suis pas une assistée mais on va éviter d’être impolie tout de suite maintenant. D’autant que je suis quand même contente que les elfes s’occupent de la lessive, soyons honnête cinq minutes. Alors autant ne pas blesser cette brave elfe. D’ailleurs, elle ne demande pas son reste, acquiesce et repart comme elle est venue. Je franchis le hall et atterrit dans une sorte de salon avec de nombreux canapés.

Je m’installe confortablement sur l’un pourtant incapable de me détendre tout à fait. Quelque chose m’échappe. C’est cosy mais… quel est le but ? Chez pouffy aussi après tout. Je regarde attentivement…et bordel de merde de dragon. Y’a pas de portraits ici ? Ni de statues ! Je me lève et fait une petite danse de la joie. Quel dommage que je n’ai personne avec qui partager ma joie dans l’instant !

Alors que je fais quelques pas de danse ridicule, j'entends du bruit sur le pas de porte et me ressaisi… je n'aimerai pas me retrouver nez à nez avec Finnbjörn en pleine session de head banging. Je suis quasi certaine qu'il penserait que je présente un dysfonctionnement.

Heureusement il ne s'agit pas de lui. Ni d'un membre de la brigade d'ailleurs. Non, c'est le préfet des serpentards. Qui me salue avec une platitude qui n'a rien à envier à un cours d'histoire de la magie. J'ai tendance à oublier qu'il ne faut jamais avoir l'air enjoué ou aimable quand on a un pedigree comme le nôtre. Être au-dessus de la plèbe, c'est ne pas avoir la faiblesse de… quoi au juste? Je me perds dans mes pensées au pop de l' elfe de maison, je lui adresse un sourire poli alors qu'il est de nouveau congédié. Au moins Caleb n'est pas du genre à demander quelque chose juste pour le plaisir d'avoir l'ascendant sur quelqu'un.

Alors je lui pardonne son manque de jovialité. D'ailleurs c'est peut-être Maxwell qui lui a piqué son content ? Ils sont si différents que j'ai du mal à imaginer comment ces deux-là peuvent être fourrés toujours ensemble. A moins que derrière cette roideur se cache une autre réalité… un éclat de curiosité passe dans mes yeux. Après tout, j'ai été agréablement surprise de notre petite session déco avec Carla ! D'ailleurs il a quel âge ? J'ai l'impression qu'il était déjà "grand" il y a deux ans. Bref.

"Salut Caleb !" dis-je avec un sourire. "Non, du tout. C'est la première fois que je viens alors j'admire la sobriété de la décoration." en vrai… c'est comme le salon de grand-mère : assez ostentatoire. Mais l'essentiel est absent. Est-ce qu'il a remarqué ou est ce qu'il s'en moque ? A moins qu'il soit grade or depuis suffisamment longtemps pour ne plus s'en extasier. "Tu viens souvent ?" Je vois son livre… oh. Du coup, j'imagine que c'est moi qui dérange. Oops… tampis? "Est-ce que ça vaut plus le coup que les quartiers des préfets ?" Je demande amusée. Son livre attendra bien un peu.

@Caleb P. Avery

Je ne connais pas bien Caleb, il me semble très sur la réserve : évidemment. Nous savons tous les deux ce que coûte un faux pas. On le paye cher et pendant longtemps. J’imagine la tête que ma Grand-mère ferait si je lâchais un petit commentaire distrait sur le fait que je me suis fait jarter de la famille parce que je ne suis pas assez sage. Ça en dirait autant sur elle que sur moi finalement. Son incapacité à me brider et son manque de cœur à la fois. Je me demande ce qui lui fait penser que ses menaces suffiront à me faire taire. Peut-être croit-elle que je tiens tant à elle, à sa vision de notre famille que je courberai l’échine ? Je crois que plus le temps avance, moins c’est cela qui me retient. Je crois que je me sens juste humiliée d’avoir cru qu’on s’aimait et qu’on avait du respect les uns pour les autres. Et… quelque part, j’ai aussi peur qu’en faisant le faux pas de trop, ma mère choisisse la sienne une deuxième fois plutôt que moi. Alors moi aussi, je resterai sur la réserve.
Mais seulement un peu, parce que je suis une incorrigible bavarde. Et qu’il n’y a qu’en se mouillant un peu qu’on finit par connaître les gens et savoir ce qui est un faux pas et ce qui est acceptable.

« Merveilleux, un baptême conjoint : quels chanceux nous sommes. » dis-je avec un sourire légèrement ironique. Même si je suis un peu déçue de ne pas en apprendre plus sur le quartier des préfets. Il faut laisser la glace fondre je suppose. Je n’ai peut être pas choisi les bonnes questions pour dégainer le chalumeau.

Mais visiblement, Caleb semble prêt à renoncer à sa lecture. Et pose la question qui tue, à laquelle je réponds néanmoins de bonne grâce : « J’imagine que ça ne te surprendra pas si je te dis que ces petits allers-retours ne sont pas réellement de mon fait ? Grand-mère Meadhbh a décidé que c’était mieux pour moi d’étudier hors de Poudlard avec mes parents, de voir le monde ce genre de chose. » Qu’est-ce que j’ai pu être naïve. « Et puis mes professeurs ont trouvé que finalement, ce serait peut-être bien que j’aie mes ASPICs à Poudlard, pour diversifier l’enseignement et avoir la garantie qu’ils me prennent en apprentissage après… alors retour à la case départ, ça m’aurait au moins permis de voir quelqu’un contredire ma grand-mère, c’est toujours ça de pris. » Je hausse les épaules : « sous réserve d’un nouvel épisode bien entendu. » Ceci dit, je n'ai absolument pas envie de subir un énième caprice des adultes. Le prochain chapitre, c'est moi qui décide. Tampis pour le reste.

Je lui fais également part de mon étonnement : « Je suis d’ailleurs assez surprise de trouver encore là, en septième année c’est ça ? » dans mon souvenir, il était bon élève je crois. Je n’ose pas demander s’il a eu des problèmes c’est un peu tôt dans la discussion pour ça. Mais je me demande ce qu’il y a bien pu se passer.

Je m'affale nonchalamment dans le canapé en observant la décoration guindée sans fausses notes et je lui demande, dans l'espoir d'y voir plus clair pour moi-même : «Tu sais ce qui t'as valu le droit d'accéder au carré VIP?»

Ce qu’il y a de bien quand on discute avec d’autres Sang-Purs de grandes familles, c’est qu’il y a toujours un socle commun. Il est toujours plus important de paraître que d’être, la famille est placée au-dessus des individus comme une chape de plomb ou une armure luxuriante selon la façon dont on vit les choses… Mais dans tous les cas, personne ne s’offusque d’entendre : ce sont mes parents qui décident pour moi. C’est la routine, presque normal. Ou en tout cas, même si l’on trouve ça profondément injuste, on n’ira sûrement pas critiquer ouvertement nos aînés. Pas avec le premier venu en tout cas. ça a au moins le mérite d’éviter d’avoir à trouver des excuses parfois.

Caleb n’est effectivement pas surpris. Oui, je suis ballotée de part et d'autre sans avoir mon mot à dire. Est-ce que ça me convient? Est-ce que j’ai vraiment le choix? On m’a arraché à mes amis, et même si Poudlard était loin d’être parfait, j’avais une deuxième famille ici. J’appartenais à quelque chose, je pouvais être moi-même, et pas dans la famille trop de fille je demande Roxy fille d’Evie Meadhbh Reid, petite fille d’Ethyl Meadhbh. Et l’espace d’un instant, je suis redevenue Roxy, un pion dans le jeu que l’on déplace à son gré pour le bien de tous. Le tout enrobé de mensonge : il n’a jamais été question de me protéger moi. Mais j’ai fait ce qu’on m’a dit pour le bien de tous, j’ai profité d’enseignements formidables, bien plus stimulant que ce que Poudlard aurait pu m’offrir. La solitude m’a blessé, j’ai fait des choix discutables avant de m'absorber dans le travail. J’avais renoncé à ma famille de cœur, lorsque mes professeurs ont demandé à ce que je retourne à Poudlard. Je ne sais pas vraiment si c’est parce qu’ils ont senti le vent de la dépression souffler sur ma tête ou si réellement, ils pensent que construire mon réseau via Poudlard est une riche idée, mais cela m’aura permis d’apprendre la vérité sur cette parenthèse. Et sur ce qui est important pour la famille. Maintenant, je retourne à Poudlard. Et le monde a tourné sans moi, mes amis sont partis, ou me parlent comme à une étrangère, s’ils me parlent. Alors, j’étudie et j’avance sur mes projets. “J’en prends mon parti. J’ai travaillé très différemment de ce qu’on peut faire ici. Et le rythme de Poudlard est plus tranquille. ” dis-je d’un ton égal. J’échappe au moins à ma famille à défaut d’échapper à toute forme de surveillance. “En ce qui concerne les cours, pour le reste : j'ai probablement loupé 25 chapitres dans la vie des élèves.”

Je hoche la tête. Je peux comprendre. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de juste milieu entre ceux qui n’attendent que de s’en échapper et ceux qui ne veulent pas affronter le monde en dehors. “Il va falloir que tu essaies de décrocher un poste de professeur pour les années suivantes. Vol, ça me paraît la bonne planque.” dis-je en plaisantant. Je doute qu’il cherche à redoubler éternellement. Je doute également que pour un Avery, professeur à Poudlard soit un avenir enviable, mais pour quelques instants, ça ne fait pas de mal d’en rire je crois. Maintenant que je suis plus ou moins exclue de la famille, je dois dire que j’ai assez hâte de quitter le château qui me paraît froid, d’autant plus que j’y suis assez seule. J’espère être plus libre une fois majeure. Je comprends de plus en plus pourquoi mes tantes, mon oncle se sont préférentiellement installés dans le pays de leur époux. Grand-Mère peut faire prévaloir son nom, ses idées mais notre volonté s’engouffre dans les fissures. Sauf celle de tante Abigail et de ma mère visiblement.

J’affiche un sourire sarcastique quant à sa réponse : “Sûrement pas grâce à ma belle gueule, mais je peux miser sur ma bonne humeur.” Quant à m’en plaindre, non, certes, mais je ne vais pas m’en vanter non plus. Ce n’est pas comme si je l’avais mérité, et ça ne me convient pas vraiment. “Deux critères très importants à prendre en compte, n’en doutons pas.” Je regarde blasée la déco : “A croire que les artistes et artisans n’ont rien créé depuis trois siècles en termes de déco et de mobilier. On ne sort jamais du salon de nos ancêtres finalement.” dis-je légèrement ironique. Quel manque d’originalité et d’ouverture sur le monde. Bienvenue dans le passé.

Je me perds quelques instants dans mes pensées. J’ai l’impression d’avoir loupé la vie de beaucoup de mes amis, mais en même temps, nombreux sont ceux qui ont suivi le même chemin qui moi, et qui ont quitté Poudlard avant ou en même temps que moi. Ceux qui sont restés n’ont pas forcément maintenu le lien… C’est compliqué. Je ne crois pas que ce soit vraiment mieux d’être dans l’ignorance, cela dresse des barrières entre nous. Mais si je suis honnête, je n’ai raconté à personne mes mésaventures, ni même la rupture avec ma famille maternelle. A cause des barrières peut-être ? Ou parce que c’est plus simple d’être cette Roxy enjouée et de bonne humeur. « Est-ce qu’un jour elles seront bonnes ? » je demande sarcastique. J’ai du mal à imaginer un truc positif arriver ici. Les surprises sont toujours dangereuses. Même quand ça a l’air d’être inoffensif, il faut se méfier.

Visiblement, il n’a pas l’air de tenir à repiquer à tout jamais en tant que professeur à Poudlard. Je peux comprendre, moi j’ai hâte de me barrer d’ici définitivement et de vivre ma vie dans le vrai monde. « Bon, tu me rassures » dis-je avec un sourire. On peut aimer Poudlard et vouloir s’en éloigner un peu quand même. « Tous les week-ends de ta vie à Poudlard ou à Pré-au-Lard. Ça manque de variété.» Tout n’a pas été facile quand j’étudiais avec Levent et Aldonias, mais je pouvais au moins changer d’air régulièrement et voir des choses nouvelles plutôt que d’être enfermée entre quatre murs, à subir toujours le même environnement.

Je hoche la tête, je suppose. Je trouve toujours ce système de garde inutile, et je préférais de loin quand il me suffisait de décider de faire des choses avec mes amis en fonction de nos heures de cours…sans rajouter ces histoires de couvre-feu en supplément. Mais je ne connais pas assez Caleb pour me permettre ce genre de remarques. « On pourrait être au calme, mais avoir le droit à un semblant d’originalité, je n’irais pas jusqu’à demander la modernité, je ne voudrais causer un étouffement chez personne. Créer l’étonnement qui sied à nos grades plutôt que de rester sur des valeurs sûres. » Je quitte ma mine boudeuse pour un ton plus amusé: « J’entends la réponse d’ici sur les vieux pots, les meilleurs confitures et la jeunesse qui ne sait pas ce qui est bon pour elle. » Ce qui est bien, c'est qu'on peut être jeune, et avoir des idées de vieux. J'ignore si Caleb fait partie de la catégorie très conservatrice, mais compte tenu des fêtes qu'il organise avec Maxwell, je prends le risque. Ce n'est pas Finnbjorn non plus.

Je m’étire, me lève, et fait tinter du bout des doigts le métal d’un chandelier imposant. « Est-ce que tu veux que je te laisse profiter du calme environnant ? J’étais juste venue voir quel était ce lieu si mystérieux… » Maintenant que je sais que c’est the place to be pour ne pas avoir un mouchard sur le dos, je suis satisfaite. Mais dans l’immédiat, je n’ai pas grand-chose à fomenter qui nécessite de le faire en cachette. Enfin… Disons que je me contenterai d’espérer ne pas me faire choper comme d’habitude, plutôt que de prendre le risque de me retrouver nez à nez ici avec un Sorensen de toute façon. « Et comme je ne m'attendais pas à ça, je n'ai pas vraiment pris de quoi m'occuper comme il se doit. » Il ne me reste donc que le bavardage...incompatible avec la tranquilité!